La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/1993 | CJUE | N°C-182/91

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 26 janvier 1993., Forafrique Burkinabe SA contre Commission des Communautés européennes., 26/01/1993, C-182/91


Avis juridique important

|

61991C0182

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 26 janvier 1993. - Forafrique Burkinabe SA contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Recours en indemnité - Convention de Lomé - Saisie-arrêt. - Affaire C-182/91.
Recueil de jurisprudence

1993 page I-02161

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le P...

Avis juridique important

|

61991C0182

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 26 janvier 1993. - Forafrique Burkinabe SA contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Recours en indemnité - Convention de Lomé - Saisie-arrêt. - Affaire C-182/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-02161

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Introduction

1. Le présent recours en annulation et en indemnité a été formé contre la Commission par une entreprise qui a exécuté des travaux dans le cadre d' un projet financé, en vertu de la première convention de Lomé (1), par le quatrième Fonds européen de développement (ci-après "FED"), et qui a établi pour ces travaux des factures qui n' ont pas été honorées. La requérante conteste le comportement de la Commission, aussi bien en tant que tiers saisi lors de la saisie-arrêt à laquelle elle a fait procéder
pour recouvrer sa créance, qu' en qualité de gestionnaire du FED (voir l' article 11, paragraphe 1, de l' accord interne du 11 juillet 1975 (2), relatif au quatrième FED, ainsi que l' article 9, paragraphe 1, du règlement financier du 27 juillet 1976 (3) qui en découle).

2. Dans le cadre d' un projet de l' État du Burkina Faso pour la création de points d' eau dans la province de la Comoe, projet faisant l' objet d' un accord de financement du 15 décembre 1987 entre cet État et la Communauté (4), un appel d' offres a été lancé pour la réalisation de 210 forages. Le marché a été attribué à l' Office national des puits et forages (ci-après "ONPF"), organisme contrôlé par l' État burkinabé. Cet organisme a conclu le 15 décembre 1989 avec la requérante, une société
ayant son siège au Burkina Faso, un contrat de sous-traitance pour la réalisation de 60 forages, dont 50 forages positifs. La requérante a perçu, conformément au contrat, une avance égale à 10 % du montant du marché prévu par le contrat (88 837 300 FCFA).

3. Entre février et mai 1990, époque pendant laquelle elle a réalisé les travaux, la requérante a facturé à l' ONPF, par quatre décomptes successifs, un solde net total de 85 112 000 FCFA (5). Cette somme n' ayant pas été réglée, la requérante a mis l' ONPF en demeure par lettre du 9 octobre 1990. Le même jour, elle avertissait le délégué local de la Commission que les décomptes mentionnés n' avaient pas été réglés, "malgré vos paiements", et malgré la clause du contrat de sous-traitance selon
laquelle les travaux du sous-traitant seraient réglés dès que le compte de l' entrepreneur principal (l' ONPF) serait crédité par le bailleur de fonds.

4. Ultérieurement, l' ONPF et le ministre de l' Eau ont assuré, sans contester la créance, que l' ONPF mettait tout en oeuvre pour procéder à certains paiements. L' ONPF a également fait une proposition de régularisation selon laquelle le montant dû devait être versé en plusieurs tranches.

5. La requérante, n' ayant encore obtenu par la suite aucun paiement de l' ONPF, a effectué le 6 mars 1991 une saisie-arrêt conservatoire entre les mains de la Commission sur toutes les sommes dues par celle-ci à l' État burkinabé, à concurrence d' un montant principal de 85 112 000 FCFA, majoré des frais et intérêts. Cet exploit de saisie-arrêt a été signifié au cours du mois de mars 1991 à la Commission, ainsi qu' à l' État burkinabé, dans l' un et l' autre cas par l' entremise du ministère des
Affaires étrangères belge.

6. Par lettre du 17 lettre 1991, la Commission a accusé réception de l' exploit de saisie-arrêt.

7. Dans le cadre du projet présentement en cause, la Commission a versé à l' État burkinabé le 6 mai 1991 deux montants de 21 315 426 FCFA et 25 192 693 FCFA respectivement puis, au cours de la présente procédure, un autre montant de 15 792 841 FCFA. Elle a, en outre, effectué "en 1991" des paiements concernant trois autres projets réalisés au Burkina Faso.

8. Après que la requérante eut protesté le 13 mai 1991 contre les paiements dont elle avait eu jusqu' alors connaissance, la Commission l' a informée, par lettre du 14 juin 1991, qu' elle n' entendait pas donner suite à la saisie-arrêt, parce que celle-ci était susceptible d' entraver le fonctionnement et l' indépendance des Communautés, et qu' il appartenait à la requérante de solliciter le cas échéant auprès de la Cour de justice une autorisation au titre de l' article 1er du protocole sur les
privilèges et immunités des Communautés européennes (ci-après "protocole").

9. La requérante estime que le comportement de la Commission, aussi bien en tant que tiers saisi lors de la saisie-arrêt qu' en tant que gestionnaire du FED, est illégal. C' est pourquoi elle a présenté des conclusions aux fins d' annulation, dont les termes sont repris dans le rapport d' audience et dont nous préciserons l' objectif exact dans le cadre de nos conclusions. Elle conclut également à la mise en oeuvre de la responsabilité de la Commission, au titre de laquelle elle demande la
réparation du dommage s' élevant à 85 112 000 FCFA, majoré des intérêts. Elle conclut enfin à la condamnation de la Commission aux dépens.

10. La Commission estime que le recours doit être rejeté comme non fondé, et la requérante condamnée aux dépens.

B - Analyse

Sur le recours en annulation (article 173, deuxième alinéa, du traité CEE)

11. I.1. La requérante n' ayant pas clairement défini l' acte attaqué dans sa requête, il convient tout d' abord, pour statuer sur ce chef du recours, de déterminer plus précisément cet aspect de l' objet du recours.

12. Sur la base de l' argumentation de la requête, la Commission est parvenue sur ce point, dans son mémoire en défense (6), à la conclusion que c' est dans la décision, communiquée à la requérante le 14 juin 1991, de ne pas donner suite à la saisie-arrêt, en invoquant le privilège conféré par l' article 1er du protocole, qu' il faut voir l' acte attaqué. La requérante a acquiescé dans sa réplique (7) à cette interprétation. Nous la tenons également pour juste.

13. En effet, ainsi que cela ressort du libellé des conclusions de la requête et d' un passage précis de l' exposé des moyens (8), la requérante a fait grief à la Commission d' avoir ignoré les effets de la saisie-arrêt en versant des fonds à l' État burkinabé en mai 1991, après la signification de l' exploit de saisie-arrêt. Or ce comportement apparaît comme une conséquence directe de l' acte précédemment défini. Il est donc logique de déduire des conclusions et de l' argumentation de la requête
que la volonté de la requérante est que cet acte soit annulé.

14. La demande ainsi définie ne peut pas être entendue comme une demande d' autorisation d' une mesure de contrainte (en l' espèce, une saisie-arrêt) au sens de l' article 1er, troisième phrase, du protocole. Certes, il n' est pas exclu en principe qu' un recours en annulation de l' acte par lequel un organe communautaire oppose à une mesure de contrainte le privilège conféré par l' article 1er du protocole puisse être interprété comme une demande d' autorisation adressée à la Cour (9). Mais ce pas
ne saurait être franchi en l' espèce. Il ressort, en effet, de l' ensemble de la requête (10) que la requérante part du principe que cette autorisation n' est pas nécessaire: d' une part, la créance frappée de saisie-arrêt, étant devenue exigible, ne fait plus partie du patrimoine du FED géré par la Commission, de sorte que la saisie-arrêt ne peut pas être considérée comme une mesure de contrainte frappant des biens ou des avoirs des Communautés; d' autre part, la Commission n' a pas contesté la
validité de la saisie-arrêt, ou ne l' a tout au moins pas contestée dans les formes et les délais requis.

15. On s' en tiendra donc à l' interprétation de l' objet du recours précédemment exposée.

16. 2. Afin de définir aussi l' objet du litige au regard des moyens du recours, il suffit de rappeler les arguments déjà évoqués de la requérante, par lesquels elle conteste la nécessité d' une autorisation de la Cour. Ils peuvent être résumés en un moyen unique, selon lequel la requérante estime que l' acte attaqué est contraire au droit communautaire parce que le privilège invoqué par la Commission ne s' appliquerait pas en l' espèce.

17. II. Dans le cadre ainsi délimité, nous souhaiterions, tout d' abord, faire quelques remarques sur la recevabilité de la demande présentée. La Commission a observé à cet égard à l' audience, sans contester expressément la recevabilité, que la démarche de la requérante "soulève quelque perplexité en termes de procédure" (11). La Commission pose la question de savoir s' il est admissible, dans le cadre d' un recours en annulation, de contester la légalité d' un refus de la Commission de se
soumettre à une saisie-arrêt, alors qu' elle a expressément fondé ce refus sur le motif que la saisie entraverait le fonctionnement de la Communauté. La Commission se demande si l' autorisation de la Cour prévue à l' article 1er du protocole ne doit pas être sollicitée au préalable, afin que la Cour puisse examiner les objections de la Commission: ce serait tirer un trait sur cette disposition que d' examiner ces objections dans le cadre du présent litige.

18. A notre avis, ces considérations n' amènent pas à conclure que le présent recours serait irrecevable. Ainsi qu' il ressort de notre délimitation de l' objet du litige, la requérante ne reproche pas à la Commission d' avoir allégué à tort une entrave au fonctionnement et à l' indépendance de la Communauté. Elle estime bien plutôt que l' article 1er du protocole, qui doit préserver ces intérêts (12), n' est pas applicable au cas d' espèce, de sorte qu' aucune autorisation n' est donc nécessaire.
Ses reproches portent sur la qualification de "mesure de contrainte" frappant les "biens et avoirs des Communautés" donnée à la saisie-arrêt, et sur le fait que, selon elle, la Commission ne peut invoquer l' article 1er du protocole, car elle n' a pas - ou du moins pas valablement - contesté la validité de la saisie-arrêt. Si les arguments de la requérante étaient justifiés, aucune autorisation de la Cour ne serait effectivement nécessaire (13). Le recours n' aboutirait ainsi pas, contrairement à ce
que soutient la Commission, à tourner l' article 1er du protocole.

19. III. Puisque les réserves éventuelles sur la recevabilité du recours en annulation qui pourraient résulter de l' argumentation de la Commission à l' audience ne sont donc en définitive pas pertinentes, nous abordons maintenant le bien-fondé de ce recours.

20. 1. Sur ce point, il convient, tout d' abord, de constater que la saisie-arrêt opérée par la requérante constitue une mesure de "contrainte" au sens de l' article 1er, troisième phrase, du protocole. En effet, si l' acte contenant saisie-arrêt n' est pas annulé ou modifié pour des motifs propres au droit national, la Commission, dans le cadre de la gestion du FED, se trouve, en vertu des articles 1451 et 1458 du code judiciaire belge (14), pendant trois années dans l' impossibilité de verser à l'
État burkinabé des fonds en provenance du FED, à concurrence du montant saisi-arrêté. Elle ne peut pas non plus verser ces montants à la requérante pour se libérer de la dette, aussi longtemps que la saisie-arrêt n' a pas été, conformément aux articles 1489 et suivants du code judiciaire belge, transformée en une saisie-exécution.

21. 2. C' est sur cette base qu' il convient d' examiner le premier argument de la requérante, selon lequel ce ne sont pas des "biens" ou "avoirs" de la Communauté au sens de l' article 1er, troisième phrase, du protocole qui font l' objet de la mesure ainsi qualifiée, puisque les sommes dues à l' État burkinabé font partie, dès qu' elles sont exigibles, du patrimoine de cet État et non plus du patrimoine de la Commission.

22. Nous pouvons d' emblée rejeter cet argument. C' est à juste titre que la Commission invoque à cet égard l' ordonnance du 11 avril 1989 dans l' affaire Société Générale de Banque (15). Dans cette affaire, une créancière de l' État belge avait procédé entre les mains de la Commission à une saisie-arrêt portant sur toutes les sommes, deniers, valeurs ou objets que les Communautés européennes devaient ou devraient à l' État belge, à quelque titre et pour quelque cause que ce fût (16). La créancière
saisissante demandait à la Cour de dire pour droit que l' article 1er du protocole ne concernait pas la saisie-arrêt pratiquée et, à titre subsidiaire, d' autoriser le déroulement normal de la procédure de saisie-arrêt. Après qu' elle eut déclaré devant la Cour qu' elle limitait l' objet de la saisie-arrêt en cause aux sommes dues à l' État belge par les Communautés européennes au titre des loyers, elle avait demandé à la Cour, soit (à titre principal) de dire qu' il n' y avait pas lieu d' accorder
l' autorisation, soit (à titre subsidiaire) qu' une autorisation lui soit octroyée uniquement pour les sommes dues au titre des locations (17).

23. La Cour a rejeté la demande principale pour les motifs suivants:

"Même si la saisie-arrêt devait être considérée, selon le droit national applicable, comme la saisie d' un bien appartenant au patrimoine du débiteur, elle est néanmoins susceptible de constituer une mesure de contrainte au sens de l' article 1er du protocole. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, toute mesure de saisie entre les mains des Communautés peut, dans certaines circonstances, apporter des entraves au fonctionnement et à l' indépendance de celles-ci" (point 9).

24. Compte tenu de ces motifs, l' argument précité de la requérante ne peut être retenu.

25. 3. Dans son deuxième argument, la requérante invoque l' article 1452 du code judiciaire et fait valoir que la Commission n' a rien entrepris pour contester la validité de cette saisie-arrêt, hormis la lettre du 14 juin 1991, qui ne peut pas être considérée comme une déclaration de tiers saisi au sens de la disposition susmentionnée et qui est postérieure à l' expiration du délai prescrit. Cet argument soulève la question de savoir si la Commission doit invoquer le privilège que lui confère l'
article 1er du protocole dans les formes et les délais prescrits par une disposition telle que l' article 1452 du code judiciaire, sous peine de perdre ce privilège ou tout au moins la possibilité de le faire valoir.

26. Nous pensons qu' il convient de répondre à cette question par la négative. La saisie-arrêt, on l' a dit, est une mesure de contrainte qui ressortit au domaine d' application de l' article 1er du protocole. L' obligation du tiers saisi d' effectuer la déclaration prévue à l' article 1452 du code judiciaire est une conséquence de cette saisie-arrêt (18). Elle fait donc partie des "effets" qu' une mesure de contrainte "comporte selon le droit national applicable" (19) que l' article 1er du
protocole vise à épargner aux Communautés, sauf en présence d' un cas reconnu de dérogation au principe de l' immunité d' exécution. L' obstacle dressé par cette disposition à l' encontre des mesures de contrainte envisagées ne pourrait donc être levé du fait du comportement évoqué de la Commission que si le droit communautaire, aux fins d' une telle dérogation au principe de cette disposition, renvoyait au droit interne (c' est-à-dire à des dispositions telles que l' article 1452 du code
judiciaire).

27. Or tel n' est pas le cas. On ne décèle nulle part un renvoi exprès. Et on ne peut pas non plus, à notre avis, admettre un renvoi implicite, car cela serait manifestement contraire au but de l' article 1er du protocole. D' une part, on admettrait par là même que les États membres influent sur la portée de la protection ainsi assurée, alors que cette disposition est destinée à protéger la Communauté contre leurs mesures. D' autre part, on aboutirait à ce que le principe de l' immunité d' exécution
ait une portée différente d' un État membre à l' autre, ce qui est là encore incompatible avec l' esprit de la disposition citée. Le but recherché est, en effet, une application uniforme de ce principe, comme l' atteste la compétence exclusive de la Cour. L' argument de la requérante ne résiste donc pas à un examen à la lumière de l' article 1er du protocole.

28. On nous permettra d' ajouter, pour être complet, que le but de l' article 1452 du code judiciaire ne semble du reste pas être d' adopter des dispositions portant dérogation au principe de l' immunité d' exécution. Son but, semble-t-il, est bien plutôt de garantir que le créancier saisissant soit exactement informé des rapports juridiques existant entre le débiteur principal et le tiers saisi, afin qu' il puisse décider en connaissance de cause de la suite de ses démarches (20).

29. Pour tous ces motifs, le fait que la Commission n' ait pas observé les formes et les délais de l' article 1452 du code judiciaire pour faire valoir ses privilèges ne remet en cause ni ces privilèges eux-mêmes ni la possibilité de les invoquer.

30. 4. Outre l' examen des deux points mentionnés jusqu' à présent, l' argumentation de la requérante nous incite à examiner encore un autre problème. Lorsque la requérante fonde son recours en annulation sur le fait que la Commission "n' a rien entrepris pour contester la validité de la saisie", cela pose la question de savoir dans quelle mesure le silence observé par la Commission entre la signification de l' exploit de saisie-arrêt en mars 1991 et l' expédition de sa lettre du 14 juin 1991 a une
influence sur le privilège conféré par l' article 1er du protocole. Il n' est effectivement pas étonnant que la requérante invoque, à cet égard, l' ordonnance de la Cour dans l' affaire Universe Tankship (21). Dans cette affaire, un créancier de l' État belge entendait saisir-arrêter des sommes que la Commission devait à cet État. Il a sollicité une autorisation à cet effet auprès de la Cour. La Cour a jugé à cet égard (points 4 à 7 de l' ordonnance):

"La protection juridique visée par la procédure d' autorisation à donner par la Cour dépasserait son but lorsque l' institution tierce saisie estime n' avoir pas de motifs pour s' opposer à la saisie-arrêt.

Par conséquent, ce n' est que dans le cas où l' institution communautaire concernée soulève des objections fondées sur l' allégation que la saisie-arrêt projetée est susceptible d' apporter des entraves au fonctionnement et à l' indépendance des Communautés que le créancier intéressé peut saisir la Cour d' une demande d' autorisation basée sur l' article 1er du protocole précité.

En l' espèce, la Commission des Communautés européennes, dans ses observations déposées devant la Cour le 26 février 1987, déclare ne pas avoir d' objections à formuler quant à la saisie-arrêt dont la requérante sollicite l' autorisation.

Dès lors, au stade actuel de la procédure poursuivie par la requérante, la demande d' autorisation est sans objet."

31. De même, la Cour a jugé dans l' affaire Société anonyme X (22), s' agissant de l' autorisation demandée par le créancier d' une fonctionnaire communautaire qui projetait de pratiquer une saisie-arrêt-exécution sur le traitement de cette fonctionnaire (points 7 à 9).

"La protection juridique que cette autorisation vise à accorder dépasserait son but lorsque l' institution tierce saisie estime n' avoir pas de motifs de s' opposer à ce qu' elle soit tenue de payer entre les mains du créancier d' un de ses fonctionnaire, tout ou partie des sommes qu' elle doit ou devra à ce dernier;

que si, par contre, l' institution s' opposait à ce que saisie-arrêt soit pratiquée, ou estimait ultérieurement devoir s' opposer à la poursuite ou à l' exécution de ladite saisie, il appartiendrait à la Cour, à la demande des intéressés, d' en décider;

que dès lors, au stade actuel de la procédure poursuivie par la requérante, la demande d' autorisation est sans objet."

32. Cela signifie-t-il que le silence observé par la Commission face à la signification de l' exploit de saisie-arrêt a écarté le privilège conféré par l' article 1er, troisième phrase, du protocole?

33. Cette question se pose compte tenu du fait que la Commission, par lettre du 17 avril 1991, a accusé réception de l' exploit de saisie-arrêt, sans se prononcer de quelque façon que ce soit sur la question de savoir si elle invoquerait ou non l' article 1er du protocole.

34. Pour résoudre ce problème, il nous faut nous remémorer l' économie de l' article 1er, troisième phrase, du protocole. Cette économie fait apparaître deux niveaux: la règle, selon laquelle les biens et avoirs des Communautés ne peuvent faire l' objet d' aucune mesure de contrainte administrative ou judiciaire; l' exception, selon laquelle cela ne vaut pas en cas d' autorisation de la Cour.

35. Selon cette économie, la Communauté est protégée contre les mesures de contrainte pour autant et aussi longtemps que la Cour n' a pas accordé une autorisation.

36. Si l' on confronte maintenant cette économie avec la jurisprudence précédemment évoquée, on constate que, du point de vue de la Cour, la règle de l' article 1er, troisième phrase, - outre le cas de l' autorisation donnée par la Cour - peut subir une autre exception. Il s' agit du cas où l' institution concernée

"estime n' avoir pas de motifs pour s' opposer à la saisie-arrêt" (23).

37. Comme la doctrine le souligne à juste titre (24), cela signifie que l' article 1er, troisième phrase, du protocole, n' opère pas dès lors que l' institution a elle-même renoncé à la protection qu' assure cette disposition. Toutefois, il convient d' observer, en appliquant l' exception ainsi définie, que le mécanisme strict règle - exception qui figure dans la disposition concernée offre un degré élevé de sécurité juridique, qui est nécessaire dans un domaine aussi sensible que celui des mesures
de contrainte, aussi bien du point de vue des intérêts protégés de la Communauté que des intérêts du citoyen qui recourt à la mesure de contrainte. C' est aussi pourquoi il faut garantir un degré de sécurité juridique égal dans le cas de la renonciation.

38. Il en résulte nécessairement que cette renonciation, pour qu' elle puisse lever l' obstacle de l' article 1er, troisième phrase, du protocole, doit avoir été exprimée de façon claire et non équivoque.

39. Nous nous voyons conforté dans cette conviction par les textes analogues du droit international public qui prévoient expressément le cas de la renonciation.

40. La convention générale sur les privilèges et immunités des Nations unies (25) (section 2) dispose ainsi:

"L' organisation des Nations unies, ses biens et avoirs quels que soient leur siège et leur détenteur, jouissent de l' immunité de juridiction, sauf dans la mesure où l' organisation y a expressément renoncé dans un cas particulier. "

41. La convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 (26) dispose à l' article 22, paragraphe 1:

"Les locaux de la mission sont inviolables. Il n' est pas permis aux agents de l' État accréditaire d' y pénétrer sauf avec le consentement du chef de la mission."

42. La conclusion selon laquelle une renonciation claire et non équivoque est nécessaire n' est pas mise en cause par les ordonnances de la Cour déjà mentionnées, notamment par l' ordonnance rendue dans l' affaire Universe Tankschip. On y lit certes, sous le point 5, que

"ce n' est que dans le cas où l' institution communautaire concernée soulève des objections fondées sur l' allégation que la saisie-arrêt projetée est susceptible d' apporter des entraves au fonctionnement et à l' indépendance des Communautés que le créancier intéressé peut saisir la Cour d' une demande d' autorisation basée sur l' article 1er du protocole précité".

43. Cependant, cette considération s' explique par le stade auquel cette ordonnance de la Cour a été rendue. La saisie en cause était simplement projetée. Au cours de cette phase, aucune autorisation n' est, en effet, encore nécessaire (et la demande dans ce sens est donc sans objet), à moins que l' institution concernée n' ait déjà préventivement soulevé des objections contre la mesure projetée et invoqué à cet égard l' article 1er du protocole. Ce n' est que lorsque la saisie-arrêt a été signifiée
à l' institution et que l' occasion lui a ainsi été donnée d' arrêter sa position sur cette mesure concrète (en particulier d' examiner la possibilité de renoncer aux droits conférés par l' article 1er du protocole) qu' une autorisation peut devenir nécessaire (27).

44. Si l' on examine maintenant le cas d' espèce à la lumière de tout cela, on constate que la Commission n' a à aucun moment manifesté de façon positive - ne serait-ce même qu' implicitement - qu' elle était d' accord avec la saisie compte tenu de l' article 1er du protocole (et renonçait donc aux droits conférés par cette disposition). Le simple silence ne suffit pas, tout au moins en l' absence de circonstances particulières qui pourraient le faire apparaître comme un accord, pour lever l'
obstacle mis par cette disposition.

45. 5. Puisque aucun des arguments avancés à l' appui du recours en annulation n' est donc pertinent, ce recours doit être rejeté comme non fondé.

Sur le recours en indemnité (articles 178 et 215 du traité CEE)

46. On sait que la responsabilité de la Communauté au titre de l' article 215, deuxième alinéa, du traité suppose l' illégalité du comportement reproché à l' institution, la réalité du dommage et l' existence d' un lien de causalité entre ce comportement et le dommage invoqué (28).

47. I. En ce qui concerne l' identification du comportement dont la légalité est contestée, les conclusions présentées dans la requête et les moyens sur lesquels elles s' appuient fournissent deux éléments. La requérante fait, en effet, valoir

- que la Commission ne s' est pas conformée à la saisie-arrêt en versant, après sa signification, différents montants provenant du FED à l' État burkinabé, et

- que la Commission, alors que la requérante n' a pas perçu, du fait d' un détournement des fonds du FED, les montants qui lui étaient dûs pour des travaux effectués dans le cadre d' un projet financé par le FED, a poursuivi les paiements sans veiller à l' utilisation régulière des sommes octroyées.

48. Il nous faudra revenir plus en détail sur ces deux griefs. Nous souhaiterions également faire quelques remarques sur un moyen développé dans la réplique (29). En substance, la requérante reproche à la Commission de lui avoir laissé légitimement croire, jusqu' à la communication de sa lettre du 14 juin 1991, c' est-à-dire pendant trois mois, qu' elle n' avait rien à objecter à la saisie. Ce silence de la Commission procèderait de la négligence et aurait porté préjudice à la requérante. Ce moyen
étant toutefois un moyen nouveau et tardif en vertu de l' article 38, premier alinéa, sous c), et de l' article 42, deuxième alinéa, du règlement de procédure, il ne sera que brièvement abordé.

49. II. Le dommage dont la requérante demande réparation consiste en cela que la rémunération qui lui reste due, soit 85 112 000 FCFA, n' a jusqu' à présent pas été payée.

50. III. Examinons donc les différents griefs.

51. 1. La requérante reproche à la Commission d' avoir enfreint l' acte de saisie-arrêt en effectuant ses versements, ce qui constitue à ses yeux une violation de l' article 1er du protocole, que la Commission invoque à tort.

52. Ce grief doit être rejeté. Comme on l' a déjà précisé, la présente saisie-arrêt ressortit à la disposition en cause, sans que la règle qu' elle énonce ait été écartée lors des versements par une dérogation (que ce soit une autorisation de la Cour ou un accord donné par la Commission). La Commission n' a donc pas enfreint l' article 1er du protocole par les versements en tant que tels.

53. 2. a) Le grief pris de l' attitude de la Commission face au détournement de fonds du FED recoupe dans une certaine mesure le grief que nous venons d' examiner. En effet, ainsi qu' il ressort des moyens exposés dans la requête, qu' elle a précisés à l' audience, la requérante est d' avis que la Commission, gestionnaire du FED, aurait dû, afin de protéger les intérêts de la requérante, ne pas poursuivre purement et simplement ses paiements à l' État burkinabé dans le cadre du projet litigieux.
Elle aurait dû au contraire, soit les suspendre jusqu' à ce que les droits de la requérante aient été satisfaits, soit les verser directement à la requérante. Dans le cadre du grief que nous examinons ici, la requérante ne s' attache donc pas à la position de la Commission en tant que tiers saisi lors d' une saisie-arrêt, au regard de l' article 1er du protocole, mais à sa position en tant que gestionnaire du FED, au regard des règles de fonctionnement de ce Fonds. A cet égard, la requérante ne
critique pas, c' est ainsi que nous comprenons son argumentation, l' attitude de la Commission avant le prétendu détournement des fonds du FED. La requérante n' a, en effet, rien dit sur la question de savoir si, et comment, la Commission aurait pu prévenir cette irrégularité. Ce qui lui importe, c' est le comportement que la Commission a montré après avoir pris connaissance des faits mentionnés. Or, ce comportement, la requérante le soutient dans la requête, viole "les conventions de Lomé, les
accords internes et les règlements financiers".

54. Ce moyen doit être entendu, à toutes fins utiles, en ce sens qu' il soulève le grief de la violation des règles applicables au cas présent d' aide communautaire, à savoir:

- la première convention de Lomé (30),

- l' accord interne du 11 juillet 1975 (31),

- le règlement financier du 25 juillet 1976 (32).

55. La Commission estime que la seule obligation qui lui est impartie dans le cadre de la gestion du FED, du point de vue de la régularité de l' utilisation des ressources provenant de ce Fonds, consiste à vérifier avant le paiement que les travaux adjugés ont effectivement été exécutés. Elle invoque, à cet égard, les articles 58 et 59 du règlement financier précité. Pour le reste, elle ne peut, compte tenu de la répartition des compétences entre elle et l' État ACP concerné, s' immiscer dans les
rapports contractuels établis entre l' ONPF et un sous-traitant de ce dernier. Elle a toutefois ajouté dans la duplique qu' elle a attiré l' attention des autorités du Burkina Faso sur le cas particulier de la requérante et qu' elle a déployé des efforts auprès des autorités locales, dans le cadre de ses compétences, pour régler le litige. Elle a encore précisé à l' audience qu' elle a suspendu les trois derniers versements dans le cadre du projet présentement litigieux pendant quelque temps. Elle a
procédé ainsi pour exercer une pression sur les autorités locales. Mais elle a finalement dû libérer les sommes, la situation étant devenue intenable (33).

56. Enfin, la Commission a contesté dans la duplique l' existence d' un lien de causalité entre son comportement et le dommage subi par la requérante.

57. aa) Il convient, tout d' abord, d' observer à propos de ce moyen que la Commission ne dispose, face à un État ACP qui commet ou tolère des irrégularités du même ordre que celles qui sont évoquées ici, d' aucune possibilité de le contraindre à mettre fin à la situation ainsi créée - si ce n' est par ses agissements en matière de paiement. On ne saurait donc reprocher à la Commission son inaction en dehors de ce cadre.

58. bb) Les agissements de la Commission en matière de paiement fondent-t-ils quant à eux une obligation de réparer le dommage pour violation de la convention de Lomé, de l' accord interne ou du règlement financier?

59. Examinons, tout d' abord, la question de savoir si tel est le cas dans la mesure où la Commission, selon les affirmations de la requérante, n' a pas suspendu ses paiements dans le but d' exercer sur les autorités de l' État burkinabé une pression afin que l' ONPF exécute ses obligations à l' égard de la requérante. Même si l' on admet que la Commission n' a rien entrepris en ce sens, à l' encontre de ce qu' elle a allégué - à notre avis tardivement - à l' audience, nous pensons que cette
question appelle une réponse négative.

60. Tout d' abord, nous ne trouvons dans aucun des textes mentionnés la base d' une telle démarche de la Commission. Ensuite, pour ce qui est de l' article XVIII, paragraphe 2, de l' annexe 3 de la convention de financement applicable en l' espèce, disposition qui autorise la Commission à suspendre les paiements en cas de violation de cette convention, la requérante n' a pas fait valoir que l' État burkinabé aurait précisément, par son comportement, violé la convention de financement. Enfin, rien ne
dit que les prétentions de la requérante auraient été satisfaites si la Commission avait effectivement procédé comme on l' a dit. Il convient d' observer, à cet égard, que les paiements litigieux de la Commission, même s' ils concernaient en quoi que ce soit le projet évoqué ici, n' avaient incontestablement aucun lien spécifique avec les travaux exécutés par la requérante. L' articulation de la plainte de la requérante du 9 octobre 1990 au délégué local de la Commission (34) et de l' argumentation
de la Commission dans la duplique (35) indique bien plutôt que la Commission avait déjà versé certains montants provenant du FED pour assurer le paiement des travaux de la requérante, avant que la plainte évoquée lui fût parvenue. Dans ces conditions, nous estimons que ce serait pure spéculation que de supposer que l' ONPF se serait acquitté de ses obligations envers la requérante si les paiements litigieux avaient été suspendus. La requérante n' a aucunement expliqué comment cet organisme aurait
été de quelque façon que ce soit en mesure de s' acquitter après le détournement des sommes destinées à la requérante, d' autant que des versements ultérieurs attendus n' auraient pas été effectués. Vu sous cet angle, on ne dispose donc pas de suffisamment d' éléments pour affirmer que le comportement de la Commission présente le lien de causalité requis avec le dommage subi par la requérante.

61. Il en est de même pour l' argument précisé par la requérante à l' audience, selon lequel la Commission aurait dû suspendre les paiements pour inciter l' ONPF à donner son accord à un paiement direct de la Commission à la requérante. Faute de preuve que les versements de la Commission portaient précisément sur les travaux effectués par la requérante, on n' aurait pas pu exclure, si cet accord avait été donné, que ce soient, au lieu des prétentions de la requérante, les prétentions d' autres
créanciers qui restent insatisfaites. On ne sait si l' ONPF se serait engagé dans cette voie. De ce fait, le lien de causalité entre le comportement de la Commission et le dommage subi par la requérante n' est donc même pas établi. Nous avons, en outre, de sérieux doutes sur la régularité de la démarche que la Commission aurait dû entreprendre selon la requérante. Certes, en vertu de l' article XIII de l' annexe 3 de la convention de financement, la Commission prend toutes dispositions utiles pour
assurer dans les meilleurs délais l' exécution des ordonnances de paiement émises en faveur des titulaires des marchés et contrats financés par le FED. On pourrait effectivement se demander si cette clause, qui octroie un avantage aux entreprises attributaires de marchés - puisqu' elles ont tout autant intérêt à un paiement rapide que la Communauté a intérêt à un emploi aussi efficace que possible de ses fonds, et l' État ACP à se libérer rapidement de ses obligations - peut aussi profiter à un
sous-traitant dans le cas où l' attributaire du marché est contrôlé par l' État. Cet effet ne peut cependant s' exercer que par répercussion de la protection assurée aux intérêts financiers de la Communauté et aux intérêts de l' État ACP: c' est ce dernier - et non les entreprises qui concluent le marché - qui est bénéficiaire des aides de la Communauté (voir l' article 7 de la convention de financement) et qui est responsable de l' exécution des projets financés (article 55 de la première
convention de Lomé). Il convient à cet égard de constater que, si la Commission avait entrepris la démarche à laquelle la requérante estime qu' elle aurait dû se soumettre, elle se serait ainsi immiscée dans la répartition, entre les sous-traitants de l' ONPF, du risque né des irrégularités alléguées, sans que l' affectation correcte des fonds en cause ou la situation financière de l' État burkinabé ou de l' ONPF en retirent pour autant un bénéfice (36).

62. La Commission n' est donc pas tenue à réparation parce qu' elle n' a pas suspendu les paiements.

63. Enfin, on ne saurait davantage prétendre que la Commission aurait dû effectuer ses paiements directement à la requérante. Si elle l' avait fait, ces paiements n' auraient eu aucun effet libératoire et n' auraient donc pas été conformes au principe d' une saine gestion du FED (voir l' article 30 du règlement financier).

64. b) La requérante invoque dans sa réplique une obligation générale de la Commission de protéger les intérêts financiers de la Communauté, des États membres et des tiers, mais une telle obligation, quand bien même devrait-elle être admise, ne peut exister que dans le cadre des compétences matérielles de la Commission. C' est aussi ce qu' exprime le point G de la résolution du 13 novembre 1991 (37) que la requérante invoque à l' appui de cette partie de son argumentation. Une telle obligation
générale ne pourrait donc rien changer aux conclusions tirées sous le point précédent.

65. 3. Permettez-moi encore, pour conclure, de revenir brièvement sur l' argument - tardif, nous l' avons dit - de la requérante selon lequel la Commission lui aurait laissé croire à tort pendant trois mois qu' elle n' avait rien à objecter à la saisie-arrêt.

66. Il nous semble effectivement que les institutions communautaires ont l' obligation de prendre toutes les mesures, possibles en fonction de critères raisonnables, qui sont propres à mettre en oeuvre le droit établi à l' article 1er, troisième phrase, du protocole. Ce droit vise à ce que l' obstacle formel auquel sont soumises les mesures de contrainte mentionnées dans cet article soit levé par la Cour - au moyen de l' autorisation - lorsqu' il n' est pas nécessaire au bon fonctionnement et à l'
indépendance de la Communauté (38). Il s' agit là d' une garantie assurée directement au particulier sur la base du protocole (39) et qui constitue, compte tenu du caractère fonctionnel et limité des privilèges et immunités (40), le nécessaire correctif à la règle figurant à l' article 1er, troisième phrase, du protocole.

67. Or on porterait atteinte à l' effet utile de cette garantie si les institutions communautaires, profitant du principe selon lequel le privilège conféré par l' article 1er, troisième phrase, du protocole s' applique même s' il n' est pas invoqué, étaient autorisées à soustraire aux mesures de contrainte exercées par des particuliers des biens à l' égard desquels la Cour aurait pu délivrer l' autorisation prévue par cette disposition. Les institutions communautaires ont, au contraire, l'
obligation, comme nous le disions en introduction, de contribuer dans la mesure de ce qui est nécessaire et possible à la mise en oeuvre des droits des particuliers. Une violation de cette obligation peut, dans les mêmes conditions que tout autre comportement illégal d' une institution communautaire, entraîner l' obligation de réparer le dommage en vertu de l' article 215, deuxième alinéa, du traité.

68. Pour appliquer ce principe à des cas concrets, il convient de tenir compte des particularités de chacun de ces cas. Dans le cas d' espèce, on observe que la Commission, après avoir eu suffisamment de temps pour définir son attitude, a effectué, sans en avertir la requérante en temps utile, des paiements à l' égard desquels une autorisation de la Cour n' était pas a priori à exclure. Il s' agit des paiements qui portaient sur le projet à la réalisation duquel la requérante participait également.

69. Un tel comportement aurait donné lieu à un examen très poussé si la requérante l' avait contesté en temps utile. Puisque tel n' est pas le cas, que la requérante nie, en outre, elle-même le lien de causalité entre le comportement de la Commission et le dommage allégué, et qu' elle n' a enfin pas fait valoir que la Cour aurait délivré l' autorisation si elle avait alors été saisie d' une demande en ce sens, cet argument doit être rejeté.

C - Conclusions

70. Pour ces motifs, nous concluons:

- au rejet de la requête comme non fondée;

- à la condamnation de la requérante aux dépens conformément à l' article 69 du règlement de procédure.

(*) Langue originale: l' allemand.

(1) - JO L 25 du 30.1.1976, p. 1.

(2) - Accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté (JO 1976, L 25, p. 168).

(3) - Règlement financier applicable au quatrième Fonds européen de développement (JO L 229, p. 9).

(4) - Annexe 1 au mémoire en défense.

(5) - Cela représentait, à l' époque de la saisie-arrêt (voir point 5 ci-après), un montant de 244 992 écus.

(6) - Page 5.

(7) - Page 3.

(8) - Page 9, in fine, de la requête.

(9) - Voir l' ordonnance du 17 décembre 1968, Ufficio Imposte di Consumo di Ispra (2/68, Rec. p. 635, 639).

(10) - Voir le premier chef des conclusions, ainsi que les arguments présentés, à cet égard, à la page 8 de la requête.

(11) - Procès-verbal de l' audience, p. 15.

(12) - Voir ci-après, point 66.

(13) - Ainsi, dans le cas où la mesure (en l' espèce la notification d' une cession de salaire) ne modifie pas la situation juridique de la Communauté en tant que débiteur et ne constitue donc pas une entrave au fonctionnement des institutions de la Communauté: ordonnance du 25 septembre 1963, Grands Magasins à l' Innovation (85/63, Rec. p. 397).

(14) - Loi du 10 octobre 1977, Moniteur Belge du 31.10.1967.

(15) - SA Générale de Banque/Commission (1/88 SA, Rec. 1989, p. 857).

(16) - Voir note précédente, point 3 de l' ordonnance.

(17) - Point 6 de l' ordonnance.

(18) - Voir de Leval, G.: La saisie-arrêt , Liège, 1976, p. 217, n 142.

(19) - Voir l' ordonnance de la Cour du 17 juin 1987, Universe Tankship/Commission (1/87 SA, Rec. p. 2807, point 3).

(20) - De Leval, op.cit.; Chabot, Léonard: Saisie conservatoire et saisie-exécution , Bruxelles, 1979, p. 274.

(21) - Voir note 19.

(22) - Ordonnance du 11 mai 1971, SA X (1/71, Rec. p. 363).

(23) - Ordonnance dans l' affaire Universe Tankship, point 4; dans des termes analogues, ordonnance dans l' affaire SA X, point 7.

(24) - Voir Schmidt, S. C.: Le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes , Cahiers de droit européen, 1991, p. 67, 69.

(25) - Convention du 13 février 1946, Recueil des traités , volume I, p. 15.

(26) - Recueil des traités , volume 500, p. 95.

(27) - C' est aussi comme cela que nous comprenons l' ordonnance dans l' affaire SA X.

(28) - Jurisprudence constante; voir, en dernier lieu, l' arrêt du 14 janvier 1993, Italsolar/Commission (C-257/90, Rec. p. I-9, point 33).

(29) - Page 9.

(30) - Note 1 ci-dessus.

(31) - Note 2 ci-dessus.

(32) - Note 3 ci-dessus.

(33) - Procès-verbal de l' audience, p. 30.

(34) - Point 3 ci-dessus.

(35) - Page 6.

(36) - Voir un argument analogue dans l' arrêt Italsolar/Commission, précité, point 34.

(37) - Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, concernant la protection des intérêts financiers des Communautés (JO C 328, p. 1).

(38) - Voir l' ordonnance du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a. (C-2/88 Imm., Rec. p. 3365, points 19-20).

(39) - Ordonnance dans l' affaire Ufficio Imposte di Consumo di Ispra, précitée, p. 640.

(40) - Ordonnance dans l' affaire Zwartveld, précitée, point 20.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-182/91
Date de la décision : 26/01/1993
Type de recours : Recours en annulation - non fondé, Recours en responsabilité - non fondé

Analyses

Recours en annulation - Recours en indemnité - Convention de Lomé - Saisie-arrêt.

Relations extérieures

Marchés publics de l'Union européenne

Fonds européen de développement (FED)

Privilèges et immunités

Responsabilité non contractuelle

Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)


Parties
Demandeurs : Forafrique Burkinabe SA
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1993:28

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award