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22/10/1992 | CJUE | N°C-250/91

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 22 octobre 1992., Société Hewlett Packard France contre Directeur général des douanes., 22/10/1992, C-250/91


Avis juridique important

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61991C0250

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 22 octobre 1992. - Société Hewlett Packard France contre Directeur général des douanes. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal d'instance de Paris 7ème - France. - Recouvrement "a posteriori" des droits de douane.

- Affaire C-250/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-01819

Conclusi...

Avis juridique important

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61991C0250

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 22 octobre 1992. - Société Hewlett Packard France contre Directeur général des douanes. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal d'instance de Paris 7ème - France. - Recouvrement "a posteriori" des droits de douane. - Affaire C-250/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-01819

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La demande préjudicielle formée par le tribunal d' instance du septième arrondissement de Paris porte sur l' interprétation de l' article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement "a posteriori" des droits à l' importation ou des droits à l' exportation qui n' ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l' obligation de payer de tels droits (1) et, subsidiairement, de l' article
13 du règlement (CEE) n 1430/79 du Conseil, du 2 juillet 1979, relatif au remboursement ou à la remise des droits à l' importation ou à l' exportation (2).

2. En renvoyant au rapport d' audience pour les détails, nous rappelons brièvement les faits à l' origine du litige dans la procédure au principal.

La société Hewlett Packard France (ci-après "HP-France") a importé en France, pendant la période de trois ans de 1986 à 1988, des claviers pour ordinateurs en provenance de Singapour. En se fondant sur un renseignement "contraignant" fourni à la filiale allemande de Hewlett Packard par la direction des finances de Munich, HP-France a déclaré les claviers en question, en vue de leur mise en libre pratique, sous la position tarifaire 84.55 C, correspondant à des "pièces détachées" d' ordinateurs. Les
marchandises classées sous cette position tarifaire bénéficiant d' une suspension des droits douaniers (3), HP-France a été exemptée du paiement des droits correspondants.

A la suite d' un contrôle ultérieur, les autorités douanières françaises ont informé HP-France que les claviers en question auraient dû être classés dans la position 84.53 B, correspondant à des "unités" d' ordinateurs et qu' en conséquence il serait procédé au recouvrement a posteriori des droits dus pour l' année 1986 (4).

En invoquant le droit communautaire applicable, HP-France a demandé aux autorités douanières l' exemption de toute pénalité et la transmission de son dossier à la Commission aux fins d' obtenir, conformément à l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79, une décision de non-recouvrement. En l' absence de réponse de la part des autorités françaises, HP-France a saisi le tribunal d' instance du septième arrondissement de Paris d' une demande d' annulation de la décision implicite de rejet de sa
demande de non-recouvrement a posteriori des droits en question.

3. Le juge national a saisi la Cour d' une demande de décision préjudicielle en lui demandant si les circonstances invoquées par la requérante dans le cas d' espèce, à savoir l' existence d' un renseignement contraignant de la direction des finances de Munich qui classait les marchandises en question dans la position 84.55 C et l' absence de toute objection de la part des douanes françaises quant à un tel classement (bien que, sur chaque déclaration d' importation, la position déclarée ait figuré
explicitement à côté de la désignation commerciale correcte des marchandises), permettaient à la requérante de bénéficier du non-recouvrement a posteriori des droits litigieux au sens de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79 ou, à titre subsidiaire, de la remise des droits à l' importation prévue à l' article 13 du règlement n 1430/79.

Nous rappelons avant tout que, lorsqu' elle est appelée à statuer au titre de l' article 177, la Cour n' est pas compétente pour appliquer des règles communautaires à une espèce concrète, mais doit se borner à fournir au juge national, sur la base des données du dossier, les éléments d' interprétation nécessaires pour lui permettre de trancher le litige (5). En d' autres termes, confrontée à des questions qui dépassent le cadre de sa compétence au titre de l' article 177, la Cour est tenue de tirer
de l' ensemble des éléments fournis par le juge national, et notamment des motifs de l' acte de renvoi, les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation, compte tenu de l' objet du litige (6).

En l' espèce, la question posée doit être interprétée en ce sens que le juge national veut déterminer si les conditions visées à l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79 ou, subsidiairement, celles prévues à l' article 13 du règlement n 1430/79, sont satisfaites lorsqu' une société s' est fondée, aux fins du classement tarifaire, sur un renseignement erroné (contraignant) fourni à une société soeur par les autorités douanières compétentes d' un autre État membre et/ou dans la mesure où les
autorités douanières compétentes pour le recouvrement n' ont formulé aucune objection quant à un tel classement tarifaire.

4. Cela précisé, nous rappelons à titre liminaire que l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79 subordonne la décision des autorités compétentes de ne pas procéder au recouvrement a posteriori du montant des droits dus à trois conditions cumulatives: il faut ainsi que les droits à l' exportation n' aient "pas été perçus par suite d' une erreur des autorités compétentes elles-mêmes qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et
observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane". Nous rappelons, en outre, que, sur la base d' une jurisprudence constante de la Cour, cet article "doit être interprété en ce sens que dès lors que toutes les conditions posées par ce texte ont été remplies, le redevable a un droit à ce qu' il ne soit pas procédé au recouvrement a posteriori" (7).

La première condition énoncée par la règle que nous venons de rappeler consiste donc dans le fait que les droits n' aient pas été perçus par suite d' une erreur des autorités compétentes elles-mêmes. A cet égard il importe donc de déterminer si l' on peut considérer comme une "erreur des autorités compétentes elles-mêmes": a) une erreur qui n' est pas imputable aux autorités douanières compétentes pour le recouvrement, mais à celles d' un autre État membre qui avaient fourni le renseignement erroné
(contraignant) à la société soeur de la société intéressée, b) le fait que les autorités compétentes pour procéder au recouvrement n' avaient soulevé aucune objection en ce qui concerne le classement des claviers, alors qu' une comparaison entre la position déclarée et la dénomination commerciale explicite des marchandises en question aurait permis de relever l' absence de correspondance.

5. En ce qui concerne le point a), nous observons avant tout que si nous nous en tenons à la teneur littérale de l' article 5, paragraphe 2, nous devrons conclure que, aux fins du non-recouvrement, seule est pertinente l' erreur commise par les autorités compétentes elles-mêmes pour le recouvrement. Une interprétation aussi restrictive a toutefois été dépassée par la Cour qui, dans l' arrêt Mecanarte-Metalúrgica de Lagoa (8), a affirmé que devait être regardée comme autorité compétente au sens de la
disposition en question "toute autorité qui, dans le cadre de ses compétences, fournit des éléments entrant en ligne de compte pour le recouvrement des droits de douane et peut ainsi susciter la confiance légitime du redevable", en précisant qu' "il en va, notamment, ainsi des autorités douanières de l' État membre exportateur qui interviennent au sujet de la déclaration en douane".

La Cour a donc reconnu que l' on pouvait prendre en considération également une erreur commise par des autorités douanières autres que celles compétentes pour procéder au recouvrement. Il est vrai que, comme cela ressort de l' arrêt précité, une telle erreur doit entrer en ligne de compte pour la perception des droits et donc pouvoir susciter la confiance légitime de l' opérateur économique concerné. La Commission soutient qu' une telle condition n' est pas satisfaite dans le cas d' espèce puisque
l' information en question n' a pas été donnée à HP-France, mais à sa société soeur allemande qui serait donc la seule à pouvoir s' en prévaloir.

Or, il est bien clair que seule la filiale allemande de Hewlett Packard peut se prévaloir du renseignement "contraignant" en tant que tel: en effet, c' est la seule à pouvoir invoquer l' article 5, paragraphe 1, du règlement n 1697/79, aux termes duquel il est interdit de recouvrer a posteriori de droits de douane lorsque leur montant a été calculé sur la base de renseignements ayant une valeur contraignante pour les autorités qui les ont fournies. Dans le cas d' espèce, ce dont il s' agit, au
contraire, est de déterminer si une telle information peut être invoquée, aux fins de l' application de l' article 5, paragraphe 2, de ce même règlement, par des opérateurs autres que le destinataire.

Avant de répondre à une telle question, nous estimons utile de rappeler le règlement (CEE) n 1715/90 du Conseil, du 20 juin 1990, relatif aux renseignements donnés par les autorités douanières des États membres en matière de classement des marchandises dans la nomenclature douanière (9), règlement qui a procédé à une harmonisation en l' espèce et qui prévoit, notamment, que la Commission assure, par un règlement d' application, qu' un renseignement contraignant délivré dans un État membre a la même
portée juridique dans tous les autres États, c' est-à-dire que ce renseignement lie également les administrations compétentes de tous les autres États membres. Une telle évolution de la réglementation s' explique par l' objectif d' éviter des traitements discriminatoires à l' intérieur de la sphère communautaire et part de la prémisse évidente que la classification d' une marchandise ne peut varier d' un État membre à l' autre. Dans cette optique, nous estimons que, lorsque la Commission aura adopté
une telle réglementation d' application, on ne pourra raisonnablement nier la pertinence de l' erreur commise par les autorités douanières compétentes d' un État membre par rapport à des opérateurs économiques établis dans d' autres États membres qui pourront donc s' en prévaloir - si les autres conditions prévues à l' article 5, paragraphe 2, sont réunies - pour que l' on ne procède pas au recouvrement a posteriori à leur égard.

Cela dit, on ne saurait omettre de relever que la réglementation en vigueur à l' époque des faits ne permettait pas de considérer comme "erreur" des autorités compétentes elles-mêmes, au sens de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79, l' erreur commise par les autorités douanières allemandes compétentes.

6. Nous en venons donc à examiner si l' on peut considérer comme une erreur des autorités compétentes le fait que ces dernières n' ont soulevé aucune objection en ce qui concerne la position douanière indiquée par l' opérateur en cause en relation avec les marchandises concernées. Or, comme cela se déduit de l' arrêt Foto-Frost (10), s' il est vrai que lorsque les droits ont été calculés sur la base des énonciations, non vérifiées, de la déclaration en douane, on peut procéder à des contrôles
ultérieurs de cette déclaration et à la rectification du montant des droits appliqués, il n' en est pas moins vrai que si le contrôle "a posteriori" ne fait apparaître aucun élément nouveau par rapport à ceux fournis dans la déclaration en douane, l' absence de perception des droits doit en principe être imputée à une erreur des autorités douanières. En d' autres termes, pour qu' il y ait une erreur de la part des autorités compétentes, erreur pertinente aux fins du non-recouvrement, il suffit que
ces autorités, malgré l' importance et le nombre des opérations effectuées par l' opérateur économique en cause, n' aient pas contesté, compte tenu des indications fournies dans la déclaration en douane, le classement utilisé par cet opérateur.

C' est confirmé, au moins indirectement, à l' article 2 de la directive 82/57/CEE (11), applicable au cas d' espèce, sur la base duquel l' opérateur doit désigner les marchandises "dans des termes suffisamment précis pour permettre au service des douanes de déterminer immédiatement et sans ambiguïté qu' elles correspondent bien à la position ou à la sous-position tarifaire déclarée " (12). Or, puisqu' il est incontesté que, dans toutes les déclarations en douane présentées par HP-France, la mention
"claviers" figure de manière explicite à côté de la position tarifaire déclarée et que les importations en question ont eu lieu pendant une période relativement longue, sans que les autorités douanières aient soulevé la moindre objection en ce qui concerne la position tarifaire indiquée, il en résulte que la non-perception des droits qui, d' ailleurs, ne devaient de toute façon ... pas être perçus à l' époque des faits, est certainement imputable à une erreur des autorités compétentes elles-mêmes.

7. Venons-en maintenant à la deuxième condition prescrite à l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79 selon laquelle il doit s' agir d' une erreur qui ne pouvait raisonnablement pas être décelée par le redevable. A cet égard, nous rappelons tout d' abord que, sur la base d' une jurisprudence constante de la Cour, c' est au juge national qu' il appartient de déterminer si cette condition est satisfaite, compte tenu de la nature de l' erreur, de l' expérience professionnelle de l' opérateur
intéressé et de la diligence dont celui-ci fait preuve (13). La Cour a toutefois indiqué au juge national certains critères à utiliser pour procéder à une telle vérification.

En ce qui concerne la nature de l' erreur, elle a, en effet, précisé qu' il convient de vérifier si la réglementation en cause est suffisamment simple ou au contraire complexe. Dans un cas comme celui qui nous occupe, on ne peut faire moins qu' observer que le fait même qu' il a été nécessaire, étant donné les divergences existant dans les divers États membres en ce qui concerne la classification tarifaire des "claviers" et donc en vue de garantir une application uniforme de la nomenclature
combinée, d' adopter un règlement ad hoc (14) qui a finalement "imposé" la position douanière où classer les marchandises en question, constitue un indice important tendant à prouver, d' un côté, la nature complexe du problème à résoudre (15) et, de l' autre, l' absence de négligence de la part de l' opérateur économique en question (16).

En ce qui concerne ensuite l' expérience professionnelle de l' opérateur intéressé, la Cour a mis en évidence qu' il convient de vérifier s' il s' agit d' un opérateur économique professionnel et "notamment s' il avait fait dans le passé de telles opérations pour lesquelles les droits de douane avaient été correctement calculés" (17). Or, il est bien entendu exact que HP-France est un opérateur économique professionnel, d' autant plus que, comme l' a indiqué la Commission elle-même, il bénéficie d'
une procédure de dédouanement simplifiée; toutefois, comme cela résulte du dossier, jusqu' au moment où les autorités françaises ont contesté ce classement, elle a toujours importé les marchandises en question dans la même position tarifaire, la position 84.55 C.

8. Nous en venons enfin à la troisième condition, qui consiste dans le fait que l' opérateur économique doit avoir agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur pour la déclaration en douane. Comme cela ressort de la jurisprudence de la Cour en la matière (18), le déclarant est tenu de fournir aux autorités douanières toutes les informations nécessaires prévues par les règles communautaires et par les règles nationales qui, le cas échéant, les
complètent ou les transposent. A cette fin, comme l' a précisé la Cour elle-même (19), on ne saurait exiger plus que les indications que le déclarant peut raisonnablement connaître et obtenir, de telle sorte qu' il suffit que de telles indications, même si elles sont inexactes, aient été fournies de bonne foi.

Or, HP-France a correctement indiqué la dénomination des marchandises en question, mais non le classement tarifaire dans la mesure où elle s' est fondée sur un renseignement contraignant fourni par les autorités douanières allemandes compétentes à une société soeur. Par ailleurs, la position tarifaire déclarée était indiquée de manière claire et explicite à côté de la dénomination des marchandises en question, de telle sorte que les autorités douanières auraient bien pu - et auraient dû - déterminer
immédiatement et sans ambiguïté l' absence de correspondance avec la position tarifaire déclarée.

En ce qui concerne ensuite plus particulièrement l' exigence de bonne foi, il ne nous semble pas que l' on puisse raisonnablement mettre en doute cette bonne foi dans un cas où, comme en l' espèce, l' opérateur en question n' aurait payé aucun droit au moment des faits, même s' il avait classé les marchandises en question dans la position tarifaire qui s' est avérée correcte par la suite. Nous ne pensons pas pouvoir partager la thèse de la Commission selon laquelle, pour satisfaire à la condition en
cause, HP-France aurait dû de toute façon demander aux autorités douanières françaises un "avis de classement". Il est à peine besoin de rappeler, en effet, que la réglementation pertinente n' impose pas aux opérateurs économiques de demander un avis de classement: il s' agit, au contraire, d' une procédure dont l' opérateur économique peut (et doit) se prévaloir lorsqu' il nourrit des doutes en ce qui concerne le classement tarifaire d' une marchandise.

9. Les conclusions auxquelles nous sommes parvenu rendent superflu l' examen de la question de savoir si, dans un cas tel que celui qui nous occupe, les conditions énoncées à l' article 13, paragraphe 1, du règlement n 1430/79 aux fins de la remise des droits, sont satisfaites. Toutefois, nous jugeons opportun de procéder à un tel examen dans un souci d' exhaustivité et pour le cas où la Cour ne suivrait pas la solution proposée. Et nous commencerons par souligner qu' une demande de remise des
droits, comptabilisés mais non versés, au titre de l' article 13 du règlement n 1430/79 peut très bien à notre avis être présentée en même temps qu' une demande de non-recouvrement au sens de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79. En effet, les deux règlements que nous venons de citer ne sont pas alternatifs, mais couvrent au contraire des situations différentes; rien ne s' oppose donc à ce qu' un opérateur économique, par une demande présentée à la même date, cherche à savoir si, dans
l' hypothèse où on ne lui reconnaîtrait pas le droit au non-recouvrement, la remise des droits (qui devraient faire l' objet du recouvrement a posteriori) est justifiée.

L' article 13, paragraphe 1, du règlement n 1430/79 prévoit la possibilité de procéder au remboursement ou à la remise des droits à l' importation dans des circonstances particulières "n' impliquant aucune négligence ou manoeuvre de la part de l' intéressé". La thèse du gouvernement français est que le cas d' espèce n' entre même pas dans le champ d' application du règlement n 1430/79 dans la mesure où ce dernier réglemente les hypothèses où les autorités accordent des remboursements ou des remises
des droits à l' importation lorsque les droits ont été appliqués indûment ou calculés de manière erronée, alors qu' en l' espèce les droits auraient dû être perçus et ne l' ont pas été. La vérité est que le règlement n 1430/79 ne concerne pas uniquement les hypothèses d' absence de dette douanière ou de droits excédant la dette légalement prévue; il convient de souligner plus particulièrement, en outre, que l' article 13 concerne toute une série de situations dans lesquelles le paiement des droits
s' est révélé a posteriori indu et en tout cas injuste.

10. Nous observons en premier lieu, à cet égard, que l' affaire qui nous occupe n' entre pas parmi les situations particulières "typiques", énumérées à l' article 4 du règlement n 3799/86 de la Commission, du 12 décembre 1986 (20), qui permettent le remboursement ou la remise des droits à l' importation au sens de l' article 13 du règlement n 1430/79. Il est bien vrai, ensuite, qu' une procédure d' appréciation au cas par cas est prévue pour d' autres hypothèses susceptibles de se produire;
toutefois, la logique générale du système nous semble de nature à exclure que l' on puisse invoquer l' article 13 pour échapper à des décisions de recouvrement de droits légalement dus mais non perçus sauf - précisément - dans l' hypothèse où de tels droits, s' ils avaient effectivement été payés au moment prévu, auraient ensuite satisfait aux conditions du remboursement. Or, il est constant que si HP-France avait déclaré les claviers sous la position qui s' est ensuite avérée correcte, elle n'
aurait payé aucun droit, puisque ces marchandises bénéficiaient d' un traitement préférentiel dans les limites d' un plafond tarifaire réparti.

En réalité, la limite prévue pour le plafond tarifaire de 1986 a été dépassée courant 1987, comme on peut facilement le déduire du fait que le règlement de la Commission qui a réintroduit la perception des droits a été adopté le 4 mai 1987, et cela implique que la perception des droits (ou plus exactement leur recouvrement a posteriori) concernait et concerne uniquement les importations effectivement réalisées courant 1986, mais à l' égard desquelles on n' a régularisé qu' après le 4 mai 1987. Et c'
est justement là le cas de HP-France.

Or, une telle situation ne peut être considérée comme "particulière", sauf à mettre en discussion la validité de tout le système, dans la mesure où elle est expressément prévue à l' article 13 du règlement n 3599/85 du Conseil, précité, qui, précisément, permet à la Commission d' adopter - même après l' expiration de la période considérée - des mesures pour mettre fin aux imputations sur les quotas tarifaires préférentiels, faculté dont la Commission s' est servie pour adopter le règlement n
1236/87, précité.

En définitive, le fait que l' opérateur économique dont il s' agit n' aurait versé aucun droit si, à l' époque des faits, il avait déclaré les marchandises en question dans la position douanière qui s' est avérée correcte ensuite, n' est pas de nature à pouvoir constituer une situation particulière au sens de l' article 13, paragraphe 1, du règlement n 1430/79: le dépassement des limites tarifaires et la réintroduction ensuite des droits représentent, en effet, un risque normal encouru par les
opérateurs économiques, y compris ceux qui n' ont pas bénéficié du traitement préférentiel à la suite d' une erreur découverte seulement après le dépassement des limites tarifaires.

11. En l' espèce, donc, il ne reste plus qu' à déterminer si le fait que l' opérateur économique dont il s' agit se soit fié à un renseignement contraignant fourni par les autorités douanières compétentes d' un autre État membre peut constituer une circonstance particulière.

Nous nous limitons à relever à cet égard que, comme la Commission elle-même l' a reconnu dans ses observations écrites, l' erreur d' une telle autorité peut très bien constituer une "circonstance particulière", surtout si l' on tient compte de la situation considérée globalement: c' est-à-dire qu' il s' agit d' un renseignement "contraignant", fourni à une filiale appartenant au même groupe que l' opérateur économique dont il s' agit et qu' enfin ledit opérateur économique a initialement importé les
marchandises en cause justement à partir de l' État membre dont les autorités douanières ont fourni le renseignement contraignant.

En ce qui concerne ensuite l' existence des autres conditions prévues à l' article 13, paragraphe 1, du règlement n 1430/71, c' est-à-dire l' absence de manoeuvre et de négligence manifeste, nous nous contentons de renvoyer à ce que nous avons déjà observé ci-dessus en ce qui concerne l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 1697/79.

12. A la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de répondre aux questions posées par le tribunal d' instance du septième arrondissement de Paris de la manière suivante:

"1) L' article 5, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n 1697/79 du Conseil doit être interprété en ce sens qu' un renseignement tarifaire contraignant erroné fourni à un opérateur économique autre que le redevable par des autorités douanières d' un autre État membre non compétentes pour le recouvrement a posteriori ne constitue pas une erreur des autorités compétentes; en revanche, il y a erreur des autorités compétentes pour le recouvrement au sens de cette disposition, lorsque ces
autorités, malgré le nombre et l' importance des importations effectuées par le redevable, n' ont soulevé aucune objection en ce qui concerne le classement des marchandises en question, alors qu' une comparaison entre la position déclarée et la dénomination commerciale explicite des marchandises aurait dû permettre de déterminer le classement exact.

2) L' article 5, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n 1697/79 du Conseil doit être interprété en ce sens qu' il appartient au juge national de déterminer si l' erreur pouvait raisonnablement être décelée par le débiteur, compte tenu de la nature de l' erreur, de l' expérience professionnelle de l' opérateur intéressé et de la diligence dont celui-ci a fait preuve. Le débiteur doit avoir fourni aux autorités douanières toutes les informations nécessaires prévues par les règles communautaires
relatives à la déclaration en douane et par les règles nationales qui, le cas échéant, les transposent ou les complètent; à cette fin, il suffit que ces informations, même si elles sont inexactes, aient été fournies de bonne foi".

Subsidiairement, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit:

"Les conditions visées à l' article 13, paragraphe 1, du règlement n 1430/79 sont réunies lorsque, outre l' absence de manoeuvre et de négligence manifeste, l' opérateur concerné s' est fondé sur un renseignement contraignant fourni par des autorités douanières compétentes à une filiale du groupe auquel il appartient".

(*) Langue originale: l' italien.

(1) - JO L 197, p. 1.

(2) - JO L 175, p. 1.

(3) - Voir l' annexe II au règlement (CEE) n 3599/85 du Conseil, du 17 décembre 1985, portant application de préférences tarifaires généralisées pour l' année 1986 à certains produits industriels originaires de pays en voie de développement (JO L 352, p. 1).

(4) - Il convient de préciser ici qu' à l' époque des faits les marchandises relevant de la position 84.53 B bénéficiaient elles aussi d' une suspension des droits, mais dans la limite d' un plafond tarifaire (annuel) réparti. Cette limite a été atteinte en 1986 ce qui a entraîné un rétablissement de la perception des droits (voir le règlement n 1236/87 de la Commission, du 4 mai 1987, JO L 117, p. 5) pour les opérations effectuées au cours de cette année et régularisées postérieurement au
dépassement du plafond tarifaire: c' est précisément pour cette raison que la procédure de recouvrement a posteriori engagée par les autorités françaises ne concerne que les importations effectuées en 1986.

(5) - Voir l' arrêt du 22 mai 1990, Alimenta (C-322/88, Rec. p. I-2077, point 9).

(6) - Arrêt du 20 mars 1986, Tissier (35/85, Rec. p. 1207, point 9).

(7) - Voir, en dernier lieu, l' arrêt du 27 juin 1991, Mecanarte-Metalúrgica de Lagoa (C-348/89, Rec. p. I-3277, point 12).

(8) - Arrêt précité, point 22.

(9) - JO L 160, p. 1.

(10) - Arrêt du 22 octobre 1987 (314/85, Rec. p. 4199, point 24); voir, en outre, arrêt du 23 mai 1989, Top Hit Holzvertrieb (378/87, Rec. p. 1359, point 19).

(11) - Directive de la Commission, du 17 décembre 1981, fixant certaines dispositions d' application de la directive 79/695/CEE du Conseil, relative à l' harmonisation des procédures de mise en libre pratique des marchandises (JO 1982, L 28, p. 38).

(12) - Souligné par nous.

(13) - Voir en dernier lieu l' arrêt du 16 juillet 1992, Société coopérative Belovo (C-187/91, Rec. p. I-4937, point 17).

(14) - Règlement (CEE) n 1288/91 de la Commission, du 14 mai 1991, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO L 122, p. 11).

(15) - Arrêt du 26 juin 1990, Deutsche Fernsprecher (C-64/89, Rec. p. I-2535, point 20).

(16) - Arrêt Société coopérative Belovo, précité, point 18.

(17) - Arrêt Deutsche Fernsprecher, précité, point 21 ainsi qu' arrêt Société coopérative Belovo, précité, point 19.

(18) - Arrêt Top Hit Holzvertrieb, précité, points 22 à 26.

(19) - Arrêt Mecanarte-Metalúrgica de Lagoa, précité, point 29.

(20) - JO L 352, p. 19.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-250/91
Date de la décision : 22/10/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal d'instance de Paris 7ème - France.

Recouvrement "a posteriori" des droits de douane.

Union douanière

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : Société Hewlett Packard France
Défendeurs : Directeur général des douanes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Zuleeg

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:404

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