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31/03/1993 | CJUE | N°C-59/92

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 31 mars 1993., Hauptzollamt Hamburg-St. Annen contre Ebbe Sönnichsen GmbH., 31/03/1993, C-59/92


Avis juridique important

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61992C0059

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 31 mars 1993. - Hauptzollamt Hamburg-St. Annen contre Ebbe Sönnichsen GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Droits à l'importation - Détermination de la valeur en douane des marchandises

défectueuses. - Affaire C-59/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-0...

Avis juridique important

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61992C0059

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 31 mars 1993. - Hauptzollamt Hamburg-St. Annen contre Ebbe Sönnichsen GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Droits à l'importation - Détermination de la valeur en douane des marchandises défectueuses. - Affaire C-59/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-02193

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans quelle mesure les droits de douane perçus à l' importation d' une marchandise provenant d' un pays tiers sont-ils soumis à remboursement lorsque cette marchandise est endommagée avant même le transfert du risque à l' acheteur? Telle est, en substance, la principale question que vous pose le Bundesfinanzhof.

2. En juillet 1984, la société Ebbe Soennichsen GmbH (ci-après "Ebbe") importe fob d' Uruguay en République fédérale d' Allemagne un lot de quatre cent quarante cartons de "viande de bovins domestiques, réfrigérée, découpes sans os". La déclaration de marchandises ne mentionne aucun vice de qualité du produit.

3. Le Hauptzollamt Hamburg-St Annen (ci-après "Hauptzollamt") fixe la valeur en douane de la marchandise importée conformément à la déclaration d' Ebbe sur la base du prix facturé et payé.

4. Le 11 octobre 1984, Ebbe demande le remboursement partiel des droits de douane à l' importation au motif qu' il est établi par expertise qu' une partie de la cargaison est avariée et impropre à la consommation humaine. Il n' est pas contesté que la viande était déjà avariée avant que le risque n' ait été transféré du vendeur à l' acheteur. La note de crédit remise à celui-ci n' a pas été honorée par le vendeur.

5. Selon l' article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l' importation ou à l' exportation (1),

"il est procédé au remboursement ou à la remise des droits à l' importation dans la mesure où il est établi, à la satisfaction des autorités compétentes, que le montant pris en compte de ces droits:

...

- est supérieur, pour un motif quelconque, à celui qui était légalement à percevoir".

6. Aux termes de l' article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 1224/80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises (2),

"la valeur en douane des marchandises importées, déterminée par application du présent article, est la valeur transactionnelle, c' est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu' elles sont vendues pour l' exportation à destination du territoire douanier de la Communauté...".

7. Le règlement (CEE) n 1495/80 de la Commission, du 11 juin 1980, arrêtant les dispositions d' exécution de certaines dispositions des articles 1er, 3 et 8 du règlement n 1224/80 du Conseil relatif à la valeur en douane des marchandises (3), complété par le règlement (CEE) n 1580/81 de la Commission, du 12 juin 1981 (4), dispose, dans son article 4, deuxième phrase:

"Une répartition proportionnelle du prix effectivement payé ou à payer s' applique ... en cas de perte partielle ou en cas de dommage avant la mise en libre pratique de la marchandise à évaluer".

8. Le Hauptzollamt refuse la demande de remboursement au motif que l' article 4, deuxième phrase, du règlement n 1495/80 ne serait applicable que lorsque la marchandise est endommagée après le transfert du risque à l' acheteur (5). Or la viande était déjà avariée à cette date.

9. Le Finanzgericht fait droit à cette demande en considérant que, conformément à l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1430/79, Ebbe a droit au remboursement des droits de douane payés pour la marchandise avariée puisque le montant des droits pris en compte est supérieur à celui qui est légalement à percevoir. Une répartition proportionnelle du prix au sens de l' article 4, deuxième phrase, du règlement n 1495/80 modifié s' impose également en cas de détérioration partielle, dès lors que
celle-ci survient avant la mise en libre pratique de la marchandise importée.

10. Saisi en "Revision", le Bundesfinanzhof vous interroge sur l' applicabilité de ce dernier texte lorsque la marchandise importée présente des défauts en diminuant la valeur avant même le transfert du risque à l' acheteur. Dans la négative, il vous demande comment la valeur transactionnelle au sens de l' article 3, paragraphe 1, du règlement n 1224/80 peut être déterminée (6).

11. Cette dernière disposition étant applicable (7), la valeur en douane de la marchandise importée est établie sur la base du prix effectivement payé par l' importateur, qui a, en l' espèce, acquitté la totalité du prix convenu.

12. Le règlement n 1224/80 vise à établir, comme le rappelle son sixième considérant, un système d' évaluation en douane équitable, uniforme et neutre, qui exclut l' utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives: c' est la valeur économique réelle de la marchandise introduite dans le circuit économique qui doit être retenue.

13. Comme vous l' avez relevé dans l' arrêt du 6 juin 1990, Unifert (8), après avoir rappelé les termes de ce considérant:

"C' est pour cette raison que les diminutions imprévisibles de la valeur commerciale de la marchandise, après son achat mais avant sa mise en libre pratique, doivent se traduire par une réduction proportionnelle du prix effectivement payé ou à payer" (9).

14. Il peut donc y avoir lieu à ajustement de ce prix.

15. C' est ainsi que l' article 4, deuxième phrase, du règlement n 1495/80 modifié prévoit une répartition proportionnelle du prix effectivement payé ou à payer en cas de perte partielle ou en cas de dommage avant la mise en libre pratique de la marchandise à évaluer.

16. A propos d' un lot de viande congelée importé d' Argentine accidentellement décongelé au moment de son chargement dans un port argentin, vous avez jugé, alors même que ce dernier texte n' était pas applicable aux faits de l' espèce, survenus avant son entrée en vigueur, que,

"... au cas où la marchandise à évaluer, exempte d' avaries lors de son achat, a été endommagée avant sa mise en libre pratique, le prix effectivement payé ou à payer doit faire l' objet d' une réduction proportionnelle au dommage subi" (10).

17. La solution doit-elle être différente lorsque le dommage survient avant le transfert du risque à l' acheteur? Autrement dit, la date du transfert du risque du vendeur à l' acheteur peut-elle avoir une incidence sur la détermination de la valeur en douane d' une marchandise?

18. Disons-le clairement, l' argumentation présentée par le Hauptzollamt devant le juge a quo (11), selon laquelle l' article 4, deuxième phrase, du règlement n 1495/80 modifié ne s' appliquerait qu' en cas de dommage survenu à la marchandise après le transfert de la charge du risque à l' acheteur, ne nous a guère convaincu.

19. La date à retenir pour la détermination de la valeur en douane est très précisément définie par l' article 1er, paragraphe 1, lettre g), sous i), du règlement n 1224/80: il s' agit, en ce qui concerne les marchandises déclarées pour la mise en libre pratique directe, de "la date à laquelle le service des douanes accepte l' acte par lequel le déclarant manifeste sa volonté de procéder à la mise en libre pratique de ces marchandises".

20. On le voit, la valeur en douane doit être appréciée au jour où la marchandise est mise en libre pratique dans la Communauté. Dès lors que l' on tient compte de sa valeur réelle, l' important est son état lors de l' entrée dans la Communauté.

21. La circonstance que le risque n' a été transféré à l' acheteur qu' après l' embarquement parce que la vente a été conclue fob (l' acheteur supporte tous les risques relatifs à cette marchandise une fois cette dernière chargée à bord du navire) est, à notre avis, sans aucune influence sur la détermination de la valeur en douane.

22. Celle-ci - et partant le montant des droits perçus par la Communauté - ne saurait varier au gré des modalités d' importation de la marchandise, que la vente soit conclue fob, caf ou sous un autre régime.

23. Supposons, en effet, le cas de deux lots identiques importés l' un en vente fob, l' autre en vente caf, endommagés en cours de transport dans les mêmes conditions, la valeur en douane ne saurait être différente, alors que les deux lots sont dans le même état à leur entrée dans la Communauté, au seul motif que dans un cas l' avarie s' est produite avant le transfert du risque, alors que dans le second, les dommages sont survenus postérieurement à ce transfert.

24. Une telle interprétation de l' article 4, deuxième phrase, du règlement n 1495/80 irait à l' encontre de l' objectif de la réglementation en la matière: le système d' évaluation en douane, nous l' avons vu, doit exclure l' utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives (12).

25. Notre point de vue est corroboré par les éléments suivants.

26. En premier lieu, le libellé même du texte, qui précise uniquement que le dommage doit avoir eu lieu avant la mise en libre pratique, ne fait nullement référence à la notion de transfert du risque. Il n' y a, dès lors, pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas.

27. En second lieu, votre Cour ne s' attache pas au point de savoir si le dommage est intervenu avant ou après le transfert du risque: elle exige seulement, nous l' avons vu, qu' il se soit produit après l' achat et avant la mise en libre pratique de la marchandise en question.

28. En troisième lieu, il serait inéquitable et arbitraire - et donc contraire à la finalité de la réglementation en cause - de subordonner au remboursement de la moins-value par le vendeur la détermination de la valeur en douane. En effet, le prix payé n' est qu' un élément permettant d' apprécier la valeur réelle de la marchandise, seule déterminante pour calculer la valeur en douane.

29. Nous en trouvons la confirmation dans l' accord relatif à la mise en oeuvre de l' article VII du GATT (13). En acceptant cet accord, "la Communauté a assumé l' obligation d' assurer ... la conformité de sa réglementation sur la valeur en douane avec les dispositions de l' accord" (14).

30. C' est ainsi que l' article 3 du règlement n 1224/80 - pris pour l' exécution de cet accord (15) - reproduit à l' identique la définition de la valeur en douane figurant à l' article 1er de celui-ci.

31. Dès lors, le règlement n 1224/80 et le règlement n 1495/80 pris pour son application doivent, autant qu' il est possible, recevoir la même interprétation que l' accord sur lequel ils se fondent, d' autant que celui-ci a justement pour but d' unifier les méthodes d' évaluation en douane (16).

32. Précisément, le comité technique des questions douanières institué par le conseil de coopération douanière en exécution de l' article 18, paragraphe 2, de l' accord a adopté une note explicative relative au calcul de la valeur en douane lorsque les marchandises ne sont pas conformes aux stipulations du contrat.

33. La note distingue les marchandises "non conformes aux spécifications du contrat" des marchandises endommagées, et stipule que, dans cette dernière catégorie, lorsque la marchandise n' est que partiellement endommagée, "il est possible de retenir comme valeur transactionnelle le prix représenté par le pourcentage du prix total correspondant à la quantité de marchandises non endommagées par rapport à la quantité totale achetée". Là encore, nulle distinction selon la date de survenance du dommage,
qu' elle précède ou non le transfert du risque à l' acheteur.

34. Relevons, par ailleurs, que, lorsqu' une marchandise est refusée par l' importateur parce qu' elle est défectueuse ou non conforme, pour une cause quelconque, aux stipulations du contrat, il est procédé au remboursement ou à la remise des droits à l' importation (17). Nous ne voyons pas pourquoi l' importateur qui n' a pas refusé la livraison, parce qu' il n' a découvert les avaries que postérieurement, serait soumis à un régime différent.

35. L' interprétation donnée de l' article 4, deuxième phrase, par le Bundesfinanzverwaltung confirme cette opinion: lorsqu' une partie de la marchandise est endommagée avant la détermination de la valeur en douane, le prix fixé doit être corrigé en proportion du dommage (18).

36. La réponse à la première question est, donc, à notre avis, positive. La deuxième question devient, dès lors, sans objet.

37. Nous vous proposons, par conséquent, de dire pour droit:

"Il n' y a pas lieu de distinguer, pour l' application de l' article 4, deuxième phrase, du règlement (CEE) n 1495/80 de la Commission, du 11 juin 1980, tel que modifié par le règlement (CEE) n 1580/81 de la Commission, du 12 juin 1981, selon que la détérioration qui diminue la valeur en douane survient avant ou après le transfert du risque à l' acheteur."

(*) Langue originale: le français.

(1) - JO L 175, p. 1.

(2) - JO L 134, p. 1.

(3) - JO L 154, p. 14.

(4) - Règlement modifiant le règlement (CEE) n 1495/80 arrêtant les dispositions d' exécution de certaines dispositions des articles 1er, 3 et 8 du règlement (CEE) n 1224/80 du Conseil relatif à la valeur en douane des marchandises (JO L 154, p. 36).

(5) - Voir ordonnance du juge a quo, p. 5 de la traduction française.

(6) - Le libellé exact des questions préjudicielles figure en tête de l' ordonnance de renvoi.

(7) - Nous ne sommes pas en présence des situations exceptionnelles prévues aux points a) à d) du même paragraphe.

(8) - Arrêt C-11/89, Rec. p. I-2275.

(9) - Point 35.

(10) - Arrêt du 12 juin 1986, Repenning (183/85, Rec. p. 1873, point 18).

(11) - Le Hauptzollamt n' a pas présenté d' observations devant la Cour.

(12) - Sixième considérant du règlement n 1224/80.

(13) - JO 1980, L 71, p. 107.

(14) - Cinquième considérant du règlement n 1224/80.

(15) - Ibidem, deuxième et troisième considérants.

(16) - Voir le préambule de l' accord et le troisième considérant du règlement n 1224/80.

(17) - Article 5 du règlement (CEE) n 1430/79.

(18) - Vorschriftensammlung, Zollwertrecht Fachteil, Z 5314, 11. Lieferung, 19 Januar 1990.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-59/92
Date de la décision : 31/03/1993
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne.

Droits à l'importation - Détermination de la valeur en douane des marchandises défectueuses.

Union douanière

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : Hauptzollamt Hamburg-St. Annen
Défendeurs : Ebbe Sönnichsen GmbH.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:128

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