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14/07/1993 | CJUE | N°C-109/92

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 14 juillet 1993., Stephan Max Wirth contre Landeshauptstadt Hannover., 14/07/1993, C-109/92


Avis juridique important

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61992C0109

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 14 juillet 1993. - Stephan Max Wirth contre Landeshauptstadt Hannover. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Hannover - Allemagne. - Financement des études - Services - Non-discrimination. - Affaire C-109/92

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Recueil de jurisprudence 1993 page I-06447

Conclusions de l'avocat...

Avis juridique important

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61992C0109

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 14 juillet 1993. - Stephan Max Wirth contre Landeshauptstadt Hannover. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Hannover - Allemagne. - Financement des études - Services - Non-discrimination. - Affaire C-109/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-06447

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Le présent renvoi préjudiciel a pour origine la modification, intervenue le 22 mai 1990, de l' article 5, paragraphe 2, de la Bundesausbildungsfoerderungsgesetz (loi fédérale sur l' encouragement individuel à la formation, ci-après "BAfoeG").

2. Depuis cette modification, un ressortissant allemand désireux de recevoir une formation à l' étranger ne peut prétendre à l' octroi d' une aide financière publique que si

1) ses études peuvent lui être profitables en l' état actuel de sa formation (il doit donc justifier d' un certain niveau de connaissances) ou si

2) la formation ne peut être assurée qu' à l' étranger et a été commencée avant le 1er juillet 1990 (le versement d' une aide pour financer un cycle complet d' études débutant après cette date est donc exclu).

3) Monsieur Stephan Wirth, ressortissant allemand et domicilié en Allemagne (1), suit des études musicales à la Hoogeschool Voor De Kunsten (section jazz-saxophone) d' Arnhem aux Pays-Bas.

3. Le 31 août 1990, il sollicite une aide à la formation ("die Gewaehrung von Ausbildungsfoerderung") pour poursuivre sa scolarité dans cet établissement en faisant valoir qu' il est contraint de poursuivre ses études à l' étranger, faute de places disponibles en Allemagne.

4. Monsieur Wirth, à qui la modification de l' article 5, paragraphe 2, du BAfoeG avait fait perdre toute éligibilité à l' aide à la formation, se voit refuser cette allocation par la ville de Hanovre. Il conteste cette décision en justice, en dernier lieu devant le Verwaltungsgericht Hannover qui vous saisit.

5. Constatant que Monsieur Wirth n' a pas pu poursuivre ses études en Allemagne en raison principalement de l' insuffisance des capacités d' accueil des établissements de cet État, cette juridiction relève que le requérant est privé d' aide et donc désavantagé au seul motif que l' établissement qu' il fréquente se trouve dans un autre État membre. Elle vous interroge en substance sur le point de savoir si le fait de suivre des études entre dans le cadre de l' article 60 du traité, auquel cas,
conformément à l' article 62 du traité, l' accès à de telles prestations ne pourrait être soumis à des restrictions nouvelles. Elle pose en outre la question de savoir si "le principe d' égalité" ne commande pas que les aides à la formation soient versées par un État membre à ses ressortissants quel que soit l' État de la Communauté dans lequel l' établissement fréquenté est implanté (2).

6. Abordons la première question: la situation qui vous est soumise relève-t-elle du champ d' application des articles 59 et suivants du traité de Rome?

7. Dans l' affaire Humbel (3), vous étiez interrogés sur le point de savoir si les cours dispensés dans un institut technique, ressortissant de l' enseignement secondaire dans le cadre du système de l' éducation nationale, devaient être qualifiés de services.

8. Relevant qu' un service est, selon l' article 60, premier alinéa, du traité, une prestation fournie normalement contre rémunération (4), vous avez procédé à l' analyse de cette dernière notion et déclaré qu' elle avait pour "caractéristique essentielle", "le fait (qu' elle) constitue la contrepartie économique de la prestation en cause, contrepartie qui est normalement définie entre le prestataire et le destinataire du service" (5).

9. Vous avez jugé qu'

"une telle caractéristique fait défaut dans le cas de cours dispensés dans le cadre du système d' éducation nationale. D' une part, en établissant et en maintenant un tel système, l' État n' entend pas s' engager dans des activités rémunérées, mais accomplit sa mission dans les domaines social, culturel et éducatif envers sa population. D' autre part, le système en cause est, en règle générale, financé par le budget public et non par les élèves ou leurs parents.

La nature de cette activité n' est pas affectée par le fait que, parfois, les élèves ou leurs parents sont obligés de payer des redevances ou des frais de scolarité en vue de contribuer dans une certaine mesure aux frais de fonctionnement du système (...)" (6).

10. L' arrêt Humbel vise, de façon générale, les "cours dispensés dans le cadre du système d' éducation nationale" (7). Le champ d' application qu' il définit n' est donc pas limité aux instituts techniques. Il s' étend aux formations suivies dans un établissement d' enseignement supérieur, dès lors que cet enseignement est organisé et financé par l' État (8).

11. Le critère déterminant en la matière est donc la rémunération du prestataire (9).

12. Il s' ensuit que la qualification de prestation de services ne peut pas être exclue lorsqu' une scolarité ou des études sont entièrement ou essentiellement financées par les contributions des participants ou celles de personnes privées agissant pour leur compte (10).

13. Vous vous êtes, semble-t-il, orientés en ce sens en admettant que la réglementation d' un État membre concernant la création, par une personne privée, d' une école de rattrapage ou d' une école privée de musique et de danse ne relevait pas de l' article 55 du traité et pouvait être examinée à l' aune des articles 48, 52 et 59 (11).

14. L' établissement a-t-il un caractère commercial et est-il financé totalement ou principalement par les contributions de ceux qui le fréquentent? Cet aspect de la question est déterminant.

15. Enfin, pour pouvoir invoquer l' article 59, le destinataire de services doit remplir une autre condition. Son séjour dans l' État membre du prestataire doit être provisoire. Les études universitaires le sont par nature et ne sauraient être exclues du champ d' application de l' article 59 en tant qu' "activité exercée à titre permanent ou, en tout cas, sans limitation prévisible de durée" (12).

16. La Cour ne dispose d' aucune information sur le mode de fonctionnement et de financement de la Hoogeschool Voor De Kunsten, et seul le juge national pourrait, à partir des critères que nous venons d' évoquer, déterminer si les services rendus par cette institution rentrent dans le champ d' application de l' article 60.

17. Ce n' est que dans l' affirmative qu' il devrait en examiner les conséquences éventuelles au regard de l' article 62.

18. Réservons, en l' état, nos observations sur cet aspect de la première question et passons à la seconde.

19. Rappelons-en la substance. Le "principe général d' égalité" autorise-t-il un État membre à ne verser à ses ressortissants des aides à la formation dans un établissement supérieur que si les études se déroulent sur le territoire national, plus particulièrement lorsqu' une telle restriction n' existait pas sous l' empire de la législation antérieure?

20. Dans sa décision de renvoi, le juge a quo manifeste une conception très extensive du contenu du "principe général d' égalité en tant que principe fondamental du droit communautaire", dépassant, semble-t-il, le cadre de l' article 7 du traité, en faisant référence notamment à ses articles 5 et 128, et même à son préambule.

21. Pour passionnant que soit ce débat, il n' aurait d' intérêt, pour la solution du litige par le juge national, que si l' aide dont s' agit entrait - ce que nous ne croyons pas - dans le champ d' application du droit communautaire.

22. L' enseignement de votre jurisprudence est, à cet égard, éclairant. Rappelons-en les grandes lignes.

23. Dans l' affaire Gravier (13), une étudiante française contestait que son inscription à l' université de Liège fût soumise au paiement d' un "minerval" dont les ressortissants belges étaient exemptés.

24. Vous avez jugé que les conditions d' accès à la formation professionnelle relevaient du domaine d' application du traité et que, dès lors, l' imposition d' une charge pécuniaire comme condition d' accès aux cours d' enseignement professionnel pour les étudiants ressortissants des autres États membres constituait une discrimination prohibée par l' article 7 du traité si une même charge n' était pas imposée aux étudiants nationaux.

25. Vous avez, notamment, constaté:

"En particulier, l' accès à la formation professionnelle est susceptible de favoriser la libre circulation des personnes dans l' ensemble de la Communauté, en leur permettant d' obtenir une qualification dans l' État membre où ils se proposent d' exercer leurs activités professionnelles et en leur procurant l' occasion de parfaire leur formation et de développer leurs talents particuliers dans l' État membre dont l' enseignement professionnel comporte la spécialisation appropriée" (14).

26. Vous fondant sur l' article 128 du traité, sur la décision 63/266/CEE du Conseil, du 2 avril 1963, portant établissement des principes généraux pour la mise en oeuvre d' une politique commune de formation professionnelle (15)et sur les "orientations générales" que le Conseil a établies en 1971 en la matière (16), vous avez, notamment, considéré que

"(...) toute forme d' enseignement qui prépare à une qualification pour une profession, métier ou emploi spécifique, ou qui confère l' aptitude particulière à exercer une telle profession, métier ou emploi, relève de l' enseignement professionnel, quels que soient l' âge et le niveau de formation des élèves ou des étudiants, et même si le programme d' enseignement inclut une partie d' éducation générale" (17).

27. Vous avez confirmé ce point de vue dans l' arrêt du 2 février 1988, Blaizot (18).

28. Il n' est donc pas douteux qu' un enseignement de jazz-saxophone, dès lors qu' il est sanctionné par une qualification professionnelle, relève de l' "enseignement professionnel" au sens du droit communautaire et que les conditions d' accès sont soumises au principe de non-discrimination.

29. Le financement des études, dans la mesure où il est destiné à couvrir les frais d' inscription ou d' autres frais permettant de bénéficier d' une formation professionnelle, fait partie de ces conditions d' accès.

30. Mais qu' en est-il lorsque ce financement prend la forme d' une "aide à la formation" dont l' objet n' est pas tant de couvrir les frais d' inscription exigés pour l' accès à l' enseignement que d' assurer "le vivre et le couvert", plus généralement l' entretien de l' étudiant?

31. Vous avez jugé, dans l' arrêt Lair (19), qu' une telle aide ne relève du champ d' application du traité

"que dans la mesure où (elle) aurait pour objet de couvrir les frais d' inscription ou d' autres frais, notamment de scolarité, exigés pour l' accès à l' enseignement" (20),

et que

"sous cette réserve, il convient de constater que, au stade actuel de l' évolution du droit communautaire, une aide accordée aux étudiants pour l' entretien et pour la formation échappe en principe au domaine d' application du traité CEE au sens de son article 7" (21).

32. La raison que vous en donnez est que l' aide accordée aux étudiants pour leur entretien relève de la "politique de l' enseignement", non soumise en tant que telle à la compétence des institutions communautaires, et de la "politique sociale" qui, sauf disposition particulière du traité, demeure de la compétence des États membres (22).

33. On notera que l' affaire Lair portait précisément sur une aide pour l' entretien et la formation prévue par la BAfoeG.

34. C' est parce que la requérante au principal dans cette affaire justifiait de la qualité de travailleur que vous avez qualifié cette aide d' "avantage social" et que vous avez examiné sa conformité au droit communautaire dans le cadre de l' article 7 du règlement n 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (23).

35. Vous avez "consolidé" cette jurisprudence à l' occasion de l' affaire Raulin (24)dans laquelle l' une des questions préjudicielles - la septième - était la suivante: "Un régime de financement des études (...), qui ne fait pas de distinction entre le remboursement des frais d' accès à l' enseignement et le remboursement des frais d' entretien, entre-t-il, en tout ou en partie, dans le champ d' application du traité CEE (plus particulièrement, ses articles 7 et 128)?" (25)

36. Après avoir rappelé les arrêts Lair et Brown (26), vous avez considéré que

"l' article 7, premier alinéa, du traité s' applique à une aide financière accordée par un État membre à ses propres ressortissants pour leur permettre de suivre une formation professionnelle, dans la mesure où cette aide est destinée à couvrir les frais d' accès à cette formation" (27).

37. Dès lors, en l' état actuel du droit communautaire, faute d' un lien suffisamment direct avec l' accès aux études elles-mêmes, une allocation pour frais d' entretien ne relève pas de l' interdiction de discrimination (28).

38. Si le régime de financement des études ne fait pas de distinction entre l' aide accordée pour couvrir les frais permettant l' accès à une formation professionnelle, tels que les droits d' inscription (auxquels s' applique le droit à un traitement non discriminatoire), et celle destinée à couvrir d' autres frais (auxquels le droit en question ne s' applique pas), c' est à la juridiction nationale de décider quelle partie de l' aide relève de l' accès à la formation professionnelle.

39. Cette distinction ne présente toutefois d' intérêt que s' il y a discrimination.

40. Or, la situation qui vous est soumise se distingue radicalement, à cet égard, de celles ayant donné lieu aux affaires Gravier, Blaizot, Lair, Brown et Raulin ci-dessus évoquées.

41. Les réglementations en cause dans ces affaires opéraient dans l' État d' accueil des distinctions fondées sur la nationalité. Or, il ne s' agit pas, ici, d' un ressortissant d' un État membre qui invoque le caractère discriminatoire de la réglementation d' un autre État membre portant sur les conditions d' accès à la formation professionnelle dans cet État. Comme le note le gouvernement britannique (29), "M. Wirth n' est pas un 'ressortissant d' un autre État membre' qui bénéficie d' un
traitement moins favorable que celui accordé à un ressortissant de l' État membre auquel l' aide est demandée".

42. D' ailleurs, le requérant au principal ne vise pas à aligner ses droits à l' égard de l' État dispensateur de l' aide sur ceux des ressortissants des autres États membres, mais à élargir, voire à rétablir, les conditions d' octroi ratione loci de la bourse. Il n' est en aucun cas victime d' une discrimination fondée sur la nationalité (30).

43. Dès lors qu' il n' y a pas discrimination en raison de la nationalité, l' article 7 du traité ne fait pas obstacle à ce qu' un État membre ne verse à ses ressortissants des aides à la formation dans un établissement d' enseignement supérieur que si les études se déroulent sur le territoire national.

44. Il ne s' oppose pas davantage à ce que cet État, qui avait jusqu' alors versé des aides à la formation pour des études suivies dans un établissement supérieur d' un autre État membre, les supprime sans justifier sa décision par un souci d' économie.

45. Revenons, à présent, à la deuxième partie de la première question posée par le juge a quo.

46. Si le juge national devait admettre que l' établissement d' enseignement supérieur situé dans un État membre B est un prestataire de services, l' impossibilité pour le ressortissant de l' État membre A qui fréquente cet établissement d' obtenir de son État une aide à la formation constitue-t-elle une restriction à la libre prestation de services au sens des articles 59 et 62 du traité?

47. Les termes de la comparaison sont dès lors les suivants: un étudiant peut-il être privé de l' allocation lorsqu' il fréquente dans un autre État membre un établissement d' enseignement répondant aux critères de l' article 60 du traité alors qu' il pourrait percevoir cette allocation s' il fréquentait un établissement ayant également la qualité de prestataire mais situé dans son État d' origine?

48. L' étudiant peut-il se prévaloir de l' article 59 pour bénéficier dans l' État d' accueil de l' allocation d' entretien prévue par l' État dont il est le ressortissant?

49. Il est constant que l' interdiction de l' article 59 vise les restrictions tant à l' égard des prestataires de services qu' à l' égard des destinataires de la prestation lorsque ceux-ci se rendent dans l' État du prestataire (31).

50. L' étudiant d' un État membre A qui étudie, sur le territoire d' un État membre B, dans une institution prestataire de services rentre dans le champ d' application du traité en tant que destinataire dans ce dernier État de prestations de services (32).

51. Un étudiant pourrait être dissuadé d' aller étudier dans un autre État membre s' il devait y être privé de l' allocation d' entretien qu' il percevrait dans son État d' origine.

52. L' absence de droit à allocation constitue-t-elle pour autant une restriction à la libre prestation de services de l' article 59? (33)

53. La réglementation sous examen présente, à cet égard, deux particularités.

54. En premier lieu, comme dans l' affaire Luisi et Carbone (34), l' atteinte au principe de libre prestation de services serait le fait de la réglementation de l' État membre dont le destinataire de services est ressortissant. Il ne s' agit donc pas de connaître d' éventuels obstacles résultant de la législation de l' État de séjour du destinataire de prestations de services, comme dans l' affaire Cowan (35).

55. En second lieu, la restriction à la libre prestation de services consisterait dans l' accès plus difficile aux établissements d' enseignement supérieur situés dans un autre État membre et résulterait de l' impossibilité pour l' étudiant qui se rend dans cet autre État de percevoir la bourse dont il aurait pu bénéficier s' il était resté sur le territoire de son État d' origine.

56. Il est remarquable que l' étudiant - qui ne peut se prévaloir de la qualité de travailleur et des droits qui en découlent, notamment par application de l' article 48 et des règlements pris pour son application - rentre ici dans le champ d' application du traité par le détour de la notion de "destinataire de prestation de services".

57. C' est ce deuxième point qui nous paraît décisif.

58. Est-on, ici, réellement en présence d' une restriction à la libre prestation de services?

59. Dans l' arrêt Luisi et Carbone, vous avez examiné à l' aune de l' article 59 la réglementation de l' État d' origine du destinataire de services qui fixait un plafond au montant des devises exportées par des résidents à des fins de tourisme, d' affaires, d' études et de soins médicaux.

60. Une fois ce maximum atteint, le ressortissant de cet État était placé dans l' impossibilité, faute de ressources financières, d' être destinataire de prestations de services dans l' État d' accueil.

61. Ici, le destinataire n' est pas privé d' accès à la prestation en cause. Il perd tout simplement son éligibilité à l' octroi d' une allocation prévue par son droit national.

62. Nous sommes ici au coeur d' une question clé en matière de prestation de services.

63. Le ressortissant d' un État membre bénéficiaire dans cet État d' aides financières à vocation sociale peut-il invoquer l' article 59 du traité dès lors qu' il se rend dans un autre État membre où ces aides ne sont plus exigibles ratione loci?

64. Peut-il réclamer à son État d' origine qu' il lui assure les mêmes aides quel que soit l' État membre où il se rend comme destinataire de prestation de services? Est-il privé d' accès à ces prestations du fait de l' absence de ces aides?

65. Nous ne le pensons pas dès lors que l' aide financière est générale et non affectée à des dépenses précises (tels un revenu minimum d' insertion ou une allocation d' aide aux plus démunis) et ne s' applique que sur le territoire de l' État membre d' origine du destinataire de prestations de services. En effet, la suppression de cette aide lorsque celui-ci se rend dans un autre État membre ne le prive pas d' accès à une prestation de services identifiable et déterminée.

66. L' allocation d' entretien versée à l' occasion des études n' est pas directement et principalement affectée au remboursement des frais d' études ou de scolarité. Elle permet de faire face aux frais de logement, d' entretien et d' autres dépenses diverses de l' étudiant. Elle ne vise qu' éventuellement et, dans ce cas, qu' accessoirement à "rémunérer" l' établissement prestataire de services. Ce n' est que dans l' hypothèse où la réglementation affecterait expressément une partie de la bourse au
paiement des études qu' une restriction à la libre prestation de services pourrait être établie. Tel n' est pas le cas, semble-t-il, d' une législation telle que celle de la BAfoeG.

67. Il en résulte, à notre sens, un lien trop ténu entre l' impossibilité d' exiger des bourses d' études en dehors du territoire national d' un État membre et une éventuelle restriction à l' accès aux institutions de formation supérieure prestataires de services dans les autres États membres.

68. Dès lors, dans une telle situation, l' article 62 ne saurait trouver à s' appliquer.

69. Soulignons, au moment de conclure, que l' on ne saurait, sans le solliciter abusivement, évoquer ici votre arrêt Kraus (36)pour y voir ne fût-ce que l' amorce d' un infléchissement de cette jurisprudence. En effet, cette dernière décision, étrangère aux articles 59 et suivants du traité, est relative aux conditions d' utilisation dans un État de la Communauté d' un titre universitaire obtenu, indépendamment de toute aide à la formation, dans un autre État membre.

70. Par conséquent, nous vous proposons de dire pour droit:

I. 1) Les articles 59 et 60 du traité CEE doivent être interprétés en ce sens que les cours dispensés dans un établissement relevant de l' enseignement supérieur du système d' éducation nationale ne peuvent être qualifiés de services au sens de ces dispositions.

2) Tel serait, en revanche, le cas des cours dispensés dans un établissement d' enseignement dont le financement serait, pour l' essentiel, assuré par les contributions versées par des particuliers.

3) L' article 62 du traité CEE ne s' oppose pas à une réglementation d' un État membre qui retire à ses ressortissants étudiant dans un autre État membre un droit à bourse d' études.

II. L' article 7 du traité CEE ne s' oppose pas à ce qu' un État membre ne verse à ses ressortissants une aide à la formation dans un établissement d' enseignement supérieur que si les études se déroulent sur le territoire national, même lorsque, sous l' empire de sa législation antérieure, pareil avantage pouvait être consenti au ressortissant qui poursuivait de telles études dans un autre État membre.

(*) Langue originale: le français.

(1) - Voir sur ce point l' ordonnance de renvoi II-1.

(2) - Les questions préjudicielles son énoncées au point 6 du rapport d' audience.

(3) - Arrêt du 27 septembre 1988, État belge/Humbel (263/86, Rec. p. 5365).

(4) - Point 15.

(5) - Point 17.

(6) - Points 18 et 19.

(7) - Point 18.

(8) - Voir également les conclusions de l' Avocat général Sir Gordon Slynn dans l' affaire Humbel précitée: L' enseignement assuré par l' État n' est pas fourni contre rémunération . L' État n' est pas une organisation commerciale qui recherche un profit, ni même à rentrer dans ses frais et à équilibrer un bilan (Rec. 1978 p. 5379).

(9) - Voir le point 10 de l' arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, Rec. p. 377): l' article 60 répond à l' objectif de libérer toute activité rémunérée (...) (souligné par nous).

(10) - Voir en ce sens les observations du gouvernement britannique, point 17, et les conclusions de l' Avocat général Sir Gordon Slynn dans l' affaire Gravier (arrêt du 13 février 1985, 293/83, Rec. p. 593), sp. p. 603, ainsi que le point 20 des conclusions de Monsieur l' Avocat général Van Gerven dans l' affaire C-19/92, Kraus (arrêt du 31 mars 1993, non encore publié au Recueil).

(11) - Arrêt du 15 mars 1988, Commission/République hellénique (147/86, Rec. p. 1637).

(12) - Arrêt du 5 octobre 1988, Steymann, point 16 (196/87, Rec. p. 6159).

(13) - Voir références, supra note 10.

(14) - Point 24, souligné par nous.

(15) - JO n 63, p. 1338.

(16) - JO C 81, p. 5.

(17) - Point 30.

(18) - Arrêt 24/86, Rec. p. 379, point 24. Voir également l' arrêt du 30 mai 1989, Commission/Conseil (ERASMUS), point 25 (242/87, Rec. p. 1425).

(19) - Arrêt du 21 juin 1988 (39/86, Rec. p. 3161).

(20) - Point 14.

(21) - Point 15.

(22) - Ibidem. Ces principes ont été rappelés dans l' arrêt du 21 juin 1988, Brown, points 16 à 18 (187/85, Rec. p. 3205).

(23) - JO L 257, rectificatif au JO L 295.

(24) - Arrêt du 26 février 1992 (C-357/89, Rec. p. I-1027).

(25) - Point 6.

(26) - Voir, pour ce dernier, référence supra note 22.

(27) - Point 29, souligné par nous.

(28) - Voir en ce sens les conclusions de Monsieur l' Avocat général Van Gerven sous l' arrêt Raulin précité, point 18. Il est à noter que la directive 90/366/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative au droit de séjour des étudiants, précitée, annulée par arrêt du 7 juillet 1992, Parlement/Conseil (C-295/90, Rec. p. I-4193) et dont les effets ont été maintenus, n' impose pas à l' État membre d' accueil l' obligation de payer des bourses d' entretien aux étudiants bénéficiant du droit de séjour
(article 3 et sixième considérant).

(29) - Point 29 de ses observations.

(30) - La Cour n' est pas saisie de la compatibilité avec l' article 7 du régime que le BAfoeG réserve aux non-nationaux sur le territoire allemand.

(31) - Voir les arrêts du 31 juillet 1984, Luisi et Carbone, point 10 (286/82 et 26/83, Rec. p. 377), et du 2 février 1989, Cowan, point 20 (186/87, Rec. p. 195).

(32) - (...) les dispositions du traité relatives à la libre prestation de services ne pourraient s' appliquer aux activités dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l' intérieur d' un seul État membre , arrêt du 13 mars 1980, Debauve, point 9 (52/79, Rec. p. 833).

(33) - Voir point 2.1.2 de l' ordonnance du juge a quo.

(34) - Voir référence, supra note 31.

(35) - Ibidem.

(36) - Arrêt précité, voir référence note 10.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-109/92
Date de la décision : 14/07/1993
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Hannover - Allemagne.

Financement des études - Services - Non-discrimination.

Libre prestation des services


Parties
Demandeurs : Stephan Max Wirth
Défendeurs : Landeshauptstadt Hannover.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:312

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