Avis juridique important
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61991C0092
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 3 juin 1992. - Procédure pénale contre Annick Taillandier, épouse Neny. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de police de Vichy - France. - Directive 88/301/CEE de la Commission - Indépendance de l'entité chargée de la réglementation - Sanctions pénales. - Affaire C-92/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-05383
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. La présente procédure concerne un cas tout à fait analogue à celui qui fait l' objet de l' affaire Decoster (C-69/91), dans laquelle nous présentons nos conclusions aujourd' hui. Madame Taillandier a été poursuivie pénalement pour avoir mis en vente, en mai 1990, des terminaux de télécommunication (en particulier des appareils téléphoniques) non homologués préalablement conformément aux prescriptions du décret français nº 85-712 du 11 juillet 1985.
Comme dans l' affaire Decoster, la juridiction nationale interroge la Cour sur la conformité au droit communautaire du décret cité. En particulier, elle demande si l' on doit considérer comme incompatibles avec la directive de la Commission 88/301/CEE du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunication (1) (ci-après, "directive terminaux"), les obligations, prévues par le décret n 85-712, de soumettre à homologation les appareils destinés à la
commercialisation, et de mentionner cette homologation sur lesdits appareils, sous peine d' une amende de 1 300 Ã 2 500 FF.
A ce propos, il faut relever tout d' abord que, en vertu de l' article 6 de la directive terminaux, les États membres sont tenus, à partir du 1er juillet 1989, de faire en sorte que la formalisation des spécifications techniques et le contrôle de leur application ainsi que l' agrément soient effectués par une entité indépendante des entreprises publiques ou privées offrant des biens et/ou des services dans le domaine des télécommunications.
Or, ainsi qu' il résulte des conclusions que nous avons présentées dans l' affaire Decoster, auxquelles nous faisons intégralement renvoi, l' entité chargée en France, à l' époque des faits, de délivrer l' homologation (ou tout autre document équivalent) et de définir les spécifications techniques en la matière ne satisfaisait pas - au moins d' après les éléments contenus dans le dossier - à l' exigence de l' indépendance prescrite par l' article 6 de la directive terminaux. Toujours dans les
conclusions Decoster, nous avons relevé que le défaut d' indépendance entachait d' un vice radical le système d' homologation prévu par le décret n 85-712, en entraînant par conséquent l' inapplicabilité de ses dispositions qui imposent aux opérateurs qui entendent commercialiser des appareils terminaux de justifier - par l' homologation ou par toute autre procédure équivalente - la conformité de ces appareils à des exigences déterminées.
Nous estimons donc que - sans qu' il soit nécessaire d' examiner si, en raison de leur montant, les amendes prévues par le décret n 85-712 présentent par elles-mêmes des aspects d' incompatibilité avec le droit communautaire - l' on peut répondre à la juridiction nationale dans les termes suivants:
L' article 6 de la directive de la Commission 88/301/CEE s' oppose à l' application d' une réglementation nationale, telle que celle prévue par le décret français n 85/712, imposant aux opérateurs qui entendent commercialiser des appareils terminaux de justifier - au moyen d' un agrément ou d' une autre procédure équivalente - de la conformité de ces appareils par rapport à certaines exigences dès lors que ne se trouve pas garantie en même temps l' indépendance, par rapport à tout opérateur offrant
des biens et/ou des services dans le domaine des télécommunications, de l' organisme qui:
- délivre l' agrément (ou un autre document équivalent)
- formalise les spécifications techniques qui sont utilisées pour la délivrance de l' homologation (ou d' un autre document équivalent).
(*) Langue originale: l' italien.9
(1) JO L 131 p. 73.