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27/10/1993 | CJUE | N°C-338/91

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 27 octobre 1993., H. Steenhorst-Neerings contre Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen., 27/10/1993, C-338/91


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Arrêt de la Cour du 27 octobre 1993. - H. Steenhorst-Neerings contre Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen. - Demande de décision préjudicielle: Raad van Beroep 's-Hertogenbosch - Pays-Bas. - Egalité entre hommes et femmes - Sécurité socia

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61991J0338

Arrêt de la Cour du 27 octobre 1993. - H. Steenhorst-Neerings contre Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen. - Demande de décision préjudicielle: Raad van Beroep 's-Hertogenbosch - Pays-Bas. - Egalité entre hommes et femmes - Sécurité sociale - Limitation de l'effet rétroactif d'une demande de prestation - Passage d'une prestation d'incapacité de travail à une prestation de survivant. - Affaire C-338/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-05475

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Directive 79/7 - Article 4, paragraphe 1 - Effet direct - Législation nationale limitant à l' année précédant l' introduction de la demande la prise en charge d' une pension d' incapacité de travail - Admissibilité - Directive non transposée correctement avant l' introduction de la demande - Absence d' incidence

(Directive du Conseil 79/7, art. 4, § 1)

2. Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Directive 79/7 - Article 4, paragraphe 1 - Législation nationale retirant aux seules femmes la prestation d' incapacité de travail lors de l' octroi d' une pension de survie - Application par les juridictions nationales indistinctement aux hommes et aux femmes se trouvant dans la même situation - Admissibilité s' agissant d' assurer l' égalité de traitement non encore introduite dans la législation
nationale

(Directive du Conseil 79/7, art. 4, § 1)

Sommaire

1. Le droit communautaire ne s' oppose pas à l' application d' une règle de droit national, selon laquelle une prestation d' incapacité de travail prend effet au plus tôt un an avant la date d' introduction de la demande, lorsqu' un particulier invoque les droits directement conférés, à partir du 23 décembre 1984, par l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, relative à l' interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe en matière de sécurité sociale et que, à la date d' introduction
de la demande, l' État membre concerné n' a pas encore transposé correctement cette disposition dans son ordre juridique interne.

En effet, une règle nationale limitant l' effet rétroactif des demandes introduites en vue d' obtenir une prestation d' incapacité de travail ne vise pas à porter atteinte au droit des justiciables d' invoquer la directive 79/7 devant une juridiction nationale à l' encontre d' un État membre défaillant, mais obéit, d' une part, aux exigences d' une bonne administration, tenant à la possibilité, notamment, de contrôler si l' intéressé remplissait les conditions du droit à la prestation et de fixer le
taux d' incapacité, au demeurant, variable dans le temps, et, d' autre part, à la nécessité de préserver l' équilibre financier d' un régime dans lequel les demandes présentées par les assurés au cours d' une année doivent, en principe, être couvertes par les cotisations perçues pendant cette même année.

2. Un État membre ne peut maintenir une disposition qui, selon son libellé, opère une discrimination entre femmes et hommes au sens de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7. Si toutefois une telle disposition est, en vertu d' une jurisprudence nationale constante et malgré son libellé, appliquée indistinctement aux femmes et aux hommes se trouvant dans la même situation, rien ne s' oppose à ce que le juge national, dans les litiges pendant devant lui, continue à appliquer cette
disposition dans le cadre d' une telle jurisprudence qui lui permet d' assurer à l' article 4, paragraphe 1, sa pleine efficacité, aussi longtemps que l' État membre n' a pas encore pris les mesures législatives nécessaires à sa mise en vigueur complète.

Dès lors, l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 ne s' oppose pas à l' application par le juge national d' une disposition législative selon laquelle seule une femme se voit retirer sa prestation d' incapacité de travail par suite de l' allocation d' une pension de veuve, lorsque cette disposition est appliquée, en vertu d' une jurisprudence nationale constante, tant aux veuves qu' aux veufs en état d' incapacité de travail.

Parties

Dans l' affaire C-338/91,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Raad van Beroep te 's-Hertogenbosch (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

H. Steenhorst-Neerings

et

Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),

LA COUR,

composée de MM. O. Due, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, M. Díez de Velasco et D. A. O. Edward, présidents de chambre, R. Joliet, G. C. Rodríguez Iglesias, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. M. Darmon

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen, par Me E.H. Pijnacker Hordijk, avocat au barreau d' Amsterdam,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. T.P. Hofstee, secrétaire général remplaçant au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Karen Banks et M. Ben Smulders, membres du service juridique, en qualité d' agents,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales du Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen, du gouvernement néerlandais, représenté par M. T. Heukels, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères en qualité d' agent, et de la Commission, à l' audience du 16 février 1993,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 31 mars 1993,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 17 décembre 1991, parvenue à la Cour le 30 décembre suivant, le Raad van Beroep te 's-Hertogenbosch (Pays-Bas) a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles sur l' interprétation de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24, ci-après "directive
79/7").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant H. Steenhorst-Neerings, ressortissante néerlandaise, au Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen (direction de l' association professionnelle pour le commerce de détail, les artisans et les femmes au foyer).

3 Aux Pays-Bas, l' Algemene Arbeidsongeschiktheidswet (loi portant régime général en matière d' incapacité de travail, ci-après "AAW") donnait droit, aux hommes, ainsi qu' aux femmes non mariées, à l' issue de la première année d' incapacité de travail, à une prestation aussi longtemps que l' intéressé n' avait pas atteint l' âge de 65 ans.

4 La Wet invoering gelijke uitkeringsrechten voor mannen en vrouwen (loi du 20 décembre 1979 instaurant l' égalité entre les hommes et les femmes en matière de droit aux prestations, Stb. 1979, 708) a étendu ce droit aux femmes mariées, à l' exclusion de celles dont l' incapacité de travail était apparue avant le 1er octobre 1975.

5 Par plusieurs arrêts du 5 janvier 1988, le Centrale Raad van Beroep a jugé que, dans la mesure où elle s' appliquait uniquement aux femmes mariées, cette exclusion constituait une discrimination fondée sur le sexe, incompatible avec l' article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 (Recueil des traités, volume 999, p. 171). Il en a déduit que depuis le 1er janvier 1980, date d' entrée en vigueur de la loi du 20 décembre 1979, précitée, les femmes
mariées dont l' incapacité de travail était apparue avant le 1er octobre 1975, avaient également droit à une prestation au titre de l' AAW.

6 En vertu de l' article 25, paragraphe 2, de l' AAW, la prestation d' incapacité de travail prend effet au plus tôt un an avant la date d' introduction de la demande ou de l' octroi d' office de la prestation, sauf dérogation accordée dans des cas particuliers par l' association professionnelle compétente.

7 Par ailleurs, l' article 32, paragraphe 1, initio et sous b), de l' AAW, dispose:

"La prestation en matière d' incapacité de travail est retirée:

(...)

b) lorsqu' une femme, à laquelle elle a été allouée, acquiert le droit à une pension de veuve ou à une prestation temporaire de veuve au titre de l' Algemene Weduwen- en Wezenwet."

8 L' Algemene Weduwen- en Wezenwet (loi portant régime général des veuves et orphelins, ci-après "AWW") donne droit à la veuve d' un assuré, sous certaines conditions, à une pension de veuve tant qu' elle n' a pas atteint l' âge de 65 ans.

9 Mme H. Steenhorst-Neerings, née le 13 août 1925, a perçu depuis 1963 une pension d' invalidité au titre de l' Invaliditeitswet, loi portant régime de l' invalidité, en vigueur à l' époque. A la suite des arrêts susmentionnés du Centrale Raad van Beroep en date du 5 janvier 1988, elle a introduit le 17 mai 1988 une demande de prestation au titre de l' AAW auprès de la Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen (ci-après "Detam").

10 Par décision du 9 novembre 1989, la direction de la Detam a accordé la prestation demandée, sur la base d' une incapacité de travail de 80 à 100 %, avec effet au 17 mai 1987, soit, conformément à l' article 25, paragraphe 2, de l' AAW, un an avant la date d' introduction de la demande. Par la même décision, elle a, en application de l' article 32, paragraphe 1, initio et sous b), de l' AAW, retiré cette prestation avec effet au 1er juillet 1989, au motif que Mme Steenhorst-Neerings percevait
depuis cette date une pension de veuve au titre de l' AWW.

11 Mme Steenhorst-Neerings a formé un recours contre cette décision devant le Raad van Beroep te 's-Hertogenbosch qui, estimant que le litige soulevait des questions relatives à l' interprétation du droit communautaire, a décidé de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour:

"1) Le droit communautaire impose-t-il que les prestations au titre de l' AAW (Algemene Arbeidsongeschiktheidswet) soient octroyées avec effet rétroactif au 23 décembre 1984 (date d' expiration du délai de transposition de la directive 79/7/CEE) aux femmes mariées dont l' incapacité de travail a pris cours avant le 1er octobre 1975, lorsque, pour des raisons qui sont indiquées dans l' ordonnance de renvoi, ces femmes n' ont introduit une demande portant sur une telle prestation qu' après le 5
janvier 1988 (date des arrêts du Centrale Raad van Beroep relatifs à l' égalité de traitement des hommes et des

femmes)?

2) Une disposition de droit national telle que celle inscrite à l' article 32, paragraphe 1, initio et sous b), de l' AAW est-elle compatible avec l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE, si cette disposition nationale est, dans les faits (depuis le 1er décembre 1987 au plus tôt), appliquée tant aux veuves en état d' incapacité de travail qu' aux veufs en état d' incapacité de travail, mais, selon la lettre du texte, concerne uniquement les veuves en état d' incapacité de travail?"

12 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la première question

13 Par sa première question, la juridiction nationale cherche en substance à savoir si le droit communautaire s' oppose à l' application d' une règle de droit national, selon laquelle une prestation d' incapacité de travail prend effet au plus tôt un an avant la date d' introduction de la demande, lorsqu' un particulier invoque les droits directement conférés par l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 à partir du 23 décembre 1984 et que, à la date d' introduction de la demande, l' État
membre concerné n' a pas encore transposé correctement cette disposition dans son ordre juridique interne.

14 Il convient d' observer d' abord que l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 s' oppose à ce qu' un État membre maintienne après le 23 décembre 1984, date d' expiration du délai de transposition de cette directive, des inégalités de traitement dues au fait que les conditions exigées pour la naissance du droit à prestation sont antérieures à cette date (arrêt du 8 mars 1988, Dik e.a., 80/87, Rec. p. 1601) et que cette disposition peut, à défaut de mise en oeuvre de la directive, être
invoquée par un particulier à partir de cette date pour écarter l' application de toute disposition nationale non conforme à la directive (arrêt du 4 décembre 1986, Federatie Nederlandse Vakbeweging, 71/85, Rec. p. 3855).

15 Il y a lieu de rappeler ensuite que le droit que les femmes mariées tirent de l' effet direct de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, de réclamer une prestation d' incapacité de travail dans les mêmes conditions que les hommes, doit être exercé selon les modalités déterminées par la règle nationale, à condition toutefois, ainsi qu' il résulte d' une jurisprudence constante de la Cour, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des réclamations semblables
de nature interne et qu' elles ne soient pas aménagées de manière à rendre en pratique impossible l' exercice des droits reconnus par l' ordre juridique communautaire (voir dans ce sens, notamment, l' arrêt du 25 juillet 1991, Emmott, C-208/90, Rec. p. I-4269, point 16).

16 La règle nationale limitant l' effet rétroactif d' une demande introduite en vue d' obtenir une prestation d' incapacité de travail satisfait aux deux conditions susvisées.

17 La Commission estime toutefois que, selon l' arrêt Emmott (points 21, 22 et 23), c' est seulement à partir du moment où un État membre a transposé correctement les dispositions d' une directive que les délais dans lesquels les justiciables doivent faire valoir leurs droits peuvent leur être opposés et que cette jurisprudence trouve à s' appliquer également au cas d' espèce.

18 Cet argument ne saurait être retenu.

19 Il est vrai que la Cour a jugé dans l' arrêt Emmott, précité, que, aussi longtemps que la directive n' est pas transposée correctement en droit national, les justiciables ne sont pas en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et que, partant, jusqu' au moment de cette transposition, l' État membre défaillant ne peut pas exciper de la tardiveté d' une action judiciaire introduite à son encontre par un particulier en vue de la protection des droits que lui reconnaissent les dispositions de
cette directive, de sorte qu' un délai de recours de droit national ne peut commencer à courir qu' à partir de ce moment. Il n' en demeure pas moins que la situation à l' origine de l' arrêt Emmott se distingue nettement de l' espèce au principal.

20 Dans l' affaire Emmott, la requérante au principal avait réclamé, suite à l' arrêt de la Cour du 24 mars 1987, McDermott et Cotter (286/85, Rec. p. 1453), le droit de se voir appliquer, en vertu de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, à partir du 23 décembre 1984, le même régime de prestation d' invalidité que les hommes se trouvant dans la même situation. Ensuite, les autorités administratives concernées avaient refusé de se prononcer sur cette demande au motif que la directive 79/7
faisait encore l' objet d' un litige devant une juridiction nationale. Enfin, et alors même que la directive 79/7 n' avait pas encore été transposée correctement en droit national, elle s' était vu opposer la forclusion de son action en justice tendant à faire juger que ces autorités auraient dû faire droit à sa demande.

21 Il importe de souligner d' abord que, à la différence de la règle de droit interne fixant le délai de recours, celle visée par la présente question préjudicielle ne porte pas atteinte au droit même des justiciables d' invoquer la directive 79/7 devant une juridiction nationale à l' encontre d' un État membre défaillant. Elle se borne à limiter l' effet rétroactif des demandes introduites en vue d' obtenir la prestation en cause.

22 Il convient d' observer ensuite que la forclusion résultant de l' écoulement des délais de recours correspond à la nécessité d' éviter que la légalité des décisions administratives soit mise en cause indéfiniment. Or, il ressort de l' arrêt Emmott qu' une telle nécessité ne peut prévaloir contre celle de protéger les droits qu' un particulier tire de l' effet direct des dispositions d' une directive, aussi longtemps que l' État défaillant dont émanent ces décisions n' a pas transposé correctement
ces dispositions dans son ordre juridique interne.

23 Quant à la règle limitant l' effet rétroactif des demandes introduites en vue d' obtenir une prestation d' incapacité de travail, celle-ci poursuit un tout autre but qu' une règle imposant un délai péremptoire de recours. En effet, ainsi que l' ont exposé le gouvernement néerlandais et la partie défenderesse au principal dans leurs observations écrites, une telle règle, qui se trouve également dans d' autres lois néerlandaises de sécurité sociale, répond aux exigences d' une bonne administration,
tenant à la possibilité, notamment, de contrôler si l' intéressé remplissait les conditions du droit à la prestation et de fixer le taux d' incapacité, au demeurant variable dans le temps. Elle répond également à la nécessité de préserver l' équilibre financier d' un régime dans lequel les demandes présentées par les assurés au cours d' une année doivent, en principe, être couvertes par les cotisations perçues pendant cette même année.

24 Il y a donc lieu de répondre à la première question que le droit communautaire ne s' oppose pas à l' application d' une règle de droit national, selon laquelle une prestation d' incapacité de travail prend effet au plus tôt un an avant la date d' introduction de la demande, lorsqu' un particulier invoque les droits directement conférés par l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 à partir du 23 décembre 1984 et que, à la date d' introduction de la demande, l' État membre concerné n' a pas
encore transposé correctement cette disposition dans son ordre juridique interne.

Sur la seconde question

25 Selon une jurisprudence constante, s' il n' appartient pas à la Cour, dans le cadre de l' article 177 du traité, de se prononcer sur la compatibilité d' une réglementation nationale avec le droit communautaire, elle est, en revanche, compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d' interprétation relevant de ce droit qui peuvent lui permettre d' apprécier cette compatibilité pour le jugement de l' affaire dont elle est saisie (voir, notamment, l' arrêt du 18 juin 1991,
Piageme, C-369/89, Rec. p. I-2971, point 7).

26 Il y a donc lieu d' entendre la seconde question comme portant en substance sur le point de savoir si l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 s' oppose à l' application par le juge national d' une disposition législative selon laquelle seule une femme se voit retirer sa prestation d' incapacité de travail par suite de l' allocation d' une pension de veuve, lorsque que cette disposition est appliquée, en vertu d' une jurisprudence nationale constante, tant aux veuves qu' aux veufs en état
d' incapacité de travail.

27 Il convient de relever d' abord que le gouvernement néerlandais ainsi que la Detam font observer que la directive 79/7, selon son article 3, paragraphe 2, ne s' applique pas aux dispositions concernant les prestations de survivants et que, dès lors, il y a lieu de s' interroger sur le point de savoir si une disposition réglant le concours d' une prestation d' incapacité de travail avec une prestation de survivant, telle que l' article 32, paragraphe 1, initio et sous b), de l' AAW, relève du
domaine d' application de la directive.

28 A cet égard, il suffit de constater que l' article 32, paragraphe 1, initio et sous b), de l' AAW, concerne le retrait d' une prestation d' incapacité de travail et que la directive 79/7 s' applique à de telles prestations en vertu de son article 3, paragraphe 1, sous a). Cette constatation n' est pas infirmée par la circonstance que le retrait est effectué à la suite de l' octroi d' une prestation ne relevant pas du domaine d' application de la directive 79/7, en l' occurrence une prestation de
survivant.

29 Il y a lieu de rappeler ensuite que l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 interdit toute discrimination fondée sur le sexe, en ce qui concerne notamment les conditions d' accès aux régimes légaux, dont celui de protection contre le risque d' invalidité.

30 En application de cette disposition, les femmes ont le droit de réclamer une prestation d' incapacité de travail dans les mêmes conditions que les hommes.

31 Une disposition nationale privant les femmes du droit de réclamer une prestation que les hommes continuent à percevoir dans la même situation, constitue dès lors une discrimination au sens de la directive 79/7.

32 Il convient de relever enfin qu' il importe, selon une jurisprudence constante, que chaque État membre donne aux directives une exécution qui corresponde pleinement à l' exigence de sécurité juridique et traduise par conséquent les termes des directives dans des dispositions internes ayant un caractère contraignant (voir arrêt du 2 décembre 1986, Commission/Belgique, 239/85, Rec. p. 3645, point 7).

33 Il s' ensuit qu' un État membre ne peut maintenir une disposition qui, selon son libellé, effectue une discrimination entre femmes et hommes au sens de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7.

34 Si toutefois une telle disposition est, en vertu d' une jurisprudence nationale constante et malgré son libellé, appliquée indistinctement aux femmes et aux hommes se trouvant dans la même situation, rien ne s' oppose à ce que le juge national, dans les litiges pendant devant lui, continue à appliquer cette disposition dans le cadre d' une telle jurisprudence qui lui permet d' assurer la pleine efficacité à l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, aussi longtemps que l' État membre n' a
pas encore pris les mesures législatives nécessaires à sa mise en vigueur complète.

35 Il y a dès lors lieu de répondre à la seconde question que l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 ne s' oppose pas à l' application par le juge national d' une disposition législative selon laquelle seule une femme se voit retirer sa prestation d' incapacité de travail par suite de l' allocation d' une pension de veuve, lorsque cette disposition est appliquée, en vertu d' une jurisprudence nationale constante, tant aux veuves qu' aux veufs en état d' incapacité de travail.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

36 Les frais exposés par le gouvernement néerlandais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Raad van Beroep te

' s-Hertogenbosch (Pays-Bas) par ordonnance du 17 décembre 1991, dit pour droit:

1) Le droit communautaire ne s' oppose pas à l' application d' une règle de droit national, selon laquelle une prestation d' incapacité de travail prend effet au plus tôt un an avant la date d' introduction de la demande, lorsqu' un particulier invoque les droits directement conférés par l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité
sociale, à partir du 23 décembre 1984 et que, à la date d' introduction de la demande, l' État membre concerné n' a pas encore transposé correctement cette disposition dans son ordre juridique interne.

2) L' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 ne s' oppose pas à l' application par le juge national d' une disposition législative selon laquelle seule une femme se voit retirer sa prestation d' incapacité de travail par suite de l' allocation d' une pension de veuve, lorsque cette disposition est appliquée, en vertu d' une jurisprudence nationale constante, tant aux veuves qu' aux veufs en état d' incapacité de travail.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-338/91
Date de la décision : 27/10/1993
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Raad van Beroep 's-Hertogenbosch - Pays-Bas.

Egalité entre hommes et femmes - Sécurité sociale - Limitation de l'effet rétroactif d'une demande de prestation - Passage d'une prestation d'incapacité de travail à une prestation de survivant.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : H. Steenhorst-Neerings
Défendeurs : Bestuur van de Bedrijfsvereniging voor Detailhandel, Ambachten en Huisvrouwen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:857

Source

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