La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/1991 | CJUE | N°C-197/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 3 octobre 1991., République italienne contre Commission des Communautés européennes., 03/10/1991, C-197/90


Avis juridique important

|

61990C0197

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 3 octobre 1991. - République italienne contre Commission des Communautés européennes. - Apurement des comptes FEOGA - Exercice 1987. - Affaire C-197/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-00001

Conclusions de l

'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

...

Avis juridique important

|

61990C0197

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 3 octobre 1991. - République italienne contre Commission des Communautés européennes. - Apurement des comptes FEOGA - Exercice 1987. - Affaire C-197/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-00001

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Par le présent recours, la République italienne vous demande l' annulation partielle de la décision C(90 ) 687 fin ., du 19 avril 1990 ( 1 ), par laquelle la Commission a modifié, à l' égard de trois États membres dont l' Italie, la décision 89/627/CEE ( 2 ) portant apurement des comptes pour l' année 1987 .

2 . Ainsi que le déclare le premier considérant de la décision attaquée, la décision 89/627 n' a pas procédé à l' apurement des comptes en ce qui concerne, notamment, d' une part, les dépenses déclarées par l' Italie pour les aides à la transformation du lait écrémé en poudre, d' autre part, celles correspondant aux aides à la consommation d' huile d' olive . Cet apurement résulte donc de la décision qui fait l' objet du présent recours et qui a refusé de mettre à la charge du Fonds européen d'
orientation et de garantie agricole, section "garantie" ( ci-après "FEOGA "), des dépenses déclarées par l' État requérant pour un montant total de 10 214 635 858 LIT .

3 . Les critiques formulées par l' Italie concernent tant les aides à la transformation du lait que celles à la consommation d' huile d' olive . Elles seront donc examinées successivement .

I - Les aides à la transformation du lait écrémé en poudre

4 . Les dépenses refusées par la Commission sont d' un montant de 5 862 632 980 LIT, lequel correspond à 10 % des aides à la transformation du lait versées par les autorités italiennes durant l' exercice en cause .

5 . Les moyens invoqués simultanément par l' État demandeur sont fondés sur la violation des règlements communautaires applicables ainsi que sur le défaut de motivation ( 3 ). Il semble cependant que le défaut de motivation ainsi soulevé se confonde en fait avec le moyen tiré de la violation du droit . En effet, l' Italie reproche à la Commission de n' avoir pas tenu suffisamment compte des contrôles supplémentaires effectués par les autorités italiennes et des informations qui ont été, en
conséquence, portées à la connaissance de l' institution communautaire . En revanche, elle n' invoque nullement une absence, même partielle, de collaboration dans le processus d' adoption de la décision attaquée ni une méconnaissance des motifs de cette décision . Seuls de tels griefs, on le sait, pourraient fonder un moyen tiré du défaut de motivation puisque votre jurisprudence, en matière d' apurement des comptes, observe traditionnellement que les gouvernements des États membres sont étroitement
associés au processus d' élaboration de la décision d' apurement ( 4 ).

6 . Avant d' examiner les faits ponctuels à propos desquels la Commission aurait à tort, selon le gouvernement demandeur, estimé les contrôles insuffisants, il convient de rappeler les raisons pour lesquelles la décision d' apurement 89/627 n' a pas pu porter sur les aides à la transformation du lait . En effet, ainsi que la Commission le mentionne dans son mémoire en défense sans être contredite sur ce point par le gouvernement italien, une mission des contrôleurs du FEOGA, du 2 au 6 mai 1988,
auprès des entreprises Wessanen, Frabes et Plodari, de la province de Brescia, a fait apparaître que les contrôles de l' Ispettorato Provinciale per l' Agricoltura ne s' étendaient pas aux documents commerciaux des entreprises, que les rapports de contrôle, établis de façon uniforme, ne signalaient pas que les relevés avaient été rapprochés de la comptabilité financière, et que certains contrôles trimestriels n' étaient que la conclusion du travail entrepris le trimestre précédent ( 5 ).

7 . La Commission a alors décidé de demander aux autorités italiennes des contrôles supplémentaires auprès des trois entreprises susmentionnées et a disjoint, en l' état, les dépenses déclarées pour les aides à la transformation du lait de la décision 89/627 .

8 . Ces contrôles ont été effectués en octobre 1989 . Trois fonctionnaires communautaires ont été présents durant une partie du contrôle, et le FEOGA a adressé, le 19 octobre 1989, des instructions complémentaires sur les modalités de ce contrôle aux autorités italiennes . Ces instructions exigeaient la comparaison entre la comptabilité spécifique ( 6 ), la comptabilité des matières et la comptabilité générale de l' entreprise, entre les chiffres du rapport annuel approuvé par l' auditeur externe et
la comptabilité spécifique, entre les stocks des matières premières, la production et les stocks des produits finis . Elles exigeaient également une description détaillée de tous les contrôles effectués, l' indication de l' étendue et du résultat du contrôle, "les statistiques relatives aux montants des cautions libérées et au montant de l' aide payée pour l' exercice 1987 par firme contrôlée", l' indication de la composition des équipes de contrôle et de la durée de ces contrôles . Les instructions
précitées constataient, par ailleurs, que l' entreprise Wessanen ne possédait pas certains documents exigés, à savoir les résultats des analyses de laboratoire demandées par la firme, les fiches de fabrication et l' inventaire pour l' exercice 1987 ( 7 ).

9 . Les autorités italiennes ont adressé à la Commission fin novembre 1989 un rapport de synthèse accompagné de rapports analytiques pour chacune des trois entreprises ainsi que divers documents . C' est sur le caractère approfondi ou non de ces contrôles supplémentaires et sur l' aptitude des documents ainsi produits à le démontrer que les parties s' opposent devant vous .

10 . La République italienne fait porter ses critiques sur les constatations effectuées par les fonctionnaires du FEOGA dans leur rapport de synthèse complémentaire du 12 mars 1990 ( 8 ). Le paragraphe 3 de ce rapport énonce, en effet, que les rapports transmis par les autorités italiennes ne font pas mention du rapprochement, pour toutes les transactions, de la comptabilité spécifique avec la comptabilité financière des entreprises . Il précise, par ailleurs, cinq faits particuliers constitutifs de
carences dans les contrôles effectués . Examinons successivement le grief tenant à l' absence de rapprochement global, puis les cinq points relatifs aux carences alléguées .

11 . En ce qui concerne l' absence d' un rapprochement global, l' État demandeur affirme que le groupe des vérificateurs a comparé l' ensemble de la comptabilité et, en particulier, les résultats des registres de l' AIMA, l' organisme d' intervention italien, avec ceux tenus par les entreprises au titre du droit italien . La documentation n' a cependant été constituée que pour les transactions les plus importantes ( 9 ).

12 . La Commission répond sur ce point qu' elle n' a pas trouvé la moindre annotation dans la comptabilité des entreprises ni aucune note de calcul prouvant que le rapprochement aurait été effectué ( 10 ).

13 . Il est exact que, dans les documents adressés par les autorités italiennes à la Commission, ne figure aucune indication sur le nombre des transactions sélectionnées ni sur les résultats des contrôles à leur égard . Lors de la procédure orale, le fonctionnaire du FEOGA a, par ailleurs, confirmé que l' institution communautaire avait seulement reçu les photocopies de certaines transactions .

14 . Il nous faut constater également que le gouvernement italien n' a pas produit de preuves supplémentaires par rapport à ce qui avait été adressé à la Commission avant l' adoption de la décision attaquée . Or vous avez déjà jugé que, si

"le gouvernement requérant, sans contredire ces constatations ( celles de la Commission ) par la production de preuves, se limite à soutenir que des contrôles administratifs ont, en réalité, eu lieu ainsi que des contrôles sur place ..." ( 11 ),

cela ne permet pas de

"démontrer que les constatations de la Commission étaient inexactes" ( 12 ).

Et vous en déduisez qu' il y a lieu de rejeter le recours en annulation à l' encontre de la décision refusant le financement communautaire ( 13 ).

15 . Sans doute la réponse serait-elle différente dans un recours en manquement, mais la charge de la preuve, ici, pèse sur l' État demandeur . Nous tenons donc pour acquis l' absence d' un contrôle approfondi au sens de l' article 10, paragraphe 2, sous d ), du règlement n 1725/79, précité .

16 . Lors de la procédure orale, une discussion s' est instaurée entre les parties sur le point de savoir si les instructions du 19 octobre 1989, adressées par télex, exigeaient ou non clairement la communication de tous les documents résultant du contrôle . Le télex en cause mentionne : "Veuillez conserver les divers documents, notes de contrôle et rapports qui serviront de base au rapport final . Le rapport et les divers documents de contrôle devront être présentés au plus tard le 30 novembre 1989
".

17 . Quand bien même la rédaction de cette instruction serait qualifiée d' ambiguë quant à l' exigence de communiquer tous les documents de contrôle, il suffit de constater que l' Italie n' a offert, dans la présente procédure, de communiquer des documents supplémentaires ni à la Commission ni à la Cour . En application de la jurisprudence que nous venons de citer, nous nous en tenons donc à notre précédente constatation .

18 . Comme ci-avant précisé, le rapport de synthèse complémentaire de la Commission énonce également cinq faits constitutifs de carences dans les contrôles effectués par les autorités italiennes . Il semble cependant, ainsi que cela résulte du mémoire en défense de la Commission ( 14 ), que les faits figurant aux points d ) et e ) avaient été abandonnés par la Commission lors de la procédure d' adoption de la décision attaquée . Ces points concernent, d' une part, les ventes de l' entreprise Plodari
à la Caseificio Stabiumi Giacomo SpA et à la Latteria Soresinese Coop ., d' autre part, les achats de lactosérum de cette même entreprise . Ils ne sont donc pas le soutien nécessaire de la décision attaquée et doivent être considérés comme étrangers à la présente discussion .

19 . Le point a ) vise le défaut d' examen des résultats des analyses effectuées par les laboratoires des trois entreprises et des fiches de fabrication, ainsi que, pour la seule entreprise Plodari, l' absence de comptabilité matières premières et produits finis .

20 . L' État demandeur fait valoir, quant à la première critique, que les analyses faites par des laboratoires privés, à la demande des entreprises elles-mêmes, ne sont pas obligatoires et n' ont aucun caractère officiel . En l' espèce, des analyses ont effectivement été réalisées à la demande des trois entreprises en cause mais, selon le gouvernement demandeur, leurs résultats ont bien été examinés par les autorités de contrôle italiennes .

21 . La Commission réplique qu' il fallait comparer les analyses des laboratoires publics avec celles, non officielles, effectuées à la demande des entreprises .

22 . Si le rapport adressé par les autorités italiennes à la Commission à la suite des contrôles supplémentaires comporte en annexe les résultats des analyses des laboratoires publics, en revanche, seuls les résultats des analyses faites par le laboratoire de la société Wessanen ont été communiqués à la Commission sans qu' il ne soit cependant établi que les autorités italiennes aient opéré un quelconque rapprochement entre les résultats de ces deux types d' analyses . Les rapports analytiques pour
l' entreprise Plodari et pour la société Frabes ne mentionnent pas l' existence d' analyses effectuées par des laboratoires privés, alors que le rapport de synthèse des autorités italiennes semble indiquer que ces deux entreprises ont fait procéder à de telles analyses ( 15 ). La preuve d' une comparaison effective entre les résultats de ces différentes analyses n' a donc pas été rapportée par l' État demandeur .

23 . La deuxième critique concerne l' absence d' examen des fiches de fabrication . L' Italie affirme, à cet égard, que ni la réglementation communautaire ni la réglementation nationale n' exigent la conservation des fiches de fabrication . Il n' est pas contesté que les fiches de fabrication des trois entreprises pour l' exercice 1987 n' existaient plus .

24 . La Commission estime que les fiches de fabrication sont des documents commerciaux au sens de l' article 10, paragraphe 2, sous d ), du règlement n 1725/79 .

25 . Il est exact, à notre sens, que la notion de "documents commerciaux" qui figure dans cette disposition doit être interprétée largement dans la mesure où elle précise l' étendue des documents contrôlables et, par voie de conséquence, l' efficacité des contrôles effectués afin de déterminer si les opérations donnant lieu à l' octroi d' une aide ont été réalisées en conformité avec les exigences communautaires . Les fiches de fabrication doivent donc, selon nous, être considérées comme des
documents commerciaux au sens de l' article 10, paragraphe 2, sous d ), du règlement n 1725/79 . L' effet utile de cette disposition s' en trouverait, dans le cas contraire, gravement entamé .

26 . La notion de "documents commerciaux" qui figure également à l' article 1er de la directive 77/435/CEE du Conseil, du 27 juin 1977, relative aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d' orientation et de garantie agricole, section "garantie" ( 16 ), comprend, selon le texte même du paragraphe 2 de cet article, "l' ensemble de livres, registres, notes et pièces justificatives, la comptabilité, ainsi que la correspondance
relative à l' activité professionnelle de l' entreprise, pour autant que ces documents puissent être utiles au contrôle ...".

27 . Il est, bien évidemment, opportun de retenir une définition uniforme de cette notion figurant dans les deux textes communautaires précités ayant trait tous les deux aux contrôles en matière de dépenses du FEOGA .

28 . L' Italie ne conteste pas que les fiches de fabrication sont utiles au contrôle . Les fiches de l' année 1989 ont d' ailleurs été contrôlées par les autorités italiennes . Or l' article 4 de la directive précitée exige des États membres qu' ils "prévoient que les entreprises conservent les documents commerciaux ... pendant au moins trois années civiles, à compter de la fin de l' année civile de leur établissement ". En conséquence, les fiches de fabrication pour l' exercice 1987 devaient, en
vertu du droit communautaire, être conservées jusqu' au 31 décembre 1990, ce qui n' a pas été le cas .

29 . Le rapport de synthèse italien précise, par ailleurs, que ces fiches de fabrication ont un caractère confidentiel étant donné qu' elles comportent les formules d' utilisation des matières premières ( 17 ). Outre le fait que la consultation de ces fiches facilite le contrôle qui, selon l' article 10, paragraphe 2, sous a ), du règlement n 1725/79, doit porter notamment sur la composition des mélanges utilisés et des aliments composés fabriqués, leur caractère confidentiel n' est pas affecté dans
la mesure où l' article 8, paragraphe 1, de la directive précitée prévoit que "les informations recueillies dans le cadre des contrôles prévus ... sont couvertes par le secret professionnel ".

30 . La carence des contrôles des autorités italiennes est donc, sur ce point, établie .

31 . La troisième critique vise l' inexistence, pour l' entreprise Plodari, d' une comptabilité matières premières et produits finis . Le gouvernement italien fait valoir que, du fait de sa faible production, l' entreprise Plodari n' était pas obligée, en vertu du droit italien, de tenir ces deux comptabilités .

32 . Il demeure cependant que l' article 8, paragraphe 1, du règlement n 1725/79 subordonne le bénéfice de l' aide à l' agrément de l' entreprise ou à la tenue de la comptabilité visée au paragraphe 5 du même article . Or ce dernier paragraphe dispose que "l' entreprise ... tient en permanence la comptabilité déterminée par l' organisme compétent de chaque État membre et consignant notamment :

a ) l' origine des matières premières utilisées;

...;

c ) les quantités et la composition des produits obtenus ...".

33 . En vertu du droit communautaire, l' entreprise Plodari était donc tenue d' établir une comptabilité matières premières et produits finis .

34 . Le point b ) du rapport de synthèse complémentaire de la Commission concerne l' absence de preuve de la réalisation d' un inventaire de matières premières ou de produits finis . L' Italie fait valoir qu' il y a eu comparaison entre les données comptables fournies par les registres de l' AIMA avec la comptabilité "traditionnelle" des entreprises . Elle reconnaît cependant que le contrôle physique entre la comptabilité matières premières et les données relatives aux stocks fournies par les
registres de l' AIMA n' a pas pu être effectué pour l' exercice 1987 mais seulement pour la période couverte par le contrôle ( 18 ).

35 . La Commission rétorque que ces arguments constituent des affirmations générales qui ne sont appuyées par aucun document qui lui aurait été communiqué et qui aurait démontré la réalité de ces contrôles .

36 . Il est exact que les trois rapports analytiques adressés en novembre 1989 à la Commission ne contiennent aucun élément précis sur la réalisation effective d' un inventaire de matières premières ou de produits finis ( 19 ). Par ailleurs, vous avez déjà jugé qu' il n' était pas permis de régulariser a posteriori l' absence des contrôles prévus par la réglementation communautaire au moyen de contrôles différents ( 20 ). Les carences paraissent, en conséquence, établies .

37 . Le point c ) du rapport de synthèse complémentaire de la Commission vise deux ventes faites par l' entreprise Wessanen pour lesquelles la caution aurait été saisie . Lors de la procédure orale, la Commission a reconnu que cette critique, compte tenu des informations se trouvant dans le mémoire en réplique du gouvernement italien, n' était plus fondée . Elle estime cependant que la preuve apportée par l' Italie est tardive .

38 . A notre sens, il appartient, en effet, aux États membres, sur le fondement de l' article 5 du traité CEE ( 21 ) et des dispositions particulières des textes communautaires que nous venons de rappeler, de communiquer en temps utile les informations nécessaires à l' institution communautaire pour prendre sa décision d' apurement des comptes . Votre jurisprudence refuse d' ailleurs la régularisation a posteriori des formalités de preuve ( 22 ). Même si la preuve ainsi rapportée lors de la
procédure écrite devant la Cour était prise en compte, il n' en demeurerait pas moins que cette production tardive ne serait pas de nature à entraîner l' annulation de la décision attaquée . En effet, les carences dans le caractère approfondi des contrôles sont, nous l' avons dit, établies et suffisent à justifier que la Commission refuse le concours du FEOGA pour certaines sommes .

39 . L' État demandeur n' a donc pas rapporté la preuve que les carences reprochées par la Commission à l' appui de sa décision lui ont été injustement opposées .

40 . Il reste cependant à examiner l' argument du gouvernement italien selon lequel la Commission ne pouvait déterminer forfaitairement à 10 % des aides versées le montant des sommes qui ne seraient pas prises en charge par le FEOGA .

41 . Votre jurisprudence a déjà tranché cette difficulté . Dans votre arrêt Pays-Bas/Commission ( 23 ), vous avez jugé que

"dans les cas où la réglementation communautaire n' autorise le paiement d' une aide qu' à la condition que certaines formalités de preuve ou de contrôle soient observées, une aide versée en méconnaissance de cette condition n' est pas conforme au droit communautaire et la dépense y afférente ne saurait donc être mise à la charge du FEOGA, même s' il était établi qu' aucune irrégularité matérielle n' a été commise" ( 24 ).

42 . Comme vous l' avez confirmé dans un arrêt postérieur, la Commission peut, après avoir démontré l' existence de carences dans les contrôles ou dans le recollement des preuves, s' efforcer

"d' établir l' impact financier de l' action illégale au moyen de calculs fondés sur une appréciation de la situation qui se serait produite sur le marché en cause en l' absence d' infraction" ( 25 ).

Vous avez ajouté que,

"dans un tel cas, la charge de prouver que ces calculs ne sont pas exacts incombe à l' État qui demande l' annulation du refus de financement" ( 26 ).

43 . Force est de constater qu' aucune preuve de ce genre n' a été, dans le présent recours, rapportée par l' Italie .

44 . Aucun des moyens articulés quant aux aides à la transformation du lait écrémé en poudre ne nous paraît donc de nature à entacher la légalité de la décision attaquée .

II - Les aides à la consommation d' huile d' olive

45 . La décision attaquée a refusé de mettre à la charge du FEOGA une somme de 4 352 012 388 LIT correspondant à des aides pour la consommation d' huile d' olive .

46 . Signalons immédiatement, pour ne plus y revenir, que le recours vise aussi des réserves qui auraient été faites par la Commission, non dans la décision attaquée mais dans une lettre du 10 mai 1990 ( 27 ), pour un montant de 28 688 711 294 lires . La Commission a soulevé l' irrecevabilité du recours sur ce point ( 28 ). Dans son mémoire en réplique, le gouvernement italien renonce à son recours à ce propos . Le moyen se limite donc au refus d' imputation au FEOGA de la somme précitée de 4 352
012 388 LIT .

47 . Formellement, ce moyen vise tant la violation du droit communautaire applicable que le défaut de motivation . Les observations que nous avons faites en ce qui concerne les aides à la transformation du lait écrémé en poudre sont également valables ici .

48 . La discussion qui oppose les parties est essentiellement juridique . Il n' est pas contesté que la somme précitée correspond à des aides dont les autorités italiennes ont constaté le caractère indu du fait de l' existence d' irrégularités . Des procédures judiciaires sont en cours devant les juridictions italiennes . Le gouvernement italien estime, pour sa part, que la Commission aurait dû attendre le résultat définitif de ces procédures avant de prendre la décision de refuser le concours du
FEOGA pour ces sommes . La Commission est, sur ce point, d' un avis contraire .

49 . Il semble, par ailleurs, que les cautions ont été libérées .

50 . A cet égard, l' article 29 du règlement ( CEE ) n 2220/85 de la Commission, du 22 juillet 1985, fixant les modalités communes d' application du régime des garanties pour les produits agricoles ( 29 ) dispose : "Lorsque l' autorité compétente a connaissance des éléments entraînant l' acquisition de la garantie en totalité ou en partie, elle demande sans tarder à l' intéressé le paiement du montant de la garantie acquise, ce paiement devant être effectué dans un délai maximal de trente jours à
compter du jour de l' émission de la demande ". Et le texte de poursuivre : "Au cas où le paiement n' a pas été effectué dans le délai prescrit, l' autorité compétente : ... b ) exige sans tarder que la caution ... procède au paiement ...".

51 . Cette disposition est dépourvue d' ambiguïté . Nous sommes, rappelons-le, dans un régime d' avances . En conséquence, dès lors que des irrégularités ont été constatées par l' autorité administrative, on voit mal pour quelles raisons les intéressés, au motif que l' autorité judiciaire est saisie, auraient le droit de conserver les avances sur les aides en cause et pourraient donc s' opposer à ce que les cautions soient acquises aux autorités nationales compétentes . Ce n' est ni au budget de la
Communauté ni d' ailleurs à celui des États membres de supporter cette charge financière, alors que l' aptitude des opérateurs économiques concernés à recevoir une aide n' est pas encore établie et se trouve, au contraire, particulièrement contestée .

52 . La position du gouvernement italien trouve peut-être son origine dans le fait que, contrairement aux prescriptions du règlement précité, les cautions ont été libérées . L' État demandeur explique que la durée de validité des cautions était expirée lors des contrôles ayant permis la découverte des irrégularités .

53 . Or l' article 11 du règlement ( CEE ) n 2677/85 de la Commission, du 24 septembre 1985, portant modalités d' application du régime d' aide à la consommation pour l' huile d' olive ( 30 ) dispose que la caution n' est libérée que lorsque l' autorité nationale compétente a reconnu le droit à l' aide .

54 . Le recours paraît donc manquer également de ce chef .

55 . Nous concluons, en conséquence, au rejet du présent recours et à la condamnation de l' État demandeur aux entiers dépens .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Décision dont le texte italien figure en annexe 2 au recours .

( 2 ) JO L 359, p . 23 .

( 3 ) Voir p . 4 et 16 du recours .

( 4 ) Par exemple, arrêt du 14 janvier 1981, Allemagne/Commission, points 20 et 21 ( 819/79, Rec . p . 21 ); arrêt du 24 mars 1988, Royaume-Uni/Commission, point 60 ( 347/85, Rec . p . 1749 ).

( 5 ) Voir le rapport de synthèse du 30 juin 1989, doc . VI/200/89-Fr et la lettre de la Commission, direction générale de l' agriculture, FEOGA, du 2 août 1989, n 061178, adressée à l' AIMA, figurant en annexes I et II du mémoire en défense .

( 6 ) Laquelle consigne notamment l' origine des matières premières utilisées, les quantités utilisées, les quantités et la composition des produits obtenus et le pourcentage de leurs éléments constitutifs, la date de sortie de ces produits obtenus et les nom et adresse des acheteurs, article 8, paragraphe 5, du règlement ( CEE ) n 1725/79 de la Commission, du 26 juillet 1979, relatif aux modalités d' octroi des aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait écrémé en poudre destiné
à l' alimentation des veaux ( JO L 199, p . 1 ).

( 7 ) Voir annexe V du mémoire en défense .

( 8 ) Doc . VI/200/89-Fr, figurant en annexe 3 du recours .

( 9 ) P . 8 du recours, version française .

( 10 ) P . 15 et 16 du mémoire en défense, version française .

( 11 ) Arrêt du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, point 27 ( C-8/88, Rec . p . I-2321 ).

( 12 ) Point 28 .

( 13 ) Point 29 .

( 14 ) P . 14 de la version française .

( 15 ) P . 5 de la version française, annexe VI du mémoire en défense .

( 16 ) JO L 172, p . 17 .

( 17 ) P . 6 de la version française, annexe VI du mémoire en défense .

( 18 ) P . 18 du recours, version française .

( 19 ) Annexe VI du mémoire en défense .

( 20 ) Arrêt du 25 février 1988, Pays-Bas/Commission, points 18 et 19 ( 327/85, Rec . p . 1065 ).

( 21 ) Dont vous faites d' ailleurs application dans le cadre des relations financières entre les États membres et la Communauté en ce qui concerne la politique agricole commune : arrêt du 11 octobre 1990, Italie/Commission, point 12 ( C-34/89, Rec . p . I-3603 ).

( 22 ) Arrêt du 7 février 1979, France/Commission, point 11 ( 15/76 et 16/76, Rec . p . 321 ).

( 23 ) Arrêt 327/85, précité .

( 24 ) Point 25 .

( 25 ) Arrêt 347/85, précité, point 15 .

( 26 ) Ibidem .

( 27 ) Document 21 des annexes du recours .

( 28 ) P . 27 du mémoire en défense, version française .

( 29 ) JO L 205, p . 5 .

( 30 ) JO L 254, p . 5 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-197/90
Date de la décision : 03/10/1991
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Apurement des comptes FEOGA - Exercice 1987.

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)

Agriculture et Pêche

Produits laitiers

Matières grasses


Parties
Demandeurs : République italienne
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:369

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award