La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/1992 | CJUE | N°C-127/91

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 11 juin 1992., Comptoir National Technique Agricole contre Ministère de l'agriculture., 11/06/1992, C-127/91


Avis juridique important

|

61991C0127

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 11 juin 1992. - Comptoir National Technique Agricole contre Ministère de l'agriculture. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Agriculture - Droit à l'aide de transformation. - Affa

ire C-127/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-05681

Conclusions ...

Avis juridique important

|

61991C0127

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 11 juin 1992. - Comptoir National Technique Agricole contre Ministère de l'agriculture. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Agriculture - Droit à l'aide de transformation. - Affaire C-127/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-05681

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La demande préjudicielle qui fait l' objet de la présente procédure porte sur l' interprétation de certaines dispositions de la réglementation communautaire relative à l' octroi d' aides pour les graines oléagineuses recueillies et transformées dans la Communauté, réglementation dont nous nous limitons ici à mettre en évidence les aspects qui revêtent plus directement de l' importance pour notre exposé.

L' octroi d' une aide pour les graines oléagineuses recueillies et transformées dans la Communauté est prévu par le règlement 136/66/CEE du Conseil, du 22 septembre 1966, portant établissement d' une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses (1) (article 27, paragraphe 1). Le règlement (CEE) n 2114/71 du Conseil, du 28 septembre 1971, relatif à l' aide pour les graines oléagineuses (2), a ensuite défini les principes applicables pour l' octroi de l' aide elle-même, en
prévoyant, en particulier, le contrôle des graines destinées aux huileries (article 2, paragraphe 1) et l' institution d' un certificat d' aide communautaire destiné à prouver ce contrôle (article 4), certificat qui est délivré le "jour où l' État membre concerné assume le contrôle des graines à l' huilerie dans laquelle celles-ci sont transformées" (article 6, deuxième alinéa).

Les modalités d' application du régime d' aide ont été fixées par le règlement (CEE) n 1204/72 de la Commission, du 7 juin 1972 (3). En vertu de l' article 3, paragraphe 1, dudit règlement, le contrôle s' exerce "à partir de l' entrée des graines dans l' huilerie jusqu' à leur transformation". L' article 5 du même règlement dispose en outre que le certificat d' aide communautaire se compose, notamment, d' une "partie dénommée ID, attestant que la quantité de graines récoltées dans la Communauté
identifiée est soumise au contrôle". La demande de la partie ID "n' est recevable que si les graines sont entrées à l' huilerie au plus tard le jour de son dépôt" (article 6, paragraphe 2); le certificat qui s' y rapporte est considéré comme délivré le "jour du dépôt de la demande" (article 12). Enfin, l' article 10 prévoit que "la partie ID du certificat oblige à transformer la quantité identifiée dans un délai de 270 jours suivant la date de sa délivrance".

La partie ID de la demande de certificat joue en outre un rôle important pour la détermination du montant de l' aide. Ce montant est en effet celui valable le jour du dépôt de la demande de certificat (article 35, paragraphe 1) (4).

2. Venons en aux faits qui sont à l' origine de la présente procédure. En 1980, le Comptoir National Technique Agricole (ci-après "CNTA") a procédé à la transformation de deux lots de graines de tournesol. La demande de la partie ID du certificat n' a toutefois été présentée qu' après la transformation des graines en question (en raison, semble-t-il, d' une désorganisation des services due à un incendie qui s' était déclaré dans l' établissement quelques mois plus tôt).

Bien que la partie ID du certificat ait été demandée tardivement, l' organisme national compétent pour l' application du régime d' aide en question, c' est-à-dire la Société interprofessionnelle des oléagineux (ci-après "SIDO"), a accepté de payer l' aide: elle en a toutefois subordonné le versement à la constitution d' une caution qui a été fournie par la société l' Étoile commerciale. Cela pour le cas où le FEOGA (Fonds européen d' orientation et de garantie agricole, section "garantie") n' aurait
pas admis au remboursement l' aide déjà versée, situation qui s' est effectivement produite par la suite, en donnant lieu à l' acquisition de la caution par la SIDO.

Devant le refus de la Commission d' imputer au FEOGA les aides en question, l' Étoile commerciale et le CNTA ont présenté deux recours à la Cour en demandant l' annulation de la décision de la Commission ainsi que la réparation des dommages subis. Ces recours ont été déclarés irrecevables par arrêt du 7 juillet 1987 (5).

3. Estimant que la Commission avait à tort exclu l' imputabilité au FEOGA des aides qui lui avaient déjà été versées par la SIDO et que le gouvernement français aurait dû attaquer la décision en question - les opérateurs économiques n' ayant pas cette possibilité -, le CNTA a donc introduit un recours devant le tribunal administratif de Paris en demandant l' annulation du refus, par le ministère de l' Agriculture, d' accorder une indemnisation pour les dommages subis à la suite de la restitution à
la SIDO du montant des aides en question.

C' est précisément en vue de constater si la réglementation communautaire déjà citée interdit l' "octroi de l' aide lorsque le certificat - partie ID - a été adressé à l' organisme compétent postérieurement à la trituration de graines éligibles à cette aide" que le tribunal en question a effectué un renvoi à la Cour.

4. Nous dirons tout de suite que la thèse du CNTA selon laquelle, en ne demandant la partie ID du certificat qu' après la trituration des graines, il n' aurait violé aucune disposition de la réglementation communautaire en la matière, mais tout au plus une simple pratique administrative de la SIDO, ne nous semble pas soutenable.

A cet égard, nous rappelons tout d' abord que, en vertu de l' article 6, deuxième alinéa, du règlement n 2114/71, le certificat d' aide, dont la partie ID atteste la mise sous contrôle, est délivré le jour même où les graines sont mises sous contrôle par l' État en question et que, en vertu de l' article 12 du règlement n 1204/72, il est considéré comme délivré le jour du dépôt de la demande. Comme il n' est pas possible d' imaginer raisonnablement que le certificat soit délivré antérieurement au
dépôt de la demande qui s' y rapporte et étant donné que la mise sous contrôle doit être effectuée dès l' entrée des graines dans l' huilerie (article 3, paragraphe 1, du règlement n 1204/72), il s' ensuit - à l' évidence - que la mise sous contrôle et le dépôt de la demande doivent avoir lieu au cours de la même journée (6): c' est-à-dire le jour même où les graines entrent dans l' huilerie. Il y a donc eu indubitablement, de la part du CNTA, une violation des règles communautaires en la matière.

Ajoutons que, conformément à l' article 25, paragraphe 2, du règlement n 1204/72, l' aide est payée sur présentation de la partie ID du certificat et après attestation, par l' organisme chargé du contrôle, que la transformation des graines identifiées dans ce certificat a eu lieu durant la période visée à l' article 10, paragraphe 1, du même règlement: c' est-à-dire dans les 270 jours de validité du certificat. A notre avis, une telle disposition n' est que trop claire en prescrivant que la
transformation des graines ne peut en aucun cas avoir lieu avant la délivrance du certificat et que l' octroi de l' aide est subordonné au respect de cette condition.

5. Le CNTA soutient toutefois que la demande de la partie ID du certificat ne constituerait pas une condition de l' octroi de l' aide, mais seulement le point de référence pour déterminer son montant. Et cela justement parce que la mise sous contrôle, dont la fonction est précisément d' identifier les graines éligibles à l' aide communautaire, serait prouvée par les "documents d' entrée" des graines dans l' établissement, et non pas par la partie ID du certificat, dont la demande constituerait, par
contre, une simple formalité administrative ayant pour but d' attester ex post le contrôle désormais réalisé.

A cet égard, nous relevons tout d' abord qu' il semble plutôt ressortir du contexte normatif général, tel que nous l' avons décrit plus haut, que la demande de la partie ID du certificat vaut comme demande de mise sous contrôle (7), à l' égard de l' organisme compétent.

D' ailleurs, ainsi qu' il résulte du quatrième considérant du règlement n 2114/71, le certificat d' aide a été institué dans le but d' assurer l' "uniformité ainsi que l' efficacité du contrôle des graines récoltées dans la Communauté". Dans cette optique, le fait que les "documents d' entrée" des graines dans l' huilerie puissent éventuellement prouver que le contrôle a eu lieu est tout à fait dépourvu d' importance pour l' octroi de l' aide: ces documents, en effet, relèvent d' une pratique
purement interne.

Par contre, ainsi qu' il résulte clairement des articles 4 du règlement n 2114/71 et 5 du règlement n 1204/72, la partie ID du certificat est le seul document susceptible d' attester que les graines ont été mises sous contrôle et que, par conséquent, elles peuvent bénéficier de l' aide communautaire. Il s' ensuit que la demande de la partie ID du certificat doit nécessairement être déposée le jour même où les graines sont soumises au contrôle et avant leur transformation. Il s' agit en définitive d'
une condition indispensable pour l' octroi même de l' aide.

6. Cela dit, il faut rappeler également que le montant de l' aide est celui valable le jour du dépôt de la demande de la partie ID du certificat (article 35, paragraphe 1, du règlement n 1204/72), c' est-à-dire celui où les graines sont mises sous contrôle (article 3 du règlement n 2114/71): donc le jour même où les graines entrent dans l' huilerie. Or, comme il est évident que l' objectif principal de la quasi-simultanéité de ces opérations est d' éviter des intentions spéculatives (8), il s'
ensuit que le non-respect de l' obligation litigieuse risquerait de perturber le fonctionnement de tout le système. Laisser aux opérateurs la possibilité de choisir le jour du dépôt de la demande pourrait en effet avoir pour conséquence de les inciter à attendre le moment le plus propice pour la déposer, en se procurant ainsi un bénéfice injustifié.

Ce qui précède confirme que le respect rigoureux du délai prévu pour la mise sous contrôle, c' est-à-dire dès le moment de l' entrée des graines dans l' huilerie, et donc pour le dépôt de la demande de la partie ID du certificat est nécessaire pour garantir le bon fonctionnement du système en question. Comme la Cour l' a précisé dans des affaires semblables (9), le non-respect des délais prévus entraîne, même en l' absence de dispositions spécifiques en ce sens, la perte du droit à l' aide.

7. Il ne nous semble pas, contrairement à ce qui a été soutenu par le CNTA, qu' une telle interprétation de la réglementation en question serait en contradiction avec le principe de proportionnalité, tel qu' il a été énoncé à plusieurs reprises par la Cour (10), et sur la base duquel il importe de vérifier si les moyens mis en oeuvre sont aptes à réaliser l' objectif visé et s' ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l' atteindre.

En effet, comme nous l' avons déjà relevé, le respect de l' obligation litigieuse est indispensable pour assurer le fonctionnement correct du système d' aides prévu par les institutions communautaires, étant donné qu' il garantit que les graines en question peuvent bénéficier de l' aide et, en même temps, évite toute intention spéculative. Il s' ensuit que le fait de sanctionner par la perte du droit à l' aide le non-respect de cette obligation ne représente pas pour les administrés un sacrifice
disproportionné.

8. A la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons donc de répondre de la manière suivante à la question posée par le tribunal administratif de Paris:

"L' octroi de l' aide pour les graines olégineuses, tel qu' il est prévu dans le règlement (CEE) n 2114/71 du Conseil, est subordonné, conformément aux modalités d' application établies par le règlement (CEE) n 1204/72 de la Commission, à la condition que la demande de la partie ID du certificat soit déposée le jour même où a lieu la mise sous contrôle des graines et avant leur transformation."

(*) Langue originale: l' italien.

(1) JO 1966, 172, p. 3025.

(2) JO L 222, p. 2.

(3) JO L 133, p. 1.

(4) Tel qu' il a été modifié par le règlement (CEE) n 2980/78 de la Commission, du 18 décembre 1978 (JO L 355, p. 17).

(5) Étoile commerciale/Commission (89/86 et 91/86, Rec. p. 3005).

(6) Le fait que le jour du dépôt de la demande soit le même que celui où les graines sont mises sous contrôle est d' ailleurs confirmé par les dispositions relatives à la détermination du montant de l' aide (voir articles 3 du règlement n 2114/71 et 35 du règlement n 1204/72).

(7) Le fait que telle soit la valeur à attribuer au dépôt de la demande de certificat, du moins de l' avis de la Commission, résulte clairement du troisième considérant du règlement n 2980/78, qui a modifié le règlement n 1204/72, dans lequel il est affirmé que "... l' intéressé demande la mise sous contrôle des graines à l' huilerie en déposant sa demande de la partie ID du certificat".

(8) Dans la même optique, l' article 6, paragraphe 2, du règlement n 1204/72 dispose que la demande peut être présentée au plus tôt le jour même où les graines entrent à l' huilerie.

(9) Voir arrêts du 2 mai 1990, Hopermann I, point 12 (C-357/88, Rec. p. I-1669) et Hopermann II, points 10 et 11 (C-358/88, Rec. p. I-1687).

(10) Voir en dernier lieu arrêt du 21 janvier 1992, Pressler, point 12 (C-319/90, Rec. p. I-0000).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-127/91
Date de la décision : 11/06/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France.

Agriculture - Droit à l'aide de transformation.

Matières grasses

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Comptoir National Technique Agricole
Défendeurs : Ministère de l'agriculture.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:259

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award