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05/11/1991 | CJUE | N°C-332/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 5 novembre 1991., Volker Steen contre Deutsche Bundespost., 05/11/1991, C-332/90


Avis juridique important

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61990C0332

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 5 novembre 1991. - Volker Steen contre Deutsche Bundespost. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Elmshorn - Allemagne. - Situation purement interne à un État membre. - Affaire C-332/90.
Recueil de jurisp

rudence 1992 page I-00341

Conclusions de l'avocat général

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Mons...

Avis juridique important

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61990C0332

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 5 novembre 1991. - Volker Steen contre Deutsche Bundespost. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Elmshorn - Allemagne. - Situation purement interne à un État membre. - Affaire C-332/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-00341

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les présentes questions préjudicielles qui vous sont soumises par l' Arbeitsgericht Elmshorn trouvent leur origine dans une situation qui ne paraît pas devoir donner lieu à application du droit communautaire .

2 . Les faits peuvent être ainsi résumés . M . Volker Steen est employé comme "agent technique" de la Deutsche Bundespost depuis le 15 mars 1973 . Le 12 juillet 1985, il s' est porté candidat à un poste d' "agent d' entretien, surveillant, magasinier" du "mittlerer ( technischer ) Dienst" ( cadre technique moyen ). Depuis un arrêté du ministre fédéral des Postes et télécommunications du 14 mai 1985, l' accès aux emplois du cadre technique moyen est subordonné à un stage de formation durant lequel le
stagiaire est employé sous un régime contractuel . Le postulant doit, par ailleurs, s' engager à accepter son intégration dans la fonction publique à l' issue de la période de formation .

3 . M . Steen a effectué cette déclaration en juillet 1985 et, le mois suivant, a commencé sa période de formation de deux ans au poste Dp A7 Pt/M avec classement à l' indice de rémunération I a . Le 13 octobre 1987, il était admis à l' examen du cadre technique moyen . Par lettre du 29 du même mois, il déclarait cependant vouloir conserver son statut d' agent contractuel et révoquait sa précédente déclaration .

4 . Il semble, en effet, que la situation d' agent contractuel présentait pour M . Steen des avantages pécuniaires par rapport à celle de fonctionnaire : au 1er mai 1988, la rémunération à l' indice Ia versée au demandeur s' élevait à 2 644,04 DM net alors que, s' il avait eu le statut de fonctionnaire à cette date, son traitement net au grade A5 aurait été de 2 416,39 DM . Il semble également que, selon l' opinion dominante de la doctrine allemande, les fonctionnaires de la Deutsche Bundespost ne
peuvent exercer le droit de grève, lequel est, au contraire, reconnu aux agents contractuels .

5 . Ayant été nommé le 12 novembre 1987 à un poste correspondant à l' indice de rémunération II a, M . Steen a attaqué cette décision de la Deutsche Bundespost devant le juge a quo . Dans la mesure où l' accès aux emplois de fonctionnaires n' est pas ouvert aux ressortissants des autres États membres de la Communauté et que, dès lors, seuls les ressortissants allemands se voient limiter ratione temporis la possibilité d' occuper un poste d' agent contractuel, il a estimé être victime d' une
discrimination contraire aux articles 7 et 48, paragraphe 2, du traité CEE .

6 . Le juge saisi vous a, en conséquence, posé trois questions préjudicielles qui concernent l' interprétation des articles 7 et 48, paragraphes 2 et 4, du traité CEE .

7 . Nous ne croyons pas, cependant, que vous ayez en l' espèce à donner au juge national, pour la solution du litige pendant devant lui, des éléments d' interprétation du droit communautaire .

8 . En effet, selon votre jurisprudence constante,

"les dispositions du traité, et la réglementation adoptée pour leur exécution, en matière de libre circulation des travailleurs ne sauraient être appliquées à des situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l' une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire .

Tel est certainement le cas des travailleurs n' ayant jamais exercé le droit de libre circulation à l' intérieur de la Communauté" ( 1 ).

9 . Si rien n' empêche M . Steen, ressortissant allemand, d' invoquer les dispositions des articles 7 et 48 du traité CEE à l' encontre de son propre État ( 2 ), il demeure cependant qu' il n' a jamais fait usage de son droit de libre circulation et que, par exemple, il n' a jamais travaillé ni acquis aucune formation ni obtenu aucun diplôme dans un autre État membre de la Communauté . En présence d' une situation purement interne, les règles du traité concernant la libre circulation des
travailleurs ne sauraient trouver application . Ce que la doctrine désigne de l' expression "discriminations à rebours" ne peut, en conséquence, être appréhendé au regard des principes du droit communautaire .

10 . Dès lors, l' article 7 du traité ne saurait lui non plus être applicable puisqu' il ne prohibe toute discrimination en raison de la nationalité que "dans le domaine d' application du ... traité" lui-même . Signalons au surplus que, selon votre jurisprudence, l' article 7 n' a

"vocation à s' appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination" ( 3 ).

Or l' article 48, paragraphe 2, concrétise, en matière de libre circulation des travailleurs, le même principe de non-discrimination fondée sur la nationalité ( 4 ).

11 . Nous concluons donc à ce que vous disiez pour droit :

"Les articles 7 et 48 du traité CEE et les dispositions prises pour leur mise en oeuvre ne s' appliquent pas à des situations purement internes à un État membre, comme celle d' un ressortissant d' un tel État qui n' a jamais résidé, travaillé ou acquis une formation ou une qualification dans un autre État membre ."

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Arrêt du 27 octobre 1982, Morson et Jhanjan, points 16 et 17 ( 35/82 et 36/82, Rec . p . 3723 ); voir aussi, arrêts du 28 mars 1979, Saunders, point 11 ( 155/78, Rec . p . 1129 ); du 28 juin 1984, Moser, point 15 ( 180/83, Rec . p . 2539 ); du 23 janvier 1986, Iorio, point 14 ( 298/84, Rec . p . 247 ); du 17 décembre 1987, Zaoui, point 15 ( 147/87, Rec . p . 5511 ).

( 2 ) Arrêts du 7 février 1979, Knoors, point 24 ( 115/78, Rec . p . 399 ); du 22 septembre 1983, Auer ( 271/82, Rec . p . 2727 ); du 19 janvier 1988, Gullung, points 10 à 13 ( 292/86, Rec . p . 111 ); du 27 septembre 1989, Van de Bijl ( 130/88, Rec . p . 3039 ).

( 3 ) Arrêts du 30 mai 1989, Commission/Grèce, point 13 ( 305/87, Rec . p . 1461 ); du 7 mars 1991, Masgio ( C-10/90, Rec . p . I-1120 ).

( 4 ) Pour une situation similaire en matière de libre prestation de services, voir l' arrêt du 23 avril 1991, Hoefner et Elser, points 35 à 40 ( C-41/90, Rec . p . I-1981 ).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-332/90
Date de la décision : 05/11/1991
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Elmshorn - Allemagne.

Situation purement interne à un État membre.

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : Volker Steen
Défendeurs : Deutsche Bundespost.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Mancini

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:412

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