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29/06/1989 | CJUE | N°C-114/88

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 29 juin 1989., Patrick Delbar contre Caisse d'allocations familiales de Roubaix-Tourcoing., 29/06/1989, C-114/88


Avis juridique important

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61988C0114

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 29 juin 1989. - Patrick Delbar contre Caisse d'allocations familiales de Roubaix-Tourcoing. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille - France. - Sécurité sociale - Allocation

s familiales pour travailleurs non salariés. - Affaire C-114/88.
Recueil...

Avis juridique important

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61988C0114

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 29 juin 1989. - Patrick Delbar contre Caisse d'allocations familiales de Roubaix-Tourcoing. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille - France. - Sécurité sociale - Allocations familiales pour travailleurs non salariés. - Affaire C-114/88.
Recueil de jurisprudence 1989 page 04067

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Pour trancher le litige opposant M . Delbar, un avocat belge qui a son domicile professionnel en France et son domicile privé ( où habitent également ses enfants ) en Belgique, à la Caisse d' allocations familiales de Roubaix-Tourcoing, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille vous a posé les questions préjudicielles ci-après :

"1 ) L' article 51, sous b ), du traité doit-il être interprété en ce sens que les autorités chargées du paiement des prestations familiales sont, en vertu de ce texte, celles de l' État où le travailleur exerce son activité et, le cas échéant, paye ses cotisations ou bien celles de l' État où résident les parents et/ou les enfants qui y donnent droit?

2 ) Plus précisément, si le ressortissant d' un État membre a son domicile professionnel dans un État où il paie ses cotisations et son domicile privé ( où habitent aussi ses enfants ) dans un autre État, les autorités chargées du paiement des allocations familiales sont-elles celles du premier ou du second État?

3 ) En l' absence de directive européenne applicable aux professionnels libéraux et relative aux allocations familiales, les particuliers peuvent-ils invoquer directement les droits résultant des dispositions de l' article 51 du traité?"

Puisqu' une réponse négative à la troisième question rend superflu l' examen des deux premières, il convient de déterminer tout d' abord si, en l' état actuel du droit communautaire, les travailleurs indépendants peuvent invoquer l' article 51 du traité CEE pour revendiquer le paiement des prestations familiales, quel que soit le lieu où résident les membres de leur famille .

2 . Dans la procédure devant la juridiction nationale, M . Delbar conteste la validité des articles L 512.1 et suivants du code de la sécurité sociale sur lesquels les autorités françaises compétentes se fondent pour lui refuser le versement des prestations familiales pour ses enfants résidant en Belgique .

L' article L 512.1 exige que les enfants résident en France pour que les parents puissent bénéficier des prestations familiales . Selon M . Delbar, la réglementation nationale en question serait contraire aux dispositions de l' article 51 du traité CEE, en particulier de son point b ), qui prévoit le "paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des États membres ".

3 . Le gouvernement français et la Commission ont présenté des observations dans lesquelles ils contestent la thèse de M . Delbar .

4 . Force nous est de dire très clairement, quoique à grand regret, que nous ne pouvons que partager le point de vue du gouvernement français et de la Commission . Nous sommes convaincu qu' en l' état actuel du droit communautaire il n' y a aucun fondement à la prétention qu' a M . Delbar de découvrir une base juridique dans le traité CEE ou dans la législation dérivée pour éliminer l' obstacle à la naissance d' une obligation de versement des prestations familiales que constitue la résidence de ses
enfants dans un pays différent de celui où il exerce son activité de travailleur indépendant . Le contexte normatif n' autorise aucun doute, ni d' interprétation ni quant à une éventuelle illégalité .

5 . En effet, il est incontestable que :

- l' article 51 du traité CEE, comme tel, s' applique aux seuls travailleurs salariés;

- il en est de même pour le règlement n° 1408/71, dans sa version originale;

- l' extension d' un grand nombre de dispositions du règlement ( CEE ) n° 1408/71 aux travailleurs indépendants, telle qu' elle a été réalisée par le règlement ( CEE ) n° 1390/81 du Conseil, du 12 mai 1981 ( JO L 143 du 29.5.1981, p . 1 ), adopté sur la base de l' article 235 du traité CEE, ne concerne pas l' article 73 relatif au versement des prestations familiales; cette disposition n' est, par conséquent, applicable qu' aux seuls travailleurs salariés;

- cette situation juridique ne résulte pas d' un oubli du législateur communautaire, mais d' une volonté précise du Conseil . En effet, la Commission, appuyée par le Parlement européen et par le Comité économique et social, avait proposé d' étendre le bénéfice des dispositions de l' article 73 aux travailleurs indépendants . Le refus opposé par le Conseil à cette proposition est lié, comme il résulte notamment du dernier considérant de la proposition de la Commission du 5 février 1988 ( JO C 52 du
24.2.1988, p . 5 ) ( 1 ), au problème de l' absence de solution uniforme pour les prestations familiales, qui a finalement débouché sur les deux arrêts bien connus prononcés par la Cour dans les affaires Pinna I et Pinna II ( 2 ).

6 . Partant, la volonté expresse du législateur communautaire en 1981 a été de ne pas étendre aux travailleurs indépendants le bénéfice des dispositions de l' article 73 du règlement n° 1408/71 . Puisque toute décision relative à l' extension relève des pouvoirs discrétionnaires du Conseil et bien que nous partagions sur un plan général les observations formulées par la Commission et par le Parlement européen quant à l' opportunité de cette extension aux travailleurs indépendants, nous ne pensons
pas que la Cour ait d' autre choix que de répondre par la négative à la troisième question posée par le juge national .

Comme le champ d' application ratione personae de l' article 51 du traité, qui constitue une norme de droit originaire, est limité aux seuls travailleurs salariés, la décision explicite de la part du Conseil de ne pas étendre, par acte de droit dérivé, le bénéfice des dispositions de l' article 73 aux travailleurs indépendants ne constitue pas une violation d' un principe de droit qui soit susceptible d' être sanctionnée par la Cour .

7 . Eu égard à la réponse ci-dessus, nous ne croyons pas que la Cour doive approfondir l' examen des autres questions posées par le juge national . Étant donné que l' application de l' article 51 aux travailleurs indépendants est refusée, nous ne croyons pas qu' il appartienne à la Cour de fournir des éléments d' interprétation dans l' abstrait, qui n' apportent rien à la solution du cas concret .

Partant, nous vous proposons de répondre à la juridiction nationale qu' en l' état actuel du droit communautaire l' article 51 du traité CEE n' impose pas aux États membres de verser des prestations familiales dans les cas où les membres de la famille du travailleur indépendant résident dans un État autre que celui où ce dernier exerce son activité professionnelle .

(*) Langue originale : l' italien .

( 1 ) La proposition a pour premier objectif de tirer les conséquences de l' arrêt Pinna I; elle vise en même temps à étendre aux travailleurs indépendants le bénéfice de l' article 73 du règlement ( CEE ) n° 1408/71 .

( 2 ) Voir l' arrêt Pinna du 15 janvier 1986 ( affaire 41/84, Rec . p . 1 ) et l' arrêt Pinna du 2 mars 1989 ( affaire 359/87, Rec . 1989, p.0000 ).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-114/88
Date de la décision : 29/06/1989
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille - France.

Sécurité sociale - Allocations familiales pour travailleurs non salariés.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Patrick Delbar
Défendeurs : Caisse d'allocations familiales de Roubaix-Tourcoing.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: O'Higgins

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1989:278

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