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27/10/1993 | CJUE | N°C-135/92

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 27 octobre 1993., Fiskano AB contre Commission des Communautés européennes., 27/10/1993, C-135/92


Avis juridique important

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61992C0135

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 27 octobre 1993. - Fiskano AB contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Accord de pêche CEE-Suède - Lettre de la Commission relative à une infraction imputée à un bateau suédois. - Affaire

C-135/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-02885

Conclusions de l'avo...

Avis juridique important

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61992C0135

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 27 octobre 1993. - Fiskano AB contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Accord de pêche CEE-Suède - Lettre de la Commission relative à une infraction imputée à un bateau suédois. - Affaire C-135/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-02885

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. L' affaire dans laquelle vous êtes aujourd' hui appelés à statuer présente la caractéristique, inédite à notre connaissance, de concerner un recours en annulation introduit par un ressortissant d' un État tiers contre une lettre de la Commission adressée au représentant du royaume de Suède auprès des Communautés européennes. Cette particularité explique à elle seule les deux moyens d' irrecevabilité soulevés par la Commission.

2. Avant de les analyser, il convient de résumer le contexte tant factuel que juridique dans lequel s' insère ce litige, renvoyant, pour plus ample exposé, au rapport d' audience (1).

3. Aux termes d' un accord en date du 21 mars 1977, la Communauté économique européenne et le gouvernement de Suède se sont consentis, sur leurs zones de pêche exclusives, des droits réciproques au profit de leurs navires respectifs (article 1er), limités cependant à des quotas de capture établis annuellement (article 2) et subordonnés, en tant que de besoin, à l' octroi de licences de pêche (article 3).

4. Chaque partie doit faire respecter l' accord par les navires relevant de sa juridiction (article 5, paragraphe 1), étant observé qu' elle peut prendre à l' égard des navires de l' autre partie les mesures nécessaires au respect de ces dispositions (article 5, paragraphe 2).

5. Une procédure de consultation et, éventuellement, d' arbitrage, a été instaurée afin de remédier à tout litige pouvant survenir quant à l' interprétation ou l' application de l' accord (article 7).

6. Celui-ci a été approuvé par règlement du Conseil du 27 juin 1980 auquel il a été annexé (2).

7. Le Conseil a, par règlement du 20 décembre 1990 (3), fixé les conditions que devaient respecter les navires suédois exerçant leur activité de pêche à l' intérieur des eaux communautaires, leur inobservation ayant pour conséquence un retrait de licence de pêche pour une durée maximale de douze mois.

8. Le 10 décembre 1991, le navire de pêche suédois "Lavoen", propriété de la société de droit suédois Fiskano A.B. (ci-après "Fiskano"), a fait l' objet d' un contrôle des autorités néerlandaises (Algemene Inspectie Dienst) à l' issue duquel il est apparu qu' il ne figurait pas sur la liste des navires bénéficiant d' une licence de pêche. Ces autorités en ont averti la Commission qui a confirmé cet état de fait.

9. Celle-ci a donc écrit le 19 février 1992 à l' ambassadeur de Suède auprès des Communautés européennes l' informant que, le Lavoen s' étant "rendu coupable d' activités de pêches illégales, ... [il] ne sera pas pris en considération pour l' octroi d' une nouvelle licence de pêche" (4) pendant une période de douze mois à compter du 15 décembre 1991, ce, sur le fondement de l' article 3, paragraphes 7 et 8, du règlement précité.

10. Copie de cette lettre a été transmise par les autorités suédoises à Fiskano qui, le 30 mars 1992, a transmis à la Commission une réclamation rejetée par lettre du 5 mai 1992.

11. C' est contre la lettre du 19 février 1992 que le présent recours est dirigé.

12. Ainsi que nous l' avons indiqué précédemment, la Commission soulève, selon nous, deux moyens d' irrecevabilité qui n' ont pas été, par elle, distingués. L' un concerne la nature de l' acte attaqué, l' autre la double exigence, chez la requérante, d' être directement et individuellement concernée.

13. Avant d' aborder le premier moyen, rappelons que, en ce qui concerne le critère formel, votre jurisprudence ne s' est jamais attachée à la qualification donnée à l' acte pris par l' institution dont il émane, procédant, au contraire, à son examen afin d' en définir la véritable nature.

14. C' est ainsi que dans l' arrêt Fédération charbonnière de Belgique/Haute Autorité (5), vous avez considéré qu' une lettre devait être qualifiée de décision dès lors que

"La Haute Autorité a déterminé ainsi, de manière non équivoque, l' attitude qu' elle décide dès à présent de prendre au cas où les conditions indiquées sous 2, d) de la lettre se trouveraient réalisées" (6).

15. Rappelons encore, toujours à titre préalable, que la circonstance qu' un accord international soit à l' origine de la lettre n' emporte pas qu' il soit soustrait à votre appréciation et à votre contrôle.

16. Ainsi, vous avez souligné dans l' arrêt Haegeman (7) qu' un accord conclu par le Conseil était:

"... un acte pris par l' une des institutions ... "(8)

en sorte que

"... les dispositions de l' accord forment partie intégrante, à partir de l' entrée en vigueur de celui-ci, de l' ordre juridique communautaire" (9),

soumis, dès lors, à votre compétence quant à son interprétation.

17. Vous avez relevé, en outre, dans votre avis 1/75 (10) que

"La question de savoir si la conclusion d' un accord déterminé relève ou non des compétences de la Communauté et si, le cas échéant, ces compétences ont été exercées de manière conforme aux dispositions du traité étant en principe susceptibles d' être soumises à la Cour de justice, soit directement, au titre de l' article 169 ou de l' article 173 du traité, soit par la procédure préjudicielle, il incombe donc de reconnaître que la Cour peut en être saisie par la procédure préalable de l' article
228" (11).

18. C' est eu égard à ces considérations qu' il convient d' analyser la thèse défendue par la Commission selon laquelle la lettre litigieuse ne saurait faire l' objet d' un recours par la requérante dans la mesure où, adressée à un État tiers, elle se situerait dans le contexte de relations entre deux souverainetés et ne pourrait dès lors la concerner directement et individuellement. S' agissant ainsi d' un rapport interétatique, elle ne saurait être qualifiée de "décision", étant une simple
proposition de sanction émanant de la Commission mais dont l' appréciation dépendrait exclusivement des autorités suédoises.

19. La réfutation de cette argumentation repose sur l' interprétation des dispositions pertinentes de l' accord ainsi que des règlements en vigueur lors de la constatation de l' infraction.

20. Si l' accord prévoit, ainsi que le remarque à juste titre la Commission, en son article 5, paragraphe 1, que chaque partie doit en faire respecter les conditions ainsi que celles des autres réglementations par ses propres navires, il n' en demeure pas moins que ni la Communauté ni le royaume de Suède n' ont entendu renoncer à leurs compétences respectives quant au respect par les navires de l' autre partie de la réglementation applicable.

21. L' article 5, paragraphe 2, dispose en effet que:

"A l' intérieur de la zone de pêche relevant de sa juridiction, chaque partie peut prendre, conformément aux règles du droit international, les mesures qui peuvent être nécessaires pour assurer le respect par les navires de l' autre partie des dispositions du présent accord".

22. Dès lors qu' un navire ne respecte pas de telles obligations, l' une et/ou l' autre partie peut prendre à son encontre une sanction sans pour autant empiéter sur la souveraineté de l' autre partie.

23. Il s' agit, au contraire, du respect du principe bien établi en droit international public de la souveraineté territoriale que constitue, en l' espèce, la zone exclusive de pêche, conception reconnue, en ces termes, par la Cour permanente de justice internationale dans le célèbre arrêt Lotus du 7 septembre 1927 (12):

"... la limitation primordiale qu' impose le droit international à l' État est celle d' exclure - sauf l' existence d' une règle permissive contraire - tout exercice de sa puissance sur le territoire d' un autre État" (13).

24. Or, aucune partie n' a entendu abdiquer sa propre compétence à l' intérieur de ses limites territoriales.

25. C' est précisément cette conception que reprend le règlement (CEE) n 3929/90 dont l' article 3, paragraphe 8, habilite la Commission, pour le compte de la Communauté, à refuser la délivrance d' une licence aux navires suédois qui enfreignent le règlement, sans préjudice de la possibilité prévue à l' article 4, deuxième alinéa, de

"... soumet[tre] à la Suède, de la part de la Communauté, le nom et les caractéristiques des navires qui ne sont pas autorisés à pêcher dans la zone de pêche de la Communauté, durant le(s) mois suivant(s), du fait d' une infraction aux règles communautaires".

26. Ainsi, le règlement, conformément d' ailleurs à l' accord, autorise la Commission soit à supprimer ou refuser une licence de pêche à un navire qui aurait enfreint une des dispositions, soit à simplement proposer cette sanction à la Suède.

27. Cependant, dans le cadre de l' accord, n' appartenait-il pas éventuellement au royaume de Suède de contester la "décision" dès lors qu' une procédure de consultation et d' arbitrage est prévue "en cas de litige concernant l' interprétation ou l' application du présent accord" (14)?

28. La Commission admet que cette disposition n' a pas pour objet de "s' appliquer à la gestion quotidienne de l' accord" (15).

29. Nous partageons cette analyse.

30. Il faut, à cet égard, rappeler ici votre arrêt Adams/Commission (16), rendu à propos d' une affaire dans laquelle le requérant, condamné en Suisse pour avoir divulgué à la Commission des informations confidentielles relatives à des pratiques anti-concurrentielles de la société Hoffmann-La Roche, reprochait à la Commission de ne pas avoir saisi le comité mixte institué dans le cadre de l' accord de libre-échange entre la Communauté et la Suisse.

31. Vous aviez relevé

"... qu' une décision de saisir ou de ne pas saisir le comité mixte de cette affaire ne peut être prise qu' en vue des seuls intérêts généraux de la Communauté, à la suite d' une appréciation essentiellement politique qu' un particulier ne peut pas attaquer en justice" (17).

32. De la même manière, la procédure visée à l' article 7 n' a pas pour objet d' appréhender les conséquences d' une décision individuelle mais exclusivement de régler les éventuels conflits pouvant naître directement entre les parties, relatifs notamment à la conservation des ressources de pêche (méthodes de capture) ou aux zones protégées.

33. La Communauté étant habilitée à interdire la prise en considération du Lavoen quant à l' octroi d' une licence, il convient, dès lors, d' examiner d' une part si la lettre constitue, en l' espèce, une décision au sens de l' article 173, deuxième alinéa, et d' autre part si, bien qu' adressée au royaume de Suède, elle concernait directement et individuellement la requérante.

34. Tant dans ses écritures que lors de la procédure orale, la Commission a soutenu que la lettre ne pouvait être interprétée comme interdisant l' octroi d' une licence, mais seulement comme proposant ce refus, en sorte qu' elle ne saurait être considérée

"... comme un acte émanant de l' organe compétent, destiné à produire des effets juridiques, constituant le terme ultime de la procédure interne audit organe et par lequel celui-ci statue définitivement, dans une forme permettant d' en identifier la nature" (18).

35. Cependant, force est de constater que les termes mêmes de la lettre n' accordent aucun pouvoir discrétionnaire aux autorités suédoises mais l' informent purement et simplement de la suspension de l' octroi de licence au Lavoen pendant douze mois. Il s' agit donc, comme le démontre au demeurant la référence expresse figurant dans la lettre elle-même, d' un acte pris par application des paragraphes 7 et 8 de l' article 3, et non d' une proposition présentée en vertu de l' article 4, deuxième
alinéa.

36. C' est d' ailleurs ainsi que le gouvernement suédois semble avoir analysé cette lettre, s' étant contenté d' en adresser copie à la requérante.

37. S' agissant d' une décision, la requérante peut-elle se considérer comme directement et individuellement concernée?

38. Selon la Commission, avant même l' envoi de la lettre litigieuse, les autorités suédoises avaient déjà décidé que le Lavoen ne pourrait bénéficier d' une licence de pêche pour l' année 1992, dès lors qu' il n' apparaît pas sur la liste de base annuelle, adressée le 17 janvier 1992, des navires battant pavillon suédois pour lesquels les autorités avaient sollicité une licence pour l' année considérée.

39. Ce serait donc le refus des autorités suédoises d' inscrire le navire sur la liste annuelle qui ferait grief à la requérante et non la décision de la Commission, en sorte qu' elle ne serait pas directement concernée par l' acte dont elle poursuit l' annulation.

40. Rappelons, à cet égard, que votre jurisprudence subordonne la recevabilité d' un tel recours à l' intérêt du requérant à obtenir l' annulation de l' acte attaqué (19).

41. Il appartenait donc à la Commission de démontrer que la liste annuelle a un caractère définitif faisant totalement obstacle à ce qu' un navire non inscrit à l' origine puisse bénéficier ultérieurement d' une ou plusieurs licences mensuelles. Les simples affirmations de la Commission sur ce point ne se trouvent confortées ni par l' accord ni par le règlement.

42. En outre, le compte rendu des conclusions signé entre la Communauté et la délégation suédoise (20), destiné à régir les licences de l' année 1991, dispose que "les demandes de modification des listes de base peuvent être présentées à tout moment et sont traitées dans les plus brefs délais" (point 2, paragraphe 2, dernière phrase). Nous avons également constaté à cet égard que sur la liste du mois de décembre 1991 apparaît, pour la première fois, pour la zone IV, le navire GG 229 "Bristol" qui ne
figure pas sur la liste de l' année 1991 (21).

43. Enfin l' intitulé même de la liste de base ne permet pas d' affirmer qu' elle soit immuable, étant ainsi rédigé:

"The bas lists of swedish vessels intending to fish in Community waters in 1992" (22),

alors même que la liste mensuelle comporte une demande formelle de licence ("swedish vessels applying for permission ...") (23).

44. Il s' ensuit que la lettre litigieuse a pu faire grief à la requérante, en la privant, à tout le moins, de la perte d' une chance d' être inscrite.

45. Les autorités suédoises n' ayant aucun pouvoir discrétionnaire quant à la décision prise par la Commission, la requérante était directement concernée.

46. Quant à la notion d' "individuellement concerné", vous l' avez définie en ces termes dans l' arrêt Plaumann (24):

"... les sujets autres que les destinataires d' une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d' une manière analogue à celle du destinataire" (25).

47. Il suffira de constater que la décision concerne le Lavoen à l' exclusion de tout autre navire.

48. Nous vous proposons, en conséquence, de rejeter l' exception d' irrecevabilité.

49. Au stade de la réplique, la requérante a soulevé une exception d' illégalité au motif que le Conseil n' aurait pas eu compétence pour adopter le règlement (CEE) n 3929/90 en tant qu' il impose une sanction et qu' il aurait violé le traité en déléguant à la Commission le pouvoir de la prononcer.

50. La Commission conclut à son rejet sur le fondement de l' article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, lequel interdit la production de moyens nouveaux en cours de procédure, à moins qu' ils "ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure".

51. Lors de la procédure orale, la requérante a invoqué l' erreur de référence dans la lettre litigieuse l' ayant empêchée de soulever, dès l' origine, l' exception au stade du recours.

52. Cette argumentation ne saurait convaincre.

53. Certes, l' interdiction d' octroi d' une licence de pêche est fondée, dans la lettre litigieuse, sur le règlement (CEE) n 3939/90 et non sur celui n 3929/90.

54. Cette erreur de numérotation ne saurait cependant être considérée comme ayant empêché la requérante de soulever, dès l' origine, l' exception d' illégalité, d' autant que l' exacte référence à la date et au numéro de publication au Journal officiel des Communautés européennes suffisait à permettre à un opérateur économique normalement diligent de prendre connaissance de la teneur de ce règlement.

55. Au surplus, il est renvoyé dans cette lettre au règlement postérieur n 3885/91 (JO L 367, du 31 décembre 1991) qui est pratiquement identique au précédent, exception faite, d' une part de l' année d' application, d' autre part des quotas attribués. La faculté de prononcer une interdiction au titre de l' article 3, paragraphes 7 et 8, est restée inchangée quant à ses termes. Fiskano se réfère d' ailleurs à ce dernier règlement dans son recours sans soulever à son égard une quelconque exception d'
illégalité.

56. Il y a lieu, en conséquence, de déclarer irrecevable l' exception d' illégalité.

57. Venons-en au fond.

58. La requérante invoque une violation, par la Commission, des droits de la défense et du principe de proportionnalité ainsi que l' absence de motivation de la décision querellée.

59. Mais avant de les examiner, il convient de rappeler que, dans le cadre de l' accord, chacune des parties dispose de compétences distinctes. Le royaume de Suède établit de manière discrétionnaire la liste des navires pour lesquels il demande l' octroi de licences permettant de pêcher dans les eaux communautaires, licences que la Commission délivrera, sans avoir pour autant un droit de regard sur les navires proposés, dès lors qu' ils ne font pas l' objet, par elle, d' une interdiction pour
violation de l' accord ou des règlements.

60. Ainsi que l' indique à juste titre la Commission, il ne lui appartient pas de vérifier la manière dont le royaume de Suède répartit ces licences, ce qui relève de sa souveraineté, en sorte qu' elle n' a pas à connaître les motifs ayant conduit cet État à présenter, pour l' octroi d' une licence mensuelle, tel navire plutôt que tel autre.

61. Il n' en va pas de même, cependant, s' agissant des décisions émanant de la Commission elle-même.

62. Il résulte, en effet, de votre jurisprudence que

"... toute administration lorsqu' elle prend une mesure de nature à léser gravement des intérêts individuels est tenue de mettre l' intéressé à même de faire connaître son point de vue" (26)

et que

"... le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l' encontre d' une personne et susceptible d' aboutir à un acte lui faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré, même en l' absence d' une réglementation spécifique" (27).

63. Un principe aussi général, affirmé notamment dans l' arrêt Hoffmann-La Roche (28), ne saurait voir sa portée varier en fonction de la nature de la décision soumise à votre appréciation dans la mesure où il s' agit d' un standard minimum ne pouvant, dès lors, être divisé en fonction de la spécificité de la procédure instruite.

64. La Commission ne conteste pas ne pas avoir entendu la requérante avant l' adoption de la décision litigieuse, justifiant cette "omission" par le caractère international de l' accord conclu entre le royaume de Suède et la Communauté.

65. Pareil argument a déjà été analysé dans le cadre de l' examen d' irrecevabilité. Nous nous contenterons, dès lors, de répéter que, s' agissant d' un acte d' une institution communautaire, destiné à produire des effets juridiques à l' égard de la requérante, toutes les garanties, notamment processuelles, devaient être respectées.

66. Tel n' a pas été le cas, en l' espèce, Fiskano n' ayant pas été en mesure, avant l' adoption de la décision litigieuse, de s' exprimer quant aux griefs reprochés.

67. Cependant, nous ne vous inviterons pas à annuler cette décision en vous fondant sur ce grief car,

"Pour qu' une telle violation des droits de la défense entraîne une annulation, il faut cependant que, en l' absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent" (29).

68. Sans exiger de Fiskano la preuve qu' elle détenait une licence lors de la constatation de l' infraction, on aurait pu prendre en considération une attestation des autorités suédoises compétentes quant à l' attribution d' une licence pour le mois considéré.

69. Fiskano n' a pas produit un tel document, se bornant à prétendre que, ayant été autorisée à pêcher dans les eaux communautaires au début de l' année 1990, la Commission avait une "obligation toute particulière de recueillir scrupuleusement toutes informations" (30).

70. On ne peut se satisfaire d' un tel argument, dès lors que la requérante ne fait état d' aucun motif qui, s' il avait été connu, aurait pu conduire la Commission à prendre une autre décision.

71. Nous vous proposons, en conséquence, de rejeter ce moyen.

72. S' agissant du principe de proportionnalité, votre jurisprudence exige que la sanction du non-respect d' une obligation communautaire ne dépasse pas

"... les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché" (31).

73. Il y a donc lieu de déterminer si l' infraction commise pouvait être légitimement sanctionnée par une interdiction d' obtenir une licence de pêche pendant un an.

74. Le règlement (CEE) n 3929/90 impose diverses obligations aux navires suédois pêchant dans les eaux communautaires: détention d' un journal de bord (32), obligation de transmettre certaines informations à la Commission (33), ... détention d' une licence de pêche (34).

75. Le non-respect d' une de ces obligations entraîne le retrait ou l' interdiction d' octroi d' une licence "pour une période maximale de douze mois" (35).

76. L' infraction commise étant la plus grave au regard des prescriptions réglementaires, c' est sans violation du principe de proportionnalité que la Commission a pu, en l' espèce, refuser à la requérante une licence pour la période considérée.

77. En ce qui concerne, enfin, la motivation de la lettre litigieuse, il suffira de relever qu' en déclarant que

"... ledit bateau n' était pas en possession d' une licence l' autorisant à pêcher dans les eaux communautaires au cours de la période ... et qu' en conséquence il s' était rendu coupable d' activités de pêches illégales",

la Commission a suffisamment motivé sa décision, laquelle, dès lors, permet

"... à la Cour d' exercer son contrôle sur la légalité et [fournit] à l' intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non bien fondée" (36).

78. Ayant succombé en ce dernier moyen, Fiskano doit être déboutée de sa demande.

79. Nous concluons, en conséquence:

- à la recevabilité du recours introduit par la société Fiskano contre la décision de la Commission du 19 février 1992;

- à l' irrecevabilité de l' exception d' illégalité soulevée, au stade de la réplique, contre le règlement (CEE) du Conseil n 3929/90, du 20 décembre 1990, fixant, pour l' année 1991, certaines mesures de conservation et de gestion des ressources de pêche applicables aux navires battant pavillon de la Suède;

- au rejet de la demande;

- à la condamnation de la société Fiskano aux entiers dépens.

(*) Langue originale: le français.

(1) - I - Cadre juridique.

(2) - Règlement (CEE) n 2209/80 du Conseil, du 27 juin 1980, concernant la conclusion de l' accord sur la pêche entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la Suède (JO L 226, p. 1).

(3) - Règlement (CEE) n 3929/90 fixant, pour l' année 1991, certaines mesures de conservation et de gestion des ressources de pêche applicables aux navires battant pavillon de la Suède (JO L 378, p. 48).

(4) - Annexe 1 au recours.

(5) - Arrêt du 16 juillet 1956 (8-55, Rec. p. 199).

(6) - P. 225.

(7) - Arrêt du 30 avril 1974 (181-73, Rec. p. 449).

(8) - Attendu 4.

(9) - Attendu 5.

(10) - 11 novembre 1975, Rec. p. 1355.

(11) - P. 1361.

(12) - Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour permanente de justice internationale, n 9, série A, p. 1.

(13) - P. 18.

(14) - Article 7, paragraphe 2.

(15) - Traduction française de la duplique, p. 6.

(16) - Arrêt du 17 novembre 1985 (53/84, Rec. p. 3595).

(17) - Point 15, souligné par nous.

(18) - Arrêt du 16 juin 1966, Compagnie des Forges de Châtillon/Haute Autorité (54-65, Rec. p. 265), spécialement p. 280.

(19) - Voir en ce sens l' arrêt du 29 juin 1978, B.P./Commission, attendu 13 (77/77, Rec. p. 1513).

(20) - Annexe de la duplique.

(21) - Annexes 1 et 2 du mémoire en défense.

(22) - Annexe 6 du mémoire en défense, souligné par nous.

(23) - Annexe 8 du mémoire en défense, souligné par nous.

(24) - Arrêt du 15 juillet 1963 (25-62, Rec. p. 197).

(25) - P. 223.

(26) - Arrêt du 27 octobre 1977, Moli/Commission, attendu 20 (121/76, Rec. p. 1971).

(27) - Arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, point 46 (C-142/87, Rec. p. I-959).

(28) - Arrêt du 13 février 1979, point 14 (85/76, Rec. p. 461).

(29) - Arrêt C-142/87 précité, point 48.

(30) - P. 7 du mémoire en réplique.

(31) - Arrêt du 20 février 1979, Buitoni/Forma, point 16 (122/78, Rec. p. 677).

(32) - Article 2, paragraphe 2.

(33) - Article 2, paragraphe 3.

(34) - Article 3, paragraphe 1.

(35) - Article 3, paragraphe 8.

(36) - Arrêt du 13 mars 1985, Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, point 19 (296/82 et 318/82, Rec. p. 809).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-135/92
Date de la décision : 27/10/1993
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Recours en annulation - Accord de pêche CEE-Suède - Lettre de la Commission relative à une infraction imputée à un bateau suédois.

Politique de la pêche

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Fiskano AB
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:861

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