Avis juridique important
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61989C0291
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 5 mars 1991. - Interhotel, Sociedade Internacional de Hoteis SARL contre Commission des Communautés européennes. - Fonds social européen - Recours en annulation contre la réduction d'un concours financier initialement accordé. - Affaire C-291/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-02257
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Le recours introduit par la société portugaise Interhotel ( ci-après "Interhotel ") vise à obtenir l' annulation de la décision de la Commission, communiquée à la requérante le 24 juillet 1989, qui lui impose le remboursement de 18 254 440 ESC et lui refuse le paiement du solde d' une action de formation ( 12 672 962 ESC ) dans le cadre de l' exécution du projet n 870840/P1 du Fonds social européen .
2 . Cette demande, au même titre que celle de la société Oliveira dans l' affaire C-304/89, s' inscrit dans le cadre de l' intervention du Fonds social européen qu' il convient de resituer . L' article 123 du traité CEE a prévu l' institution d' un tel fonds afin de "promouvoir à l' intérieur de la Communauté les facilités d' emploi et la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs ". La décision 83/516/CEE du Conseil, du 17 octobre 1983 ( 1 ), définit précisément ses missions : son
article 1er, paragraphe 2, indique que le Fonds participe au financement d' actions de formation et d' orientation professionnelle . L' article 4 de cette décision dispose que le concours du Fonds peut être octroyé pour favoriser l' emploi des jeunes, âgés de moins de 25 ans, "en particulier ceux dont les possibilités de trouver un emploi sont particulièrement réduites, notamment par suite de l' absence de formation professionnelle ou de l' inadéquation de la formation, ainsi que ceux qui sont
chômeurs de longue durée"; ce concours peut aussi être octroyé pour favoriser l' emploi de certaines catégories de personnes âgées de plus de 25 ans, notamment celles qui sont en situation de chômage ou qui en sont menacées . Aux termes de l' article 5, paragraphe 1, de la décision, ce concours est octroyé à raison de 50 % des dépenses éligibles .
3 . Le règlement ( CEE ) n 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983 ( 2 ), "portant application à la décision 83/516/CEE" ( ci-après "règlement "), énumère, en son article 1er, les dépenses pouvant faire l' objet du concours du Fonds . Elles comprennent, notamment, les revenus des personnes formées, les coûts de préparation, de fonctionnement et de gestion d' actions de formation professionnelle, les frais de séjour et de déplacement des bénéficiaires . Aux termes de son article 4, les demandes de
dépenses à effectuer au cours de l' année suivante doivent être introduites par les États membres avant le 21 octobre de chaque année, et la Commission statue sur ces demandes avant le 31 mars de l' exercice concerné . L' agrément d' une telle demande entraîne, selon l' article 5 du règlement, le versement d' une avance de 50 % du concours octroyé à la date du début de l' action . Ce n' est qu' au terme de celle-ci que l' État membre adresse une demande de paiement de solde après avoir certifié l'
exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans le rapport final détaillé du promoteur sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l' action concernée . Enfin, l' article 6 du règlement prévoit que, "lorsque le concours du Fonds n' est pas utilisé dans les conditions fixées par la décision d' agrément, la Commission peut suspendre, réduire ou supprimer ce concours" et que "les sommes versées qui n' ont pas été utilisées dans les conditions fixées par la décision d'
agrément donnent lieu à répétition ".
4 . Rappelons maintenant le cheminement de la demande de la requérante .
5 . Interhotel avait présenté sa candidature auprès du département des affaires du Fonds social européen ( ci-après "DAFSE ") à Lisbonne qui a formulé, au nom de la République portugaise, en faveur de cette société, une demande de concours du Fonds au titre de l' exercice 1987 . Ce projet a été globalement approuvé par la Commission dans une décision d' agrément dont la notification, envoyée à l' entreprise par l' État membre, faisait état d' une faible diminution du nombre de stagiaires et d' une
réduction du montant sollicité ( 3 ).
6 . Le DAFSE a ensuite fait savoir par voie de circulaire communiquée à toutes les entreprises concernées ( 4 ) que la Commission entendait réduire les périodes de formation pratique en faveur des personnes de moins de 25 ans de façon que leur durée ne dépasse pas celle de l' enseignement théorique .
7 . Interhotel a donc réduit en conséquence le nombre d' heures initialement approuvé, puis sollicité le versement d' une avance de 50 % du concours, ce qui fut accordé . C' est à la suite de la demande de paiement de solde que la requérante a pris connaissance de la décision litigieuse mettant en évidence un montant de dépenses non éligibles au motif "qu' il n' y a pas eu de réduction proportionnelle à la réduction des heures de formation et que certains des éléments de la proposition initiale n'
ont pas été respectés" ( 5 ). La décision conclut à l' absence de tout solde en faveur de la requérante et à la suppression d' une partie du concours versée comme première avance .
8 . Examinons les deux moyens de recours soulevés à l' encontre de la décision litigieuse .
9 . Interhotel invoque, tout d' abord, une violation de l' obligation de motivation des décisions à laquelle est astreinte la Commission en vertu de l' article 190 du traité . La requérante fait valoir que la décision attaquée ne contient pas de motifs explicites, clairs et pertinents, au sens de l' exigence dégagée dans votre arrêt Nold du 20 mars 1959 ( 6 ). Elle soutient que le motif allégué, selon lequel "certains éléments de la proposition initiale n' ont pas été respectés, se révèle
manifestement insuffisant par son obscurité pour la compréhension de la décision présentement contestée" ( 7 ).
10 . La Commission, tout en admettant que la motivation de sa décision "ne pèche pas par sa prolixité" ( 8 ), rétorque que sa décision indiquait la provenance du montant des dépenses non éligibles en faisant mention des points du formulaire initial auxquels correspondent des catégories de dépenses clairement identifiables . Le motif selon lequel certains éléments de la proposition initiale n' ont pas été respectés, serait, selon elle, facilement vérifiable par comparaison du formulaire utilisé pour
la demande de concours avec celui de la demande de paiement du solde ( 9 ). A l' appui de ses allégations, elle invoque une jurisprudence constante de la Cour selon laquelle
"l' obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre à la Cour d' exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l' intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d' un vice permettant d' en contester la validité . La portée de cette obligation dépend de la nature de l' acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté" ( 10 ).
11 . A la lecture de vos arrêts se prononçant sur les violations de l' article 190 du traité, on constate que vous vous efforcez de réaliser un équilibre entre l' obligation juridique de motiver et les contraintes pratiques qui pèsent sur les institutions communautaires . Vous reconnaissez ainsi que,
"s' il est vrai que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l' article 190 du traité doit faire apparaître, d' une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l' autorité communautaire, auteur de l' acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et à la Cour d' exercer son contrôle, il n' est toutefois pas exigé qu' elle spécifie tous les différents éléments de fait ou de
droit pertinents . En effet, la question de savoir si la motivation d' une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l' ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée" ( 11 ).
12 . Autrement dit, si l' objet de la motivation est invariable, son étendue peut varier selon la matière abordée, le cadre juridique et les destinataires de la décision ( 12 ). Il nous paraît, dès lors, peu pertinent d' invoquer dans cette affaire de concours du Fonds social européen, comme le fait la Commission ( 13 ), la jurisprudence dégagée dans le cadre des concours de la fonction publique ( 14 ) marquée d' une certaine spécificité .
13 . Peut-on trouver, en revanche, des indications dans la jurisprudence relative au concours du Fonds social européen? Dans une récente affaire ( 15 ), vous étiez saisis d' un recours en annulation à l' encontre d' une décision de la Commission refusant un concours du Fonds pour un projet de formation . A l' argument de la requérante qui alléguait une insuffisance de motivation, vous avez répondu, après avoir rappelé les termes de la jurisprudence Rijksuniversiteit te Groningen ( 16 ), que
"le caractère sommaire de la motivation de la décision litigieuse est en l' occurrence une conséquence inéluctable du traitement informatique de plusieurs milliers de demandes de concours, sur lesquelles la Commission est tenue de statuer à bref délai . Une motivation plus détaillée à l' appui de chaque décision individuelle serait dès lors de nature à compromettre l' attribution rationnelle et efficace des concours financiers du Fonds" ( 17 ).
14 . On pourrait, dès lors, penser que cette affirmation suffit à rejeter le moyen allégué par la requérante, mais il faut prendre en considération le fait qu' il s' agissait dans cette affaire d' une demande initiale de concours que la Commission devait traiter dans un très bref délai afin de respecter les contraintes des textes que l' on a rappelés ( 18 ).
15 . Or, la décision contestée dans l' affaire Interhotel correspond à une demande de solde . Les décisions prises à ce titre sont moins nombreuses que celles relatives à des demandes de concours étant donné que, parmi ces dernières, un certain nombre d' entre elles ont déjà été refusées . De plus, les décisions finales ne sont pas enfermées dans un délai aussi bref que les demandes initiales d' agrément . Selon l' article 6 de la décision 83/673/CEE de la Commission, du 22 décembre 1983, concernant
la gestion du Fonds social européen ( 19 ), les demandes de paiement des États membres peuvent parvenir à la Commission dans les dix mois après la date de fin des actions . Les décisions de paiement sont prises lorsque la Commission est en mesure de vérifier, au terme de l' action de formation, le "rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l' action concernée" ( 20 ), après que l' État a certifié "l' exactitude factuelle et comptable des indications contenues dans
les demandes de paiement" ( 21 ). Nous pouvons, enfin, relever que les différentes actions de formation agréées s' étalent plus ou moins dans le temps : l' article 4, paragraphe 1, du règlement envisage des actions annuelles et pluriannuelles .
16 . Ces nuances étant apportées, il nous faut admettre que la Commission doit encore statuer sur un nombre important de demandes dans des délais rapprochés lorsqu' il s' agit d' actions annuelles . Ces circonstances doivent, à notre avis, conduire la Cour à être moins exigeante en ce qui concerne l' étendue de la motivation que lorsque les institutions communautaires traitent des demandes isolées à un autre titre .
17 . En outre, la Commission tente de tirer argument du fait que les autorités nationales sont parties à toutes ces procédures . Elle souligne que la décision contestée avait pour "destinataire direct les autorités nationales" qui étaient en mesure d' adresser au Fonds toute observation ou réclamation qu' elles auraient jugé opportune ( 22 ). Elle remarque à cet égard ( 23 ) que vous avez reconnu dans votre arrêt du 15 mars 1984, EISS, que les relations financières dans le cadre de la procédure de
financement du Fonds social européen
"s' établissent, d' une part, entre la Commission et l' État membre concerné et, d' autre part, entre cet État membre et l' institution bénéficiaire du concours financier" ( 24 ).
18 . Peut-on en tirer des conséquences en ce qui concerne la motivation? Dans le cadre d' une affaire relative à l' application du tarif douanier commun, vous avez reconnu, malgré "le caractère laconique de la motivation", que celle-ci correspondait aux
"exigences minimales de l' article 190 du traité, compte tenu du fait que la décision ( était ) adressée aux États membres ayant participé aux réunions du groupe d' experts et connaissant suffisamment les détails de l' affaire pour être en mesure d' apprécier la portée de la décision"
et qu' elle contenait les éléments indispensables pour que l' établissement concerné pût apprécier si la décision était viciée ( 25 ).
19 . Il semble que l' on ne puisse pas transposer une telle solution dans le cadre des procédures de concours du Fonds social européen . Les autorités nationales, ainsi que le confirme le dossier de la présente affaire, ne sont pas réellement associées aux décisions prises par la Commission . Certes, l' article 6 du règlement leur donne le droit d' être entendues avant la décision de réduction du concours, mais encore faut-il qu' un dialogue s' instaure, ce qui n' a pas été le cas dans cette affaire
. Aussi pensons-nous que le fait que la décision relative au paiement de solde a été adressée à l' État membre n' atténue pas de façon significative l' obligation de motiver .
20 . Ayant envisagé les deux circonstances pouvant être prises en considération dans l' appréciation de l' étendue de la motivation, il convient maintenant de déterminer si la motivation de la décision contestée répond au but que la jurisprudence lui reconnaît invariablement, à savoir de permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, afin de défendre leurs droits et à la Cour d' exercer son contrôle ( 26 ).
21 . Cette décision fait mention de deux motifs : absence de réduction proportionnelle des montants à celle des heures de formation et non-respect des éléments de la proposition initiale . La requérante s' étant conformée à la circulaire relative à l' égalité du nombre d' heures théoriques et pratiques, il apparaît que le premier motif ne pouvait se rapporter qu' à la rubrique intitulée "revenus des stagiaires en formation" ( 27 ) dans laquelle Interhotel avait indiqué initialement ( 28 ) qu' elle
procéderait à une correction des montants demandés tenant compte, selon son expression, d' une "formation sur le tas", c' est-à-dire dispensée dans le cadre des infrastructures hôtelières . Bien que ce motif apparaisse superfétatoire, puisqu' il vise aussi une hypothèse de "non-respect des éléments de la proposition initiale", lequel constitue le second motif, la société était en mesure de déterminer plus précisément ce que la Commission lui reprochait .
22 . L' autre motif apparaît très générique puisqu' il englobe des dépenses non acceptées dans la décision d' agrément mais aussi des absences de justification . On peut, dès lors, se demander s' il suffit, comme le soutient la Commission, de faire la comparaison entre les formulaires aux points mentionnés pour constater des écarts entre les sommes sollicitées dans la demande de solde et celles qui ont été agréées . Si l' on suit la démarche indiquée, il apparaît, en effet, au sein de trois
rubriques visées, correspondant aux points 14.3, 14.6 et 14.8 de la demande de solde, que des sommes constituant l' essentiel du montant refusé ont été majorées par rapport à la demande initiale ou bien ont été présentées, malgré l' absence d' une insertion expresse, dans la demande initiale . Il nous semble ainsi que la motivation répond aux exigences qui figurent dans votre jurisprudence ci-dessus rappelée ( 29 ), puisqu' elle permet aux intéressés de "connaître les justifications de la mesure",
bien qu' elle ne spécifie pas "tous les différents éléments de fait ou de droit pertinents ". Aussi nous estimons le moyen relatif au défaut de motivation, allégué par Interhotel, non fondé .
23 . La requérante invoque, au titre du second moyen, une violation du règlement en ce que la Commission a supprimé une partie du concours précédemment accordé dans sa décision d' agrément . La Commission estime qu' elle n' a pas fait un usage incorrect de l' article 6 du règlement aux termes duquel elle peut "suspendre, réduire ou supprimer" le concours, lorsque ce dernier "n' est pas utilisé dans les conditions fixées par la décision d' agrément ". Sans doute la requérante vise-t-elle ici la
violation des droits acquis, ainsi qu' en témoigne toute la discussion qui s' est focalisée sur la question de savoir dans quelle mesure la décision d' agrément avait fait naître, à l' égard de l' entreprise, des droits que la Commission devait respecter dans sa décision finale .
24 . La Commission a reconnu ( 30 ) que la décision d' octroi de concours prise à la suite de la demande d' agrément créait des droits subjectifs et faisait "naître le droit d' exiger ce concours ". Il faut relever, à cet égard, que lors du premier examen de la demande de concours la Commission dispose d' une marge d' appréciation assez étendue, étant donné qu' elle a pratiquement pour unique cadre, outre les textes que nous avons cités plus haut, le règlement n 2950/83, qui énumère limitativement,
en son article 1er, les dépenses pouvant faire l' objet du concours ( 31 ). En revanche, lors de l' examen final de la demande de solde, le cadre précité se double de celui constitué par la décision d' agrément . La marge d' appréciation de la Commission devient ainsi beaucoup plus étroite puisque cette dernière ne peut alors plus refuser des dépenses qu' elle avait au préalable clairement agréées, dès lors que le concours a été "utilisé dans les conditions fixées par la décision d' agrément ". Il
conviendra donc de vérifier si l' entreprise Interhotel a ou non dépassé le cadre qui lui était imposé afin d' apprécier la validité des refus opposés par la Commission .
25 . A plusieurs reprises, celle-ci observe qu' Interhotel a déclaré, dans sa demande de solde, des dépenses non approuvées ou d' un montant supérieur à celui approuvé . Qu' en est-il précisément?
26 . En ce qui concerne les dépenses relatives aux revenus des stagiaires en formation ( 32 ), la Commission a reproché ( 33 ) à la requérante de n' avoir pas réduit les coûts de formation pratique en appliquant un taux de correction de 50 % pour la "formation sur le tas" des stagiaires conformément aux indications d' Interhotel figurant dans sa demande initiale ( 34 ). On peut, en effet, constater qu' Interhotel n' a procédé à aucune réduction pour cette raison indiquée dans la demande initiale .
Par suite, la Commission a pu légitimement opérer cette correction, dont le détail n' a pas été contesté par la requérante, qui s' est bornée à alléguer que "les cours pratiques ont été administrés sous forme de pratique simulée, de sorte qu' ( ils ) donnent droit à une rémunération de 100 % comme pour les cours théoriques" ( 35 ).
27 . On constate aussi, dans la rubrique "Fonctionnement et gestion des cours", correspondant au point 14.3 de la demande de solde, que plusieurs postes ont fait l' objet, par rapport à la demande initiale ( 36 ), de modifications que la Commission a pu, à bon droit, ne pas accepter : le poste "personnel enseignant" a enregistré plusieurs hausses . On relève, tout d' abord, un dépassement de salaire horaire de 1 000 ESC pour la formation théorique des gérants d' hôtels ( 37 ), ce qui, multiplié par
le nombre d' heures, provoque une augmentation de 384 000 ESC . De même, les coûts individuels quotidiens de séjour et de nourriture ont fait l' objet d' une très forte augmentation : de 700 ESC ( 38 ), ceux-ci se sont élevés à 4 500 ESC, ce qui a effectivement provoqué une hausse de 2 508 000 ESC compte tenu du nombre de jours et de moniteurs ( 39 ).
28 . En ce qui concerne ensuite le poste "personnel technique non enseignant", on remarque que, sur les six personnes finalement demandées, les quatre postes de techniciens supérieurs ne figurent pas dans la demande initiale ( 40 ). Quant aux deux techniciens initialement demandés, la requérante ne saurait valablement se borner à soutenir qu' elle "n' a pas été informée du refus ( les concernant ) dans la décision d' agrément" ( 41 ), car il lui appartenait, avant d' engager toute dépense de ce
chef, de s' assurer de l' agrément de la Commission à cet égard .
29 . Le poste "personnel administratif" a, lui aussi, connu une vive augmentation ainsi qu' en témoigne la comparaison des demandes initiale et finale . La demande initiale ne mentionnait que l' emploi de deux secrétaires ( 42 ). Or, la demande de solde a fait apparaître des montants correspondant à l' emploi de quatre secrétaires et cinq techniciens ainsi que des frais d' assistance technique et administrative et d' utilisation d' ordinateur et de logiciel . La Commission a, certes, accueilli une
partie de la demande portant sur l' emploi d' un technicien, de deux secrétaires et l' utilisation d' ordinateur et de logiciel, mais a supprimé les montants correspondant à l' emploi des quatre techniciens et des deux secrétaires supplémentaires et aux frais d' assistance technique et administrative . Cette réduction ( 43 ) apparaît donc tout à fait justifiée .
30 . Un net dépassement du montant du poste "frais de location et loyers" a également été constaté par rapport à celui initialement demandé ( 44 ), étant donné que sont venus se greffer dans la demande finale les frais d' équipement des salles en matériel informatique et audiovisuel correspondant à un montant de 4 373 600 ESC et une augmentation des coûts de loyer de 468 369 ESC ( 45 ), ce qui a provoqué, comme l' a relevé la Commission, un surcoût de 4 841 969 ESC .
31 . Si l' on examine le poste "matériel et biens non durables", on constate une modification dans la présentation des coûts . Interhotel avait prévu un coût moyen par stagiaire de 2 500 ESC par semaine ( 46 ), puis, dans la demande de solde, le coût horaire indiqué est de 131,64 ESC . Étant donné que ce matériel est affecté à la formation pratique, comme en témoigne la demande finale d' Interhotel, il a été utilisé pendant huit semaines . On parvient ainsi, en calculant le montant à partir du coût
hebdomadaire demandé initialement, à une somme de 5 540 000 ESC ( 47 ), et l' on constate l' excédent mentionné par la Commission de 3 430 324 ESC .
32 . La rubrique "amortissements normaux" ( 48 ) se présente plus simplement puisque son montant fait l' objet d' un rejet total . Il est certain que ce concours n' avait pas pu être approuvé faute d' avoir été présenté sous cette rubrique . Une demande avait certes été présentée au titre des "amortissements accélérés" ( 49 ), mais elle n' avait pas été agréée par la Commission .
33 . Enfin, on constate à la rubrique "logement et nourriture" ( 50 ) que le montant total relatif au logement des stagiaires a pu être légitimement refusé étant donné que la demande d' agrément ( 51 ) précisait que celui-ci ne devait pas être pris en considération .
34 . Tels sont les écarts constatés entre la demande initiale et la demande finale, qui ont permis à la Commission de considérer, à juste titre, les sommes non prévues ou excessives comme inéligibles . Interhotel a fait valoir qu' elle a dû supporter des dépenses imprévues et des augmentations indépendantes de sa volonté et a reconnu, lors de la procédure orale, que l' inflation, très élevée au Portugal, avait "fait monter, de manière explosive, les coûts de production des cours de formation, ...
les prix du matériel nécessaire, des directeurs, des salles ...", ce qui fit "changer le fondement même" du budget initial . La Commission estime justement ( 52 ) que ces réévaluations et modifications auraient dû lui être notifiées, conformément à l' article 5 de la décision 83/673, afin qu' elle puisse en apprécier le bien-fondé en temps voulu et, éventuellement, engager une discussion avec les promoteurs par l' intermédiaire des autorités nationales .
35 . Cette vérification du non-dépassement du cadre fixé par la décision d' agrément de la demande initiale étant admise, il reste à préciser si la Commission dispose du pouvoir de rejeter des dépenses, bien que préalablement agréées, pour insuffisance de justification de ces dernières, sans porter atteinte aux droits acquis de la requérante . La Commission rappelle ( 53 ) que vous avez qualifié d' "incontestable" le point de vue selon lequel
"ce n' est qu' après avoir reçu un rapport détaillé sur l' action concernée, entre-temps accomplie, qu' il est possible de calculer le montant exact des dépenses éligibles" ( 54 ).
36 . Il nous semble, en effet, essentiel de ménager à la Commission une telle marge d' appréciation lors de l' examen de la demande finale, laquelle est accompagnée d' un "rapport détaillé sur le contenu, les résultats et les aspects financiers de l' action concernée" ( 55 ). Ce n' est donc qu' à ce stade qu' elle pourra vérifier in concreto les justifications présentées par l' entreprise ainsi que la nécessité de certaines dépenses . La Commission a relevé un certain nombre de carences d'
Interhotel à cet égard .
37 . Ainsi, dans la rubrique "fonctionnement et gestion des cours" ( 56 ), les dépenses relatives aux séjour, nourriture et déplacements, à la gestion et au contrôle budgétaire, aux travaux spécialisés ( 57 ) et aux autres fournitures et services de tiers ( 58 ) n' avaient pas fait l' objet, selon la Commission, d' une justification suffisante, puisque Interhotel se serait bornée, "très souvent, à indiquer des montants sans fournir le moindre élément permettant d' apprécier leur exactitude" ( 59 ).
Il en serait de même pour les sommes de la rubrique "préparation des cours" ( 60 ).
38 . La société requérante aurait dû s' attacher à démontrer la réalité de telles dépenses en apportant les preuves suffisantes . Elle a fait valoir ( 61 ) que les observations des autorités nationales tendaient à confirmer les dépenses avancées sans modification . D' une part, il importe de souligner que cet examen rapide, des autorités nationales, ne saurait consolider les droits que la requérante n' acquiert définitivement qu' au terme d' un examen approfondi, réalisé par les services de la
Commission, le cas échéant avec la collaboration des autorités nationales . Il apparaît clairement, d' autre part, que l' analyse des autorités nationales qui précède la transmission de la demande de paiement à la Commission ne préjuge en rien la décision de cette institution ( 62 ).
39 . Interhotel a aussi fait remarquer ( 63 ) que la Commission disposait, en vertu du règlement ( 64 ), du pouvoir d' effectuer des vérifications sur place . Nous estimons, cependant, que de telles prérogatives laissent intacte l' obligation qui incombe à la société d' apporter la preuve de ses dépenses . Il apparaît qu' Interhotel n' a pas essayé de réfuter de façon concrète les allégations de la Commission aux termes desquelles les dépenses que l' on a rappelées ci-dessus au point 37 n' avaient
pas fait l' objet d' une justification suffisante .
40 . Au total, les suppressions de concours que nous avons examinées, et qui s' appuient sur le motif principal de non-respect des éléments de la proposition initiale ou sur le motif relatif à l' insuffisance de justiciation, nous paraissant fondées, le second moyen semble devoir, à ce stade de l' examen, être rejeté .
41 . En revanche, il reste à déterminer si la Commission n' a pas porté atteinte aux droits acquis lorsqu' elle a estimé qu' il fallait refuser un montant de 3 321 000 ESC pour le poste des "professionnels qualifiés" ( 65 ), au motif qu' une réduction de la formation théorique s' imposait en raison de la nature des emplois auxquels elle préparait - cuisine, bar, chef d' étage et maintenance . Ces dépenses avaient été approuvées sans réserve dans la décision d' agrément à un moment où la Commission
était en mesure de les refuser puisqu' Interhotel avait fourni avec sa demande de concours un tableau présentant clairement les programmes de formation ( 66 ), lequel faisait état du nombre d' heures de formation théorique et pratique pour chaque spécialité et précisait la nature des emplois en cause . Par conséquent, la décision d' agrément a accordé des droits à Interhotel, en ce qui concerne cette dépense, que la Commission ne pouvait plus ensuite refuser qu' en cas de dépassement des montants ou
absence de justification . De tels motifs n' ayant pas été relevés à l' égard de cette partie du concours, il y a lieu de considérer le second moyen d' Interhotel fondé sur ce point .
42 . Compte tenu des observations que nous avons développées précédemment, nous concluons :
- à l' annulation partielle de la décision de la Commission du 19 juillet 1989 relative au projet n 870840/P1 du Fonds social européen, dans la mesure où elle refuse à Interhotel le concours relatif aux professionnels qualifiés pour un montant de 3 321 000 ESC;
- à la compensation des dépens .
Annexe
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Rubriques des dépenses
de la demande de solde Objet des dépenses Montant refusé Motifs invoqués
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14.1 Revenus des stagiaires en formation 17 648 721 Non-répercussion de la correction annoncée des
coûts de la formation pratique
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14.2 Préparation des cours Reproduction de documents 1 183 68O Aucune justification
Somme déjà incluse dans le poste "matériel
pédagogique"
Dépense non approuvée dans la décision d' agrément
___________________________________________________________ ___________________________________________________________ _________________
14.3 Fonctionnement et gestion des cours Personnel enseignant :
gérants d' hôtel 384 OOO Dépassement du salaire demandé
Personnel enseignant : Enseignement théorique jugé excessif après
professionnels qualifiés 3 321 OOO examen final eu égard à la nature des cours
Personnel enseignant :
séjour et nourriture 2 5O8 OOO Dépassement des montants quotidiens demandés
Personnel technique Augmentation du nombre de membres du personnel
non enseignant 7 3OO OOO par rapport à la demande initiale
Refus de deux techniciens dans la décision
d' agrément
Personnel administratif 2 912 955 Augmentation du nombre du personnel
par rapport à la demande et inclusion de
nouvelles dépenses
Séjour, nourriture et Absence de justification
déplacements 3 286 282
Dépenses pour partie incluses dans le poste
"personnel enseignant"
Dépenses relatives au personnel non enseignant
non approuvées dans la décision d' agrément
Gestion et contrôle 2 241 136 Absence de justification
budgétaire
Dépenses de l' ordinateur déjà incluses dans le
poste "personnel administratif"
Travaux spécialisés 2 363 OOO Absence de justification
N' apparaît pas expressément dans la demande
initiale
Frais de location et loyers 4 841 969 Dépassement des montants indiqués dans la
demande
Absence de justification des montants déclarés
pour l' équipement audiovisuel et informatique
Matériel et biens non 3 43O 324 Dépassement des montants indiqués dans la
durables demande initiale
Autres fournitures et 1 777 183 Absence de justification
services de tiers
Montant non approuvé dans la décision
d' agrément
___________________________________________________________ ___________________________________________________________ _________________
14.6 Amortissements normaux 3 668 7OO Montant ne figurant pas à cette rubrique dans
la demande initiale
De plus, ils ne sont pas justifiés par ce
genre d' action
___________________________________________________________ ___________________________________________________________ _________________
14.8 Logement et nourriture 5 673 OOO Le montant correspondant au logement ne
devait pas être pris en considération d' après
la demande
___________________________________________________________ ___________________________________________________________ _________________
(*) Langue originale : le français .
( 1 ) JO L 289, p . 38 .
( 2 ) JO L 289, p . 1 .
( 3 ) Annexe 4 du recours .
( 4 ) Annexe 5 du recours .
( 5 ) Annexe 12 du recours .
( 6 ) Affaire 18/57 ( Rec . p . 89, p . 115, 116 ).
( 7 ) Recours, p . 9 de la traduction française .
( 8 ) Duplique, point 15 .
( 9 ) Mémoire en défense, point 14 .
( 10 ) Arrêt du 7 avril 1987, SISMA, point 8 ( 32/86, Rec . p . 1645 ) se référant à l' arrêt du 28 mars 1984, Bertoli ( 8/83, Rec . p . 1649 ), souligné par nous .
( 11 ) Arrêt du 25 octobre 1984, Rijksuniversiteit te Groningen, point 38 ( 185/83, Rec . p . 3623 ), souligné par nous .
( 12 ) Voir en ce sens en doctrine : Le Tallec, G ., et Ehlermann, C . D .: La motivation des actes des Communautés européennes, RMC, 1966, p . 179 et suiv ., 179 à 182; Hen, C .: La motivation des actes des institutions communautaires, CDE, 1977, n 1, p . 49 et suiv ., 74 à 78 .
( 13 ) Mémoire en duplique, point 15 .
( 14 ) Notamment l' arrêt du 16 décembre 1987, Beiten, point 13 ( 206/85, Rec . p . 5301 ).
( 15 ) Arrêt du 7 février 199O, Commune d' Amsterdam ( C-213/87, publication sommaire, Rec . p . I-221 ).
( 16 ) 185/83 ( précitée note 11 ).
( 17 ) Point 28 .
( 18 ) Point 3 de nos conclusions .
( 19 ) JO L 377, p . 1 .
( 20 ) Article 5, paragraphe 4, du règlement n 2950/83, précité .
( 21 ) Ibidem .
( 22 ) Mémoire en défense, point 15 .
( 23 ) Duplique, point 12 .
( 24 ) 310/81 ( Rec . p . 1341, point 15 ).
( 25 ) 185/83 ( précitée note 11 ), point 39 .
( 26 ) Arrêt du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission ( 24/62, Rec . p . 131, 143 ); 213/87, précité, point 27 .
( 27 ) Rubrique 14-1 de la demande de solde; annexe III du mémoire en défense .
( 28 ) Rubrique 15-1 de la demande d' agrément; annexe II du mémoire en défense .
( 29 ) 185/83 ( précitée note 11 ), point 38 .
( 30 ) Mémoire en défense, point 27 .
( 31 ) Point 3 de nos conclusions .
( 32 ) Point 14.1 de la demande de solde, figurant à l' annexe III du mémoire en défense .
( 33 ) Point 29 du mémoire en défense .
( 34 ) Point 15.1 de la demande initiale, figurant à l' annexe II du mémoire en défense .
( 35 ) Réplique, p . 9 de la traduction française .
( 36 ) Point 15.3 de la demande d' agrément .
( 37 ) Comparer avec le point a de la rubrique 15.3 de la demande initiale .
( 38 ) Points f et h de la rubrique 15.3 de la demande initiale .
( 39 ) Six moniteurs occupés pendant cinq mois de vingt-deux jours .
( 40 ) Point 15.3 de la demande d' agrément .
( 41 ) Réplique, p . 11 de la traduction française .
( 42 ) Point e de la rubrique 15.3 de la demande initiale .
( 43 ) Ce qui constitue un total de 2 912 955 ESC .
( 44 ) Point j de la rubrique 15.3 de la demande initiale .
( 45 ) 5 668 369 - ( 8 000 x 10 x 65 ), les frais quotidiens demandés étant de 8 000 ESC et l' occupation de 10 salles s' étant déroulée sur 65 jours .
( 46 ) Point k de la rubrique 15.3 de la demande initiale .
( 47 ) 277 ( stagiaires ) x 8 ( semaines ) x 2 500 ( ESC ).
( 48 ) Point 14.6 de la demande de solde .
( 49 ) Point 15.7 de la demande initiale .
( 50 ) Point 14.8 de la demande de solde .
( 51 ) Point 15.8 de la demande d' agrément .
( 52 ) Point 22 du mémoire en duplique, position développée lors de la procédure orale .
( 53 ) Duplique, point 26 .
( 54 ) Arrêt du 1er octobre 1987, Royaume-Uni/Commission, point 23 ( 84/85, Rec . p . 3765 ).
( 55 ) Précité à la note 20 .
( 56 ) Point 14.3 de la demande de solde .
( 57 ) Mémoire en défense, point 30 .
( 58 ) Mémoire en défense, p . 6 de la traduction française .
( 59 ) Mémoire en défense, point 32 .
( 60 ) Point 14.2 de la demande de solde, allégations de la Commission au point 30 de son mémoire en défense .
( 61 ) Réplique "en droit", point 10 .
( 62 ) Voir annexe 11 de la requête .
( 63 ) Réplique "en droit", point 12 .
( 64 ) Voir son article 7 .
( 65 ) Selon les termes utilisés dans sa duplique, p . 4 de la traduction française .
( 66 ) Annexe 3 du recours .