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09/12/1993 | CJUE | N°C-13/93

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 9 décembre 1993., Office national de l'emploi contre Madeleine Minne., 09/12/1993, C-13/93


Avis juridique important

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61993C0013

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 9 décembre 1993. - Office national de l'emploi contre Madeleine Minne. - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique. - Directive 76/207/CEE - Travail de nuit des femmes. - Affaire C-13/93.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-00371

Conclusions de l'avocat général
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Avis juridique important

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61993C0013

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 9 décembre 1993. - Office national de l'emploi contre Madeleine Minne. - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique. - Directive 76/207/CEE - Travail de nuit des femmes. - Affaire C-13/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-00371

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La présente procédure nous place à nouveau devant un cas de conflit entre le principe de l' égalité de traitement, énoncé à l' article 5 de la directive 76/207/CEE (1), et les dispositions nationales qui, conformément à ce que prescrit la convention nº 89 de l' OIT du 9 juillet 1948, fixent des limites au travail de nuit des femmes.

2. Les faits. Madame Minne, travailleuse en chômage inscrite à l' office de l' emploi, a déclaré audit office que, pour des raisons d' ordre familial, elle n' était pas disposée à exercer un travail de nuit dans le secteur de son emploi précédent (secteur de l' hôtellerie et de la restauration).

3. L' autorité nationale a estimé, de ce fait, que Mme Minne avait refusé d' accepter un emploi convenable et a donc décidé de l' exclure du bénéfice des allocations de chômage.

4. En justice, Mme Minne a obtenu l' annulation de cette décision. En particulier, le tribunal a relevé que les dispositions nationales pertinentes interdisaient le travail de nuit (de minuit à six heures du matin) des femmes dans le secteur hôtelier et que, partant, on ne pouvait considérer, en l' espèce, que Mme Minne avait refusé un emploi convenable.

5. En appel, le juge a sursis à statuer et a demandé à la Cour si le principe de l' égalité de traitement énoncé à l' article 5 de la directive 76/207/CEE s' opposait à l' application d' une réglementation nationale interdisant, aux seules femmes, d' exercer un travail de nuit dans le secteur concerné.

6. Dans l' ordonnance de renvoi, il souligne :

- que la réglementation belge litigieuse édicte une interdiction générale du travail de nuit tant pour les hommes que pour les femmes,

- que, néanmoins, un régime dérogatoire de portée plus ample et d' une plus grande souplesse a été institué pour les hommes (la détermination des dérogations n' étant pas dévolue à la loi, mais à l' autorité administrative);

- que, en particulier, la réglementation nationale prévoit une interdiction du travail de nuit des femmes dans l' hôtellerie, alors qu' il résulte de dispositions dérogatoires spéciales qu' une telle interdiction ne s' applique pas aux hommes;

- que, selon la jurisprudence de la Cour (voir arrêt du 12 juillet 1984, 184/83, Hoffmann, Rec. p. 3047), pareille disparité de traitement n' est pas justifiée par des exigences objectives liées à la protection de la main d' oeuvre féminine telles que, en particulier, la protection contre les risques d' agression ou l' obligation d' assumer certaines responsabilités familiales spécifiques;

- que, par conséquent, la réglementation nationale comporterait une violation du principe de l' égalité de traitement énoncé à l' article 5 de la directive 76/207/CEE;

- qu' il y a cependant lieu de tenir compte de la circonstance que la réglementation nationale litigieuse a été adoptée pour se conformer aux obligations prévues par diverses conventions internationales, principalement la convention nº 89 de l' OIT du 9 juillet 1948 (convention qui a toutefois été dénoncée par le Royaume de Belgique, mais postérieurement aux faits de la cause).

7. Il se pose donc la question du rapport entre l' article 5 de la directive 76/207/CEE et une réglementation nationale qui limite le travail de nuit des femmes et qui a été adoptée en conformité avec la convention nº 89 précitée de l' OIT. Sur ce point, la Cour s' est exprimée dans le récent arrêt Levy(2) et a confirmé, en substance, qu' en vertu de l' article 234, premier alinéa, du traité, les dispositions du droit communautaire ne peuvent affecter l' exécution des obligations contractées par les
Etats membres à l' égard d' Etats tiers sur la base de conventions internationales conclues avant l' entrée en vigueur du traité CEE.

8. Il est bien vrai, comme la Cour le réaffirme dans cet arrêt, que l' article 5 de la directive 76/207/CEE, qui énonce le principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes est une norme directement applicable; il est également vrai que cette norme s' oppose à l' application d' une réglementation nationale limitant le travail de nuit des femmes sans prévoir de limites analogues pour les travailleurs de sexe masculin. Toutefois, il est tout aussi vrai que, en vertu précisément de l' article
234 du traité, l' obligation du juge national d' assurer le plein respect de l' article 5 de la directive 76/207, en écartant le cas échéant la réglementation nationale contraire à cette disposition, ne s' impose pas lorsque le respect des dispositions nationales en cause est nécessaire, par ailleurs, pour assurer l' exécution des obligations de droit international incombant à l' Etat membre concerné à l' égard d' Etats tiers en vertu d' une convention, telle la convention nº 89 de l' OIT précitée,
conclue antérieurement à l' entrée en vigueur du traité de Rome.

9. Compte tenu de ces considérations, nous proposons à la Cour de répondre au juge a quo dans les termes suivants :

"L' article 5 de la directive 76/207 s' oppose à ce qu' un Etat membre adopte une réglementation limitant le travail de nuit des femmes sans prévoir des limitations analogues pour les hommes aussi. Toutefois, il résulte de l' article 234, premier alinéa, du traité, que l' obligation du juge national d' écarter les dispositions de droit interne contraires audit article 5 de la directive n' existe pas dans le cas où l' application desdites dispositions est nécessaire pour assurer le respect des
obligations internationales incombant à l' Etat membre concerné à l' égard d' Etats tiers en vertu d' une convention, telle que la convention nº 89 de l' OIT, du 9 juillet 1948, conclue antérieurement à l' entrée en vigueur dudit traité".

(*) Langue originale: l' italien.

(1) - Directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l' accès à l' emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40).

(2) - Arrêt du 2 août 1993, affaire C-158/91, non encore publié au Recueil.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-13/93
Date de la décision : 09/12/1993
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique.

Directive 76/207/CEE - Travail de nuit des femmes.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Office national de l'emploi
Défendeurs : Madeleine Minne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:924

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