La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/1993 | CJUE | N°C-20/92

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Anthony Hubbard (Testamentvollstrecker) contre Peter Hamburger., 01/07/1993, C-20/92


Avis juridique important

|

61992J0020

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 1er juillet 1993. - Anthony Hubbard (Testamentvollstrecker) contre Peter Hamburger. - Demande de décision préjudicielle: Landgericht Hamburg - Allemagne. - Egalité de traitement - Libre prestation de services - Exécuteur testamentaire. - Aff

aire C-20/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-03777
édition ...

Avis juridique important

|

61992J0020

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 1er juillet 1993. - Anthony Hubbard (Testamentvollstrecker) contre Peter Hamburger. - Demande de décision préjudicielle: Landgericht Hamburg - Allemagne. - Egalité de traitement - Libre prestation de services - Exécuteur testamentaire. - Affaire C-20/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-03777
édition spéciale suédoise page I-00265
édition spéciale finnoise page I-00299

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Libre prestation des services - Principe de non-discrimination - Application à un ressortissant d' un autre État membre agissant dans le cadre de la libre prestation des services d' une disposition nationale imposant aux étrangers estant en justice le versement d' une "cautio judicatum solvi" - Inadmissibilité

(Traité CEE, art. 59 et 60)

2. Droit communautaire - Principes - Égalité de traitement - Discrimination en raison de la nationalité - Subordination de l' octroi du traitement national à un ressortissant d' un autre État membre à l' existence d' un accord de réciprocité - Inadmissibilité

3. Droit communautaire - Efficacité en droit interne - Distinction entre divers domaines - Inadmissibilité - Application des règles relatives à la libre prestation des services à un professionnel, ressortissant d' un autre État membre, intervenant dans un règlement successoral

Sommaire

1. Le principe d' égalité de traitement énoncé à l' article 59 du traité s' applique dans tous les cas où un professionnel offre des services, normalement contre une rémunération, sur le territoire d' un État membre autre que celui dans lequel il est établi, quel que soit le lieu où sont établis les destinataires de ces services.

Constitue une discrimination en raison de la nationalité, prohibée par les articles 59 et 60 du traité, le fait pour un État membre d' imposer, au seul motif qu' il est étranger, à un ressortissant d' un autre État membre, ayant, en tant qu' exécuteur testamentaire, introduit une action devant l' une de ses juridictions, le versement d' une "cautio judicatum solvi".

2. Le droit à l' égalité de traitement consacré par le droit communautaire ne saurait dépendre de l' existence de conventions internationales fondées sur le principe de réciprocité conclues entre les États membres.

3. L' efficacité du droit communautaire ne saurait varier selon les différents domaines du droit national à l' intérieur desquels il peut faire sentir ses effets. Le fait qu' un litige au fond relève du droit successoral ne permet pas d' écarter l' application du droit à la libre prestation des services consacré par le droit communautaire à l' égard d' un professionnel chargé de l' affaire.

Parties

Dans l' affaire C-20/92,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Landgericht Hamburg et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Anthony Hubbard

et

Peter Hamburger,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 7 et 59 du traité CEE,

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. C. N. Kakouris, président de chambre, G. F. Mancini, F. A. Schockweiler, M. Díez de Velasco et P. J. G. Kapteyn, juges,

avocat général: M. M. Darmon

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint

considérant les observations écrites présentées, pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. Étienne, conseiller juridique principal et M. E. Lasnet, conseiller juridique, en qualité d' agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 10 mars 1993,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 11 décembre 1991, parvenue à la Cour le 24 janvier 1992, le Landgericht Hamburg a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, des questions préjudicielles relatives aux articles 7, paragraphe 1, et 59 de ce traité.

2 Les questions ont été soulevées dans le cadre d' une action engagée par M. Hubbard contre M. Hamburger à propos de l' envoi en possession d' une succession.

3 M. Hubbard, solicitor anglais, agissant en qualité d' exécuteur testamentaire au sens de son droit national, a demandé devant le Landgericht Hamburg l' envoi en possession de biens faisant partie d' une succession, situés en République fédérale d' Allemagne. Le défendeur, M. Hamburger, a alors exigé la fourniture d' une cautio judicatum solvi en application de l' article 110, paragraphe 1, première phrase, de la Zivilprossesordnung (code de procédure civile).

4 Selon cette disposition, les ressortissants étrangers qui se portent demandeurs dans une action intentée devant les juridictions allemandes doivent, sur demande du défendeur, fournir une garantie concernant les dépens et honoraires d' avocat. L' article 110, paragraphe 2, 1 , dispose toutefois que cette obligation ne s' applique pas lorsque le demandeur est ressortissant d' un État qui n' exige pas la même garantie d' un ressortissant allemand.

5 La convention judiciaire germano-britannique, du 20 mars 1928, remise en vigueur avec effet au 1er janvier 1953 (BGBL 1953, II, p. 116), prévoit, en son article 14, que les ressortissants d' une partie contractante ne sont dispensés du paiement de la "cautio judicatum solvi" sur le territoire de l' autre partie contractante que s' ils y résident. La convention européenne d' établissement de Paris du 13 décembre 1955 (BGBL 1959, II, p. 998) exempte par ailleurs de cette exigence tous les
ressortissants des États contractants à la simple condition qu' ils soient domiciliés ou qu' ils aient leur résidence habituelle dans un de ces États contractants. Cette règle n' est toutefois pas applicable aux ressortissants des États qui ont émis une réserve dans le cadre de l' article 27 de cette convention, ce qui est le cas du Royaume-Uni.

6 En raison de cette réserve, M. Hubbard ne peut pas bénéficier de l' exemption prévue par la convention de Paris. Ne résidant pas en Allemagne, il ne peut pas non plus invoquer la convention bilatérale germano-britannique.

7 Estimant que l' issue du litige dépendait de l' interprétation du droit communautaire, le Landgericht Hamburg a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

"1. Est-il porté atteinte aux droits découlant du droit communautaire - notamment au droit à la liberté de prestation des services - pour un solicitor britannique agissant en Allemagne en qualité d' exécuteur testamentaire au sens du droit anglais (executor) et sollicitant, au moyen d' une action engagée en son propre nom devant une juridiction allemande, l' envoi en possession de biens dépendant d' une succession si la juridiction allemande ordonne sur demande de la partie défenderesse, en
application de l' article 110, paragraphe 1, phrase 1, du Zivilprozessordnung (code de procédure civile) allemand, la fourniture d' une cautio judicatum solvi, cette décision ayant pour conséquence que le défendeur n' est pas tenu de conclure au fond avant la fourniture de la caution?

2. L' application du traité CEE est-elle assortie de certaines particularités en raison du fait que, dans les rapports entre les juridictions allemandes et les demandeurs britanniques n' ayant pas de domicile ni de biens immobiliers en République fédérale d' Allemagne, la question de la cautio judicatum solvi a été réglementée d' une part à l' article 14 de la convention judiciaire germano-britannique du 20 mars 1928 (RGBl. II, p. 623), remise en vigueur avec effet au 1er janvier 1953 (BGBl. II, p.
116), et d' autre part à l' article 9 de la convention européenne d' établissement de Paris du 13 décembre 1955 (BGBl. 1959 II, p. 998)?

3. Les faits énoncés à la question 1, impliquent-ils une infraction à l' article 7, premier alinéa, du traité CEE?

4. Le fait que l' action du demandeur pourrait éventuellement, selon les énonciations de celui-ci, relever, quant au fond du droit, également du droit successoral implique-t-il une limitation, ayant une incidence sur le présent litige, du champ d' application du traité CEE ou d' autres dispositions du droit communautaire?"

8 Pour un plus ample exposé du cadre juridique et des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport du juge rapporteur. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur la première et troisième questions

9 Par sa première et troisième questions, le juge national cherche, en substance, à savoir si les articles 7, paragraphe 1, 59 et 60 du traité s' opposent à ce qu' un État membre impose le versement d' une cautio judicatum solvi à un professionnel, établi dans un autre État membre, qui introduit une action devant l' une de ses juridictions, au seul motif que ce professionnel est ressortissant d' un autre État membre.

10 A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon l' article 7 du traité, le principe de non-discrimination sort ses effets "dans le domaine de l' application du ...traité" et "sans préjudice des dispositions particulières qu' il prévoit". Par cette dernière expression, l' article 7 renvoie notamment à d' autres dispositions du traité qui mettent en oeuvre le principe général qu' il énonce dans des situations spécifiques. Tel est le cas, entre autres, des dispositions relatives à la libre
prestation de services (voir arrêt du 2 février 1989, Cowan, C-186/87, Rec. p. 195).

11 Afin de répondre aux questions préjudicielles posées, il convient donc d' abord de vérifier si des activités comme celles en cause au principal où le prestataire et le destinataire sont établis dans le même État membre, mais la prestation de services est effectuée dans un autre État membre, entrent dans le champ d' application des articles 59 et 60 du traité.

12 A cet égard, il y a lieu de relever que, dans les arrêts du 26 février 1991, dits "guides touristiques", Commission/France, Commission/Italie, Commission/Grèce (C-154/89, Rec. p. I-659, point 10; C-180/89, Rec. p. I-709, point 9; C-198/89, Rec. p. I-727, point 10), la Cour a décidé que les dispositions de l' article 59 du traité s' appliquent dans tous les cas où un prestataire de services offre des services sur le territoire d' un État membre autre que celui dans lequel il est établi, quel que
soit le lieu où sont établis les destinataires de ces services.

13 Lorsqu' un tel service est fourni par un professionnel, et donc, comme l' exige l' article 60 du traité, normalement contre une rémunération, le principe de l' égalité de traitement énoncé à l' article 59 s' applique.

14 Il y a lieu de constater ensuite que le fait pour un État membre d' imposer le versement d' une cautio judicatum solvi à un ressortissant d' un autre État membre, qui a, en tant qu' exécuteur testamentaire, introduit une action devant l' une de ses juridictions, alors que les ressortissants nationaux ne sont pas soumis à une telle exigence, constitue une discrimination en raison de la nationalité prohibée par les articles 59 et 60.

15 Il convient dès lors de répondre à la première et troisième questions préjudicielles que les articles 59 et 60 doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à ce qu' un État membre impose le versement d' une cautio judicatum solvi à un professionnel, établi dans un autre État membre, qui introduit une action devant l' une de ses juridictions, au seul motif que ce professionnel est ressortissant d' un autre État membre.

Sur la deuxième question préjudicielle

16 Par sa deuxième question, le juge national cherche à savoir si l' existence de conventions internationales fondées sur le principe de réciprocité et qui prévoient, dans certains cas, l' exemption du versement de la garantie litigieuse peut avoir une incidence sur l' application du traité.

17 A cette question, il suffit de répondre que, conformément à une jurisprudence constante, le droit à l' égalité de traitement consacré par le droit communautaire ne saurait dépendre de l' existence d' accords de réciprocité conclus par les États membres (voir arrêt du 22 juin 1972, Frilli, 1/72, Rec. p. 457, et arrêt du 2 février 1989, Cowan, 186/87, Rec. p. 195).

Sur la quatrième question préjudicielle

18 Par sa dernière question, le juge national demande en substance si le fait que le litige au fond relève du droit successoral permet d' écarter l' application du traité.

19 Sur ce point, il y a lieu de rappeler que, comme la Cour l' a affirmé dans l' arrêt du 21 mars 1972, Sail (82/71, Rec. p. 119, point 5), l' efficacité du droit communautaire ne saurait varier selon les différents domaines du droit national à l' intérieur desquels il peut faire sentir ses effets. En l' espèce, le droit national subissant ces effets n' est pas le droit dont relève le litige au fond, mais le droit procédural national.

20 Il convient donc de répondre à cette question que le fait que le litige au fond relève du droit successoral ne permet pas d' écarter l' application du droit à la libre prestation des services consacré par le droit communautaire à l' égard d' un professionnel chargé de l' affaire.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

21 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Landgericht Hamburg, par ordonnance du 11 décembre 1991, dit pour droit:

1. Les articles 59 et 60 du traité doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à ce qu' un État membre impose le versement d' une cautio judicatum solvi à un professionnel, établi dans un autre État membre, qui introduit une action devant l' une de ses juridictions, au seul motif que ce professionnel est ressortissant d' un autre État membre.

2. Le droit à l' égalité de traitement consacré par le droit communautaire ne saurait dépendre de l' existence d' accords internationaux conclus par les États membres.

3. Le fait que le litige au fond relève du droit successoral ne permet pas d' écarter l' application du droit à la libre prestation des services consacré par le droit communautaire à l' égard d' un professionnel chargé de l' affaire.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-20/92
Date de la décision : 01/07/1993
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Landgericht Hamburg - Allemagne.

Egalité de traitement - Libre prestation de services - Exécuteur testamentaire.

Libre prestation des services


Parties
Demandeurs : Anthony Hubbard (Testamentvollstrecker)
Défendeurs : Peter Hamburger.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:280

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award