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03/10/1991 | CJUE | N°C-348/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 3 octobre 1991., Parlement européen contre Gabriella Virgili-Schettini., 03/10/1991, C-348/90


Avis juridique important

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61990C0348

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 3 octobre 1991. - Parlement européen contre Gabriella Virgili-Schettini. - Fonctionnaires - Congés - Indemnité compensatrice pour congés non pris. - Affaire C-348/90 P.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-05211

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onclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs l...

Avis juridique important

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61990C0348

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 3 octobre 1991. - Parlement européen contre Gabriella Virgili-Schettini. - Fonctionnaires - Congés - Indemnité compensatrice pour congés non pris. - Affaire C-348/90 P.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-05211

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Les faits

1 . L' affaire dans laquelle nous présentons aujourd' hui nos conclusions est un pourvoi formé contre un arrêt du Tribunal de première instance dans une affaire de fonctionnaires pour laquelle il y aura lieu de statuer sans procédure orale devant la Cour .

2 . La requérante en première instance, Mme Virgili-Schettini ( ci-après "requérante "), avait, lors de la cessation de ses fonctions, sollicité de son autorité investie du pouvoir de nomination au Parlement européen ( ci-après "défenderesse ") une indemnité compensatrice correspondant aux jours de congé non pris, conformément aux dispositions de l' article 4 de l' annexe V du statut des fonctionnaires et autres agents . Une telle compensation lui a été refusée par décision du 1er février 1989, au
motif qu' elle avait épuisé ses droits à congé .

3 . La requérante a contesté cette décision, arguant de ce qu' elle avait encore droit à des congés pour deux raisons, liées, d' une part, au report de jours de congé de l' année 1987 sur l' année 1988, d' autre part, à une autre computation du début et de la fin de son congé de maternité en 1988 .

4 . Le Tribunal de première instance s' est rallié à la thèse de la requérante pour ce qui est du report du solde des droits à congé sur l' année 1988 . Il a rejeté le recours pour le surplus .

5 . La défenderesse a introduit un pourvoi à l' encontre de la partie du dispositif la condamnant à verser une indemnité compensatrice correspondant à 27 jours de congé . Pour ce qui est du détail des faits de la cause, des moyens et arguments des parties ainsi que de la procédure, nous renvoyons au rapport d' audience .

6 . Dans son pourvoi, la défenderesse fait valoir trois moyens, respectivement tirés

1 ) de l' irrecevabilité du recours,

2 ) du défaut de motifs de l' arrêt rendu en première instance,

3 ) d' une violation de l' article 4 de l' annexe V du statut .

B - Observations

1 . Sur l' irrecevabilité du recours

7 . En première instance, la défenderesse n' a déposé aucun chef de conclusions fondé sur l' irrecevabilité du recours, et laissé au contraire expressément la question de la recevabilité du recours à l' appréciation du Tribunal statuant comme de droit . A titre subsidiaire, elle exposait des considérations relatives à l' irrecevabilité du recours, fondées sur la circonstance que la réclamation précontentieuse avait été signée, non par la requérante en personne, mais par son avocat, futur mandataire
ad litem de cette dernière .

8 . Le Tribunal de première instance a constaté que, dès lors qu' il n' est pas contesté que l' initiative de la réclamation émane du fonctionnaire, qui en a également défini la portée, ce serait faire preuve d' un formalisme tout à fait excessif, dépourvu de base légale et contraire au sens de la jurisprudence, que d' exiger du fonctionnaire qu' il signe la note de réclamation rédigée par son avocat ( 1 ).

9 . Du fait que la défenderesse n' a pas soulevé d' exception d' irrecevabilité, elle ne pouvait pas formellement être déboutée du chef de demande relatif à la recevabilité . L' article 113 du règlement de procédure de la Cour prévoit expressément, en son article 1er, l' exclusion de toute conclusion nouvelle . Aux termes de cette disposition :

"Les conclusions du pourvoi tendent :

- à l' annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal;

- à ce qu' il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance, à l' exclusion de toute conclusion nouvelle ."

10 . Étant donné que des conclusions tendant à faire déclarer l' irrecevabilité du recours n' ont pas été déposées en première instance, on ne saurait non plus "y faire droit" dans l' instance afférente au pourvoi .

11 . Il y a lieu, dès lors, de rejeter comme irrecevable le grief tiré de l' irrecevabilité du recours, compte tenu de ce qu' une telle demande va au-delà des conclusions de première instance .

12 . A titre subsidiaire, nous voudrions faire observer que le grief ne saurait non plus être déclaré fondé . A l' appui de leurs thèses respectives, les deux parties se sont fondées sur l' affaire Herpels ( 2 ). Selon la défenderesse, le caractère de la procédure précontentieuse, considérée comme dialogue entre le fonctionnaire et l' autorité investie du pouvoir de nomination, serait dénaturé si, dès ce stade, le fonctionnaire se faisait conseiller et représenter par son avocat .

13 . A l' encontre de cette thèse, la requérante a fait valoir qu' un agent des Communautés européennes était libre de rechercher, même au stade de la procédure précontentieuse, le conseil et l' assistance d' un avocat .

14 . En ce qui concerne l' arrêt Herpels, on doit indiquer, dès à présent, que la question du ministère d' avocat au stade de la phase précontentieuse ne se posait dans cette affaire qu' au regard de la prise en charge, par l' institution défenderesse, des dépens exposés au cours de cette phase .

15 . La défenderesse fonde sa conception sur une interprétation littérale d' un membre de phrase des points 45 à 49 de l' arrêt Herpels . La procédure précontentieuse y est décrite, en effet, comme un "débat entre le fonctionnaire, agissant sans ministère d' avocat, et l' administration" ( 3 ).

16 . A l' opposé, la requérante tire son argumentation du contexte qui entoure précisément ces considérants . En effet, dans le même alinéa, la Cour enchaîne en observant que le fonctionnaire est parfaitement libre à ce stade de confier à un avocat le soin de rédiger la réclamation . Cette constatation, eu égard au problème posé dans le cas d' espèce, est assortie de l' indication selon laquelle la décision de pressentir un avocat à cette fin constitue un choix "qui ne peut en aucun cas être imputé
à l' institution concernée" ( 4 ).

17 . Les développements que le Tribunal de première instance consacre, dans l' arrêt attaqué, au ministère d' avocat lors de la phase précontentieuse ne sauraient en aucune manière, dans le contexte de la jurisprudence précitée, être considérés comme erronés .

18 . L' appréciation des faits résultant de ce que le Tribunal a estimé que la réclamation procède, tant sur le plan de la forme que du contenu, de la seule initiative de la requérante, n' a suscité aucune réserve de la part de la défenderesse . La Cour doit présumer que le Tribunal a correctement apprécié les faits, compte tenu de ce qu' aucun grief n' a été soulevé ( ni n' est d' ailleurs apparent ) au regard de la genèse de cette constatation des faits . Enfin, l' appréciation portée par le
Tribunal selon laquelle l' avocat représentant une partie dans une procédure se déroulant devant une juridiction communautaire n' est tenu de produire une procuration qu' en cas de contestation, doit être tenue pour une interprétation juridiquement correcte du règlement de procédure ( 5 ).

19 . Le premier grief du Parlement doit donc être écarté .

2 et 3 . Sur le défaut de motivation de l' arrêt et l' interprétation erronée de l' article 4 de l' annexe V du statut

20 . La défenderesse fait valoir dans son pourvoi que ni l' arrêt rendu par le Tribunal de première instance, ni d' ailleurs le rapport d' audience, ne font apparaître les critères juridiques en application desquels le Tribunal a pu établir les calculs ayant abouti au solde de 27 jours de congé non utilisés .

21 . La compensation financière pour des jours de congé non utilisés lors de la cessation des fonctions repose sur l' article 4 de l' annexe V du statut . En droit, il ne peut s' agir, dès lors, que de l' application de cette disposition, de sorte que le troisième grief - l' application erronée de cette même disposition - doit être vue en conjonction avec le grief tiré du défaut de motifs . Les considérations juridiques relatives à l' interprétation et à l' application de l' article 4 de l' annexe V
du statut constituent un préalable au calcul purement matériel auquel s' est livré le Tribunal pour conclure à la condamnation de la défenderesse à indemniser 27 jours de congé non pris .

22 . L' article 4, premier alinéa, de l' annexe V du statut institue une limitation à 12 jours du report de congé sur l' année suivante au cas où un fonctionnaire, pour des raisons non imputables aux nécessités du service, n' a pas épuisé son congé annuel . S' il existe, en revanche, des nécessités du service, un report illimité est possible . Or, le Tribunal a constaté que la requérante "a rendu crédible sa thèse selon laquelle l' accumulation de ses jours de congé était à imputer aux nécessités du
service, sans que le Parlement ne soit arrivé à affaiblir ces allégations" ( 6 ). La défenderesse n' a pas pas grief de ce que cette constatation serait intervenue en violation de principes juridiques; pas plus qu' on ne peut déduire une telle violation de l' arrêt lui-même . Il y a donc lieu de tabler sur la matérialité de ces faits .

23 . Or, la défenderesse fait valoir que le Tribunal de première instance a ignoré la réglementation interne en matière de congés arrêtée dans le cadre du pouvoir d' organisation interne de l' institution aux fins de la reconnaissance des jours de congé non épuisés pour des raisons de service . Elle se réfère à cet égard aux instructions de service, lesquelles, étant à son avis applicables, devraient exclure le solde des congés de l' année 1987 excédant 12 jours, en raison de la violation de la
procédure prévue à cet effet .

24 . On doit admettre, avec la défenderesse, que le Parlement dispose, dans le cadre de son pouvoir d' organisation interne, du droit de définir les procédures technico-administratives en vue de l' application des droits accordés aux fonctionnaires et agents par le statut . Ces dispositions administratives ne sauraient, toutefois, affecter le droit des intéressés d' administrer la preuve des nécessités de service par tout autre moyen approprié . C' est ce qui s' est produit en l' espèce .

25 . Le calcul aboutissant aux 27 jours de congé lors de la cessation des fonctions de la requérante, à la fin du mois de janvier 1989, est le résultat d' un calcul pur et simple fondé sur des considérations juridiques . Les chiffres qu' il y a lieu de prendre en considération sont repris dans l' arrêt du Tribunal de première instance ( 7 ). Le Tribunal a, à cet égard, repris le décompte opéré par l' institution défenderesse dans la décision attaquée en procédant à une seule modification, ayant
trait au report de l' année 1987 sur l' année 1988 . Pour plus de clarté, nous reproduisons ce calcul ci-après .

Calcul par le Calcul par le

Parlement européen Tribunal

Report 1987 12 jours 44 jours

Congé 1988 :

- 24

- voyage 5

- âge 1 + 30 jours + 30 jours

----- -----

42 jours 74 jours

Compensation 16 semaines

de congé de maternité,

majoré de 2 jours au titre - 33 jours - 33 jours

du congé spécial naissance

( 11 juillet - 4 novembre )

contre absences non justifiées

( 7 novembre - 21 décembre 1988 )

----- -----

Report 1988 : 9 jours 41 jours

Congé 1989 :

- 2 + 7 jours + 7 jours

- voyage 5

Imputation absences

non justifiées ( 3 janvier

- 31 janvier 1989 ) - 21 jours - 21 jours

------ -----

- 5 jours + 27 jours

Il est tout à fait indifférent à cet égard, du point de vue de la technique de calcul, que l' on forme un sous-total pour la fin de l' année 1988 ou que l' on mette en regard la somme des jours de congé de deux années, en vue de leur compensation respective :

Report 1987 : 44

Congés 1988 : + 30 - 33 jours de congés

Congés 1989 : + 7 - 21 non autorisés

--- --

81 - 54 = 27

==

L' arrêt attaqué contient, dès lors, tous les éléments qui sous-tendent, en droit et en fait, la décision . Tant le reproche du défaut de motifs que celui de l' application erronée de l' article 4 de l' annexe V du statut doivent donc être rejetés .

Dépens

26 . Étant donné qu' il y a lieu de rejeter le pourvoi, les dépens doivent être mis à la charge de l' institution défenderesse conformément aux dispositions combinées de l' article 122, premier et deuxième alinéas, et de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure .

C - Conclusions

27 . Nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

"1 ) Le pourvoi est rejeté;

2 ) la défenderesse est condamnée aux dépens de l' instance ."

(*) Langue originale : l' allemand .

( 1 ) Arrêt T-139/89, du 26 septembre 1990, point 20 .

( 2 ) Arrêt du 9 mars 1978, Herpels/Commission ( 54/77, Rec . p . 585 ).

( 3 ) Affaire Herpels, précitée, points 45 à 49 .

( 4 ) Affaire Herpels, précitée, point 48 .

( 5 ) Voir article 38, paragraphe 3, du règlement de procédure .

( 6 ) Arrêt T-139/89, précité, point 31 .

( 7 ) Voir point 2 de l' arrêt .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-348/90
Date de la décision : 03/10/1991
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Fonctionnaires - Congés - Indemnité compensatrice pour congés non pris.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Parlement européen
Défendeurs : Gabriella Virgili-Schettini.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:370

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