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13/10/1993 | CJUE | N°C-119/92

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 13 octobre 1993., Commission des Communautés européennes contre République italienne., 13/10/1993, C-119/92


Avis juridique important

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61992C0119

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 13 octobre 1993. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement - Expéditeurs en douane. - Affaire C-119/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-00393

Conclusions de l'avocat

général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Par r...

Avis juridique important

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61992C0119

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 13 octobre 1993. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement - Expéditeurs en douane. - Affaire C-119/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-00393

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 avril 1992, la Commission a introduit un recours visant à faire constater que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent, en adoptant des "mesures, dispositions et pratiques" relatives aux opérations de déclaration en douane qui seraient incompatibles avec les règlements (CEE) nos 222/77 (2) (ci-après règlement "transit") et 3632/85 (3) (ci-après règlement "déclarant"). L' État défendeur aurait en outre violé les articles 9 et
12, du traité CEE en homologuant et rendant obligatoires les tarifs des expéditeurs en douane professionnels.

2. La réglementation litigieuse, à savoir le "Testo unico delle disposizioni legislative in materia doganale" (texte unique des dispositions législatives en matière douanière, ci-après "Testo unico") approuvé par décret du président de la République n 43 du 23 janvier 1973 (4), a déjà donné lieu à votre arrêt du 25 octobre 1979 (5), dans lequel vous aviez été amenés à examiner la compatibilité de certaines de ses dispositions au regard des articles 30, 34 et 50 du traité CEE et non de normes de
droit dérivé.

3. Nous rappellerons brièvement les dispositions pertinentes des réglementations communautaire et nationale en cause, renvoyant, pour plus ample exposé, au rapport d' audience (6).

I - Quant au règlement "déclarant"

4. Ce règlement a pour objet, ainsi qu' il résulte de son troisième considérant:

" (...) de définir au plan communautaire les conditions auxquelles une personne est habilitée à faire une déclaration en douane, de manière à permettre aux opérateurs économiques de la Communauté d' effectuer leurs opérations douanières dans les meilleures conditions;"

5. A cet effet, l' article 2 dispose que "la déclaration en douane peut être faite par toute personne en mesure de présenter ou de faire présenter au service des douanes compétent (...) la marchandise en cause ainsi que tous les documents (...)" afférents au régime douanier sollicité.

6. L' article 3 permet la présentation d' une déclaration en douane selon trois systèmes différents, à savoir:

a) en nom propre et pour son propre compte;

b) au nom et pour le compte d' autrui (mandat avec représentation ou représentation "directe");

c) en nom propre mais pour le compte d' autrui (mandat sans représentation ou représentation "indirecte").

Son paragraphe 2 prévoit que le mandat sans représentation ne peut être utilisé que si les États membres en ont ainsi disposé. Dans un tel cas, le recours à la formule visée sous b) ou, sous c) peut être par eux réservé aux personnes exerçant, en tant qu' activité non salariée, la profession consistant à faire des déclarations en douane, à titre principal ou accessoire.

7. Enfin, l' article 6 permet à l' État membre de réserver l' exercice de ladite profession aux personnes qu' il a habilitées, eu égard notamment à leur qualification professionnelle et aux garanties qu' elles présentent. Selon la même disposition, il est loisible à l' État membre de décider que, pour faire des déclarations en leur nom et pour leur compte (article 3, paragraphe 1, sous b), les entreprises ne pourront recourir à des salariés spécialisés que si ces derniers possèdent une qualification
professionnelle appropriée.

8. Le Testo unico dispose, en substance, que tout propriétaire d' une marchandise peut faire une déclaration en douane soit directement (article 56, premier alinéa), soit par représentation, étant observé que le représentant ne pourra être qu' un commissionnaire en douane inscrit au registre professionnel (article 40, deuxième alinéa), ou non inscrit à ce registre, à condition en ce cas qu' il s' agisse d' un préposé du propriétaire (article 43, premier alinéa).

9. Est considéré, aux termes de l' article 56, deuxième alinéa, du Testo unico, comme propriétaire de la marchandise, celui qui la présente en douane ou qui la détient au moment de son entrée sur le territoire douanier ou à sa sortie de ce territoire, ce qui, selon l' État défendeur, correspondrait à la définition communautaire du déclarant, par recours à une fiction légale.

10. En ce qui concerne les conditions d' admission des commissionnaires en douane indépendants ou salariés, les articles 47 et suivants du Testo unico prévoient une procédure d' habilitation identique.

11. La Commission articule ici quatre griefs à l' encontre de cette réglementation:

- elle ne correspondrait pas à la définition de la personne habilitée à faire une déclaration en douane, telle qu' elle résulte de l' article 2 du règlement,

- il serait en pratique impossible de procéder aux opérations de déclaration en nom propre et pour le compte d' autrui sans recours aux expéditeurs en douane,

- le Testo unico discriminerait les personnes morales par rapport aux personnes physiques,

- la procédure d' habilitation des salariés spécialisés, chargés de procéder aux déclarations en douane serait incompatible avec le droit communautaire.

12. Examinons-les successivement.

A - Sur la violation de l' article 2

13. Ainsi que nous l' avons indiqué, le règlement a entendu définir de manière uniforme, dans l' ensemble de la Communauté, la personne ayant qualité pour présenter au service compétent une déclaration en douane en sorte que, selon la Commission, la définition du déclarant, telle que visée au Testo unico, créerait une situation préjudiciable à l' effet direct du règlement, constitutive d' un manquement au droit communautaire.

14. En effet, alors même que ce règlement se réfère à la personne en mesure de présenter ou faire présenter la marchandise, l' article 56 du Testo unico renvoie à la notion de propriétaire, auquel sont assimilés le détenteur ou présentateur.

15. Force serait dès lors de constater que l' impératif d' uniformité serait compromis par le maintien de cette disposition qui définit la personne habilitée à faire une déclaration en douane par renvoi à des notions étrangères au règlement "déclarant".

16. La controverse est ici d' ordre terminologique. Il ne s' agit pas en effet, pour l' examen de ce grief, de rechercher si le contenu de l' article 56 du Testo unico est contraire au règlement "déclarant" mais s' il est conforme au droit communautaire de recourir aux catégories - propriétaire, détenteur, présentateur - qu' il retient.

17. Dans la mesure où votre jurisprudence condamne toute mesure de transposition, fût-elle conforme, d' un règlement dans l' ordre juridique interne, a fortiori un État membre ne saurait-il être admis à maintenir, comme en l' espèce, une disposition qui serait en dissonance avec un texte communautaire.

18. Il résulte, en effet, de votre arrêt Zerbone/Amministrazione delle finanze dello Stato (7), que

"(...) les États membres sont tenus, en vertu des obligations qui découlent du traité, à ne pas entraver l' effet direct propre aux règlements et à d' autres règles du droit communautaire; (8)

(...) le respect scrupuleux de ce devoir est une condition indispensable à l' application simultanée et uniforme des règlements communautaires dans l' ensemble de la Communauté; (9)

(...) dès lors, les États membres ne sauraient adopter, ni permettre aux organismes nationaux ayant un pouvoir normatif d' adopter un acte par lequel la nature communautaire d' une règle juridique et les effets qui en découlent seraient dissimulés aux justiciables;" (10)

19. Le simple maintien d' une réglementation nationale incompatible avec un règlement communautaire a été par vous condamné en ces termes, dans un arrêt Commission/Allemagne: (11)

"(...) l' introduction ou le maintien inchangé, dans la législation d' un État membre, d' un texte incompatible avec une disposition du droit communautaire, même directement applicable dans l' ordre juridique des États membres, donne lieu à une situation de fait ambiguë en maintenant les sujets de droit concernés dans un état d' incertitude quant aux possibilités qui lui sont réservées de faire appel au droit communautaire; un tel maintien constitue, dès lors, dans le chef dudit État, un manquement
aux obligations qui lui incombent en vertu du traité" (12).

20. Ainsi, le maintien de la disposition sous examen, en retenant une définition différente de celle adoptée par le règlement communautaire, fait écran à l' effet direct de cette norme et obstacle à son application uniforme sur le territoire de la Communauté.

21. Il s' ensuit que le grief est établi.

B - Sur la violation de l' article 3

22. Le différend n' est plus ici de nature sémantique mais substantielle.

23. La Commission conteste, à cet égard, non seulement la teneur des dispositions douanières italiennes, mais également la pratique suivie en la matière aboutissant, selon elle, au refus de reconnaître la "possibilité effective, pour une personne répondant aux conditions de l' article 2 du règlement 'déclarant' , de déclarer en son nom propre, mais pour le compte d' autrui, indépendamment de la représentation réservée aux expéditeurs en douane" (13).

24. S' agissant, en premier lieu, de la pratique, la Commission fait état de "multiples plaintes" (14) d' entreprises ou associations qui se seraient élevées contre les conditions restrictives d' admission des déclarations déposées en nom propre mais pour le compte d' autrui. De telles réclamations n' ont été ni communiquées au gouvernement défendeur au stade de la procédure précontentieuse ni versées aux débats, en sorte qu' elles ne sauraient être par vous prises en considération.

25. En ce qui concerne, en second lieu, le contenu de la réglementation italienne, vous avez constaté en ces termes l' existence d' une représentation en nom propre et pour compte d' autrui, dans l' arrêt précité Commission/Italie:

"(...) cette possibilité de substitution s' opère à travers une fiction légale, exprimée à l' article 56, alinéa 2, du Testo unico et assimilant au propriétaire celui qui présente la marchandise ou qui fait la déclaration en qualité de détenteur, ou à travers la notion juridique qualifiée 'représentation indirecte' - le déclarant agissant pour compte du propriétaire, mais en son nom propre et étant conjointement ou solidairement responsable avec le propriétaire (...)" (15).

26. Les circonstances dans lesquelles vous avez opéré cette constatation méritent d' être rappelées.

27. Dans l' affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les parties au litige avaient une interprétation divergente de l' article 56 et vous aviez indiqué:

"(...) Le gouvernement italien, tant au cours de la phase administrative du litige qu' au cours des procédures écrite et orale devant la Cour, a déclaré de façon formelle que cette disposition devait être interprétée, et était effectivement appliquée - sans être contredit sur ce dernier point par la Commission - par les administrations italiennes compétentes, en ce sens que le propriétaire de la marchandise, qui n' effectue pas la déclaration lui-même, peut, outre la possibilité de recourir à un
expéditeur indépendant ou à un expéditeur-employé, charger toute personne de faire cette déclaration, à condition que celle-ci présente la marchandise à la douane ou la détienne au moment de son entrée ou de sa sortie du territoire douanier, ce qui vise, entre autres, le transporteur et les entrepositaires de la marchandise. Il a également été précisé que la dernière phrase de l' article 56, selon laquelle 'les douaniers conservent dans tous les cas le droit de vérifier, à tous effets du présent
Testo unico, qui est propriétaire de la marchandise faisant l' objet des opérations en douane' ne signifie pas que l' administration peut refuser de recevoir la déclaration du non-propriétaire qui présente ou détient la marchandise, mais a pour objet de permettre à cette administration de rendre le propriétaire solidairement responsable avec le déclarant des droits et amendes, ainsi qu' il est précisé à l' article 38 du Testo unico (16).

(...)

Prenant acte de ces déclarations, la Cour constate que l' interprétation des dispositions en cause est compatible avec le texte de celles-ci" (17).

28. La République italienne et la Commission s' opposent sur l' existence d' une incidence de cette décision sur le présent litige.

29. Disons-le, il eût été préférable, pour satisfaire à l' impératif de transparence, que la République italienne ne se bornât pas, postérieurement à l' entrée en vigueur du règlement "déclarant", à maintenir dans son arsenal législatif une disposition ne produisant effet que par recours à une "fiction légale".

30. Mais votre décision est sans ambiguïté. L' article 56, deuxième alinéa, du Testo unico, incriminé ici par la Commission, a, par vous, été considéré comme introduisant en droit italien la déclaration en douane en nom propre et pour compte d' autrui.

31. A défaut d' éléments nouveaux dont la preuve serait rapportée, votre analyse doit être tenue pour constante puisque revêtue de l' autorité de chose jugée.

32. Ceci étant précisé, il n' apparaît pas que le champ d' application ratione personae de l' article 56, deuxième alinéa, soit lacunaire par rapport aux exigences du règlement "déclarant".

33. Ce dernier ne précisant pas que la disposition étatique visée à son article 3, paragraphe 2, doive lui être postérieure, la République italienne était fondée, au vu de votre arrêt, à considérer que la disposition nationale précitée pouvait en tenir lieu et était, dès lors, en droit d' user de la réserve prévue au paragraphe 3 du même article.

34. Reste à déterminer si, en maintenant en vigueur les articles pertinents du Testo unico, elle a respecté l' option prescrite par cette dernière disposition.

35. Les articles 40, deuxième alinéa, et 43, premier alinéa, respectivement relatifs aux commissionnaires en douane libéraux et aux préposés spécialisés, prévoient exclusivement un mécanisme de représentation "directe" (article 3, paragraphe 1, sous b).

36. En revanche, la représentation "indirecte" (article 3, paragraphe 1, sous c) visée à l' article 56, deuxième alinéa, s' effectue sans mandat exprès, en vertu de la fiction légale précitée. Elle n' est nullement réservée aux commissionnaires en douane.

37. N' instituant aucun cumul, les textes précités du Testo unico respectent l' option prévue à l' article 3, paragraphe 3, du règlement "déclarant", sans qu' un argument contraire puisse être tiré de la circulaire du ministère des finances italien en date du 10 août 1989 laquelle réaffirme la possibilité pour les "détenteurs de marchandises (...) (d' ) effectuer directement les opérations douanières visées, en l' absence du propriétaire des marchandises, sans recourir à l' intervention de l'
expéditeur en douane" (18).

38. Une éventuelle violation, par cette circulaire, du règlement (CEE) n 1031/88 du Conseil du 18 avril 1988 concernant la détermination des personnes tenues au paiement d' une dette douanière (19), ne pourrait concerner que le régime de responsabilité et non pas l' existence d' une représentation indirecte, en sorte que, n' ayant pas été soulevée en tant que grief distinct, elle ne saurait être examinée dans le cadre du présent recours.

39. Il convient, dès lors, de considérer que le grief n' est pas établi.

C - Sur la discrimination entre personnes physiques et morales

40. Le troisième grief est, rappelons-le, relatif à la discrimination qui existerait, dans la législation italienne, entre personnes physiques et morales, ces dernières ne pouvant, selon la Commission, faire une déclaration en douane en leur nom et pour leur compte.

41. Il est à cet égard exact que le règlement "déclarant" ne distingue pas entre les personnes physiques et morales s' agissant de l' établissement de déclarations. Les unes comme les autres doivent pouvoir recourir, et dans les mêmes conditions, aux divers modes prévus à l' article 3.

42. Rien, toutefois, dans le Testo unico, ne paraît exclure la possibilité pour les personnes morales d' effectuer des déclarations en leur nom propre et pour leur propre compte.

43. Il n' y est, en effet, nulle part indiqué que les organes statutaires de la société devraient obligatoirement s' adresser à des expéditeurs en douane. Une société agit nécessairement par l' intermédiaire de ses représentants légaux. On dit couramment que ceux-ci assurent sa représentation. Mais cette dernière ne peut, sans excessive sollicitation, être confondue avec celle visée au Testo unico.

44. Outre le recours au détenteur ou au présentateur, la personne morale pourra donc, comme l' indique à juste titre le gouvernement italien, opérer les déclarations en douane:

- soit en son nom propre et pour son propre compte, par l' intermédiaire de ses "représentants" légaux;

- soit par voie de représentation directe, effectuée par des expéditeurs en douane ou des salariés spécialisés.

45. Il est exact que l' article 43 du Testo unico ne l' autorise pas à recourir pour ce faire à un préposé non spécialisé. Une telle restriction, expressément prévue par l' article 6 du règlement "déclarant", n' est pas incompatible avec le droit communautaire.

46. D' où il suit que le moyen n' est pas fondé.

D - Sur la violation de l' article 6

47. On a dit que l' article 6 permet à un État membre de réserver l' exercice du mandat avec représentation ou sans représentation à des personnes par lui habilitées eu égard à leurs qualifications et garanties ainsi que d' autoriser des salariés spécialisés à faire des déclarations au nom et pour le compte de leur employeur, dès lors qu' ils satisfont à une qualification professionnelle appropriée.

48. Le Testo unico, quant à lui, prévoit, en son article 47, que la qualification de commissionnaire en douane est conférée par l' octroi d' une patente délivrée par le ministère des finances au candidat ayant subi avec succès un examen, comportant une épreuve écrite, une épreuve pratique et un entretien (article 52), lequel se déroule, aux termes de l' article 50, devant un jury présidé par le directeur général de l' administration centrale du ministère des finances et composé de fonctionnaires de
cette administration ainsi que de celle des douanes et de commissionnaires en douane. Il a lieu normalement tous les trois ans.

49. Selon la Commission, des conditions aussi restrictives imposées de même manière aux commissionnaires en douane et aux salariés spécialisés seraient incompatibles avec l' article 6 du règlement.

50. Nous partageons cette opinion non pas parce que les exigences sont identiques mais dans la mesure où elles nous paraissent excessives s' agissant des salariés spécialisés.

51. En effet, l' article 6 opère la distinction suivante: si les commissionnaires inscrits au registre peuvent faire l' objet d' une habilitation par les autorités compétentes lorsqu' ils disposent des qualifications professionnelles requises et des garanties exigées, les salariés spécialisés ne peuvent se voir imposer que la reconnaissance d' une qualification professionnelle appropriée.

52. Peut-on cependant, comme le soutient le gouvernement italien, tirer un argument contraire du sixième considérant du règlement communautaire? (20)

53. Il n' y a aucune raison de le penser dès lors que l' on y distingue également entre les "conditions" imposées aux commissionnaires en douane et la "qualification professionnelle appropriée" exigée des salariés spécialisés. Si ce règlement ne s' oppose pas au maintien des législations nationales en la matière, c' est sous réserve de la compatibilité des conditions d' habilitation, lesquelles ne doivent pas empêcher l' accès effectif à l' activité considérée. Dès lors que ce règlement opère une
distinction quant à l' étendue du contrôle d' aptitude, la législation interne ne saurait soumettre les deux professions à des conditions d' habilitation identiques.

54. Le manquement paraît donc établi de ce chef.

II - Quant au règlement "transit"

55. Le règlement (CEE) n 222/77 a pour objet de faciliter le transit communautaire afin "d' éviter l' application concomitante de plusieurs procédures administratives" (21).

56. Son titre II, qui régit plus spécialement la procédure de transit communautaire externe, dispose, en son article 12, paragraphe 3, que

"La déclaration T1 est signée par la personne qui demande à effectuer une opération de transit communautaire ou par son représentant habilité (...)"

57. L' article 13 du règlement (CEE) n 1062/87, du 27 mars 1987 (22), précise à cet égard:

"Toute personne indiquée au verso d' un certificat de cautionnement présenté à un bureau de départ est réputée être le représentant habilité du principal obligé".

58. Dans le cadre du règlement "transit", le principal obligé doit, lors d' une opération de transit, fournir une garantie, laquelle peut être globale et concerner plusieurs opérations (article 27). La garantie (certificat de cautionnement) peut ainsi être constituée dans un État membre autre que celui dans lequel s' effectueraient les opérations douanières.

59. Il résulte ainsi de ces dispositions que le principal obligé ou son représentant habilité peut effectuer une déclaration en douane et la présenter à tout bureau de douane de la Communauté, ce qui n' est d' ailleurs pas contesté par la République italienne.

60. La Commission reprochait, jusqu' au stade du recours, le refus systématique de la douane italienne d' enregistrer des déclarations de transit signées par le principal obligé ou son représentant habilité. Elle se fondait sur les plaintes qu' elle aurait reçues de certaines entreprises qui auraient été confirmées, au demeurant, par le ministre allemand de l' économie.

61. Ces plaintes n' ayant pas été communiquées au gouvernement défendeur, lequel conteste l' existence de la pratique reprochée aux autorités douanières, la Commission a été conduite, au stade de la duplique, à se cantonner à une analyse juridique de certaines dispositions du Testo unico pour conclure à leur incompatibilité au regard du droit communautaire.

62. Cette analyse repose sur l' article 238, deuxième alinéa, du Testo unico qui, en assimilant le transit communautaire aux opérations douanières visées à l' article 55, rendrait applicable le régime général de la déclaration en douane, "donc de la représentation en douane, en vertu des dispositions combinées des articles 40 et 56" (23).

63. La République italienne invoque, quant à elle, l' applicabilité directe des règlements communautaires.

64. Il apparaît que la prémisse sur laquelle la Commission fait reposer son raisonnement juridique est erronée dès lors que l' article 238, deuxième alinéa, dispose:

"Le régime de transit communautaire est assimilé aux destinations douanières visées à l' article 55, dont il reprend les effets, en ce qui concerne les sanctions et tous les autres éléments non prévus et non réglementés par les règlements communautaires. Toutefois, ce régime ne s' applique pas aux transports de marchandises soumises à des droits de douane qui ont leur origine et leur point d' arrivée dans le territoire douanier ou qui sont effectués avec des moyens de navigation, d' un port national
à un autre port national" (24).

65. Cette disposition renvoie donc à l' article 55 uniquement pour les situations qui ne sont pas régies par les règlements communautaires. Dès lors qu' un tel règlement existe, l' article 238 en préserve la primauté et l' effet direct.

66. Certes, il pourrait en résulter une incertitude qui, par elle-même, pourrait constituer un manquement. Telle n' est cependant pas la voie que nous vous proposons de suivre, dans la mesure où la Commission ne se fonde pas, sur ce point, sur le caractère ambigu de l' article 238, mais sur son incompatibilité substantielle avec l' article 13 du règlement "transit", laquelle ne résulte pas, selon nous, de l' examen de la disposition en cause (25).

67. Nous estimons, en conséquence, que le manquement n' est pas établi de ce chef.

III - Quant aux articles 9 et 12 du traité

68. La Commission conclut à la violation des articles 9 et 12, dans la mesure où les tarifs des expéditeurs en douane, fixés par l' autorité publique, constitueraient des taxes d' effet équivalent à des droits de douane, frappant les marchandises lors du franchissement de la frontière et qui seraient disproportionnés aux services rendus à l' opérateur économique.

69. Il résulte de votre jurisprudence, citée au demeurant par la Commission (26), et particulièrement de l' arrêt Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders (27), que constitue une taxe d' effet équivalent

"... une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises nationales ou étrangères à raison du fait qu' elles franchissent la frontière, lorsqu' elle n' est pas un droit de douane proprement dit (...), alors même qu' elle ne serait pas perçue au profit de l' État, qu' elle n' exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur, et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production
nationale;" (28)

70. Selon la Commission, les tarifs des expéditeurs en douane rempliraient tous les critères dégagés par la Cour, dès lors que la charge pécuniaire est obligatoire, que son montant est déterminé par l' autorité publique, qu' elle est perçue lors du franchissement de la frontière, enfin, que les tarifs ne sont nullement fonction du service rendu.

71. La prémisse de la démonstration de la Commission repose sur l' affirmation que "les opérateurs commerciaux n' ont actuellement, en Italie, aucune possibilité d' échapper à l' application des tarifs professionnels des expéditeurs en douane, à moins qu' ils ne décident d' accomplir personnellement l' opération en douane, ce qui, dans la plupart des cas, est pratiquement impossible" (29).

72. Cette impossibilité serait, au demeurant, confirmée par les données fournies par la Commission, dans sa communication du 8 mai 1992 (30), qui affirme que 74 % des déclarations émaneraient d' expéditeurs, 3 ou 4 % des propriétaires effectifs, le reste - environ 22 % - de salariés spécialisés ou de fonctionnaires des administrations italiennes.

73. S' agissant, en premier lieu, de l' impossibilité juridique de choix, le Testo unico n' impose nullement, ainsi que nous l' avons d' ailleurs indiqué précédemment, le recours aux expéditeurs en douane pour l' établissement des déclarations. En effet, les détenteurs ou présentateurs sont habilités à déposer une déclaration, alors même qu' ils ne sont pas agréés.

74. Vous aviez d' ailleurs déjà constaté en ces termes l' absence de monopole de la profession considérée dans l' arrêt précité Commission/Italie:

"... le propriétaire de la marchandise a plusieurs possibilités de faire effectuer la déclaration en douane par un tiers, sans être tenu, comme le soutient la Commission, de recourir obligatoirement à un expéditeur" (31).

75. Or, nous l' avons dit, aucun nouvel élément de nature à remettre en cause cette appréciation des dispositions pertinentes du Testo unico n' a été fourni par la Commission. Et ce ne sont pas les données contenues dans sa communication précitée qui permettent de conclure au manquement pour ce motif.

76. S' agissant des pourcentages y figurant, le gouvernement défendeur soutient que celui de 22 % concerne les détenteurs et/ou présentateurs (32).

77. Aucune indication incontestable n' étant fournie à cet égard, la Commission n' a nullement démontré l' existence d' un monopole de fait dont jouiraient les expéditeurs en douane, mais tout au plus leur position dominante, laquelle peut notamment s' expliquer par la commodité pratique - et non l' obligation légale - d' avoir recours à un professionnel en la matière.

78. Nous estimons en conséquence que le manquement n' est pas établi de ce chef.

79. Eu égard aux considérations qui précèdent, il nous paraît équitable que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

80. Nous concluons, en conséquence:

- à ce que vous constatiez que la République italienne a manqué aux obligations lui incombant en vertu des articles 2 et 6 du règlement (CEE) n 3632/85 du Conseil, du 12 décembre 1985, définissant les conditions selon lesquelles une personne est admise à faire une déclaration en douane;

- au rejet du recours pour le surplus;

- à ce que chaque partie supporte ses dépens.

(*) Langue originale: le français.

(2) - Règlement (CEE) n 222/77 du Conseil, du 13 décembre 1976, relatif au transit communautaire (JO 1977, L 38, p. 1).

(3) - Règlement (CEE) n 3632/85 du Conseil, du 12 décembre 1985, définissant les conditions selon lesquelles une personne est admise à faire une déclaration en douane (JO L 350, p. 1).

(4) - Supplemento ordinario alla Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana, n 80, du 28 mars 1973.

(5) - Commission/Italie (159/78, Rec. p. 3247).

(6) - I - Faits et procédure.

(7) - Arrêt du 31 janvier 1978 (94/77, Rec. p. 99).

(8) - Attendu 24.

(9) - Attendu 25.

(10) - Attendu 26.

(11) - Arrêt du 26 avril 1988 (74/86, Rec. p. 2139).

(12) - Point 10.

(13) - Traduction française de la requête, p. 14.

(14) - Traduction française de la réplique, p. 8.

(15) - Point 14, souligné par nous.

(16) - Point 12.

(17) - Point 14.

(18) - Annexe IV de la requête, p. 1.

(19) - JO L 102, p. 5.

(20) - Rappelons qu' il dispose:

(...) qu' il existe dans certains États membres une réglementation qui réserve l' exercice de la profession consistant à faire des déclarations en douane, soit au nom d' autrui, soit en nom propre mais pour le compte d' autrui, aux personnes remplissant certaines conditions ou qui subordonnent la possibilité pour les entreprises de recourir à des employés spécialisés pour faire des déclarations en douane au nom de ces entreprises, à la condition que ces employés possèdent une qualification
professionnelle appropriée; que, dans la mesure où cette réglementation concerne l' accès et l' exercice d' une profession déterminée, le présent règlement ne fait pas obstacle à son maintien;

(21) - Neuvième considérant.

(22) - Règlement n 1062/87 de la Commission portant dispositions d' application ainsi que des mesures de simplification du régime de transit communautaire (JO L 107, p. 1).

(23) - Traduction française de la réplique, p. 19.

(24) - Souligné par nous.

(25) - Voir en ce sens la page I-1898 des conclusions de Monsieur l' Avocat général Tesauro dans l' affaire Commission/Portugal (C-323/90, Rec. 1992, p. I-1887).

(26) - Traduction française de la requête, p. 26.

(27) - Arrêt du 1er juillet 1969 (2 et 3/69, Rec. p. 211). Voir également l' arrêt Bresciani, du 5 février 1976 (87/75, Rec. p. 129).

(28) - Attendu 18.

(29) - P. 33 de la traduction française de la requête. Voir également les développements p. 25 de la traduction française de la réplique.

(30) - Document SEC (92) 887 final.

(31) - Point 14.

(32) - P. 11 de la traduction française de la duplique.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-119/92
Date de la décision : 13/10/1993
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Manquement - Expéditeurs en douane.

Libre circulation des marchandises

Union douanière

Taxes d'effet équivalent


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République italienne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:839

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