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61992J0193
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 18 février 1993. - Fioravante Luigi Bogana contre Union nationale des mutualités socialistes et Institut national d'assurance maladie-invalidité. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique. - Sécurité sociale - Prestations d'invalidité - Revalorisation et nouveau calcul des prestations. - Affaire C-193/92.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-00755
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
++++
Sécurité sociale des travailleurs migrants - Assurance invalidité - Prestations - Prestations calculées par application de l' article 46 du règlement n 1408/71 - Notion - Adaptation - Nouveau calcul - Limitation aux hypothèses envisagées par la réglementation communautaire
(Règlement du Conseil n 1408/71, art. 40, 46 et 51)
Sommaire
Une prestation d' invalidité servie par un État membre à un travailleur migrant est à considérer comme déterminée conformément à l' article 46 du règlement n 1408/71 même dans le cas où son montant, calculé selon les règles du droit national, y compris ses dispositions anticumul, est égal au montant calculé selon les règles de l' article 46 de ce règlement, y compris la règle anticumul du paragraphe 3 de cet article.
Il s' ensuit qu' une telle prestation obéit, pour son adaptation, aux règles posées par l' article 51 dudit règlement, qui n' autorise un nouveau calcul qu' en cas de modification du mode d' établissement ou des règles de calcul des prestations, et non pas aux dispositions du droit national lorsque celles-ci prévoient un recalcul de la prestation nationale pour tenir compte des variations d' une prestation servie par un autre État membre, liées notamment aux variations des cours moyens de change ou
à l' évolution générale de la situation économique et sociale de cet État.
Parties
Dans l' affaire C-193/92,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le tribunal du travail de Bruxelles et visant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Fioravante Luigi Bogana
et
Union nationale des mutualités socialistes,
intervenant volontaire devant la juridiction nationale: Institut national d' assurance maladie-invalidité,
une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 51 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6),
LA COUR (troisième chambre),
composée de MM. M. Zuleeg, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida et F. Grévisse, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs
greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal
considérant les observations écrites présentées:
- pour M. Bogana, par Me Franco Agostini, avocat au barreau de Rome,
- pour l' Institut national d' assurance maladie-invalidité, par Me Emmanuel Degrez, avocat au barreau de Bruxelles,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Dimitrios Gouloussis, conseiller juridique, en qualité d' agent,
vu le rapport d' audience,
ayant entendu les observations orales de M. Bogana et de la Commission à l' audience du 17 décembre 1992,
ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 28 janvier 1993,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par jugement du 5 mai 1992, parvenu à la Cour le 14 mai suivant, le tribunal du travail de Bruxelles a posé, en application de l' article 177 du traité CEE, une question préjudicielle relative à l' interprétation de l' article 51 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, dans sa version
codifiée par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6).
2 Ces questions ont été posées dans le cadre d' un litige opposant M. Fioravante Luigi Bogana, requérant au principal, à l' Union nationale des mutualités socialistes (ci-après "UNMS"), organisme belge chargé du paiement des prestations, et à l' Institut national d' assurance maladie-invalidité (ci-après "INAMI"), organisme belge compétent en matière d' octroi des prestations d' invalidité, défendeurs au principal.
3 Il ressort du dossier que M. Bogana, de nationalité italienne, a exercé des activités salariées en Italie et en Belgique. Étant devenu incapable de travailler, il s' est vu reconnaître, dans ces deux États, le droit de bénéficier de prestations d' invalidité à compter du 1er novembre 1981.
4 La prestation d' invalidité italienne a été calculée conformément au régime de totalisation et de proratisation prévu par le paragraphe 2 de l' article 46 du règlement n 1408/71.
5 La prestation d' invalidité belge a été déterminée selon les dispositions de la législation nationale. Compte tenu des règles anticumul figurant à l' article 76 quater, paragraphe 2, de la loi belge du 9 août 1963, instituant et organisant un régime d' assurance obligatoire contre la maladie et l' invalidité, dans sa rédaction issue de l' arrêté royal n 19 du 4 décembre 1978, la prestation versée à M. Bogana par l' institution belge compétente a été fixée à un montant égal à celui de la prestation
belge complète, diminué de celui de la prestation proratisée italienne.
6 En raison de la règle anticumul figurant au paragraphe 3 de l' article 46 du règlement n 1408/71, le montant de la prestation, s' il avait été déterminé selon les règles de calcul figurant à cet article, aurait été égal à celui déterminé selon les règles du seul droit national.
7 La prestation d' invalidité belge a fait l' objet d' adaptations ultérieures pour tenir compte de l' évolution de la prestation italienne, conformément aux dispositions de l' article 241 bis, paragraphe 2, sous a) et b), de l' arrêté royal du 4 novembre 1963, pris pour l' application de la loi du 9 août 1963, dans sa rédaction issue de l' arrêté royal du 30 juillet 1981.
8 Aux termes des dispositions de cet article, le calcul du montant de la prestation versée en application de l' article 76 quater, paragraphe 2, de la loi du 9 août 1963, doit être revu:
"a) lorsque la prestation (attribuée par une législation étrangère) ... varie de 2 % par rapport au montant pris en considération lors du calcul initial ou précédent; le nouveau calcul s' effectue au taux de change valable pour le trimestre où se situe le jour de la modification de la prestation...;
b) lorsque le taux de change moyen de la monnaie étrangère varie de 2 % par rapport à celui pris en considération lors du calcul initial ou précédent; la révision s' effectue avec effet au premier jour du trimestre au cours duquel est applicable le taux de change moyen modifié de 2 %;
..."
9 Lors d' une opération de régularisation, l' UNMS a constaté que l' évolution de la pension italienne servie à M. Bogana n' avait pas été prise en compte comme elle aurait dû l' être et que les dispositions de l' article 241 bis, paragraphe 2, sous a) et b), de l' arrêté royal du 4 novembre 1963, précité, ne lui avaient pas été correctement appliquées. Elle a, en conséquence, réclamé à M. Bogana des sommes de 4 572 BFR et de 39 093 BFR, qu' il aurait indûment perçues durant la période allant du 1er
janvier 1987 au 28 février 1991.
10 M. Bogana a formé un recours contre ces décisions devant le tribunal du travail de Bruxelles en soutenant que l' application des dispositions de l' article 241 bis, paragraphe 2, sous a) et b), de l' arrêté royal du 4 novembre 1963, précité, était contraire aux dispositions de l' article 51 du règlement n 1408/71.
11 Estimant que la solution du litige dépendait de l' interprétation du droit communautaire, le tribunal du travail de Bruxelles a décidé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, de poser à la Cour la question de savoir si:
"Lorsque le calcul d' une prestation effectué comparativement sur base de la législation nationale (article 76 quater, paragraphe 2, de la loi du 9 août 1963) et de l' article 46, paragraphe 3, du règlement (CEE) n 1408/71 donne le même résultat, cette prestation doit ..., au-delà de la date d' ouverture du droit, être adaptée conformément à l' article 51 du règlement (CEE) n 1408/71, ou conformément à une disposition du droit national (article 241 bis de l' arrêté royal du 4 novembre 1963)
prévoyant un recalcul de la prestation due en droit national en fonction des variations de la prestation étrangère, liées notamment aux variations des cours moyens de change et à l' évolution économique (péréquation)."
12 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
13 Par sa question préjudicielle, le juge national demande si une prestation d' invalidité servie par un État membre à un travailleur migrant, dont le montant, calculé par application du seul droit national, y compris ses dispositions anticumul, est égal au montant déterminé par application des règles de l' article 46 du règlement n 1408/71, y compris la règle anticumul du paragraphe 3 de cet article, doit être adaptée conformément aux dispositions de l' article 51 du règlement n 1408/71 ou, au
contraire, conformément aux dispositions du droit national lorsque celles-ci prévoient un recalcul de la prestation nationale pour tenir compte des variations d' une prestation servie par un autre État membre, liées notamment aux variations des cours moyens de change ou à l' évolution générale de la situation économique et sociale de cet État.
14 M. Bogana et la Commission proposent de répondre qu' il y a lieu d' appliquer les dispositions de l' article 51 du règlement n 1408/71. Ils soutiennent qu' une prestation telle que celle en cause au principal est déterminée conformément à l' article 46 du règlement n 1408/71 et que les dispositions de l' article 51 de ce règlement lui sont, par suite, applicables. Ces dispositions s' opposent, selon eux, à tout nouveau calcul destiné à prendre en compte les revalorisations d' une prestation
étrangère de même nature, autres que celles tenant à un changement dans la situation individuelle de l' intéressé.
15 L' INAMI propose, au contraire, de répondre qu' il y a lieu d' appliquer les dispositions de la législation nationale mentionnées dans la question préjudicielle. Selon cet organisme, dans le cas où le montant de la prestation, déterminé selon les règles du droit national, est égal au montant déterminé selon les règles de l' article 46 du règlement n 1408/71, l' application des règles du droit national doit, en réalité, être regardée comme plus favorable que l' application du droit communautaire
et, dès lors, le droit national doit être appliqué dans son intégralité, c' est-à-dire y compris ses dispositions anticumul, au nombre desquelles figure, en l' espèce au principal, l' article 241 bis de l' arrêté royal du 4 novembre 1963, précité.
16 L' argumentation de l' INAMI ne peut pas être retenue.
17 Selon la jurisprudence constante de la Cour (voir, par analogie, arrêt du 11 juin 1992, Di Crescenzo et Casagrande, C-90/91 et C-91/91, Rec. p. I-3851, point 17), pour calculer le montant d' une prestation d' invalidité due, en application du droit communautaire, à un travailleur qui a été soumis à la législation de deux ou plusieurs États membres, l' institution compétente de chacun de ces États doit établir une comparaison entre le montant dû en vertu de la seule législation nationale, y
compris ses règles anticumul, et celui résultant de l' article 46 du règlement n 1408/71, y compris la règle anticumul figurant au paragraphe 3 de cet article. Pour la liquidation de la prestation, le travailleur doit bénéficier de celui de ces deux régimes qui lui est le plus favorable.
18 Ainsi, même si l' application de la seule législation nationale, y compris ses règles anticumul, aboutit à un résultat aussi favorable ou plus favorable, pour le travailleur migrant, que celui obtenu par application des règles de l' article 46 du règlement n 1408/71, y compris la règle anticumul figurant au paragraphe 3 de cet article, le montant de la prestation d' invalidité servie à ce travailleur est, en réalité, comme le constate d' ailleurs l' INAMI dans ses observations devant la Cour,
déterminé conformément à l' article 46 du règlement n 1408/71.
19 Dès lors, les dispositions de l' article 51 du règlement n 1408/71 qui, selon leurs termes mêmes, sont relatives à la revalorisation et au nouveau calcul des prestations "établies conformément aux dispositions de l' article 46", sont applicables à ces prestations.
20 D' après la jurisprudence constante de la Cour (voir, notamment, arrêt du 20 mars 1991, Cassamali, C-93/90, Rec. p. I-1401), les dispositions de l' article 51 doivent être interprétées en ce sens qu' elles excluent, en vue de réduire la charge administrative que représenterait le réexamen de la situation du travailleur pour toute modification des prestations perçues, tout nouveau calcul d' une prestation établie conformément aux règles de l' article 46 du règlement n 1408/71 pour tenir compte des
revalorisations d' une prestation de même nature servie par un autre État membre lorsque ces revalorisations procèdent d' événements autres que ceux mentionnés au paragraphe 2 de l' article 51, c' est-à-dire autres qu' un changement du mode d' établissement ou des règles de calcul des prestations.
21 Il suit de là que des dispositions telles que celles de l' article 241 bis, paragraphe 2, sous a) et b), de l' arrêté royal du 4 novembre 1963, précité, qui, même si elles ont pour effet d' assurer, en permanence, le respect du plafond fixé par les clauses anticumul nationales, en l' espèce, l' article 76 quater, paragraphe 2, de la loi du 9 août 1963, précité, n' interviennent pas dans le calcul initial de la prestation d' invalidité, mais déterminent les circonstances dans lesquelles il y a
lieu de procéder à un nouveau calcul de la prestation plafonnée ainsi que le taux de change applicable à la prestation étrangère pour ce nouveau calcul, ne peuvent pas être appliquées à une prestation déjà liquidée, telle que celle en cause dans le litige au principal, sans méconnaître les dispositions de l' article 51 du règlement n 1408/71.
22 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question préjudicielle posée qu' une prestation d' invalidité servie par un État membre à un travailleur migrant et liquidée en application des dispositions des articles 40 et 46 du règlement n 1408/71, dont le montant, calculé selon les règles du droit national, y compris ses dispositions anticumul, est égal au montant calculé selon les règles de l' article 46 de ce règlement, y compris la règle anticumul du paragraphe 3 de cet article, doit être
adaptée conformément aux dispositions de l' article 51 du même règlement et non conformément aux dispositions du droit national lorsque celles-ci prévoient un recalcul de la prestation nationale pour tenir compte des variations d' une prestation servie par un autre État membre, liées notamment aux variations des cours moyens de change ou à l' évolution générale de la situation économique et sociale de cet État.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
23 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (troisième chambre),
statuant sur la question à elle posée par le tribunal du travail de Bruxelles, par jugement du 5 mai 1992, dit pour droit:
Une prestation d' invalidité servie par un État membre à un travailleur migrant et liquidée en application des dispositions des articles 40 et 46 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, dont le montant, calculé selon les règles du droit national, y compris ses dispositions anticumul, est
égal au montant calculé selon les règles de l' article 46 de ce règlement, y compris la règle anticumul du paragraphe 3 de cet article, doit être adaptée conformément aux dispositions de l' article 51 du même règlement et non conformément aux dispositions du droit national lorsque celles-ci prévoient un recalcul de la prestation nationale pour tenir compte des variations d' une prestation servie par un autre État membre, liées notamment aux variations des cours moyens de change ou à l' évolution
générale de la situation économique et sociale de cet État.