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13/12/1991 | CJUE | N°C-346/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 13 décembre 1991., M. F. contre Commission des Communautés européennes., 13/12/1991, C-346/90


Avis juridique important

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61990C0346

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 13 décembre 1991. - M. F. contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Indemnité(s) pour accidents et maladies professionnelles - Pension(s) d'invalidité - Memoire en réponse tendant à l'an

nulation partielle de la décision du Tribunal. - Affaire C-346/90 P.
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Avis juridique important

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61990C0346

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 13 décembre 1991. - M. F. contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Indemnité(s) pour accidents et maladies professionnelles - Pension(s) d'invalidité - Memoire en réponse tendant à l'annulation partielle de la décision du Tribunal. - Affaire C-346/90 P.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-02691

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. M. F., fonctionnaire de la Commission, a été révoqué à la suite d' une violente altercation, survenue le 6 octobre 1982, avec le directeur général du personnel et de l' administration. Par l' arrêt du 29 janvier 1985 (1), la Cour a annulé cette décision, pour défaut de motivation. Le 6 mai 1985, la Commission a adopté une nouvelle décision de révocation contre laquelle M. F. a de nouveau introduit devant la Cour un recours qui a été rejeté (2).

Le 22 mars 1985, après l' annulation de la première décision de révocation, M. F. a introduit une demande d' octroi de la pension d' invalidité en vertu de l' article 78 du statut du personnel (ci-après "statut"). Par une lettre du 11 juin 1985, l' administration lui a fait savoir que, à la suite de la nouvelle décision de révocation, la "procédure qui le concernait était devenue sans objet". M. F., par une lettre du 26 juin, a contesté cette prise de position et a demandé que la procédure fondée
sur l' article 78 continue son cours. Entre-temps, sur demande de l' intéressé, la procédure prévue par l' article 73 du statut, pour l' octroi de l' indemnité d' invalidité, a été engagée. Le 15 juillet 1988, à l' issue de cette procédure, la Commission a adopté une décision par laquelle, en s' écartant des conclusions de la commission médicale, elle a fixé le pourcentage d' invalidité de M. F. à 50 %. En effet, de l' avis de la Commission, la commission médicale aurait outrepassé ses pouvoirs en
décidant qu' un pourcentage d' invalidité de 18 %, résultant des faits du 6 octobre 1982, devait, lui aussi, être considéré comme étant d' origine professionnelle.

2. Estimant que la Commission, par sa décision du 15 juillet 1988, avait à tort fixé à 50 % son taux d' invalidité, sans d' ailleurs tenir compte de sa demande de bénéficier d' une pension d' invalidité en vertu de l' article 78 du statut, M. F. a introduit, devant le Tribunal de première instance, un recours par lequel il a demandé l' annulation de la décision en question et la réparation des dommages.

Par l' arrêt du 26 septembre 1990 (3), le Tribunal a admis partiellement le recours, en annulant la décision de la Commission du 15 juillet 1988 dans la mesure où elle fixait à 50 % le taux d' invalidité permanente du requérant, au lieu de 68 % comme il avait été établi par la commission médicale. Toutefois, dans le même arrêt, le Tribunal a conclu à l' irrecevabilité du moyen fondé sur la violation de l' article 78 et a rejeté, en la considérant comme non fondée, la demande de réparation des
dommages.

L' arrêt du Tribunal a été attaqué par M. F., ainsi que, au moyen d' un pourvoi incident, par la Commission, soutenue par la société d' assurances Royale belge.

Le pourvoi de M. F.

3. Le pourvoi de M. F. concerne tant la partie de l' arrêt dans laquelle le Tribunal a considéré comme irrecevable le moyen fondé sur la violation de l' article 78 du statut (points 22 à 24 des motifs) que celle où il a rejeté la demande de réparation des dommages (points 30 à 36 des motifs).

Quant à la violation présumée de l' article 78, le requérant avait soutenu devant le Tribunal que la décision de la Commission du 15 juillet 1988 était illégale, dans la mesure où elle n' avait pas tenu compte de sa demande, formulée par la lettre du 22 mars 1985, de bénéficier d' une pension d' invalidité en vertu de l' article 78 précité.

Devant cet argument, le Tribunal a relevé que, dans la décision contestée, la Commission avait uniquement pris position sur la demande du requérant fondée sur l' article 73, c' est-à-dire sans reconsidérer la question relative à l' octroi éventuel d' une pension au titre de l' article 78. En outre, le Tribunal a affirmé que "même à supposer que la décision puisse être interprétée comme renfermant un refus implicite de faire droit à une demande du requérant fondée sur l' article 78, ce refus
constituerait, à défaut d' éléments nouveaux par rapport à la décision du 11 juin 1985 susvisée, un acte confirmatif de ladite décision et ne serait, dès lors, pas susceptible de faire grief. La demande d' annulation de la décision du 15 juillet 1988, fondée sur l' article 78, serait donc, même dans l' hypothèse d' un rejet implicite d' une demande ex article 78, irrecevable" (point 22 des motifs).

C' est essentiellement contre cette affirmation que sont formulés, dans le pourvoi, les griefs de M. F., qui reproche au Tribunal d' avoir considéré de manière erronée que la décision du 11 juin 1985 était une décision de rejet de sa demande fondée sur l' article 78, alors qu' il s' agirait, au contraire, d' une lettre par laquelle la Commission s' est limitée à affirmer que la demande était "devenue sans objet", et cela en raison de la seconde décision de révocation. En définitive, de l' avis du
requérant, la Commission ne lui aurait jamais communiqué, jusqu' à la décision du 15 juillet 1988, un rejet explicite de sa demande fondée sur l' article 78.

4. La thèse de M. F. tend donc, pratiquement, à obtenir une prorogation des délais de rigueur, tels qu' ils sont établis aux articles 90 et 91 du statut, relatifs à la présentation des réclamations à l' autorité investie du pouvoir de nomination et à l' introduction des recours devant la juridiction communautaire.

Nous rappelons à cet égard que, selon une jurisprudence constante de la Cour, "les délais des articles 90 et 91 du statut sont d' ordre public et ne constituent pas un moyen à la discrétion des parties ou du juge, ayant été institués en vue d' assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques" (4). Comme la Cour l' a précisé, une prorogation de ces délais n' est admise qu' en présence de "faits nouveaux substantiels" de nature à justifier précisément un réexamen de la situation (5).

Or, comme le Tribunal l' a souligné à juste titre, l' introduction, devant la Cour, d' un recours contre la seconde décision de révocation ne peut pas être considérée comme un fait nouveau de nature à permettre une prorogation des délais rigoureux prévus par les articles 90 et 91 du statut. Il s' ensuit que le requérant n' aurait pu sauvegarder ses droits, dans l' attente de l' issue du recours, qu' en attaquant la décision du 11 juin 1985 dans les délais de rigueur prévus.

Enfin, nous estimons qu' il est sans importance d' établir si la lettre du 26 juin 1985 était uniquement une lettre de précision, comme le requérant et la Commission elle-même le soutiennent, ou au contraire une réclamation, comme le Tribunal l' a affirmé. Et cela parce que de toute façon la situation, pour M. F., demeure inchangée: dans un cas comme dans l' autre il reste, en effet, que la décision du 11 juin est devenue définitive, puisqu' elle n' a pas été attaquée dans les délais indiqués à l'
article 91, paragraphe 2, du statut.

Le moyen en question n' est donc pas fondé, étant donné que l' on n' aperçoit - dans le cas d' espèce - aucune erreur de droit dans l' interprétation donnée par le Tribunal.

5. Le second moyen du pourvoi de M. F. concerne le rejet de la demande visant à obtenir la réparation des dommages subis. Devant le Tribunal, M. F. avait allégué, comme fondement de la réparation réclamée, tant le comportement de la Commission au cours de la procédure qui avait abouti à l' adoption de la décision du 15 juillet 1988, que les conséquences qui en découlaient.

Dans son pourvoi, M. F. reproche au Tribunal de s' être refusé à prendre en considération le préjudice effectif qu' il a subi du fait de la décision litigieuse, ainsi que la conclusion de ce Tribunal selon laquelle "l' annulation de la décision irrégulière et la fixation consécutive, par la Commission, du taux d' invalidité permanente d' origine professionnelle du requérant, en exécution du présent arrêt, permettent de rétablir le requérant dans ses droits" ((point 34, sous b), des motifs)).

A cet égard il suffit d' observer que le Tribunal était parvenu à cette conclusion sur la base de la remarque que le requérant "n' a pas indiqué de manière précise le préjudice prétendument subi sous la forme notamment d' une aggravation de son état de santé et de sa situation professionnelle. Il n' a pas apporté la preuve, ou offert de prouver, d' une part, qu' une telle aggravation se serait produite après l' adoption de la décision litigieuse, et, d' autre part, qu' il existe un lien de causalité
entre le préjudice prétendument subi et l' adoption de ladite décision" ((point 34, sous b), des motifs)).

En conséquence, ce que M. F. conteste c' est en réalité la constatation des faits effectuée par le Tribunal, laquelle n' est pas susceptible de réexamen lors d' un recours. Le second moyen est donc irrecevable.

Le pourvoi incident de la Commission

6. Le pourvoi de la Commission concerne la partie de l' arrêt dans laquelle le Tribunal a annulé la décision du 15 juillet 1988 pour ne pas avoir pris en considération, à titre de maladie professionnelle, le pourcentage d' invalidité de 18 % résultant des faits déjà cités du 6 octobre 1982 (points 12 à 17 des motifs).

A l' appui du pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal aurait apprécié de manière erronée le contenu du rapport médical. En substance, de l' avis de la Commission, en estimant que l' on ne devait pas exclure le pourcentage d' invalidité de 18 %, aux fins de l' indemnité à verser à M. F., la commission médicale ne se serait pas limitée à des appréciations de nature médicale, en s' en tenant ainsi à ses compétences, mais aurait effectué des qualifications de nature juridique.

Or, ainsi qu' il résulte de l' arrêt attaqué en appel, le Tribunal a constaté que "la commission médicale s' est limitée à tirer les conséquences médicales de ses constatations relatives à l' origine de la maladie du requérant, sans procéder à des appréciations d' ordre juridique" (point 15 des motifs). En particulier, le Tribunal a affirmé que la commission médicale a "suffisamment établi que l' aggravation de l' invalidité de M. F., consécutive à l' incident du 6 octobre 1982, trouve en réalité
son origine à l' occasion de l' exercice de ses fonctions au service de la Communauté, dans la mesure où elle résulte, en dernière analyse, de la maladie professionnelle préexistante du requérant" (point 14 des motifs).

Compte tenu des affirmations reproduites ci-dessus, il apparaît évident que la Commission se limite à remettre en discussion l' appréciation des faits effectuée par le Tribunal (6). Le pourvoi incident de la Commission est donc, lui aussi, irrecevable.

Conclusions

A la lumière des considérations qui précèdent, nous suggérons donc à la Cour de rejeter tant le pourvoi de M. F. que le pourvoi incident de la Commission.

Quant aux dépens, nous proposons que chaque partie, y compris la partie intervenante, supporte ses propres dépens.

(*) Langue originale: l' italien.

(1) F./Commission (228/83, Rec. p. 275).

(2) Arrêt du 5 février 1987 (403/85, Rec. p. 645).

(3) F./Commission (T-122/89, Rec. p. II-517).

(4) Arrêt du 7 mai 1986, Barcella, point 12 (191/84, Rec. p. 1541).

(5) Voir, par exemple, arrêt du 26 septembre 1985, Valentini, point 14 (231/84, Rec. p. 3027).

(6) Voir, à cet égard, arrêt du 1er octobre 1991, Vidrányi, point 16 (C-283/90 P, Rec. p. I-0000).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-346/90
Date de la décision : 13/12/1991
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaires - Indemnité(s) pour accidents et maladies professionnelles - Pension(s) d'invalidité - Memoire en réponse tendant à l'annulation partielle de la décision du Tribunal.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : M. F.
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:488

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