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03/06/1992 | CJUE | N°C-69/91

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 3 juin 1992., Procédure pénale contre Francine Decoster, épouse Gillon., 03/06/1992, C-69/91


Avis juridique important

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61991C0069

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 3 juin 1992. - Procédure pénale contre Francine Decoster, épouse Gillon. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Douai - France. - Directives 83/189/CEE du Conseil et 88/301/CEE de la Commission - Notification

des spécifications en matière de télécommunications - Indépendance de l'e...

Avis juridique important

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61991C0069

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 3 juin 1992. - Procédure pénale contre Francine Decoster, épouse Gillon. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Douai - France. - Directives 83/189/CEE du Conseil et 88/301/CEE de la Commission - Notification des spécifications en matière de télécommunications - Indépendance de l'entité chargée de la réglementation - Sanctions pénales. - Affaire C-69/91.
Recueil de jurisprudence 1993 page I-05335
édition spéciale suédoise page 00099
édition spéciale finnoise page I-00417

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Introduction: le contentieux communautaire relatif à la commercialisation de terminaux non agréés

La présente procédure - comme l' affaire C-92/91, Taillandier, dans laquelle nous prononçons les conclusions aujourd' hui - s' inscrit dans le cadre d' une série de renvois préjudiciels (1), qui sont tous relatifs à un fait identique: la commercialisation (voire parfois la simple détention) d' appareils terminaux de télécommunications (en général des téléphones, des téléphones sans fil et des télécopieurs) qui n' ont pas été préalablement autorisés ou agréés par les autorités nationales compétentes
(2).

L' apparition, au cours d' une période somme toute assez brève, d' un contentieux aussi fourni ne saurait être purement fortuite. En y regardant de près, cela apparaît comme l' indice trahissant une tension qui s' est manifestée, au moins dans certains pays, en ce qui concerne la commercialisation de terminaux par des opérateurs indépendants (c' est-à-dire non liés aux organismes publics opérant dans le domaine des télécommunications). La prémisse de ces tensions réside dans le processus de
libéralisation qui s' est produit, ces dernières années, sur le marché des terminaux de télécommunications, processus dû en grande partie à l' innovation technologique et aux changements correspondants intervenus sur le plan des rapports économiques et juridiques (3), qui a entraîné progressivement l' élimination des monopoles et droits exclusifs nationaux et, partant, la reconnaissance du droit des opérateurs économiques d' importer et de commercialiser librement les appareils en question.

Au niveau communautaire, le principe de la libéralisation, déjà identifié comme l' objectif essentiel dans le Livre vert de la Commission sur les télécommunications (4), a été en outre posé, sur le plan normatif, par la directive 88/301/CEE de la Commission, du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunication (5) (ci-après "directive terminaux") et a été définitivement consacré par l' arrêt, bien connu, de la Cour du 19 mars 1991 (République
française/Commission, C-202/88, Rec. p. 1223; ci-après "arrêt terminaux").

La seule affirmation du droit d' importer et de commercialiser les terminaux n' a cependant pas réussi à assurer une intégration effective des marchés. Il est en effet évident que l' importation et, surtout, la commercialisation des terminaux sont restées, au moins en partie, subordonnées à un système complexe de règles et de contrôles nationaux. Or, si l' application de ces règles et contrôles est dans une certaine mesure indispensable en l' absence de règles de source communautaire ou
internationale, elle peut néanmoins se traduire, dans certaines circonstances, par un obstacle aux échanges injustifié ou à tout le moins disproportionné avec les objectifs (légitimes) poursuivis. D' où la nécessité de prévoir des garanties appropriées qui sont précisément destinées à éviter que la liberté d' importer et de vendre des appareils terminaux reste un principe creux, sans contenu concret.

Parmi ces garanties, la première, et peut-être la plus importante, est celle, mentionnée dans le Livre vert et prévue à l' article 6 de la directive "terminaux", qui impose l' indépendance (ou, comme on l' affirme aussi, la séparation) des fonctions de réglementation et de contrôle (y compris l' agrément) des terminaux, par rapport aux activités de nature économique et commerciale; à cette garantie essentielle peuvent s' en ajouter d' autres ayant trait aux procédures d' adoption et au contenu même
des spécifications techniques nationales, ou au déroulement correct des contrôles de conformité des appareils auxdites spécifications.

Cela étant précisé, il semble aisé de relever que la définition de la portée de ces garanties constitue la question centrale du contentieux relatif à la commercialisation de terminaux non agréés. En fait, deux intérêts opposés se manifestent par rapport à cette question: d' une part, l' intérêt des opérateurs économiques à pouvoir commercialiser les terminaux le plus librement possible et, partant, à l' abri de tout lien ou restriction dénués de justification objective, et, d' autre part, l' intérêt
général à ce que cette commercialisation se déroule dans le respect des normes et mécanismes qui seuls sont en mesure de sauvegarder certaines exigences essentielles et en premier lieu la sécurité des usagers et des opérateurs ainsi que le bon fonctionnement du réseau public de télécommunications.

Par l' arrêt RTT/GB-Inno-BM, précité, la Cour a donné une première contribution importante à la solution de cette question. Par rapport à ce précédent, la présente procédure devrait permettre d' approfondir encore la question et ce, à notre avis, davantage en raison de la circonstance que l' affaire Decoster est, parmi celles qui ont été citées, la première se rapportant à des faits postérieurs à l' entrée en vigueur de la directive "terminaux", qu' en raison de la spécificité des aspects juridiques
évoqués.

Le régime français relatif aux terminaux susceptibles d' être raccordés au réseau des télécommunications de l' État

En vertu des articles D 440 et suivants du code français des postes et télécommunications, les appareils terminaux (téléphoniques, télégraphiques ou radioélectriques) peuvent être fournis soit par l' administration des postes et télécommunications, soit par des opérateurs privés concurrents. Dans ce second cas, l' administration n' intervient pas dans le rapport entre l' usager et le fournisseur, mais impose l' agrément de l' appareil en question (article D 444 du code des PTT, tel que modifié par
l' article 3 du décret n 85-336 du 12 mars 1985).

Eu égard à ce principe, et aux fins de réglementer la commercialisation des appareils terminaux susceptibles d' être raccordés au réseau public de télécommunications, le gouvernement français a adopté, le 11 juillet 1985, le décret n 85-712. L' article 2 de ce décret prévoit que les appareils terminaux ne peuvent être fabriqués pour le marché intérieur, importés, détenus en vue de la vente, mis en vente, distribués à titre gratuit ou onéreux que s' ils sont conformes aux dispositions du décret.

Aux termes des articles 3 et 4, les appareils en question doivent répondre à un certain nombre de conditions essentielles destinées à garantir tant le bon fonctionnement du réseau que la sécurité des usagers.

C' est dans ce but que l' article 6 du décret susvisé prévoit que les fabricants, les importateurs, les vendeurs ou les distributeurs de terminaux sont tenus de justifier de la conformité de ces matériels aux exigences essentielles énoncées aux articles 3 et 4.

A cet égard, le même article 6 prévoit que cette justification peut résulter de la présentation par l' intéressé d' un des quatre documents suivants: un rapport établi par un organisme agréé par le ministre chargé de l' industrie; un agrément délivré en application du code des postes et télécommunications; un certificat de qualification délivré en application de la loi n 78-23, du 10 janvier 1978, sur la protection et l' information des consommateurs; un autre document justificatif reconnu
équivalent par décret du ministre chargé de l' industrie.

Pour l' application du décret n 85-712, le ministère du redéploiement industriel et du commerce extérieur a émis, le 1er novembre 1985, un avis relatif aux terminaux susceptibles d' être raccordés au réseau des télécommunications de l' État. L' avis comporte avant tout une liste mise à jour à la date du 30 septembre 1985 des normes et spécifications pouvant être utilisées pour l' application des articles 3 et 4 du décret n 85-712 et prévoit que les appareils conformes à ces normes ou spécifications
sont réputés conformes aux dispositions des articles 3 et 4 précités.

L' avis précise en outre de quelle façon les intéressés peuvent justifier de la conformité des terminaux, conformément aux prescriptions de l' article 6 du décret n 85-712. A cet égard, l' avis dispose que:

- le Centre national d' études des télécommunications (CNET) a été agréé par le ministre chargé de l' industrie pour la délivrance du "rapport" visé à l' article 6 précité;

- l' agrément est délivré par la direction générale des télécommunications, en application du code des PTT, aux matériels conformes aux spécifications figurant sur la liste annexée à l' avis;

- la mise en place des autres modes de justification prévus à l' article 6 se fera ultérieurement.

Soulignons au demeurant qu' il ne ressort pas des débats si, postérieurement à l' avis de novembre 1985, des documents justificatifs autres que l' agrément et le rapport du CNET ont été mis en place.

La procédure au principal

Les faits faisant l' objet de la procédure au principal sont d' une extrême simplicité: Mme Decoster a commercialisé, au cours de la période de mai à octobre 1989, des terminaux de télécommunications (notamment des télécopieurs) sans avoir obtenu au préalable ni l' agrément ni un autre document reconnu apte à justifier la conformité des appareils aux exigences essentielles visées aux articles 2 et 3 du décret n 85-712. Au contraire, il résulte de l' ordonnance de renvoi que Mme Decoster n' a même
pas sollicité la délivrance des documents en question.

Sur la base de ces faits, Mme Decoster a fait l' objet d' une procédure pénale et a été condamnée en première instance à une amende de 50 000 FF. Le juge de première instance a en effet considéré que la commercialisation de terminaux dépourvus des documents justicatifs, formellement requis par le décret n 85-712, constituait le délit de fraude commerciale au sens de l' article 1er de la loi du 1er août 1905.

Ni en première instance, ni en appel, la prévenue n' a contesté la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Elle récuse toutefois leur portée pénale en faisant valoir que la commercialisation de terminaux non agréés ou dépourvus d' une autre justification de leur conformité ne constitue pas une infraction, parce que le décret n 85-712, qui impose l' obtention préalable de ces documents, serait inapplicable dans la mesure où il est contraire à certaines dispositions de la directive "terminaux"
ainsi que de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d' information dans le domaine des normes et réglementations techniques (6) (ci-après "directive normes techniques").

Les griefs que Mme Decoster a formulés à cet égard, et dont l' ordonnance de renvoi fait état, sont au nombre de deux.

Le premier grief a pour objet la violation de l' article 6 de la directive "terminaux". Aux termes de cette disposition:

"Les États membres assurent qu' à partir du 1er juillet 1989 la formalisation des spécifications [...] et le contrôle de leur application ainsi que l' agrément sont effectués par une entité indépendante des entreprises publiques ou privées offrant des biens et/ou des services dans le domaine des télécommunications."

La prévenue soutient qu' à l' époque des faits, l' autorité chargée, en France, de formaliser les spécifications techniques et de vérifier la conformité des appareils aux conditions requises ne présentait aucune indépendance par rapport à l' organisme qui gérait le réseau public des télécommunications et qui commercialisait, en même temps, des appareils terminaux en concurrence avec d' autres opérateurs économiques. Il s' ensuit - toujours selon la prévenue - que le décret n 85-712 doit être écarté,
puisqu' il contraint les opérateurs économiques à se soumettre à des spécifications techniques et à des procédures de contrôle, respectivement définies et gérées par un organisme qui n' offre pas la garantie essentielle d' indépendance requise par la directive communautaire.

Quant au second grief, celui-ci a pour objet la violation des dispositions de la directive "normes techniques" et de la directive "terminaux", qui imposent une obligation pour les États membres de communiquer, préalablement, à la Commission les projets de normes et spécifications techniques relatives à certains produits, parmi lesquels, notamment, les terminaux de télécommunications. A cet égard, la prévenue affirme que les spécifications techniques relatives aux appareils en cause ont été adoptées
sans que soit effectuée la communication préalable prévue par la législation communautaire: en l' espèce, cela comporterait l' inapplicabilité du décret n 85-712 et, partant, le droit de Mme Decoster à commercialiser librement les appareils dont il s' agit, c' est-à-dire "en dehors de toute procédure d' agrément ou d' homologation".

Compte tenu des allégations de la prévenue, la juridiction d' appel a estimé nécessaire de poser à la Cour trois questions préjudicielles relatives, précisément, à l' effet direct des directives mentionnées et aux conséquences qu' il y a lieu d' en tirer quant à l' applicabilité en l' espèce du décret national litigieux (7).

On observera en outre qu' au cours des débats qui se sont déroulés devant la Cour, Mme Decoster a développé des arguments concernant des problèmes qui ne font pas partie de ceux qui ont été traités dans l' ordonnance de renvoi. En effet, elle a non seulement repris les points relatifs à l' absence d' indépendance de l' autorité de réglementation et de contrôle ainsi qu' à l' absence de communication des spécifications techniques pertinentes (respectivement, chapitre II et chapitre I des
observations), mais elle a également évoqué les trois aspects suivants: l' existence de pratiques discriminatoires, de la part de l' autorité administrative française, au détriment des terminaux importés en provenance d' autres États membres (chapitre III des observations); l' existence d' abus de position dominante de la part de France Télécom (chapitre IV des observations); la question de l' opposabilité des spécifications techniques nationales, non harmonisées au niveau communautaire, à des
terminaux qui ont déjà reçu un agrément dans un autre État membre (chapitre V des observations).

L' analyse qui suit porte essentiellement sur la question de l' indépendance de l' organisme national de réglementation et de contrôle (voir infra sous A). Pour les raisons qui seront exposées ultérieurement, les autres aspects évoqués seront examinés brièvement (voir infra sous B).

A. Sur l' indépendance de l' organisme qui formalise les spécifications techniques, contrôle leur application et délivre l' agrément

a) La base juridique de l' obligation d' indépendance

Ainsi qu' il a été exposé, le principe - déjà envisagé dans le Livre vert de la Commission - en vertu duquel les États membres doivent confier la charge de mettre en forme des spécifications techniques, de contrôler leur application et d' exécuter les procédures d' agrément y afférentes à des entités indépendantes des organismes, publics ou privés, offrant des biens ou des services sur le marché des télécommunications, a été expressément consacré à l' article 6 de la directive "terminaux".

Les considérants de cette directive mettent bien en lumière que ce principe constitue une disposition essentielle dans le cadre du projet global de libéralisation du marché des terminaux de télécommunications, dont s' inspire la directive en question. La garantie d' indépendance et, en définitive, d' impartialité des fonctions de réglementation, de contrôle et d' agrément est précisément présentée comme un élément-clé en vue d' assurer que des situations de conflit d' intérêts ne se produisent pas
sur le marché considéré et, partant, que des conditions de transparence et de réelle égalité de concurrence s' y instaurent (8). L' importance de 0cette garantie est d' ailleurs unanimement soulignée dans les commentaires sur l' évolution récente du droit européen des télécommunications (9).

Ainsi qu' il a été relevé, la validité de la règle (conjointement à d' autres dispositions de la directive "terminaux") a été confirmée par la Cour dans l' arrêt "terminaux". Cet arrêt fournit deux indications qui revêtent de l' importance en l' espèce. En premier lieu, la Cour a reconnu que, sur la base de l' article 90, paragraphe 3, du traité, la Commission dispose du pouvoir d' adopter des actes ayant un caractère normatif, destinés à "préciser les obligations découlant du traité" (10). En
second lieu, la Cour a déclaré que l' article 6 de la directive "terminaux" n' est pas contraire au traité. La Cour s' est prononcée à cet égard en termes généraux, sans préciser quelles sont les dispositions du traité par rapport auxquelles la compatibilité de l' article 6 de la directive est appréciée. Les motifs de l' arrêt reprennent en fait les concepts formulés dans les considérants précités de la directive, en relevant que:

"un système de concurrence non faussée, tel que celui prévu par le traité, ne peut être garanti que si l' égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée. Confier à une entreprise qui commercialise des appareils terminaux la tâche de formaliser des spécifications auxquelles devront répondre les appareils terminaux, de contrôler leur application et d' agréer ces appareils revient à lui confier le pouvoir de déterminer, à son gré, quels sont les appareils terminaux
susceptibles d' être raccordés au réseau public et à lui octroyer ainsi un avantage évident sur ses concurrents."

La Cour semble donc faire sienne l' approche de la Commission selon laquelle on peut considérer que des conditions équitables de concurrence n' existent que dans la mesure où le système institué par les États membres garantit l' indépendance et l' impartialité de la réglementation et des contrôles, ce qui implique la séparation de ces fonctions des activités de nature économique et commerciale.

Cette position a été ultérieurement confirmée par le récent arrêt RTT/GB-Inno-BM. L' arrêt - relatif à des faits antérieurs à l' entrée en vigueur de la directive "terminaux" - précise tout d' abord, en termes généraux, que constitue en soi une violation des articles 3, sous f), 90 et 86 du traité le fait qu' un organisme bénéficiant du monopole (légal) de l' exploitation du réseau de télécommunications dispose, en vertu de mesures étatiques, de la possibilité de fausser la concurrence sur le
marché, voisin mais distinct, des appareils terminaux.

Ainsi qu' il ressort des motifs de l' arrêt, on se trouve en présence d' une telle distorsion de concurrence si l' organisme qui exploite, en situation de monopole, le réseau de télécommunications cumule en outre l' activité de commercialisation de terminaux avec la tâche de formaliser les spécifications techniques y afférentes, de contrôler leur application et d' agréer ces appareils.

En effet, selon la Cour:

"le maintien d' une concurrence effective et la garantie de transparence exigent que la formalisation des spécifications techniques, le contrôle de leur application et l' agrément soient effectués par une entité indépendante des entreprises publiques ou privées offrant des biens ou des services concurrents dans le domaine des télécommunications".

L' arrêt établit donc que l' obligation de garantir l' indépendance des fonctions de réglementation et de contrôle des terminaux de télécommunications trouve, au moins en présence de certaines circonstances, sa base légale dans l' article 86 du traité, lu en combinaison avec les articles 3, sous f), et 90. Quant aux circonstances dont la présence est requise pour que les dispositions combinées des articles précités soient applicables, on peut, dans les grandes lignes, les résumer dans les termes
suivants:

- l' organisme en question détient une position dominante sur le marché des services de télécommunications;

- il fausse la concurrence sur le marché voisin des terminaux;

- et cela en vertu d' une mesure nationale qui lui permet d' influencer unilatéralement les conditions de commercialisation des terminaux.

Il convient en outre d' ajouter - bien que l' arrêt RTT/GB-Inno-BM ne se prononce pas expressément à cet égard - que l' obligation d' indépendance en question peut trouver fondement non seulement dans les articles 3, sous f), 86 et 90, mais également dans l' article 30 du traité. En effet, conformément à la jurisprudence de la Cour, une réglementation nationale qui a pour effet de faciliter l' exploitation abusive d' une position dominante, susceptible d' affecter le commerce entre États membres,
est normalement incompatible avec l' interdiction de toute mesure d' effet équivalent prévue à l' article 30 (voir arrêts du 10 décembre 1991, Merci Convenzionali Porto di Genova, C-179/90, non encore publié au Recueil, et du 16 novembre 1977, Inno, 13/77, Rec. p. 2115). On observera que dans l' arrêt RTT/GB-Inno-BM, la Cour a précisément relevé que les mesures nationales litigieuses étaient susceptibles d' influencer les importations d' appareils en provenance d' autres États membres et, par
conséquent, d' affecter le commerce entre États membres (11) au sens de l' article 86.

Mais il y a plus. Une telle entrave aux échanges peut en fait exister même lorsqu' on ne se trouve pas en présence d' une position dominante telle que celle identifiée dans l' arrêt RTT/GB-Inno-BM. En effet, la confusion, ou le cumul, dans le chef d' un même organisme, des fonctions de commercialisation, d' une part, et de réglementation et de contrôle, d' autre part, si elle altère l' égalité des chances entre les opérateurs concurrents, se traduit, automatiquement, par une discrimination, à tout
le moins potentielle, des produits importés, et ce indépendamment de la circonstance que l' organisme en question est présent, et bénéficie ou non d' un monopole, ou en tout cas d' une position dominante, sur le marché distinct des services de télécommunications.

Or, c' est précisément cette perspective plus large qui résulte de l' article 6 de la directive "terminaux". Cet article exige en effet de façon impérative la séparation entre l' activité de commercialisation et l' activité de réglementation et de contrôle et indique clairement que cette séparation s' impose également dans le cas où l' organisme qui commercialise les terminaux n' opère pas en même temps sur le marché des services de télécommunications (12).

A la lumière de ces considérations, nous estimons donc que l' obligation spécifique consacrée à l' article 6 de la directive "terminaux", si elle a une portée plus vaste par rapport à celle définie par la Cour dans l' arrêt RTT/GB-Inno-BM, ne constitue cependant pas un quid novi par rapport au traité, en ce sens qu' elle ne réussit pas à produire des effets juridiques substantiellement différents de ceux qui découlaient déjà, pour les États membres, de l' article 30 et des dispositions combinées des
articles 3, sous f), 86 et 90 du traité.

b) L' effet direct de l' article 6 de la directive "terminaux"

Cela étant dit, la réponse aux questions posées dans la présente procédure paraît relativement simple. Tout d' abord, en ce qui concerne l' effet direct de l' article 6 de la directive "terminaux" (qui fait l' objet de la deuxième question formulée par la juridiction nationale), cet effet nous semble devoir être reconnu sans la moindre hésitation. En réalité, ainsi qu' il a été exposé, cet article ne fait que préciser les obligations que le traité lui-même prévoit et impose aux États membres.
Partant, il serait illogique de considérer que la règle spécifique adoptée par la Commission en application de l' article 90, paragraphe 3, n' a pas d' effet direct alors que les dispositions générales du traité qu' elle précise ont un tel effet. Ajoutons que s' il est vrai que l' article 6, en prévoyant l' obligation des États membres de confier à une entité indépendante les fonctions de réglementation et de contrôle, laisse une certaine marge de liberté à ces États quant au système à instituer
pour atteindre cet objectif, il n' en est pas moins vrai que l' article 6, lu à la lumière des considérants de la directive, pose une interdiction claire, précise et inconditionnelle de maintenir en vigueur tout système qui entraîne, dans le chef d' un même sujet, le cumul des fonctions de réglementation et de contrôle avec la fourniture de biens et/ou de services dans le domaine des télécommunications. En outre, puisque cette interdiction vise à garantir des conditions équitables de concurrence sur
le marché en question, il est également évident que la règle précitée est destinée à sauvegarder les intérêts légitimes des entreprises qui opèrent sur ce marché: en vertu de l' article 6 et des dispositions précitées du traité, ces entreprises peuvent prétendre à ce que les États membres n' attribuent pas des fonctions de réglementation et de contrôle à un opérateur, public ou privé, qui est leur concurrent.

c) Le régime communautaire en vigueur antérieurement à la date initiale visée à l' article 6 de la directive "terminaux"

L' effet direct de l' article 6 étant établi, il convient de s' arrêter brièvement sur une deuxième question. Il semble en effet utile de préciser quel était le régime juridique applicable antérieurement à la date initiale (le 1er juillet 1989) à partir de laquelle l' article 6 impose aux États membres l' obligation d' assurer l' indépendance des entités chargées de la formalisation des spécifications, du contrôle et de l' agrément. S' il est vrai que ce dernier aspect n' a pas été précisément
évoqué par le juge de renvoi, il n' en est pas moins vrai qu' il revêt un intérêt incontestable aux fins de la solution du litige, du moment que les faits en cause (c' est-à-dire la commercialisation par Mme Decoster de terminaux non agréés) se sont déroulés au cours de la période de mai à octobre 1989 et, partant, exactement à cheval sur le délai imparti à l' article 6.

Toutefois, à la lumière des observations qui viennent d' être développées, la réponse à cette question ne présente aucune difficulté. Il suffit de relever que même avant la date visée à l' article 6, et antérieurement à l' adoption de la directive "terminaux", l' obligation d' indépendance en question existait, et s' imposait aux États membres, en vertu des dispositions du traité relatives à la circulation des marchandises et à la concurrence. L' arrêt RTT/GB-Inno-BM qui, ainsi qu' il a été exposé,
se réfère à une situation analogue à celle faisant l' objet de la présente procédure, mais qui a eu lieu à une époque antérieure à l' adoption de la directive "terminaux", montre en effet qu' une réglementation qui ne garantit pas l' indépendance de la réglementation et du contrôle des terminaux, et donne lieu de ce fait à des situations de conflit d' intérêts, est, à tout le moins dans certaines circonstances déterminées, incompatible par elle-même avec les articles 3, sous f), 86 et 90 du traité.
En outre, pour les motifs mentionnés plus haut, il paraît fondé de considérer que, même lorsque les conditions pour l' application de l' article 86 (en liaison avec l' article 90) ne sont pas remplies, une réglementation de ce type constitue en tout état de cause une entrave potentielle aux échanges intracommunautaires et relève, par conséquent, de l' interdiction prévue à l' article 30 du traité.

Il s' ensuit que dès avant la directive "terminaux", les États membres étaient tenus, en vertu du traité, de faire en sorte que la formalisation des spécifications techniques, le contrôle de leur application et l' agrément des appareils soient effectués par une entité indépendante des entreprises qui offraient des biens ou des services dans le domaine des télécommunications (13).

d) La réglementation nationale contestée

Avant d' aborder l' examen de la réglementation litigieuse, il faut relever qu' en France également, comme dans d' autres États membres, on s' est efforcé d' introduire au cours de ces dernières années une "dérégulation" progressive dans le domaine des télécommunications. Les mesures qui ont été prises à cet égard par les autorités françaises permettent de distinguer schématiquement trois phases:

- la première concerne la période qui précède l' adoption du décret n 89-327, du 19 mai 1989;

- la seconde concerne la période qui sépare le décret n 89-327 et la loi n 90-568 du 2 juillet 1990;

- la troisième, enfin, concerne la période postérieure à la loi n 90-568.

De ces trois époques, seule la seconde et à la rigueur la première entrent en ligne de compte aux fins de la présente procédure. La troisième phase se situe au contraire à un moment (la loi n 90-586 est entrée en vigueur à partir du 1er janvier 1991) nettement postérieur aux faits de l' espèce.

Cela étant dit, il ressort avec suffisamment de clarté des éléments fournis à la Cour que, tant dans la première phase que dans la seconde, le régime national en cause n' offrait pas des garanties d' indépendance suffisantes, dans la mesure où l' ensemble des activités dont il s' agit, c' est-à-dire la formalisation des spécifications techniques, le contrôle de leur application, l' agrément des terminaux et leur commercialisation, étaient effectuées par des organes administratifs qui faisaient tous
partie de l' administration centrale des postes et télécommunications. En outre, cette même administration menait également, sous un régime de monopole, l' exploitation du réseau public de télécommunications.

En particulier, pour ce qui concerne la situation antérieure au décret n 89-327, on peut relever que:

- en vertu du décret n 86-129, du 28 janvier 1986, l' élaboration et le contrôle du respect des principes généraux de la réglementation des télécommunications étaient confiés à la délégation générale à la stratégie, qui relevait directement de l' autorité du ministre des PTT (article 2);

- la délégation générale à la stratégie conduisait son action en relation avec les autres directions du ministère des PTT et, notamment, avec la direction générale des télécommunications (article 2 du décret n 86-129);

- la direction générale des télécommunications comprenait la direction des affaires commerciales et télématiques, chargée de proposer et mettre en oeuvre la politique commerciale et télématique des télécommunications (article 14 du décret n 86-129);

- les terminaux non fournis par l' administration étaient soumis à une procédure d' agrément (article D 440 et suivants du code des PTT);

- ainsi qu' il résulte de l' avis ministériel du 1er novembre 1985, précité, l' agrément des appareils terminaux relevait de la compétence de la direction générale des télécommunications;

- bien que le gouvernement français n' ait pas clairement précisé quel était, à l' époque, le statut formel de France Télécom, il est constant qu' il s' agissait d' un organisme s' insérant dans l' administration centrale des PTT et chargé de mener, sur le plan opérationnel, l' activité commerciale dans le domaine des télécommunications (14);

- quant au rapport délivré par le CNET et considéré comme équivalent à l' agrément conformément à l' avis ministériel précité, il est acquis que le CNET "fait partie de France Télécom en tant que centre de recherche de l' exploitant public", comme le gouvernement français l' a indiqué en réponse aux questions qui lui ont été posées par la Cour, ce qui équivaut évidemment à exclure toute garantie d' indépendance pour la délivrance de ce certificat de conformité.

La situation ne paraît pas avoir été substantiellement modifiée par l' entrée en vigueur du décret n 89-327. Au contraire, ce décret, en modifiant la structure interne de l' administration des PTT et en précisant les compétences respectives des différents services, fait ressortir, encore plus clairement, l' imbrication de l' activité purement commerciale et des activités relatives à la formalisation des spécifications techniques, au contrôle et à l' agrément. En effet:

- il est institué une direction de la réglementation générale - remplaçant la délégation générale à la stratégie - qui définit et adapte le cadre juridique général dans lequel s' exercent les activités du secteur; il appartient notamment à cette direction:

- de veiller au respect de la réglementation en vigueur;

- de préparer les projets de lois et de règlements et d' élaborer des directives ayant trait au régime des activités des différents acteurs économiques intervenant dans le secteur;

- de mettre en forme et publier les spécifications et les procédures d' agrément des appareils terminaux (article 2 du décret n 89-327);

- le décret n 89-327 ne modifie pas les fonctions commerciales exercées par l' administration des PTT;

- le lien fonctionnel entre la direction générale des télécommunications et, partant, France Télécom, et la direction compétente pour la définition de la réglementation du secteur (la direction de la réglementation générale) est rendu encore plus évident; il appartient en effet à une des composantes de la direction générale des télécommunications (à savoir la direction des affaires industrielles et internationales) de proposer les spécifications techniques pour les terminaux (article 4 du décret n
89-327) (15).

En résumé, il résulte de ces éléments qu' à l' époque des faits considérés, tant la réglementation que l' agrément (et de façon plus générale le contrôle de conformité (16)) des terminaux n' étaient pas effectués par une entité indépendante de l' organisme qui commercialisait ces terminaux. Bien au contraire, toutes ces activités étaient exercées par une même entité (l' administration centrale des PTT). Il est vrai que ces tâches pouvaient être réparties entre différentes directions générales ou d'
autres composantes de la même administration; il s' agissait toutefois de tâches relevant d' une seule administration de l' État et hiérarchiquement soumises à une seule autorité de décision. En outre, le régime applicable prévoyait une liaison, hiérarchique ou fonctionnelle, entre les différentes directions considérées (ce qui est d' ailleurs logique s' agissant de composantes d' un même ministère). Enfin, même au niveau de la direction générale des télécommunications, les responsabilités de nature
commerciale et les prérogatives reconnues pour l' élaboration des spécifications et l' agrément étaient imbriquées.

Ce n' est qu' ultérieurement, en application de la loi n 90-568, qu' a été réalisée, à tout le moins sur le plan de l' organisation administrative, une séparation de l' activité commerciale des autres activités de réglementation, de contrôle et d' agrément. La loi a en effet détaché de l' administration centrale des PTT tant la gestion du réseau public de télécommunications que l' activité de nature commerciale. Ces fonctions sont toujours assurées par France Télécom, cette dernière ne fait
cependant plus partie du ministère des PTT mais opère en qualité de personne morale de droit public, dotée d' une personnalité juridique autonome. En même temps que la modification apportée au statut de France Télécom, la direction générale des télécommunications a été supprimée à l' intérieur de l' administration des PTT.

A la lumière de ces considérations, on doit, à notre avis, déduire que, au moins jusqu' à l' entrée en vigueur de la loi n 90-568, la réglementation, le contrôle et l' agrément n' étaient nullement exercés par une entité indépendante des opérateurs qui commercialisaient des appareils terminaux, ce qui implique une violation tant de l' article 6 de la directive "terminaux" que, pour les motifs évoqués plus haut, de l' article 30 du traité. Il faut en outre ajouter qu' il est constant en l' espèce
que, avant la loi n 90-586, relevaient de l' administration des PTT non seulement la commercialisation des terminaux mais également la gestion, en situation de monopole, du réseau public de télécommunications. Nous sommes donc en présence de mesures nationales permettant l' extension du monopole du marché des services de télécommunications au marché, voisin mais distinct, des terminaux, situation qui, conformément à l' arrêt RTT/GBB-Inno-BM, doit être considérée comme contraire aux dispositions
combinées des articles 3 sous f), 86 et 90 du traité.

Une autre solution ne serait envisageable que s' il apparaissait qu' à l' époque des faits, tout opérateur commercial disposait concrètement, en vue de faire vérifier que les appareils terminaux considérés étaient conformes aux exigences essentielles de sécurité et de bon fonctionnement du réseau, de la possibilité de faire apprécier cette conformité:

- par un organisme indépendant de l' administration des PTT,

- et sur la base de critères techniques définis par un organisme indépendant de l' administration des PTT.

Sous réserve des constatations et des appréciations qui relèvent de la seule compétence du juge national, nous ne pouvons que répéter de nouveau que, d' après ce qu' il ressort du dossier, la situation existant en France, à l' époque des faits, était en réalité tout autre.

e) L' inapplicabilité du décret n 85-712

Il convient d' ajouter en outre que le non-respect des dispositions communautaires précitées devrait comporter, comme conséquence, l' inapplicabilité du décret national litigieux, c' est-à-dire le décret n 85-712. En effet, ce décret, comme il a été indiqué plus haut, prescrit aux opérateurs économiques de faire agréer les appareils (ou en tout cas de faire certifier leur conformité par rapport à certaines exigences). Or, dans la mesure où l' entité qui définit les normes techniques (sur la base
desquelles l' agrément est délivré) et qui procède à l' agrément (ou à d' autres vérifications équivalentes) est en même temps un des opérateurs commerciaux intéressés (ou y est étroitement liée), il est clair qu' il est en tout cas exclu que les procédures de contrôle puissent offrir des garanties d' impartialité suffisantes aux autres concurrents.

Le manque d' indépendance se présente donc comme un vice qui n' entache pas seulement l' une ou l' autre mesure adoptée par rapport à une demande d' agrément déterminée, mais attaque, à la base, l' ensemble du système de règles et contrôles institué par un État membre en ce qui concerne la commercialisation des terminaux. Il s' ensuit, par conséquent, que dans le cas d' espèce, les procédures prévues par le décret n 85-712 en vue de l' agrément des terminaux ne satisfont pas aux conditions
essentielles posées par le droit communautaire et doivent donc être considérées comme inapplicables.

Certes, nous avons parfaitement conscience des implications d' une telle conclusion. En simplifiant, elle implique que les États membres n' ont pas le droit d' appliquer des procédures d' agrément (ou des procédures similaires) dont l' impartialité n' est pas garantie (et que, de ce fait, aucune responsabilité pénale n' existe dans le chef des commerçants qui, comme Mme Decoster, ont vendu des terminaux non agréés au cours d' une période où l' impartialité de la réglementation et des contrôles n'
était pas assurée).

Cela signifie, d' autre part, qu' il est possible de vendre des terminaux sans que leur conformité par rapport à des exigences telles que la sécurité de l' usager ou le bon fonctionnement du réseau ait été préalablement vérifiée (fût-ce au moyen d' une procédure qui n' offre pas des garanties d' impartialité).

On en vient ainsi, en substance, à subordonner la protection de ces exigences à la protection de la concurrence, un résultat qui peut paraître guère satisfaisant, aussi bien d' un point de vue général (dans le traité les exigences extraéconomiques de ce type l' emportent sur la protection de la concurrence et des échanges), qu' au regard des dispositions spécifiques de la directive "terminaux" qui préservent le droit des États membres de refuser le raccordement des terminaux non conformes à des
exigences essentielles telles que celles évoquées plus haut (voir article 3 de la directive, qui fait référence aux exigences précisées à l' article 2, point 17, de la directive 86/361/CEE). Or, si une obligation d' agrément ne saurait être imposée aux opérateurs commerciaux dès lors que l' agrément n' est pas impartial, il s' ensuit que l' autorité nationale, plutôt que pour refuser le raccordement, ne pourra intervenir qu' ex post, pour faire débrancher le raccordement déjà effectué et pour
réagir, éventuellement, à l' égard de perturbations ou de dommages qui en partie se sont déjà produits (17).

D' autre part, même si cette question peut susciter quelques perplexités, il nous semble qu' il faille désormais la considérer comme résolue à la lumière de l' arrêt RTT/GB-Inno-BM. Cette décision se rapporte en effet à un renvoi préjudiciel effectué dans le cadre d' une action engagée par l' organisme public (la RTT) à l' encontre du concurrent privé (le groupe commercial GB-Inno-BM). Cette action visait à faire ordonner que GB-Inno-BM mette fin à la pratique consistant en la vente de terminaux non
homologués sans informer l' acheteur de cette absence d' agrément.

La partie défenderesse s' était défendue en faisant valoir, notamment, l' incompatibilité avec le droit communautaire des dispositions nationales (les articles 13 et 91 de l' arrêté belge du 20 septembre 1978) qui subordonnaient le raccordement des terminaux à l' autorisation de la RTT et qui imposaient l' agrément préalable des terminaux fournis par des opérateurs autres que la RTT. GB-Inno-BM affirmait que ces obligations d' autorisation et d' agrément étaient illégales dans la mesure où la RTT se
trouvait placée dans la situation d' être à la fois entité de réglementation et de contrôle et partie en cause, et que, par conséquent, même l' obligation d' informer l' acheteur de l' absence d' agrément devait être considérée comme illégale.

A la suite de cette discussion, le juge national - ainsi qu' il résulte du rapport d' audience dans l' affaire précitée - a considéré "qu' il fallait vérifier si une procédure d' agrément telle que celle imposée par la RTT était licite puisque, dans la négative, il serait abusif de vouloir imposer à un commerçant vendant des appareils l' obligation de signaler à ses clients la nécessité de les soumettre à un agrément". (18)

Or, comme nous l' avons indiqué à plusieurs reprises, il résulte de l' arrêt prononcé par la Cour que les règles de concurrence découlant du traité peuvent être invoquées par un opérateur commercial en vue de s' opposer à l' application d' un régime national qui attribue à un autre opérateur concurrent le pouvoir de définir les normes techniques, et de contrôler leur application, en ce qui concerne les produits en cause.

Il y a donc tout lieu de penser qu' à la suite de la décision de la Cour, le juge national a considéré comme non fondée en droit l' action engagée par la RTT, en permettant par conséquent à la partie défenderesse de mettre en vente les appareils non agréés, et ce, par surcroît, sans informer l' acheteur de l' absence d' agrément.

Partant, à moins que la Cour ne considère qu' il faille modifier cette jurisprudence, nous pensons qu' en l' espèce, il y a lieu de répondre au juge national dans les termes suivants: l' article 30 et les articles 3, sous f), 86 et 90 du traité ainsi que l' article 6 de la directive "terminaux" s' opposent à l' application d' une réglementation nationale, telle que celle prévue par le décret français n 85-712, imposant aux opérateurs qui entendent commercialiser des appareils terminaux de justifier
- au moyen de l' agrément ou d' une autre procédure équivalente - de la conformité de ces appareils par rapport à certaines exigences (tenant notamment à la sécurité des usagers et au bon fonctionnement du réseau), dès lors que ne se trouve pas garantie en même temps l' indépendance, par rapport à tout opérateur offrant des biens et/ou services dans le domaine des télécommunications, de l' organisme qui:

- délivre l' agrément (ou un autre document équivalent);

- formalise les spécifications techniques qui sont utilisées aux fins de la délivrance de l' agrément (ou d' un autre document équivalent).

B. Sur les autres questions évoquées dans la présente procédure

Compte tenu de la réponse fournie à la question sur l' indépendance de l' entité qui définit les règles, et procède aux agréments, sur le marché des terminaux, il serait à vrai dire superflu d' examiner les autres questions évoquées dans la présente procédure. Ce n' est que dans le souci d' une analyse exhaustive et, bien entendu, pour le cas où la Cour déciderait de ne pas suivre la solution exposée plus haut, que nous examinerons succinctement ci-après les points restants qui ont été soulevés au
cours des débats.

Ainsi qu' il a été déjà exposé, les questions posées concernent les aspects suivants:

- les spécifications techniques sur la base desquelles les autorités françaises auraient dû agréer les appareils en question auraient été adoptées sans que soient respectées les conditions de procédure prévues par la directive "normes techniques" et par la directive "terminaux", ce qui impliquerait - selon Mme Decoster et la Commission - l' inapplicabilité de ces spécifications;

- les terminaux qui ont été déjà agréés dans un autre État membre devraient - selon Mme Decoster - être soumis à des contrôles "allégés" dans l' État membre d' importation, ce qui impliquerait, concrètement, l' inapplicabilité à ces terminaux des spécifications techniques nationales qui ne sont pas nécessaires pour garantir le respect de certaines exigences essentielles;

- l' existence de pratiques discriminatoires de la part des autorités françaises au moment de l' agrément des terminaux;

- l' existence d' abus de position dominante de la part de France Télécom.

Ces aspects appellent une observation d' ordre général. Il faut en effet souligner que les griefs que nous venons de mentionner - à la différence de celui relatif au défaut d' indépendance de l' entité de réglementation et de contrôle - ne mettent pas en question l' ensemble du système d' agrément des terminaux qui a été institué par le décret n 85-712. Quelle serait en effet la conclusion qu' il faudrait tirer si ces griefs se révélaient fondés? La réponse à cette question nous paraît on ne peut
plus aisée. Il est clair en effet que l' application de spécifications techniques illégales, pour des raisons de fond ou de forme, affecte la validité de la mesure particulière (positive ou négative) adoptée dans le cadre de la procédure d' agrément. Le résultat est le même lorsque la mesure d' agrément comporte une discrimination du produit importé. Enfin, il est évident qu' une éventuelle violation de l' article 86 du traité de la part d' une entreprise publique emporte l' illégalité de la
pratique abusive considérée.

En y regardant de près, les vices allégués ont donc une incidence, le cas échéant, non pas sur le principe même de l' agrément prévu par le décret litigieux mais sur le résultat de la procédure d' agrément.

Il s' ensuit, par conséquent, que si Mme Decoster avait été lésée du fait d' un refus d' agrément, ou par un autre acte, incompatible avec le droit communautaire, elle aurait pu réagir en faisant valoir cette illégalité dans le cadre des procédures prévues à cet effet. Toutefois, elle aurait dû demander l' agrément, ce qu' elle a cependant omis de faire.

Par contre, la simple éventualité que le refus d' agrément s' avère illégal ne pouvait nullement aboutir à dispenser Mme Decoster de demander l' agrément et, partant, ne pouvait absolument pas lui permettre de commercialiser les terminaux "en dehors de toute procédure d' agrément ou d' homologation".

Nous estimons donc qu' à cet égard, la réponse à apporter au juge national peut être formulée dans les termes suivants. La prétendue incompatibilité avec le droit communautaire, pour des raisons de fond ou de forme, de spécifications techniques nationales relatives à des appareils terminaux, la prétendue mise en oeuvre, en matière d' agrément d' appareils terminaux, de pratiques discriminatoires de la part des autorités nationales et la prétendue mise en oeuvre, de la part de France Télécom, de
comportements qui constitueraient un abus de position dominante au sens de l' article 86 du traité, ne sauraient dispenser les personnes qui commercialisent des appareils terminaux de demander l' agrément (ou tout autre document équivalent), conformément au décret français n 85-712.

Conclusion

A la lumière des considérations qui précèdent, nous estimons qu' il convient de répondre comme suit au juge national:

L' article 30 et les articles 3, sous f), 86 et 90 du traité ainsi que l' article 6 de la directive 88/301/CEE de la Commission, du 16 mai 1988, s' opposent à l' application d' une réglementation nationale, telle que celle prévue par le décret français n 85-712, imposant aux opérateurs qui entendent commercialiser des appareils terminaux de justifier - au moyen d' un agrément ou d' une autre procédure équivalente - de la conformité de ces appareils par rapport à certaines exigences (tenant notamment
à la sécurité des usagers et au bon fonctionnement du réseau), dès lors que ne se trouve pas garantie en même temps l' indépendance, par rapport à tout opérateur offrant des biens et/ou des services dans le domaine des télécommunications, de l' organisme qui:

- délivre l' agrément (ou un autre document équivalent);

- formalise les spécifications techniques qui sont utilisées aux fins de la délivrance de l' agrément (ou d' un autre document équivalent).

Pour le cas où la Cour estimerait devoir examiner également les autres points évoqués en l' espèce, nous proposons de répondre comme suit au juge national:

La prétendue incompatibilité avec le droit communautaire, pour des raisons de fond ou de forme, de spécifications techniques nationales relatives à des appareils terminaux, la prétendue mise en oeuvre, en matière d' agrément d' appareils terminaux, de pratiques discriminatoires de la part des autorités nationales et la prétendue mise en oeuvre, de la part de France Télécom, de comportements qui constitueraient un abus de position dominante au sens de l' article 86 du traité, ne sauraient dispenser
les personnes qui commercialisent des appareils terminaux de demander l' agrément (ou tout autre document équivalent), conformément au décret français n 85-712.

(*) Langue originale: l' italien.

(1) - Outre la présente procédure et l' affaire Taillandier, citons l' affaire RTT/GB-Inno-BM, dans laquelle vous vous êtes prononcés par arrêt du 13 décembre 1991 (C-18/88, non encore publié au Recueil), ainsi que les renvois préjudiciels, encore pendants, Lagauche (C-46/90, affaire dans laquelle la Cour, après les conclusions de l' avocat général Lenz, a décidé de rouvrir la procédure orale), Evrard (C-93/91), Sauges (C-164/91), Henryon e.a. (C-238 à 240/91), Gleyzes (C-288/91) et Marchandeau
(C-323/91).

(2) - Il existe évidemment des différences entre les différents cas d' espèce. Elles ne concernent cependant pas le phénomène faisant l' objet des litiges, qui est invariablement constitué par la commercialisation de terminaux non agréés, mais le type de terminal qui est chaque fois considéré, différence qui comporte parfois des conséquences quant au contenu de la réglementation nationale applicable.

Ajoutons à cela que le phénomène en question peut évidemment se présenter dans le cadre de rapports juridiques, substantiels et procéduraux, différents. Ainsi, par exemple, alors que dans l' affaire RTT/GB-Inno-BM le renvoi préjudiciel à la Cour est né dans le cadre d' une action en cessation engagée par un concurrent, l' entreprise nationale de télécommunications, contre un opérateur commercial qui vendait des terminaux non agréés, l' affaire Decoster tire son origine d' une action pénale exercée à
l' encontre de l' opérateur qui avait vendu des appareils non agréés.

(3) - La littérature spécialisée souligne que le développement technologique a joué un rôle déterminant dans l' évolution de l' organisation économique et juridique du secteur des télécommunications en général et du marché des terminaux en particulier. La rapidité de l' innovation, l' intégration de secteurs d' activité qui étaient originairement distincts et caractérisés par des organisations économiques et juridiques différentes (les postes et télécommunications, l' information et l' audiovisuel),
la diversification des moyens de transmission des informations (qui trouve naturellement son pendant dans la diversification de l' offre de terminaux), bref, la constitution de ce domaine d' activité large et complexe, couramment défini comme l' Information Technology, ont profondément modifié la nature ainsi que les caractéristiques des services et des produits offerts et demandés, en ouvrant de nouveaux champs d' action à une concurrence internationale très vive.

S' agissant des terminaux de télécommunications, il est clair que, dès avant l' intervention normative communautaire, les changements indiqués ont fortement pesé sur la structure et le fonctionnement des marchés européens. La concurrence exercée (surtout) par des pays tiers (États-Unis d' Amérique, Japon et pays nouvellement industrialisés) et les exigences de coopération industrielle, dues à l' importance des investissements requis, ont progressivement réduit la fragmentation entre les différents
marchés nationaux européens, tout en atténuant tant les monopoles (de droit ou de fait) détenus par les organismes (publics) nationaux en matière de fourniture de terminaux, que les liens privilégiés existant entre ces organismes et certains producteurs nationaux (Alcatel, Siemens, Italtel, etc.).

C' est précisément l' influence de ces facteurs qui explique pourquoi les États membres ont en substance consenti au programme de libéralisation qui a été défini par la Commission dans le Livre vert et s' est traduit ensuite par la directive terminaux . En réalité, cette dernière - comme nous avons eu l' occasion de le souligner dans nos conclusions présentées dans l' affaire C-202/88 - a été contestée en justice par certains États membres exclusivement pour des motifs d' ordre institutionnel, ayant
trait à la base juridique de l' acte, c' est-à-dire l' article 90, paragraphe 3, et pas du tout en raison de son inspiration libéralisatrice, qui faisait déjà l' objet d' un consensus général.

Sur l' évolution du secteur des télécommunications et du marché des terminaux voir E. Stevers, Telecommunication Regulation in the European Community (Working Paper n 89/421), Institut universitaire européen, 1990, p. 12 ss.; ouvrage collectif, Vers une nouvelle réglementation des télécommunications, Bruxelles, 1990, p. 1 ss. et p. 175 ss.; C. Overbury, P. Ravaioli, The Application of EEC Law to Telecommunication, Annual Proceedings of Fordham Corporate Law Institute, 1989, p. 271 ss.

(4) - Communication de la Commission, Livre vert sur le développement du marché commun des services et équipements des télécommunications, COM (87) 290 du 30 juin 1987.

(5) - JO L 131, p. 73.

(6) - JO L 109, p. 8.

(7) - Il convient de relever que dans tous les renvois préjudiciels émanant de juridictions françaises, dans le cadre de procédures engagées à l' encontre de personnes prévenues d' avoir commercialisé des terminaux non agréés, les questions posées à la Cour sont identiques ou, en tout cas, analogues en substance aux questions soulevées dans la présente procédure.

(8) - Dans cette optique, le neuvième considérant de la directive précise que:

un accroissement du degré de concurrence sur le marché des terminaux nécessite l' instauration d' une transparence des spécifications techniques et des procédures d' agrément [...]; que, en outre, pour assurer une application transparente, objective et non discriminatoire de ces dernières, la mise en forme et le contrôle de ces règles doivent être organisés à partir d' organismes indépendants des concurrents sur le marché en question.

Dans le même ordre d' idées, le dix-septième considérant énonce que:

le contrôle des spécifications et des règles d' agrément ne peut être confié à des opérateurs concurrents dans le marché des terminaux, vu le conflit d' intérêt évident; qu' il y a lieu dès lors de prévoir que les États membres assurent que la mise en forme des spécifications et des règles d' agrément soit confiée à une entité indépendante du gestionnaire du réseau et de tout autre concurrent sur le marché des terminaux .

(9) - Voir Stevers, loc. cit., p. 17, où, parmi les mesures nécessaires to ensure market partecipation in the competitive markets on fair terms , on indique notamment la separation of regulatory and operational activities in order to prevent possible abuse of dominant position in type approval , ainsi que, ibidem, p. 39; voir en outre H. Ungerer, Comments on Telecommunication Regulatory Reform in the European Community in: ouvrage collectif, Deregulation or Re-regulation?, Londres, 1990, p. 103; M.
Coleman, European Competition Law in the Telecommunications and Broadcasting Sectors, European Competition Law Review, 1990, p. 204; ouvrage collectif, Vers une nouvelle réglementation des télécommunications, loc. cit., p. 200 ss. et p. 224 ss.; J. Scherer, European Telecommunication Law, in: ouvrage collectif, The Law of Information Technology in Europe, Deventer, 1991, p. 228; C. Overbury, P. Ravaioli, loc. cit., p. 282 ss. et 302 ss.; B. Amory, Vers une nouvelle réglementation européenne des
télécommunications, Revue française d' administration publique, 1989, p. 671; E. Bordón Iglesias, La libertad de circulación de mercancías y la política de la competencia en el mercado de terminales de telecomunicaciones, Revista de estudios y investigación de las comunidades europeas, 1990, p. 559 ss.; M. Hoskins, A review of EEC Telecommunications Policy: Too much of a Good Thing, European Business Law Review, 1992, p. 8; P. Ravaioli, La Communauté européenne et les télécommunications:
développements récents en matière de concurrence, Revue internationale de droit économique, 1991, p. 103.

(10) - A cet égard, il n' est peut-être pas inutile de souligner que les directives adoptées par la Commission sur la base de l' article 90, paragraphe 3, ont des effets obligatoires au sens de l' article 189 du traité (voir arrêt du 30 juin 1988, Commission/Grèce, 226/87, Rec. p. 3611) et que, par conséquent, les obligations prévues par ces directives, même lorsqu' elles se limitent à préciser (ou à déterminer ou à concrétiser, pour employer d' autres expressions utilisées dans l' arrêt) les
obligations qui sont en substance déjà consacrées par le traité, constituent néanmoins des obligations formellement indépendantes. Les États membres sont donc tenus de les exécuter, à moins qu' ils n' entendent contester la légalité de l' acte au moyen d' un recours en annulation (comme cela a été précisément le cas pour toutes les directives qui ont été adoptées jusqu' à présent sur la base de l' article 90, paragraphe 3). En outre, il convient d' indiquer que, dans l' hypothèse où un tel recours
n' a pas été introduit en temps utile, il reste à tout le moins douteux que l' État membre, dont l' inexécution de la directive a été contestée dans le cadre d' une procédure d' infraction au titre de l' article 169, puisse soulever, à titre incident, la question de la légalité de la directive, en se prévalant de l' exception visée à l' article 189 du traité.

Rappelons que, dans le cas d' une décision adoptée par la Commission en application de l' article 90, paragraphe 3, la Cour, dans l' arrêt 226/87, précité, a jugé que l' État membre destinataire de l' acte - non attaqué en temps utile - ne saurait exciper de son illégalité dans le cadre d' un recours en manquement de la Commission fondé sur l' inexécution de cette décision.

Toutefois, pour ce qui concerne la possibilité de soulever, dans le cadre d' une procédure d' infraction, des exceptions d' illégalité à l' encontre de règlements ou, surtout, de directives (en réalité, le texte de l' article 184 ne mentionne que les règlements), force est de constater qu' il s' agit d' une question controversée sur laquelle la jurisprudence ne fournit aucun point d' appui sûr et définitif. Un examen exhaustif aussi bien du débat doctrinal sur cette question que de la jurisprudence
pertinente de la Cour, est mené dans les conclusions présentées par l' avocat général Darmon dans l' affaire C-258/89, auxquelles nous renvoyons, tout en soulignant que dans cette procédure la Cour ne s' est pas prononcée de manière explicite sur la question de principe posée par l' avocat général (voir arrêt du 25 juillet 1991, Commission/Royaume d' Espagne, C-258/89, non encore publié au Recueil).

(11) - En réalité, l' arrêt fait référence à une atteinte à la concurrence entre États membres (point 27 des motifs). Toutefois, tant de l' ensemble du raisonnement, qui souligne l' incidence de la réglementation nationale sur les importations, que de la construction de l' arrêt, qui, dans le passage en question, entend affirmer l' existence de l' une des conditions d' application de l' article 86, c' est-à-dire l' atteinte au commerce intracommunautaire, il résulte que la Cour a en réalité mis en
évidence l' existence, en l' espèce, d' une altération concernant davantage les échanges entre États membres que la concurrence.

(12) - P. Ravaioli se prononce en ce sens, loc. cit. p. 120, note 29.

(13) - Il faut dire que, à la lumière de cette conclusion, l' introduction d' un délai initial, dans le cadre de l' article 6 de la directive, paraît superflue. Elle est probablement due au fait que, au moment de l' adoption de la directive, la jurisprudence RTT/GB-Inno-BM n' existait pas encore. La Commission pouvait donc estimer que l' obligation d' assurer l' indépendance de la réglementation et des contrôles était non pas inhérente au traité mais au contraire créée, au moins en partie, par les
dispositions de la directive. En conséquence, dans la mesure où la Commission peut avoir considéré que, par rapport aux obligations essentielles établies par la directive (c' est-à-dire les obligations visées aux articles 2, 3, 6 et 7), la directive était constitutive et pas simplement déclarative d' obligations déjà consacrées par le traité, elle peut avoir estimé utile de subordonner les effets d' une des dispositions de l' acte à un délai initial, destiné à l' évidence à accorder aux États une
période de tolérance pour procéder aux adaptations nécessaires de la réglementation.

D' autre part, on observera que ce délai ne concerne que l' article 6 de la directive; il ne vise pas - ce qu' il ne pourrait d' ailleurs pas faire - à limiter de quelque manière l' effet des obligations qui ont été directement consacrées par le traité.

(14) - Les affirmations de la Commission et de Mme Decoster, d' ailleurs nullement réfutées par le gouvernement français, selon lesquelles France Télécom n' était rien d' autre que l' enseigne commerciale de l' administration des PTT, trouvent confirmation dans la littérature spécialisée. Voir notamment ouvrage collectif, Vers une nouvelle réglementation des télécommunications, loc. cit., p. 93, où l' on précise que France Télécom est le nom commercial de la direction générale des
télécommunications; en termes analogues, J. Chevallier, La mutation des postes et télécommunications, AJDA, 1990, p. 667.

(15) - Le gouvernement français n' a pas précisé si, sous l' empire du décret n 89-312, l' agrément était toujours délivré par la direction générale des télécommunications ou par une autre direction du ministère des PTT. Le décret ne prévoit rien à cet égard. De toute façon, même si la responsabilité de l' agrément avait été transférée à une autre direction, cela ne changerait rien quant au fond.

(16) - En réalité, il ne ressort pas du dossier si, postérieurement à l' avis ministériel de novembre 1985, déjà cité à plusieurs reprises, des documents justificatifs autres que l' agrément et le rapport rédigé par le CNET ont été mis en place. Il s' agit cependant d' un aspect qui ne revêt pas d' importance. En effet, même à supposer qu' il y ait eu des certificats de conformité délivrés par un organisme tout à fait indépendant de l' administration des PTT et qu' il y avait donc au moins une
possibilité d' obtenir un contrôle de conformité, au sens du décret n 85-712, exercé par un organisme indépendant et impartial, il n' en demeurerait pas moins que les spécifications techniques servant de critère d' appréciation de cette conformité étaient toujours définies par l' administration des PTT et, partant, par une entité qui - comme on l' a vu - n' était pas indépendante.

(17) - P. Ravaioli, loc. cit., p. 113, note 18, observe de façon significative que du moment où, conformément à la directive terminaux , le raccordement ne fait plus l' objet de droits exclusifs et n' est plus soumis à autorisation préalable, le refus de raccordement, prévu à l' article 3, ne sera valable que dans le cadre de l' agrément de terminaux.

(18) - Le juge avait également relevé que la situation actuelle, selon laquelle c' est la RTT qui fixe souverainement les conditions d' autorisation et qui décerne en outre cette autorisation, deviendrait tout à fait discutable dès lors que la RTT se présente aussi comme concurrent sur le marché des appareillages destinés à être raccordés au réseau .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-69/91
Date de la décision : 03/06/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Douai - France.

Directives 83/189/CEE du Conseil et 88/301/CEE de la Commission - Notification des spécifications en matière de télécommunications - Indépendance de l'entité chargée de la réglementation - Sanctions pénales.

Restrictions quantitatives

Concurrence

Mesures d'effet équivalent

Ententes

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : Procédure pénale
Défendeurs : Francine Decoster, épouse Gillon.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Zuleeg

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:240

Source

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