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28/02/1989 | CJUE | N°126/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 28 février 1989., Sergio Del Plato contre Commission des Communautés européennes., 28/02/1989, 126/87


Avis juridique important

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61987C0126

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 28 février 1989. - Sergio Del Plato contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Refus d'admission à participer à un concours interne. - Affaire 126/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 00643


Conclusions de l'avocat général

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M . le Président,

Messieurs le...

Avis juridique important

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61987C0126

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 28 février 1989. - Sergio Del Plato contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Refus d'admission à participer à un concours interne. - Affaire 126/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 00643

Conclusions de l'avocat général

++++

M . le Président,

Messieurs les Juges,

1 . M . Del Plato vous a saisis d' une requête qui concerne essentiellement les conditions dans lesquelles l' autorité investie du pouvoir de nomination peut délaisser les possibilités de promotion interne et avoir recours à un recrutement externe pour les emplois des cadres scientifique et technique .

2 . L' intéressé, diplômé d' architecture, est fonctionnaire à la Commission des Communautés européennes, affecté au Centre commun de recherche d' Ispra . Il y travaille depuis 1967 et se trouve actuellement au grade B 3 du cadre scientifique et technique .

3 . Votre Cour a déjà eu à connaître de ses tentatives infructueuses de passer à la catégorie A lors des recours intentés par lui-même et ses collègues contre le refus de les inscrire sur une liste d' aptitude aux fonctions de cette catégorie ( 1 ).

4 . Les faits relatifs à la présente procédure peuvent se résumer ainsi :

A la suite d' un avis de vacance du poste de chef du service dans lequel travaille M . Del Plato, celui-ci a fait acte de candidature le 29 avril 1986 . Un refus verbal lui a été opposé le même jour par un fonctionnaire du "bureau des candidatures ". Aussi, le 30 avril 1986, le requérant a présenté sa candidature par lettre recommandée avec accusé de réception .

Le 9 septembre 1986, devant l' absence de toute réponse de la Commission, M . Del Plato a introduit une réclamation enregistrée au secrétariat général de la Commission le 11 septembre 1986 . Entre-temps, un nouvel organigramme faisait apparaître que M . Timm avait été nommé à l' emploi vacant .

La Commission a répondu à cette réclamation par une lettre de rejet le 9 avril 1987 .

5 . Le 10 avril 1987, M . Del Plato a formé une requête devant votre Cour, par laquelle il demande :

- l' annulation du refus de sa candidature,

- l' annulation de la nomination de M . Timm,

- l' annulation du rejet implicite de sa réclamation préalable,

et, subsidiairement,

- la condamnation de la Commission à des dommages et intérêts .

6 . La Commission a opposé à cette demande, après le dépôt de son mémoire en défense au fond ainsi que du mémoire en réplique du requérant, un certain nombre d' exceptions d' irrecevabilité . Elle a précisé que ces exceptions pouvaient être opposées, quel que soit l' état de la procédure, aux motifs qu' elles concerneraient les délais de recours qui seraient d' ordre public . Il est exact qu' une jurisprudence constante de votre Cour reconnaît aux délais de recours un tel caractère ( 2 ).

7 . Toutefois, à l' examen des exceptions d' irrecevabilité, il apparaît que si la première d' entre elles concerne effectivement les délais de recours, en ce qu' elle vise à voir déclarer irrecevable comme tardive la demande en annulation du refus de candidature, en revanche, les trois autres exceptions sont fondées qui sur l' absence d' intérêt pour agir, qui sur le caractère insusceptible de recours de l' acte attaqué, qui sur l' absence de réclamation préalable . Or, l' article 42, paragraphe 2,
du règlement de procédure interdit la production de moyens nouveaux en cours d' instance, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de fait et de droit qui se sont révélés pendant la procédure écrite . En revanche, l' article 92, paragraphe 2, du même règlement permet à votre Cour d' examiner d' office, à tout moment, les fins de non-recevoir d' ordre public .

8 . Le requérant s' en remet sur ce point à la sagesse de votre Cour .

9 . Votre jurisprudence s' est déjà prononcée sur ces difficultés . Vous avez ainsi relevé d' office, par application de l' article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure, les fins de non-recevoir d' ordre public tirées de :

- l' absence d' intérêt pour agir ( 3 ),

- l' absence de réclamation préalable ou l' irrégularité de la procédure y relative ( 4 ),

- l' absence de décision faisant grief ( 5 ),

- l' autorité de la chose jugée ( 6 ),

- l' existence d' un acte qui ne concerne pas individuellement et directement le requérant ( 7 ),

- enfin, et ceci n' est qu' un rappel, l' expiration des délais de voies de recours ( 8 ).

1O . Il nous semble, à cet égard, que cette construction jurisprudentielle pourrait conduire à une distinction entre les fins de non-recevoir qui ne sont pas d' ordre public et qui ne sauraient en conséquence être soulevées qu' au début de la procédure, in limine litis, et les fins de non-recevoir qui sont d' ordre public et qui, étant de nature à être soulevées d' office à tout moment par le juge en application de l' article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure, peuvent également être
soulevées par les parties, quel que soit l' état de la procédure . On ne comprendrait pas, en effet, qu' une exception d' ordre public puisse encore être soulevée par le juge et ne puisse plus l' être par les parties, lesquelles sont, à côté du juge, aussi intéressées au respect de l' ordre public . Une telle construction, qui a le mérite de la logique, paraît concilier à la fois les nécessités de l' ordre public et la protection des droits de la défense .

11 . Quoi qu' il en soit, en l' espèce, les exceptions opposées par la Commission sont manifestement recevables . Ainsi que nous venons de le rappeler, vous avez déjà reconnu le caractère d' ordre public aux fins de non-recevoir tirées de l' absence d' intérêt pour agir, du caractère insusceptible de recours de l' acte attaqué et de l' absence de réclamation préalable . Venons-en donc à l' examen de la pertinence de ces exceptions .

12 . La première est opposée à la demande d' annulation du rejet de la candidature du requérant . La Commission expose, d' une part, que le contentieux ne serait pas lié dans la mesure où le requérant aurait demandé à bénéficier d' une promotion et non de participer à un concours interne, d' autre part, que, sa candidature du 29 avril 1985 ayant été refusée le même jour par le service compétent, sa réclamation préalable du 11 septembre 1986 serait intervenue en dehors du délai de quatre mois, et
que, en conséquence, la décision implicite de rejet qui a fait suite à sa réclamation préalable ne serait qu' une confirmation du premier rejet, comme telle insusceptible de recours .

13 . La première branche de l' exception paraît inopérante . La requête demande à la Cour d' annuler un refus opposé à une demande de participation à un concours interne, mais l' acte de candidature annexé à cette requête est fondé sur l' article 29, paragraphe 1, sous a ), du statut, c' est-à-dire sur la procédure de promotion-mutation . La Commission n' a d' ailleurs jamais organisé de concours interne . En fait, ce que critique le requérant, c' est le refus de la défenderesse de lui proposer une
promotion-mutation, même s' il ne figure pas sur la liste d' aptitude aux fonctions de catégorie A, dans la mesure où il estime que la Commission peut s' écarter de cette liste . Si une discussion semble s' être ébauchée sur un refus de candidature à un concours, c' est, semble-t-il, parce que le requérant affirme que l' ensemble de l' article 29 du statut obligeait la Commission d' abord à considérer les possibilités de promotion et de mutation au sein de l' institution, ensuite, avant de recourir
à une procédure exceptionnelle, à examiner les possibilités d' organiser un concours interne auquel il se faisait fort, le cas échéant, de participer . Le refus de la Commission de prendre en considération la candidature du requérant est fondé sur le fait que, d' une part, le requérant ne figure pas sur la liste d' aptitude aux fonctions de catégorie A, d' autre part, que l' article 29 du statut ne s' applique pas au recrutement d' un agent temporaire . Le contentieux paraît, dès lors, tout à fait
lié .

14 . La seconde branche de l' exception ne serait fondée qu' à supposer qu' un refus explicite ait bien été opposé au requérant le 29 avril 1986 . En effet, dans cette hypothèse, la réclamation préalable du 11 septembre 1986 serait manifestement hors délai . Le rejet implicite de cette réclamation, à l' expiration d' un délai de quatre mois, ne serait alors que la confirmation du rejet explicite formulé le 29 avril 1986 .

15 . Mais qu' en est-il en fait? Le 29 avril 1986, le requérant a présenté sa candidature à un fonctionnaire du bureau compétent qui l' a refusée sans lui donner de motifs . Le lendemain, il a envoyé sa candidature par lettre recommandée avec accusé de réception . Il ne paraît pas que le refus verbal précité puisse être qualifié de décision de l' autorité investie du pouvoir de nomination au sens de l' article 9O du statut . Il ne s' agit en l' espèce que d' un acte matériel, dépourvu du support de
l' écrit, sans motivation et n' émanant pas effectivement de l' autorité investie du pouvoir de nomination .

16 . Il faut considérer, en conséquence, que la candidature du 3O avril 1986 a été rejetée implicitement à l' expiration d' un délai de quatre mois, conformément à l' article 9O, paragraphe 1, du statut, soit le 3O août 1986 . Le requérant a formé sa réclamation préalable le 11 septembre 1986, dans le délai de trois mois de l' article 9O, paragraphe 2, du statut . Cette réclamation préalable a, elle aussi, fait l' objet d' un rejet implicite le 11 janvier 1987, puis d' un rejet explicite confirmatif
le 9 avril 1987, par lettre transmise à l' intéressé par voie hiérarchique . La requête a été introduite, avant l' expiration des délais de voies de recours, le 1O avril 1987 .

17 . Cette première exception paraît donc devoir être rejetée dans ses deux branches .

18 . La seconde exception d' irrecevabilité est opposée à la demande d' annulation de la nomination de M . Timm . Il s' agit de savoir si le requérant avait un intérêt pour agir en annulation de cette nomination, dès lors qu' il n' avait pas vocation, selon la Commission, à être nommé à ce poste . Nous vous proposons d' examiner avec le fond cette exception dont le sort dépend très largement de la réponse qui sera donnée à la demande en annulation du rejet de la candidature du requérant .

19 . La troisième exception d' irrecevabilité concerne la demande d' annulation du rejet implicite de la réclamation du requérant . La Commission se fonde sur votre arrêt Plug, aux termes duquel

"toute décision de rejet, qu' elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l' acte ou l' abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas un acte attaquable" ( 9 ).

20 . Toutefois, dans un arrêt Andersen du 19 janvier 1984, vous avez déclaré que,

"dans le cadre du contentieux des fonctionnaires, organisé de telle façon que la procédure de réclamation précède nécessairement l' introduction du recours, l' intérêt des requérants à demander l' annulation de la décision portant rejet de leur réclamation en même temps que celle de l' acte leur faisant grief ne saurait être nié, quel que soit l' effet concret de l' annulation d' une telle décision dans un cas déterminé" ( 10 ).

21 . Votre jurisprudence la plus récente est encore plus nette . Ainsi, dans un arrêt Vainker du 17 janvier 1989, vous avez déclaré que

"la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, par l' autorité investie du pouvoir de nomination font partie intégrante d' une procédure complexe . Dans ces conditions, le recours à la Cour, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation du fonctionnaire, a pour effet de saisir la Cour de l' acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée" ( 11 ).

22 . Et, dans votre arrêt Koutchoumoff du 26 janvier 1989, vous avez adopté la même solution en indiquant que :

"dans le système du statut, le fonctionnaire doit présenter une réclamation contre la décision qu' il conteste et se pourvoir devant la Cour contre la décision qui rejette sa réclamation . Dans ces conditions, le recours est recevable, qu' il soit dirigé contre la seule décision initialement contestée, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux actes conjointement" ( 12 ).

23 . Enfin, vous venez d' adopter la même attitude dans votre arrêt Bossi du 2 février 1989 ( 13 ).

24 . Nous vous proposons de confirmer cette toute récente jurisprudence en déclarant recevable le recours dirigé contre la décision implicite de rejet de la réclamation préalable .

25 . La quatrième exception d' irrecevabilité oppose à la demande subsidiaire en indemnité, d' une part, le fait qu' une telle demande n' a pas fait l' objet d' une réclamation préalable, d' autre part, que l' irrecevabilité de la demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité étroitement liée à la demande en annulation . Ces deux points font référence à une jurisprudence établie de votre Cour . Vous avez souvent rappelé, en effet, que,

"dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant la Cour ne peuvent avoir que le même objet que celles exposées dans la réclamation" ( 14 ).

26 . Nous avons eu l' occasion dans nos conclusions sur l' affaire Bossi ( 15 ) d' exprimer notre sentiment à l' égard de l' interprétation de cette notion d' identité d' objet . Votre jurisprudence ne paraissait pas alors définitivement fixée en ce qui concerne les demandes en indemnité qui viennent s' ajouter, lors de la saisine de votre Cour, aux demandes en annulation, qui, seules, avaient fait l' objet d' une réclamation préalable .

27 . Vous avez apporté une solution à ces difficultés dans l' arrêt que vous venez de rendre dans l' affaire Bossi . Vous avez, en effet, déclaré que

"la réclamation par laquelle un fonctionnaire critique le fait qu' il n' a pas été inscrit sur une liste établie dans le cadre d' une procédure de promotion invite l' AIPN à remédier à l' illégalité invoquée et à prendre toutes les mesures requises pour replacer le demandeur dans la situation qui aurait été la sienne si l' illégalité n' avait pas été commise . Ces mesures comprennent nécessairement la réparation du préjudice que le demandeur peut avoir subi du fait de l' illégalité reprochée et que
n' assurerait pas l' adoption d' un nouvel acte non entaché de cette illégalité" ( 16 ).

28 . La première branche de la présente exception d' irrecevabilité ne paraît donc pas devoir prospérer .

29 . Le sort de la seconde branche dépend étroitement de la recevabilité de la demande en annulation . En effet, vous avez depuis longtemps jugé que

"l' irrecevabilité d' une demande en annulation entraîne celle de la demande en indemnité étroitement liée avec la demande en annulation" ( 17 ).

Or, dans la mesure où nous vous proposons de déclarer recevable la demande en annulation, nous sommes tout naturellement conduit à conclure à la recevabilité de la demande en indemnité .

3O . Après ces longs développements rendus nécessaires par la méticulosité avec laquelle la Commission a opposé ces exceptions d' irrecevabilité, venons-en à l' examen de la requête au fond .

31 . Quatre demandes sont formulées devant votre Cour, mais il apparaît immédiatement que le sort de la première, en annulation du rejet de candidature, peut déterminer de façon quasi obligée le sort des trois autres . En effet, si vous repoussez la demande en annulation du rejet de la candidature de M . Del Plato, celui-ci est dès lors, aux termes d' une jurisprudence constante de votre Cour ( 18 ), irrecevable à contester la nomination de M . Timm, faute d' intérêt pour agir, puisqu' il n' a pas -
nous oserions presque dire puisqu' il n' a plus - vocation à être nommé sur ce poste . De même, la demande en annulation du rejet implicite de la réclamation préalable ne saurait que suivre le même sort que celui de la demande principale en annulation du rejet de candidature . Enfin, la demande en indemnité ne pourra prospérer si vous déclarez que l' autorité investie du pouvoir de nomination a pu légalement rejeter la candidature de M . Del Plato .

32 . Nous consacrerons, en conséquence, nos premiers développements à l' examen de la demande en annulation du rejet de candidature . En ce qui concerne cette demande, il faut rappeler les quelques points de droit que votre Cour a tranchés dans votre précédent arrêt du 1O décembre 1987 ( 19 ) et qui constituent l' historique ayant donné naissance à la présente affaire .

33 . Dans cet arrêt, vous avez constaté, d' une part, que les dispositions de l' article 45, paragraphe 1, du statut ne visaient que les promotions dans le même cadre ou la même catégorie et restaient sans application aux hypothèses de passage d' une catégorie dans une autre, d' autre part, que les dispositions de l' article 45, paragraphe 2, qui exigent l' instauration d' un concours pour passer d' une catégorie dans une autre, étaient exclues par l' article 98, paragraphe 2, en ce qui concerne les
fonctionnaires occupant dans le domaine nucléaire un emploi qui nécessite des compétences scientifiques ou techniques, et rémunérés sur les crédits affectés au budget de recherche et d' investissement . Vous en avez déduit que l' autorité investie du pouvoir de nomination pouvait décider du passage à la catégorie supérieure des fonctionnaires des cadres scientifique et technique sans recourir à la procédure du concours et pouvait, dès lors, instituer une procédure "sui generis", s' inspirant de la
procédure du concours, mais s' en écartant sur plusieurs points, telle celle que la Commission a instituée le 3 juin 1983 sous la dénomination de "modalités de procédure préalables aux décisions de changement de catégorie B vers A, pour les fonctionnaires et agents temporaires des cadres scientifique et technique" ( 20 ).

34 . Ces "modalités", dont vous avez donc reconnu la légalité, prévoient une procédure de sélection par un comité ad hoc qui établit une liste des fonctionnaires jugés aptes à passer, le cas échéant, en catégorie A . Et vous avez, dans votre arrêt précité, rejeté le recours de M . Del Plato demandant essentiellement l' annulation du refus de l' inscrire sur cette liste d' aptitude .

35 . Le requérant a tiré la leçon de votre décision . Il fait valoir en substance :

a ) que sa candidature aurait dû être prise en considération, puisque l' institution d' un concours n' est pas obligatoire pour passer de la catégorie B vers la catégorie A pour les fonctionnaires des cadres scientifique et technique, et que l' autorité investie du pouvoir de nomination peut s' écarter de la liste d' aptitude aux fonctions de catégorie A;

b ) que la Commission a violé l' article 29, paragraphe 1, du statut en n' examinant pas les possibilités de concours interne;

c ) que la Commission a violé l' article 29, paragraphe 2, du statut en ayant recours à un concours externe, alors que cet article n' autorise ce procédé que dans des cas exceptionnels;

d ) que la Commission a violé l' article 29, paragraphe 1, alinéa 2, du statut, dans la mesure où le recours à la constitution d' une réserve de recrutement ne peut avoir lieu avant que n' ait été décidé le recours à la procédure de concours interne .

36 . Indiquons d' emblée à votre Cour que ces moyens ne nous paraissent pas fondés .

37 . En ce qui concerne le premier moyen, il est exact que la Commission aurait pu nommer M . Del Plato au poste en cause, bien qu' il n' ait pas été inscrit sur la liste d' aptitude aux fonctions de catégorie A, dès lors qu' elle aurait considéré qu' il existait des raisons objectives tenant à ce qu' il avait le profil du poste vacant .

38 . En effet, la Commission n' est pas strictement liée par les "modalités de procédure" qu' elle a mises en place . Elle pouvait parfaitement choisir un fonctionnaire ne figurant pas sur la liste d' aptitude, s' il existait des raisons objectives pour ce faire . A cet égard, vous avez, en effet, estimé que :

"si une directive interne ne saurait être qualifiée de règle de droit à l' observation de laquelle l' administration serait en tout cas tenue, elle énonce toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre, dont l' administration ne peut s' écarter sans donner les raisons qui l' y ont amenée, sous peine d' enfreindre les principes de l' égalité de traitement" ( 21 ).

39 . Toutefois, la Commission dispose, à cet égard, d' un pouvoir discrétionnaire et le contrôle de votre Cour se limite à vérifier l' absence d' erreur manifeste d' appréciation et, ce qui n' est pas invoqué en l' espèce, de détournement de pouvoir . En effet, une jurisprudence constante de votre Cour déclare

"il faut reconnaître à l' autorité investie du pouvoir de nomination un pouvoir d' appréciation portant sur tous les aspects susceptibles d' avoir une importance pour la reconnaissance d' expériences antérieures, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu' elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir" ( 22 ).

40 . Le requérant fait valoir qu' il avait le profil du poste en cause, car il avait, déclare-t-il, déjà occupé ce poste par intérim .

41 . Sur ce point, vous avez déjà précisé que :

"( s' )il ne saurait être exigé d' un fonctionnaire qu' il remplisse des fonctions d' un niveau supérieur à son grade, hormis le cas d' intérim, le fait que celui-ci accepte d' exercer de telles fonctions constitue un élément à retenir en vue d' une promotion, mais ne confère à l' intéressé aucun droit à être reclassé" ( 23 ).

42 . En l' espèce, aucun élément de nature à prouver l' existence d' une erreur manifeste d' appréciation de la part de la Commission n' a été avancé par le requérant . Ce premier moyen nous paraît donc devoir être rejeté .

43 . Les deuxième, troisième et quatrième moyens supposent que l' article 29 du statut est applicable à la situation qui vous est soumise .

44 . La Commission, dans son mémoire en défense, déclare que les agents des cadres scientifique et technique sont recrutés essentiellement en qualité d' agents temporaires et que, en conséquence, l' article 29 du statut, qui figure dans un titre III intitulé "De la carrière du fonctionnaire", ne serait pas applicable dans l' affaire en cause . Il est exact que l' article 1er du statut définit le fonctionnaire des Communautés comme la personne nommée dans un emploi permanent d' une des institutions
communautaires . Par ailleurs, la deuxième partie du statut comprend des dispositions spécifiques aux agents temporaires ( articles 1er à 5O bis ), qui rendent applicables par analogie certains des articles du statut des fonctionnaires . L' article 29 du statut ne figure pas parmi ces articles . Il nous semble, dès lors, qu' il n' est pas applicable au recrutement d' un agent temporaire .

45 . Au demeurant, la jurisprudence citée par le requérant en ce qui concerne l' article 29 ne paraît pas pertinente :

- l' arrêt Van Belle ( 24 ) concerne l' impossibilité d' exclure les candidats déjà fonctionnaires d' une procédure de recrutement autre que le concours pour un poste de fonctionnaire :

- l' arrêt Erik van der Stijl ( 25 ) rappelle simplement que la procédure de recrutement autre que le concours de l' article 29, paragraphe 2, ne peut être instituée que dans des cas exceptionnels .

Dans les deux espèces, il s' agissait de pourvoir à un poste de fonctionnaire .

46 . Il faut observer, au surplus, que si vous veniez à décider de retenir l' application par analogie de l' article 29, vous avez en toute hypothèse reconnu un large pouvoir d' appréciation à l' autorité investie du pouvoir de nomination quant à l' examen, dès l' ouverture de la procédure, des possibilités de recrutement interne et externe ( 26 ).

47 . Les quatre moyens présentés à l' appui de la demande d' annulation du rejet de la candidature du requérant ne nous paraissent donc pas fondés .

48 . Ainsi que nous l' avons précédemment exposé, le rejet de la première demande en annulation entraîne l' irrecevabilité de la demande en annulation de la nomination de M . Timm, et le rejet au fond de la demande en annulation du rejet implicite de la réclamation préalable et de la demande en indemnité .

49 . Nous concluons donc :

1 ) au rejet des exceptions d' irrecevabilité opposées par la Commission aux demandes en annulation du rejet de la candidature de M . Del Plato, en annulation du rejet implicite de sa réclamation préalable, en dommages et intérêts,

2 ) au rejet, au fond, de ces trois demandes,

3 ) à l' irrecevabilité de la demande d' annulation de la nomination de M . Timm,

4 ) à la condamnation de M . Del Plato aux dépens, sauf en ce qui concerne les frais exposés par la Commission, dont celle-ci conservera la charge en application des dispositions de l' article 7O du règlement de procédure .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Affaires jointes 181,182,183 et 184/86, Sergio Del Plato e.a ., arrêt du 10 décembre 1987, Rec . 1987, p . 4991 .

( 2 ) Affaire 227/83, Moussis, arrêt du 12 juillet 1984, Rec . 1984, p . 3133, point 12 . Voir également arrêt du 5 juin 1980, 108/79, Belfiore, Rec . 1980, p . 1769, point 3; arrêt du 19 février 1981, 122 et 123/79, Schiavo, Rec . 1981, p . 473, point 27; arrêt du 13 novembre 1986, 232/85, Becker, Rec . 1986, p . 3401, point 8 .

( 3 ) Ordonnance du 7 octobre 1987, 108/86, Di Muro, Rec . 1987, p . 3933, point 10; ordonnance du 24 septembre 1987, 134/77, Vlachou, Rec . 1987, p . 3633, points 6 à 10; ordonnance du 28 novembre 1985, 19/85, Grégoire-Foulon, Rec . 1985, p . 3771, points 7 à 9 .

( 4 ) Ordonnance du 18 mars 1987, 13/86, Bonkewitz-Lindner, Rec . 1987, p . 1417, points 5 à 7; ordonnance du 4 juin 1987, 16/86, Pertoldi, Rec . 1987, p . 2409, points 5 à 8 .

( 5 ) Ordonnance du 7 octobre 1987, 248/86, Broeggemann, Rec . 1987, p . 3963, point 6 .

( 6 ) Ordonnance du 1er avril 1987, 159 et 267/84, 12 et 264/85, Ainsworth e.a ., Rec . 1987, p . 1579, points 3 et 4 .

( 7 ) ordonnance du 26 septembre 1984, 297/83, Les Verts, Rec . p . 3339, point 7; ordonnance du 26 septembre 1984, 216/83, Les Verts, Rec . p . 3325, point 7 .

( 8 ) Arrêt du 4 février 1987, 276/85, Cladakis, Rec . 1987, p . 495, point 6; ordonnance du 16 juin 1988, 371/87, Progoulis, Rec . 1988, p . 3091, points 10 et 11; ordonnance du 15 octobre 1986, 349/85, Danemark/Commission, non publiée, point 2; ordonnance du 15 mars 1984, 131/83, Vaupel, JO C 128, du 15.5.1984, point 5 .

( 9 ) Arrêt du 9 décembre 1982, 191/81, Rec . 1982, p . 4229, point 13 .

( 10 ) Affaire 26O/8O, Rec . 1984, p . 177, point 4 .

( 11 ) Affaire 293/87, Rec . 1989, p . 0000, point 8 .

( 12 ) Afaire 224/87, Rec . 1989, p . 0000, point 7 .

( 13 ) Rec . 1989, p . 0000, points 9 et 1O .

( 14 ) arrêt du 20 mai 1987, 242/85, Geist, Rec . 1987, p . 2181, point 9 . Voir également 277/84, Jaensch, arrêt du 10 décembre 1987, Rec . 1987, p . 4923, point 10 .

( 15 ) Affaire 346/87, précitée, du 1er décembre 1988 .

( 16 ) Précité, point 28 .

( 17 ) Arrêt du 12 décembre 1967, 4/67, Collignon, Rec . 1967, p . 47O, p . 48O

( 18 ) Arrêt du 3O mai 1984, 111/83, Picciolo, Rec . 1984, p . 2323, point 29; arrêt du 29 octobre 1975, 81 à 88/74, Marenco, Rec . 1975, p . 1287, points 6 et 7 .

( 19 ) Affaires jointes 181 à 184/86, Sergio Del Plato e.a ., points 13 et14 .

( 20 ) Informations administratives n° 4O9, du 24 juin 1983 .

( 21 ) Arrêt du 3O janvier 1974, 148/73, Couwage, Rec . 1974, p . 81, point 12; arrêt du 1er décembre 1983, voir aussi 19O/82, Blomefield, Rec . 1983, p . 3981, point 2O; ainsi que Sergio Del Plato e.a ., précité, point1O .

( 22 ) Arrêt du 5 février 1987, 28O/85, Mouzourakis, Rec . 1987, p . 589, point 5; voir 19O/82, Blomefield, précité, point 26; voir 17/83, Angelidis, arrêt du 12 Juillet 1984, Rec . 1984, p . 29O7, point 16 .

( 23 ) Arrêt du 11 mai 1978, 25/77, De Roubaix, Rec . 1978, p . 1O81, point 17; voir aussi arrêt du 12 juillet 1973, 28/72, Tontodonati, Rec . 1973, p . 779, point 8 .

( 24 ) Arrêt du 5 décembre 1974, 176/73, Rec . 1974, p . 1361 .

( 25 ) Arrêt du 7 octobre 1985, 128/84, Rec . 1985, p . 3281 .

( 26 ) Arrêt du 14 juillet 1983, 1O/82, Mogensen, Rec . 1983, p . 2397 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 126/87
Date de la décision : 28/02/1989
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Refus d'admission à participer à un concours interne.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Sergio Del Plato
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Grévisse

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1989:98

Source

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