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19/03/1991 | CJUE | N°C-249/88

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 19 mars 1991., Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 19/03/1991, C-249/88


Avis juridique important

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61988J0249

Arrêt de la Cour du 19 mars 1991. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Article 30 du traité CEE - Réglementation nationale sur le prix des produits pharmaceutiques - Régime des contrats de programme. - Affaire C-249/88.
Recueil de jurispru

dence 1991 page I-01275

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Dé...

Avis juridique important

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61988J0249

Arrêt de la Cour du 19 mars 1991. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Article 30 du traité CEE - Réglementation nationale sur le prix des produits pharmaceutiques - Régime des contrats de programme. - Affaire C-249/88.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-01275

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Recours en manquement - Preuve du manquement - Charge incombant à la Commission

( Traité CEE, art . 169 )

2 . Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives - Mesures d' effet équivalent - Régimes de prix - Réglementation favorisant les produits pharmaceutiques nationaux au détriment des produits importés - Inadmissibilité

( Traité CEE, art . 30 )

Sommaire

1 . Lorsque, dans le cadre d' une procédure fondée sur l' article 169 du traité, la Commission demande à la Cour de constater qu' un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, il lui appartient de rapporter elle-même la preuve du manquement allégué .

2 . Constitue une violation de l' article 30 du traité le fait pour un État membre d' instituer, dans le secteur des produits pharmaceutiques, un régime de contrats de programme, ne pouvant bénéficier qu' aux seules entreprises nationales, qui, en contrepartie d' engagements relatifs aux investissements, à la recherche, à l' emploi et aux exportations, d' une part, permet l' octroi de dérogations au régime général de contrôle des prix et, d' autre part, avantage les produits bénéficiaires en matière
d' admission au remboursement . En effet, un tel régime est de nature à défavoriser les produits importés et constitue, dès lors, une mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative prohibée par ladite disposition .

Parties

Dans l' affaire C-249/88,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Christine Berardis-Kayser, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Guido Berardis, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M . Robert Hoebaer, directeur d' administration au ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, assisté de MM . Leo Vanderbeke, inspecteur général au ministère des Affaires économiques, et Fernand Clapuyt, directeur à l' Institut national d' assurance maladie-invalidité, en leur qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de Belgique, 4, rue des Girondins,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que :

- en prévoyant des critères pour la détermination des prix maximaux des produits pharmaceutiques, qui se réfèrent à des éléments propres au marché belge et ne permettent pas de prendre en compte les composantes spécifiques du coût des produits importés;

- en bloquant les prix des produits pharmaceutiques à un niveau tellement bas que l' écoulement de certains produits importés devient impossible ou non profitable;

- en ne permettant pas aux entreprises pharmaceutiques concernées de connaître les critères sur lesquels se fondent les décisions relatives à la fixation des prix maximaux de leurs produits ou à l' adaptation de ces prix;

- en fondant et en motivant les décisions d' admission ou de non-admission au remboursement par rapport à des critères qui eux-mêmes ne sont ni objectifs ni contrôlables;

- en soumettant l' admission au remboursement de certains produits pharmaceutiques à une baisse des prix de ces produits;

- en défavorisant l' écoulement des produits pharmaceutiques importés, dont les prix sont bloqués, par la conclusion de contrats de programme qui permettent des hausses de prix dans des conditions que seuls les produits domestiques peuvent remplir;

- et en avantageant, en matière d' admission au remboursement, les produits pharmaceutiques domestiques qui bénéficient de contrats de programme, tandis que les produits importés ne peuvent pas bénéficier de tels contrats, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 30 du traité CEE,

LA COUR,

composée de MM . O . Due, président, G . F . Mancini, T . F . 0' Higgins, J . C . Moitinho de Almeida, G . C . Rodríguez Iglesias et M . Díez de Velasco, présidents de chambre, Sir Gordon Slynn, MM . C . N . Kakouris, R . Joliet, F . A . Schockweiler, F . Grévisse, M . Zuleeg et P . J . G . Kapteyn, juges,

avocat général : M . G . Tesauro

greffier : M . J . A . Pompe, greffier adjoint

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les représentants des parties en leur plaidoirie à l' audience du 4 décembre 1990, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M . Hervé Lehman, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d' agent, et le royaume de Belgique par M . Robert Hoebaer,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 30 janvier 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 9 septembre 1988, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l' article 169 du traité CEE, introduit un recours visant à faire reconnaître que :

- en prévoyant des critères pour la détermination des prix maximaux des produits pharmaceutiques, qui se réfèrent à des éléments propres au marché belge et ne permettent pas de prendre en compte les composantes spécifiques du coût des produits importés;

- en bloquant les prix des produits pharmaceutiques à un niveau tellement bas que l' écoulement de certains produits importés devient impossible ou non profitable;

- en ne permettant pas aux entreprises pharmaceutiques concernées de connaître les critères sur lesquels se fondent les décisions relatives à la fixation des prix maximaux de leurs produits ou à l' adaptation de ces prix;

- en fondant et en motivant les décisions d' admission ou de non-admission au remboursement, par rapport à des critères qui eux-mêmes ne sont ni objectifs ni contrôlables;

- en soumettant l' admission au remboursement de certains produits pharmaceutiques à une baisse des prix de ces produits;

- en défavorisant l' écoulement des produits pharmaceutiques importés, dont les prix sont bloqués, par la conclusion de contrats de programme qui permettent des hausses de prix dans des conditions que seuls les produits domestiques peuvent remplir;

- et en avantageant, en matière d' admission au remboursement, les produits pharmaceutiques domestiques qui bénéficient de contrats de programme tandis que les produits importés ne peuvent pas bénéficer de tels contrats,

le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 30 du traité CEE .

2 Il ressort de leurs termes mêmes comme du dossier que les griefs de la Commission portent sur trois aspects du régime de fixation des prix et d' admission au remboursement des médicaments en Belgique :

- le régime de fixation des prix des spécialités pharmaceutiques et autres médicaments par le ministre chargé des affaires économiques sur le fondement de la loi du 9 juillet 1975, instituant un régime des prix pour les spécialités pharmaceutiques et autres médicaments ( Moniteur belge du 30.7.1975, p . 9328 );

- le régime de l' admission au remboursement par l' Institut national d' assurance maladie-invalidité des fournitures pharmaceutiques défini par l' arrêté royal du 2 septembre 1980 ( Moniteur belge du 30.9.1980, p . 11107 );

- et, enfin, le régime des contrats de programme dans le secteur pharmaceutique institué par l' arrêté royal du 31 décembre 1983 ( Moniteur belge du 21.1.1984, p . 850 ).

3 Pour un plus ample exposé du déroulement de la procédure précontentieuse et contentieuse ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

En ce qui concerne la fixation des prix maximaux des produits pharmaceutiques

4 En vertu de l' article 2 de la loi du 9 juillet 1975, précitée, le ministre chargé des affaires économiques peut "fixer des prix maximaux pour les spécialités pharmaceutiques et autres médicaments en général, ainsi que pour chaque spécialité pharmaceutique ou autre médicament en particulier", en tenant compte de critères déterminés, sur le fondement de l' article 3 de la même loi, par un arrêté royal du 11 décembre 1975 ( Moniteur belge du 16.12.1975, p . 15989 ).

5 Selon la Commission, cette réglementation et la manière dont elle est mise en oeuvre entravent les importations de produits pharmaceutiques, d' abord, parce que les critères retenus par l' arrêté royal du 11 décembre 1975, précité, se réfèrent, au moins pour partie, à des éléments propres au marché belge et ne permettent pas la prise en compte des composantes spécifiques du coût des produits importés, ensuite, parce que les prix sont fixés à un niveau tellement bas que l' écoulement des produits
importés n' est souvent pas rentable, enfin, parce que les décisions ministérielles ne permettent pas aux entreprises concernées de connaître les critères en application desquels elles ont été prises .

6 Avant d' examiner ces différents griefs, il y a lieu de rappeler que, lorsque la Commission demande à la Cour de constater qu' un État a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, il lui appartient de rapporter elle-même la preuve du manquement allégué ( arrêt du 25 avril 1989, Commission/Italie, 141/87, Rec . p . 943 ).

Sur les critères énumérés par l' arrêté royal du 11 décembre 1975

7 Il y a lieu de rappeler qu' ainsi qu' il est indiqué à l' article 2, paragraphe 3, sous c ) à e ), de la directive 70/50/CEE de la Commission, du 22 décembre 1969, fondée sur les dispositions de l' article 33, paragraphe 7, portant suppression des mesures d' effet équivalant à des restrictions quantitatives à l' importation non visées par d' autres dispositions prises en vertu du traité CEE ( JO 1970, L 13, p . 29 ), l' article 30 du traité s' oppose, notamment, à un régime national de contrôle
des prix qui fixe des éléments de prix de façon différente pour les produits nationaux et les produits importés, au détriment de ces derniers, qui rend impossible la majoration éventuelle du prix du produit importé correspondant aux frais et charges supplémentaires inhérents à l' importation ou, encore, qui fixe les prix des produits en fonction du prix de revient ou de la qualité des seuls produits nationaux à un niveau tel qu' il en résulte un obstacle à l' importation . Cette interprétation de l'
article 30 a été confirmée par la jurisprudence constante de la Cour et, notamment, par l' arrêt du 9 juin 1988, Commission/Italie, points 6 et 7 ( 56/87, Rec . p . 2919 ).

8 Il est vrai que l' article 3 de l' arrêté royal du 11 décembre 1975 retient des critères tels que "investissement et emploi", "conditions de marché et de concurrence et incidence sur l' exportation", "intérêts socio-économiques et technico-scientifiques pour la collectivité" qui concernent directement les entreprises nationales et dont la prise en considération systématique ou privilégiée permettrait de favoriser les produits de ces entreprises dans la fixation des prix .

9 Toutefois, l' arrêté en cause comprend d' autres critères qui intéressent indistinctement l' ensemble des entreprises et certains critères comme les "éléments du prix ex-producteur ou ex-importateur", le "coût des facteurs de production, d' importation ou de distribution", les "frais de vente", notamment, qui permettent, en particulier, de prendre en compte les composantes spécifiques du coût des produits pharmaceutiques importés ( arrêt du 13 décembre 1990, Commission/Grèce, point 73, C-347/88,
Rec . p . I-4747 ).

10 En tout cas, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans l' exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi du 9 juillet 1975, le ministre des Affaires économiques ait privilégié les critères intéressant les entreprises belges et négligé ou sous-estimé la valeur des critères concernant les entreprises des autres États membres et ait, par voie de conséquence, défavorisé ces dernières . Si la Commission affirme que les "fluctuations monétaires" n' ont pas pu être compensées, elle n'
apporte à l' appui de cette affirmation aucun commencement d' une preuve que le ministre belge n' ait pas tenu compte des parités de change lors de la fixation des prix .

11 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter ce premier grief de la Commission .

Sur le niveau des prix résultant de l' application de la réglementation belge

12 La Commission reproche au gouvernement belge de fixer les prix des produits pharmaceutiques importés à un niveau trop bas pour qu' ils puissent être rémunérateurs . Il ressort même de l' ensemble des mémoires qu' elle a produits et des développements qu' elle lui a consacrés que c' est là un argument essentiel de son recours en manquement .

13 La Commission a, d' abord, soutenu que les prix des médicaments en Belgique étaient inférieurs à ceux des autres États membres . Le gouvernement belge s' est efforcé de démontrer l' inexactitude de cette affirmation . En réponse à une question écrite de la Cour, la Commission a "tenu à préciser qu' elle ne tirait aucune conséquence de droit des données relatives au niveau comparé des prix des produits pharmaceutiques dans les États membres ". Les arguments échangés à ce propos peuvent donc être
laissés hors du débat .

14 Pour montrer le bas niveau des prix des médicaments en Belgique, la Commission se fonde également sur l' évolution des prix de certains produits pharmaceutiques qu' elle choisit en raison de l' intérêt qu' ils présentent, d' après elle, pour les comparaisons dans le temps . Le gouvernement belge présente une démonstration contraire en se référant à d' autres groupes de produits pour calculer l' évolution des prix . Quels que soient leurs mérites relatifs, aucun de ces développements n' est
significatif des prix acceptés en Belgique pour les produits importés .

15 Sur ce point précis, qui est celui en litige, la Cour a jugé à plusieurs reprises que des régimes de réglementation de prix indistinctement applicables aux produits nationaux et aux produits importés, s' ils ne constituent pas en eux-mêmes des mesures d' effet équivalant à une restriction quantitative contraire à l' article 30 du traité, peuvent néanmoins produire un tel effet lorsque les prix se situent à un niveau tel que l' écoulement des produits importés devient soit impossible, soit plus
difficile que celui des produits nationaux ( voir, notamment, arrêt du 29 novembre 1983, Roussel, point 17, 181/82, Rec . p . 3869 ).

16 Il y a lieu d' ajouter qu' il en va de même d' un régime de fixation des prix des produits en particulier, comme celui mis en cause par la Commission . Même si un tel système, du fait de la politique suivie par le gouvernement, qui tend à assurer un niveau modéré des prix des produits pharmaceutiques, rend plus difficile la mise sur le marché aussi bien des produits nationaux que des produits importés, il suffit que la circulation de ces derniers soit entravée pour que ce système constitue une
mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative .

17 Une telle entrave est constituée lorsque les produits importés ne peuvent pas être écoulés avec un profit raisonnable sur le marché de l' État d' importation .

18 La Commission voit la preuve que tel est le cas en l' espèce dans la circonstance que des importateurs ont renoncé à commercialiser des produits provenant d' autres États membres en raison de l' insuffisance des prix consentis par l' autorité belge .

19 Cette circonstance ne peut, à elle seule et en elle-même, être regardée comme une preuve de ce que les prix acceptés pour les produits pharmaceutiques importés étaient trop bas .

20 En effet, comme le fait justement remarquer le gouvernement belge, les différences de prix, pour un même produit, d' un État membre à l' autre, peuvent s' expliquer par la stratégie commerciale de l' entreprise productrice, et il n' est pas possible de tirer du simple fait qu' une entreprise renonce à commercialiser un produit déterminé sur le marché d' un État membre, au motif que le prix maximal qui lui est imposé serait insuffisant, l' existence d' une entrave aux importations . On peut
observer, par exemple, qu' une entreprise peut, pour éviter des exportations parallèles, avoir intérêt à ne pas commercialiser ses produits dans un État membre à un prix qu' elle estime insuffisamment rémunérateur .

21 Il appartenait à la Commission d' établir que pour les produits importés, sur lesquels elle entendait fonder sa constatation de manquement, les prix acceptés par l' autorité belge ne permettaient pas d' assurer leur vente avec un profit raisonnable compte tenu de la structure et du montant des coûts de production, des frais et charges afférents à l' importation .

22 En l' absence de telles analyses, ni les éléments d' ordre général ni les circonstances dont fait état la Commission ne permettent d' accueillir son argumentation .

Sur la motivation des décisions ministérielles en matière de prix

23 Selon la Commission, les décisions prises par le ministre chargé des affaires économiques, sur le fondement de la loi du 9 juillet 1975, ne permettent pas à leurs destinataires de connaître les raisons pour lesquelles l' administration a fixé le prix maximal du produit en cause à un niveau déterminé, ce qui est contraire aux exigences de la Cour en la matière, telles qu' elles ressortent de l' arrêt du 7 février 1984, Duphar ( 238/82, Rec . p . 523 ).

24 Le royaume de Belgique fait valoir que, depuis différents arrêts rendus par le Conseil d' État belge en 1981, le ministre chargé des affaires économiques a été amené à modifier la motivation des décisions en matière de prix et qu' il ne se réfère plus de manière générale aux critères 1 à 10 de l' arrêté royal du 11 décembre 1975, précité, mais désigne, désormais, le ou les critères précis qui ont servi de base à sa décision . Au demeurant, la procédure de fixation des prix dans son ensemble
permet à l' évidence aux entreprises de savoir pourquoi le ministre a retenu tel prix plutôt qu' un autre, compte tenu du dialogue qui est ouvert avec elles .

25 Si, en vertu de la jurisprudence de la Cour, figure au nombre des principes généraux du droit communautaire celui selon lequel toute personne doit pouvoir bénéficier, devant les juridictions nationales, d' un recours juridictionnel effectif contre les décisions nationales pouvant porter atteinte à un droit reconnu par les traités et si ce principe implique que les intéressés puissent obtenir de l' administration, avant tout recours, connaissance des motifs de telles décisions ( arrêts du 15 mai
1986, Johnston, 222/84, Rec . p . 1651, et du 15 octobre 1987, Unectef, points 14 et 15, 222/86, Rec . p . 4097 ), la Commission n' apporte pas la preuve et il ne ressort pas des pièces du dossier que les entreprises intéressées n' aient pas pu obtenir, à leur demande, du ministre chargé des affaires économiques, les raisons exactes des décisions prises en matière de prix, alors même que celles-ci auraient été le plus souvent, selon les pièces du dossier, sommairement motivées .

26 Il résulte de tout ce qui précède qu' aucun des griefs de la Commission portant sur le régime de fixation du prix des produits pharmaceutiques n' est fondé .

En ce qui concerne l' admission au remboursement des produits pharmaceutiques par la sécurité sociale

27 Les règles relatives au remboursement des fournitures pharmaceutiques sont définies par l' arrêté royal du 2 septembre 1980, précité . En vertu de cet arrêté, peuvent faire l' objet d' un remboursement par l' Institut national d' assurance maladie-invalidité les spécialités et produits pharmaceutiques figurant sur les listes établies dans les conditions qu' il fixe .

28 Aux termes de l' article 3 de ce texte, "pour pouvoir être admises, les spécialités pharmaceutiques doivent répondre à des critères d' admission visant la composition et le prix et présenter un intérêt social ". Les critères de composition et de dosage figurent dans une annexe à l' arrêté . Pour pouvoir être admis au remboursement, un produit doit non seulement entrer dans un groupe thérapeutique défini, mais son admission doit présenter une "utilité ". En vertu de l' article 5 de l' arrêté, les
prix publics des produits dont l' admission est demandée ne peuvent dépasser un certain pourcentage du prix d' une spécialité similaire . Cependant, les spécialités dont les principes actifs sont identiques et dont la forme galénique est comparable doivent être remboursées dans les mêmes conditions .

29 La Commission soutient, d' une part, que les décisions prises en matière d' admission au remboursement ne sont pas fondées sur des critères objectifs et contrôlables, d' autre part, que l' inscription des produits sur la liste des produits remboursables est souvent subordonnée à une baisse du prix maximal fixé par le ministre des Affaires économiques, ce qui conduit les entreprises à renoncer à leur commercialisation .

30 Le royaume de Belgique répond, en premier lieu, que les entreprises ont connaissance des critères dont il leur est fait application par le dialogue qui s' établit entre elles et le conseil technique des spécialités pharmaceutiques, en second lieu, que rien n' interdit d' exiger une baisse de prix dès lors qu' il est possible au gouvernement d' exclure purement et simplement un produit du remboursement . Il ajoute que les règles contestées par la Commission ont été modifiées par un arrêté du 20
avril 1988 ( Moniteur belge du 29.4.1988, p . 6118 ), qui, d' une part, institue une procédure de dialogue avec les entreprises concernées permettant une plus grande transparence, d' autre part, interdit d' adresser à celles-ci des recommandations tendant à une baisse des prix .

31 Il y a lieu de rappeler, comme la Cour l' a déjà relevé dans l' arrêt du 7 février 1984, Duphar, précité, que, si l' exclusion d' un produit pharmaceutique du remboursement par les organismes de sécurité sociale peut aboutir à l' écarter complètement du marché national, les États doivent, compte tenu de la spécificité du commerce des produits pharmaceutiques, caractérisé par la prise en charge d' une grande partie de leur coût par les institutions de sécurité sociale, pouvoir, notamment dans le
but d' assurer l' équilibre financier de ces dernières, régler la consommation de ces produits, en particulier en déterminant ceux qui peuvent faire l' objet d' un remboursement . Toutefois, les décisions en la matière ne doivent pas être discriminatoires au détriment des produits importés et doivent reposer sur des critères objectifs, indépendants de l' origine des produits et contrôlables par tout importateur . C' est à la lumière de ces principes que doivent être examinés les griefs de la
Commission .

32 En ce qui concerne les critères utilisés pour l' admission au remboursement, il ressort du dossier, d' une part, que les critères thérapeutiques sont fixés par les annexes, périodiquement modifiées, à l' arrêté royal du 2 septembre 1980 . Ceux-ci peuvent donc être connus de tous . D' autre part, il ressort des pièces du dossier que les entreprises établissent avec les services compétents un dialogue qui leur permet de connaître les critères qui leur ont été appliqués et les amène, le cas échéant,
à les contester et à donner à l' administration des éléments supplémentaires d' appréciation . Dans ces conditions, la Commission n' apporte la preuve, qui lui incombe, ni de ce que les critères utilisés manqueraient d' objectivité en tant que tels ou dans l' usage qui en est fait, ni de ce que les entreprises concernées ne pourraient se livrer à aucun contrôle .

33 S' agissant du prix auquel est subordonné le remboursement des produits pharmaceutiques, dont rien n' interdit qu' il soit inférieur au prix maximal accepté dans le cadre de la réglementation économique des prix, il ressort des pièces versées au dossier qu' il est fixé par l' administration par comparaison avec celui de spécialités comparables existant sur le marché . Les quelques exemples apportés par la Commission ne permettent pas de considérer qu' il ait été fixé de façon arbitraire ni, d'
ailleurs, qu' un niveau trop bas ait conduit, pour ce seul motif, des entreprises à renoncer à la commercialisation de leurs produits .

34 La Commission n' apporte donc pas la preuve, en ce qui concerne ces deux griefs, du manquement allégué .

En ce qui concerne le régime des contrats de programme dans le secteur des produits pharmaceutiques

35 L' arrêté royal du 31 décembre 1983, précité, a permis la conclusion, par le ministre chargé des affaires économiques et par celui chargé de la prévoyance sociale, avec les producteurs, importateurs ou conditionneurs de produits pharmaceutiques, de contrats de programme comportant des engagements relatifs, entre autres, aux investissements, à la recherche, à l' emploi et aux exportations, en contrepartie des prix et du remboursement autorisés . Afin de tenir compte de ces contrats, un arrêté
royal du 14 octobre 1985 ( Moniteur belge du 21.11.1985, p . 17137 ) a, en modifiant l' arrêté royal du 2 septembre 1980 relatif aux conditions de remboursement, prévu que les prix des produits pharmaceutiques entrant dans le cadre d' un contrat de programme, d' une part, ne seraient pas soumis aux dispositions de l' article 5 de ce dernier arrêté, en vertu desquelles le prix des produits pharmaceutiques ne peut dépasser, pour leur admission au remboursement, un pourcentage du prix de produits
similaires, d' autre part, ne pourraient pas servir de base de comparaison pour la fixation de la base de remboursement de produits ne faisant pas l' objet d' un contrat de programme .

36 Selon la Commission, le régime des contrats de programme est discriminatoire et avantage les produits nationaux parce que seules les entreprises nationales peuvent en bénéficier et que l' avantage en matière de prix se répercute sur l' admission au remboursement .

37 Le royaume de Belgique fait valoir qu' à la suite de l' avis motivé de la Commission, en date du 30 septembre 1987 (( SG ( 87 ) 11716 )), une loi du 30 décembre 1988 ( Moniteur belge du 5.1.1989, p . 75 ) a abrogé le régime des contrats de programme . Les contrats déjà conclus se poursuivent jusqu' à leur terme, mais ils ne sont pas renouvelés et il n' en est pas conclu de nouveaux .

38 En permettant d' accorder des hausses de prix en dehors des règles générales fixées par la loi du 9 juillet 1975 et par l' arrêté royal du 11 décembre 1975, en contrepartie d' engagements relatifs aux investissements, à la recherche, à l' emploi et aux exportations, le régime des contrats de programme issu de l' arrêté royal du 31 décembre 1983 est de nature à défavoriser les produits importés et constitue, dès lors, une mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative prohibée par l'
article 30 du traité CEE ( voir arrêt du 9 juin 1988, Commission/Italie, précité ).

39 Il en va d' autant plus ainsi que les produits pharmaceutiques couverts par un contrat de programme sont expressément soustraits aux règles, excluant de l' admission au remboursement les produits pharmaceutiques dont le prix dépasse un certain pourcentage de celui des produits similaires, fixées par l' article 5 de l' arrêté royal du 2 septembre 1980 et ne peuvent pas, non plus, servir de base de comparaison pour l' admission au remboursement d' autres produits .

40 S' il est vrai que le régime des contrats de programme a été abrogé par la loi du 30 décembre 1988, il n' est pas contesté par le royaume de Belgique que les contrats déjà conclus continuent à être exécutés jusqu' à leur terme, ce qui a pour effet de perpétuer le manquement .

41 En ce qui concerne les contrats qui avaient été conclus et qui sont arrivés à leur terme, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l' objet d' un recours en manquement au titre de l' article 169 du traité CEE est fixé par l' avis motivé de la Commission et que, même dans le cas où le manquement a été éliminé postérieurement au délai déterminé en vertu du deuxième alinéa de cet article, la poursuite de l' action conserve un intérêt . Cet intérêt peut être,
notamment, de faire établir la base de la responsabilité qu' un État membre peut, en raison de son manquement, encourir vis-à-vis d' autres États membres, de la Communauté ou de particuliers ( voir arrêts du 7 février 1973, Commission/Italie, 39/72, Rec . p . 101, et du 18 janvier 1990, Commission/Grèce, C-287/87, Rec . p . I-125 ).

42 Il y a donc lieu de constater qu' en instituant, par l' arrêté royal du 31 décembre 1983, un régime de contrats de programme dans le secteur des produits pharmaceutiques et en avantageant, en matière d' admission au remboursement, les produits qui bénéficient de tels contrats, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

43 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Toutefois, selon le paragraphe 3, premier alinéa, du même article, la Cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs . La Commission n' ayant eu gain de cause que sur une partie de ses conclusions, il y a lieu de compenser les dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1 ) En instituant, par l' arrêté royal du 31 décembre 1983, un régime de contrats de programme dans le secteur des produits pharmaceutiques et en avantageant, en matière d' admission au remboursement, les produits qui bénéficient de tels contrats, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE .

2 ) Le recours de la Commission est rejeté pour le surplus .

3 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-249/88
Date de la décision : 19/03/1991
Type de recours : Recours en constatation de manquement - non fondé, Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Article 30 du traité CEE - Réglementation nationale sur le prix des produits pharmaceutiques - Régime des contrats de programme.

Libre circulation des marchandises

Mesures d'effet équivalent

Restrictions quantitatives


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Grévisse

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:121

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