La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/10/1988 | CJUE | N°247/86

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Société alsacienne et lorraine de télécommunications et d'électronique (Alsatel) contre SA Novasam., 05/10/1988, 247/86


Avis juridique important

|

61986J0247

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 5 octobre 1988. - Société alsacienne et lorraine de télécommunications et d'électronique (Alsatel) contre SA Novasam. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Strasbourg - France. - Paiement d'indemnité de rés

iliation d'un contrat de location d'installations téléphoniques - Abus de po...

Avis juridique important

|

61986J0247

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 5 octobre 1988. - Société alsacienne et lorraine de télécommunications et d'électronique (Alsatel) contre SA Novasam. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Strasbourg - France. - Paiement d'indemnité de résiliation d'un contrat de location d'installations téléphoniques - Abus de position dominante. - Affaire 247/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 05987

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . QUESTIONS PREJUDICIELLES - COMPETENCE DE LA COUR - EXTENSION DE L' OBJET DE LA DEMANDE PREJUDICIELLE EN MECONNAISSANCE DE LA COMPETENCE DU JUGE NATIONAL - EXCLUSION

( TRAITE CEE, ART . 177 )

2 . CONCURRENCE - ENTENTES - POSITION DOMINANTE - AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES - CONDITION D' APPLICATION DES REGLES COMMUNAUTAIRES

( TRAITE CEE, ART . 85 ET 86 )

3 . CONCURRENCE - POSITION DOMINANTE - NOTION

( TRAITE CEE, ART . 86 )

4 . CONCURRENCE - POSITION DOMINANTE - MARCHE EN CAUSE - DETERMINATION - FOURNITURE D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES PAR DES ENTREPRISES AUTORISEES DANS LE CADRE D' UN MONOPOLE NATIONAL - MARCHE NATIONAL

( TRAITE CEE, ART . 86 )

5 . CONCURRENCE - POSITION DOMINANTE - EXISTENCE - DETENTION D' UNE PART DE MARCHE IMPORTANTE - INDICE INSUFFISANT

( TRAITE CEE, ART . 86 )

Sommaire

1 . LA COUR NE SAURAIT, QUE CE SOIT A LA DEMANDE D' UNE PARTIE AU LITIGE AU PRINCIPAL OU A LA DEMANDE D' UNE INSTITUTION AYANT USE DE LA FACULTE DE PRESENTER DES OBSERVATIONS, ETENDRE L' OBJET DE LA QUESTION SOUMISE A SON EXAMEN A TITRE PREJUDICIEL DANS UNE HYPOTHESE OU IL APPARAIT QUE CETTE EXTENSION, DEMANDEE EXPRESSEMENT PAR UNE PARTIE DEVANT LE JUGE NATIONAL, N' A PAS ETE ACCEPTEE PAR CELUI-CI .

2 . L' INTERPRETATION DE LA CONDITION D' AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES, FIGURANT DANS LES ARTICLES 85 ET 86 DU TRAITE, DOIT PRENDRE COMME POINT DE DEPART SON BUT, QUI EST DE DETERMINER LE DOMAINE D' APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE . C' EST AINSI QUE RELEVENT DU DROIT COMMUNAUTAIRE TOUTE ENTENTE ET TOUTE PRATIQUE SUSCEPTIBLES D' INFLUENCER, DE MANIERE DIRECTE OU INDIRECTE, ACTUELLE OU POTENTIELLE, LES COURANTS D' ECHANGE ENTRE LES ETATS MEMBRES ET D' ENTRAVER AINSI
L' INTERPENETRATION ECONOMIQUE VOULUE PAR LE TRAITE, EN REALISANT UN CLOISONNEMENT DU MARCHE .

3 . LA POSITION DOMINANTE VISEE PAR L' ARTICLE 86 DU TRAITE SE CARACTERISE PAR UNE SITUATION DE PUISSANCE ECONOMIQUE DETENUE PAR UNE ENTREPRISE, QUI DONNE A CELLE-CI LE POUVOIR DE FAIRE OBSTACLE AU MAINTIEN D' UNE CONCURRENCE EFFECTIVE SUR LE MARCHE EN LUI FOURNISSANT LA POSSIBILITE DE COMPORTEMENTS INDEPENDANTS DANS UNE MESURE APPRECIABLE VIS-A-VIS DE SES CONCURRENTS ET DE SES CLIENTS .

4 . NE RELEVENT PAS DE L' INTERDICTION DE L' ARTICLE 86 DU TRAITE DES PRATIQUES CONTRACTUELLES, MEME ABUSIVES, D' UNE ENTREPRISE D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES QUI DETIENT UNE PART IMPORTANTE D' UN MARCHE REGIONAL DANS UN ETAT MEMBRE, DES LORS QUE CETTE ENTREPRISE N' A PAS UNE POSITION DOMINANTE SUR LE MARCHE NATIONAL DES INSTALLATIONS TELEPHONIQUES . SEUL CE DERNIER PEUT EN EFFET ETRE PRIS EN CONSIDERATION DANS CE SECTEUR D' ACTIVITE, CAR CE N' EST QU' A SON NIVEAU QUE LES CONDITIONS DE CONCURRENCE
SONT SUFFISAMMENT HOMOGENES, COMPTE TENU DE L' EXISTENCE D' UN MONOPOLE DES TELECOMMUNICATIONS DONT IL RESULTE QUE LA FOURNITURE D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES NE PEUT ETRE PROPOSEE QUE PAR L' ADMINISTRATION DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS, D' UNE PART, ET DES INSTALLATEURS PRIVES AUXQUELS CELLE-CI DELEGUE PARTIELLEMENT L' EXERCICE DU MONOPOLE, AU MOYEN D' AUTORISATIONS VALABLES AU NIVEAU NATIONAL, D' AUTRE PART .

5 . SI LE FAIT QU' UNE ENTREPRISE DETIENNE UNE PART DE MARCHE DE GRANDE AMPLEUR PEUT ETRE UN INDICE SIGNIFICATIF DE L' EXISTENCE D' UNE POSITION DOMINANTE, CETTE CIRCONSTANCE, PRISE ISOLEMENT, N' EN EST PAS NECESSAIREMENT UN FACTEUR DETERMINANT, MAIS DOIT ETRE PRISE EN CONSIDERATION ENSEMBLE AVEC D' AUTRES FACTEURS .

Parties

DANS L' AFFAIRE 247/86,

AYANT POUR OBJET UNE DEMANDE ADRESSEE A LA COUR, EN APPLICATION DE L' ARTICLE 177 DU TRAITE CEE, PAR LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG TENDANT A OBTENIR, DANS LE LITIGE PENDANT DEVANT CETTE JURIDICTION ENTRE

ALSATEL - SOCIETE ALSACIENNE ET LORRAINE DE TELECOMMUNICATIONS ET D' ELECTRONIQUE,

ET

SA NOVASAM,

UNE DECISION A TITRE PREJUDICIEL SUR L' INTERPRETATION DE L' ARTICLE 86 DU TRAITE CEE,

LA COUR ( SIXIEME CHAMBRE ),

COMPOSEE DE MM . O . DUE, PRESIDENT DE CHAMBRE, G . C . RODRIGUEZ IGLESIAS, T . KOOPMANS, K . BAHLMANN ET C . N . KAKOURIS, JUGES,

AVOCAT GENERAL : M . G . F . MANCINI

GREFFIER : MME B . PASTOR, ADMINISTRATEUR

CONSIDERANT LES OBSERVATIONS PRESENTEES :

- POUR ALSATEL, PARTIE REQUERANTE AU PRINCIPAL, PAR ME.M . MEYER,

- POUR LA SOCIETE NOVASAM, PARTIE DEFENDERESSE AU PRINCIPAL, PAR ME L . ANSTETT-GARDEA,

- POUR LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES PAR SON CONSEILLER JURIDIQUE MME C . DURAND ET PAR MME N.COUTRELIS,

VU LE RAPPORT D' AUDIENCE ET A LA SUITE DE LA PROCEDURE ORALE DU 17 NOVEMBRE 1987,

AYANT ENTENDU LES CONCLUSIONS DE L' AVOCAT GENERAL PRESENTEES A L' AUDIENCE DU 31 MAI 1988,

REND LE PRESENT

ARRET

Motifs de l'arrêt

PAR JUGEMENT DU 17 SEPTEMBRE 1986, PRECISE ET COMPLETE PAR JUGEMENT DU 10 DECEMBRE SUIVANT, PARVENUS A LA COUR RESPECTIVEMENT LE 2 OCTOBRE ET LE 29 DECEMBRE, LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG A POSE, EN VERTU DE L' ARTICLE 177 DU TRAITE CEE, UNE QUESTION PREJUDICIELLE RELATIVE A L' INTERPRETATION DE L' ARTICLE 86 DU TRAITE .

CETTE QUESTION A ETE SOULEVEE DANS LE CADRE D' UN LITIGE ENTRE LA SOCIETE ALSACIENNE ET LORRAINE DE TELECOMMUNICATIONS ET D' ELECTRONIQUE ( ALSATEL, CI-APRES "DEMANDERESSE ") ET LA SOCIETE ANONYME DE TRAVAIL TEMPORAIRE NOVASAM ( CI-APRES "DEFENDERESSE "), AYANT POUR OBJET LA RECLAMATION PAR LA PREMIERE SOCIETE A LA SECONDE D' UNE INDEMNITE EQUIVALANT AUX TROIS QUARTS DES ANNUITES RESTANT A COURIR DE LA DUREE DE TROIS CONTRATS DE LOCATION-ENTRETIEN D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES RESILIES PAR LA
DEFENDERESSE . LES INSTALLATIONS EN CAUSE, DONT CHACUNE COMPREND PLUSIEURS POSTES, APPARTIENNENT A LA CATEGORIE DES INSTALLATIONS DITES COMPLEXES .

IL RESSORT DU JUGEMENT DE RENVOI QUE LES CONTRATS DE LOCATION ET ENTRETIEN DE MATERIEL TELEPHONIQUE QUE LA DEMANDERESSE SOUMET A LA SOUSCRIPTION DE SES CLIENTS ONT UNE DUREE INITIALE DE QUINZE ANS, MAIS QU' ILS SONT RECONDUITS POUR UNE DUREE IDENTIQUE SI, SUITE A DES MODIFICATIONS DE L' INSTALLATION, LE LOYER INITIAL SUBIT UNE AUGMENTATION DE 25 % AU MOINS .

SELON LA JURIDICTION NATIONALE, LE CONTRAT COMPORTE UNE OBLIGATION D' EXCLUSIVITE A LA CHARGE DU LOCATAIRE POUR TOUT CHANGEMENT, DEPLACEMENT, EXTENSION, MISE EN SERVICE DES LIGNES ET, EN GENERAL, TOUTE MODIFICATION DE L' INSTALLATION . CETTE OBLIGATION INTERDIRAIT DANS LES FAITS AUX LOCATAIRES DE S' ADRESSER A UN AUTRE FOURNISSEUR DE MATERIEL PENDANT TOUTE LA DUREE DU CONTRAT . LES MODIFICATIONS DE L' INSTALLATION ENTRAINERAIENT L' ETABLISSEMENT D' AVENANTS DONT LE PRIX SERAIT INDETERMINE ET, COMPTE
TENU DE L' OBLIGATION D' EXCLUSIVITE IMPOSEE AUX LOCATAIRES, POURRAIT ETRE FIXE UNILATERALEMENT PAR LA DEMANDERESSE .

LA DEFENDERESSE AYANT FAIT VALOIR QUE LES CONTRATS RESILIES ETAIENT CONTRAIRES AUX REGLES DE CONCURRENCE DU TRAITE CEE, LA JURIDICTION NATIONALE A DECIDE DE SURSEOIR A STATUER ET A POSE A LA COUR LA QUESTION PREJUDICIELLE SUIVANTE :

"EU EGARD A LA PART IMPORTANTE QUE DETIENT ALSATEL SUR LE MARCHE REGIONAL, LES CONTRATS ETABLIS PAR CETTE SOCIETE REVELENT-ILS DE SA PART L' EXPLOITATION ABUSIVE D' UNE POSITION DOMINANTE AU SENS DE L' ARTICLE 86 DU TRAITE CEE?"

EN CE QUI CONCERNE LES FAITS DE L' AFFAIRE, LE DEROULEMENT DE LA PROCEDURE ET LES OBSERVATIONS PRESENTEES A LA COUR, IL EST RENVOYE AU RAPPORT D' AUDIENCE . CES ELEMENTS DU DOSSIER NE SONT REPRIS CI-DESSOUS QUE DANS LA MESURE NECESSAIRE AU RAISONNEMENT DE LA COUR .

COMPTE TENU DE CE QUE LA COMMISSION ET LA DEFENDERESSE ONT INVITE LA COUR A EXAMINER LES PROBLEMES POSES NON SEULEMENT SOUS L' ANGLE DE L' ARTICLE 86 DU TRAITE, SEUL VISE PAR LA QUESTION DE LA JURIDICTION NATIONALE, MAIS EGALEMENT DE L' ARTICLE 85 DU TRAITE, IL CONVIENT DE RELEVER D' EMBLEE QUE LA COUR NE SAURAIT SUIVRE UNE TELLE VOIE .

EN EFFET, IL RESSORT DU DOSSIER QU' EN L' ESPECE LA JURIDICTION NATIONALE, SEULE COMPETENTE, DANS LE CADRE DU SYSTEME DE L' ARTICLE 177, POUR APPRECIER LA PERTINENCE DES QUESTIONS D' INTERPRETATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE EN VUE DE TRANCHER LE LITIGE DONT ELLE EST SAISIE, A REFUSE IMPLICITEMENT, EN NE VISANT DANS SA QUESTION QUE L' ARTICLE 86, D' INTERROGER LA COUR A L' EGARD DE L' INTERPRETATION DE L' ARTICLE 85 DU TRAITE NONOBSTANT LA DEMANDE EXPRESSE PRESENTEE EN CE SENS PAR LA DEFENDERESSE AU
COURS DE LA PROCEDURE AU PRINCIPAL .

EN VUE DE REPONDRE A LA QUESTION POSEE, IL CONVIENT DE RAPPELER D' ABORD QUE L' ARTICLE 86 DU TRAITE INTERDIT, DANS LA MESURE OU LE COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES EST SUSCEPTIBLE D' EN ETRE AFFECTE, L' EXPLOITATION ABUSIVE D' UNE POSITION DOMINANTE SUR LE MARCHE COMMUN OU DANS UNE PARTIE SUBSTANTIELLE DE CELUI-CI . OR, D' APRES LA DEFENDERESSE ET LA COMMISSION, LES CLAUSES IMPOSEES PAR LA DEMANDERESSE DANS LES CONTRATS QU' ELLE CONCLUT RELATIVEMENT A LA DUREE ET AU PRIX SERAIENT EN FAIT CONSTITUTIVES
D' UN ABUS DE POSITION DOMINANTE .

A CET EGARD, IL Y A LIEU DE RELEVER QUE SI L' OBLIGATION IMPOSEE AUX LOCATAIRES DE S' ADRESSER EXCLUSIVEMENT A L' INSTALLATEUR POUR TOUTE MODIFICATION DE L' INSTALLATION PEUT ETRE JUSTIFIEE PAR LE FAIT QUE L' EQUIPEMENT RESTE LA PROPRIETE DE L' INSTALLATEUR, LE CARACTERE INDETERMINE DU PRIX DES AVENANTS ENTRAINES PAR CES MODIFICATIONS, SA FIXATION UNILATERALE PAR L' INSTALLATEUR, AINSI QUE LA RECONDUCTION AUTOMATIQUE DU CONTRAT POUR QUINZE ANS SI LESDITES MODIFICATIONS COMPORTENT UNE AUGMENTATION DU
LOYER DE PLUS DE 25 %, PEUVENT CONSTITUER, EN REVANCHE, DES CONDITIONS DE TRANSACTION NON EQUITABLES INTERDITES EN TANT QUE PRATIQUES ABUSIVES PAR L' ARTICLE 86 DU TRAITE SI TOUTES LES CONDITIONS D' APPLICATION DE CET ARTICLE SONT REUNIES .

LA PREMIERE CONDITION D' APPLICATION DUDIT ARTICLE EST L' AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ETATS MEMBRES . L' INTERPRETATION DE CETTE CONDITION, FIGURANT AUX ARTICLES 85 ET 86 DU TRAITE, DOIT PRENDRE COMME POINT DE DEPART SON BUT, QUI EST DE DETERMINER LE DOMAINE D' APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE . C' EST AINSI QUE RELEVENT DU DOMAINE DU DROIT COMMUNAUTAIRE TOUTE ENTENTE ET TOUTE PRATIQUE SUSCEPTIBLES D' INFLUENCER, DE MANIERE DIRECTE OU INDIRECTE, ACTUELLE OU POTENTIELLE, LES
COURANTS D' ECHANGE ENTRE LES ETATS MEMBRES ET D' ENTRAVER AINSI L' INTERPENETRATION ECONOMIQUE VOULUE PAR LE TRAITE . CETTE CONDITION SERAIT REMPLIE NOTAMMENT SI LES CLAUSES CONTRACTUELLES CI-DESSUS RELEVEES AVAIENT POUR EFFET DE RESTREINDRE LES IMPORTATIONS DE MATERIEL TELEPHONIQUE EN PROVENANCE D' AUTRES ETATS MEMBRES PROVOQUANT DE CE FAIT UN CLOISONNEMENT DU MARCHE . AUCUN ELEMENT DU DOSSIER NE PERMET DE SUPPOSER QUE TEL EST LE CAS . IL APPARTIENT TOUTEFOIS A LA JURIDICTION NATIONALE D' ETABLIR
LES VERIFICATIONS DE FAIT NECESSAIRES A CET EGARD .

LA DEUXIEME CONDITION POSEE PAR L' ARTICLE 86 EST QU' IL Y AIT POSITION DOMINANTE SUR LE MARCHE COMMUN OU UNE PARTIE SUBSTANTIELLE DE CELUI-CI . UNE TELLE POSITION DOMINANTE SE CARACTERISE, SELON LA JURISPRUDENCE DE LA COUR ( VOIR ARRET DU 9 NOVEMBRE 1983, MICHELIN, 322/81, REC . P . 3461 ), PAR UNE SITUATION DE PUISSANCE ECONOMIQUE DETENUE PAR UNE ENTREPRISE, QUI DONNE A CELLE-CI LE POUVOIR DE FAIRE OBSTACLE AU MAINTIEN D' UNE CONCURRENCE EFFECTIVE SUR LE MARCHE EN LUI FOURNISSANT LA POSSIBILITE DE
COMPORTEMENTS INDEPENDANTS DANS UNE MESURE APPRECIABLE VIS-A-VIS DE SES CONCURRENTS ET DE SES CLIENTS .

POUR EXAMINER SI UNE TELLE POSITION DOMINANTE EXISTE DANS UN CAS COMME CELUI DE L' ESPECE, IL CONVIENT DE DETERMINER LA PUISSANCE ECONOMIQUE DE L' ENTREPRISE EN QUESTION SUR LE MARCHE EN CAUSE, LEQUEL DOIT ETRE DELIMITE TANT DU POINT DE VUE DES ACTIVITES CONCERNEES QUE DU POINT DE VUE DE SON ETENDUE GEOGRAPHIQUE .

A CET EFFET, IL CONVIENT DE TENIR COMPTE DES ELEMENTS DE FAIT SUIVANTS, QUI RESSORTENT DU DOSSIER : LES CONTRATS QUI SONT A L' ORIGINE DU LITIGE AU PRINCIPAL ONT POUR OBJET LA LOCATION ET L' ENTRETIEN D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES; EN RAISON DU REGIME DE MONOPOLE DES TELECOMMUNICATIONS EXISTANT EN FRANCE, LES INSTALLATIONS TELEPHONIQUES NE PEUVENT ETRE FOURNIES QUE PAR L' ADMINISTRATION DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS, D' UNE PART, ET, D' AUTRE PART, PAR DES INSTALLATEURS PRIVES, COMME ALSATEL,
AUXQUELS EST PARTIELLEMENT DELEGUE L' EXERCICE DU MONOPOLE; CES INSTALLATEURS PRIVES DOIVENT ETRE AUTORISES PAR L' ADMINISTRATION; ENFIN, LES AUTORISATIONS ACCORDEES SONT VALABLES AU NIVEAU NATIONAL .

IL S' ENSUIT QUE LE CADRE DANS LEQUEL LES CONDITIONS DE CONCURRENCE SONT SUFFISAMMENT HOMOGENES POUR POUVOIR APPRECIER LA PUISSANCE ECONOMIQUE DE L' ENTREPRISE DONT IL EST QUESTION EST LE MARCHE DES INSTALLATIONS TELEPHONIQUES SUR L' ENSEMBLE DU TERRITOIRE FRANCAIS .

LA COMMISSION A NEANMOINS SOUTENU QUE, A L' INTERIEUR DU MARCHE GLOBAL DES INSTALLATIONS TELEPHONIQUES, IL SERAIT POSSIBLE DE DISTINGUER, DU POINT DE VUE DES ACTIVITES CONCERNEES, UN MARCHE DE LA LOCATION-ENTRETIEN DE MATERIEL TELEPHONIQUE ET QUE, SUR CE PLAN, EN RAISON NOTAMMENT DE L' IMPORTANCE DU FACTEUR ENTRETIEN, LA CONCURRENCE ENTRE LES INSTALLATEURS S' EXERCERAIT, EN PREMIER, LIEU DANS LE CADRE LOCAL ET REGIONAL . CE SERAIT DONC SUR CE SOUS-MARCHE GEOGRAPHIQUE QUE DEVRAIT ETRE APPRECIEE LA
SITUATION DES INSTALLATEURS AFIN DE DETERMINER S' ILS DETIENNENT OU NON UNE POSITION DOMINANTE EN CE QUI CONCERNE LE MARCHE DE LA LOCATION-ENTRETIEN D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES .

A CET EGARD, IL CONVIENT D' OBSERVER QUE, S' AGISSANT D' APPRECIER SI L' ENTREPRISE A UNE PUISSANCE ECONOMIQUE LUI PERMETTANT DE FAIRE OBSTACLE AU MAINTIEN D' UNE CONCURRENCE EFFECTIVE, ON NE SAURAIT ISOLER COMME MARCHE A PRENDRE EN CONSIDERATION CELUI DE LA LOCATION-ENTRETIEN, ALORS QU' IL APPARAIT QUE LES USAGERS ONT LE CHOIX ENTRE CETTE MODALITE CONTRACTUELLE ET CELLE DE L' ACHAT DES MEMES EQUIPEMENTS . LA THESE DE LA COMMISSION SUR LE CARACTERE NON INTERCHANGEABLE DE CES DEUX MODALITES, QUI EST
FONDEE SUR LA PERSPECTIVE DES SEULS USAGERS AYANT DEJA OPTE POUR LA LOCATION-ENTRETIEN, NE PEUT ETRE RETENUE .

AUCUN ELEMENT DU DOSSIER NE PERMET DE SUPPOSER QUE LA DEMANDERESSE JOUIT D' UNE POSITION DOMINANTE SUR L' ENSEMBLE DU TERRITOIRE FRANCAIS . EN REVANCHE, LA SEULE CIRCONSTANCE DE FAIT DONT LE JUGEMENT DE RENVOI FAIT ETAT A L' EGARD DE LA PUISSANCE ECONOMIQUE DE LA DEMANDERESSE EST LA PART IMPORTANTE DETENUE PAR CETTE ENTREPRISE SUR LE MARCHE REGIONAL .

A CET EGARD, IL CONVIENT DE RELEVER QU' UNE TELLE CONSTATATION N' EST PAS SUFFISANTE POUR ETABLIR L' EXISTENCE D' UNE POSITION DOMINANTE DE L' ENTREPRISE EN CAUSE . EN EFFET, D' UNE PART, IL RESULTE DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR QUE SI LE FAIT QU' UNE ENTREPRISE DETIENNE UNE PART DE MARCHE D' UNE GRANDE AMPLEUR PEUT ETRE, CERTES, UN INDICE SIGNIFICATIF DE L' EXISTENCE D' UNE POSITION DOMINANTE, CETTE CIRCONSTANCE, PRISE ISOLEMENT, N' EN EST PAS NECESSAIREMENT UN FACTEUR DETERMINANT, MAIS DOIT ETRE
PRISE EN CONSIDERATION ENSEMBLE AVEC D' AUTRES FACTEURS ( VOIR ARRET DU 13 FEVRIER 1979, HOFFMANN-LA ROCHE, 85/76, REC . P . 461 ). D' AUTRE PART, IL RESULTE DE CE QUI PRECEDE QUE, DANS DES CIRCONSTANCES TELLES QUE CELLES DE L' ESPECE, LA PUISSANCE ECONOMIQUE DE L' ENTREPRISE NE PEUT ETRE APPRECIEE QUE DANS LE CADRE GEOGRAPHIQUE DE L' ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL .

SI LA PART IMPORTANTE DETENUE DANS LE MARCHE REGIONAL PAR LA DEMANDERESSE ETAIT LE RESULTAT D' UNE ENTENTE ENTRE LES INSTALLATEURS AUTORISES VISANT AU PARTAGE DES MARCHES REGIONAUX, UNE TELLE ENTENTE DEVRAIT ETRE APPREHENDEE PAR L' ARTICLE 85 DU TRAITE . CE N' EST QUE SI UNE TELLE REPARTITION ETAIT LE FAIT D' UN ENSEMBLE D' ENTREPRISES RELEVANT DU MEME GROUPE QUE, CONFORMEMENT A LA JURISPRUDENCE DE LA COUR, L' ARTICLE 86 POURRAIT ETRE APPLICABLE ( VOIR ARRETS DU 8 JUIN 1971, DEUTSCHE GRAMMOPHON,
78/70, REC . P . 487, ET DU 16 DECEMBRE 1975, SUIKER UNIE, 40 A 48, 50, 54 A 56, 111, 113 ET 114/73 REC . P . 1663 ).

LA COMMISSION A, TOUTEFOIS, SUGGERE A LA COUR D' EXAMINER SI UN PARALLELISME DE COMPORTEMENT DE PLUSIEURS ENTREPRISES INDEPENDANTES, NOTAMMENT EN MATIERE DE PRIX ET CONDITIONS DE TRANSACTIONS, QUI NE LAISSERAIT A LEURS CLIENTS AUCUNE POSSIBILITE DE NEGOCIER LES TERMES DES CONTRATS A CONCLURE, POURRAIT DONNER LIEU A UNE POSITION DOMINANTE COLLECTIVE RELEVANT DE L' ARTICLE 86 DU TRAITE .

A CET EGARD, IL CONVIENT DE RELEVER QUE LA COUR NE SAURAIT SE PLACER DANS UNE TELLE HYPOTHESE, ALORS QUE CELLE-CI EST ETRANGERE A LA SITUATION DE FAIT ENVISAGEE PAR LA JURIDICTION NATIONALE ET QU' ELLE N' EST BASEE QUE SUR DES INFORMATIONS DONT LA COMMISSION DISPOSERAIT ET QUI, A SES DIRES MEMES, NE SERAIENT PAS SUFFISAMMENT PRECISES . DANS LE CAS OU LA COMMISSION ESTIMERAIT QU' IL Y A DES INDICES DE L' EXISTENCE DE PRATIQUES CONTRAIRES AUX REGLES DE CONCURRENCE DU TRAITE, IL LUI INCOMBERAIT DE
METTRE EN OEUVRE LES POUVOIRS D' ENQUETE QU' ELLE DETIENT EN VUE DE VEILLER A L' APPLICATION DE CES REGLES .

IL CONVIENT DONC DE REPONDRE A LA JURIDICTION NATIONALE QUE NE RELEVENT PAS DE L' INTERDICTION DE L' ARTICLE 86 DU TRAITE CEE DES PRATIQUES CONTRACTUELLES, MEME ABUSIVES, D' UNE ENTREPRISE D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES QUI DETIENT UNE PART IMPORTANTE DU MARCHE REGIONAL DANS UN ETAT MEMBRE, DES LORS QUE CETTE ENTREPRISE N' A PAS UNE POSITION DOMINANTE SUR LE MARCHE A PRENDRE EN CONSIDERATION, EN L' ESPECE LE MARCHE NATIONAL DES INSTALLATIONS TELEPHONIQUES .

Décisions sur les dépenses

SUR LES DEPENS

LES FRAIS EXPOSES PAR LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, QUI A SOUMIS DES OBSERVATIONS A LA COUR, NE PEUVENT FAIRE L' OBJET D' UN REMBOURSEMENT . LA PROCEDURE REVETANT, A L' EGARD DES PARTIES AU PRINCIPAL, LE CARACTERE D' UN INCIDENT SOULEVE DEVANT LA JURIDICTION NATIONALE, IL APPARTIENT A CELLE-CI DE STATUER SUR LES DEPENS .

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR ( SIXIEME CHAMBRE ),

STATUANT SUR LA QUESTION A ELLE SOUMISE PAR LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG, PAR JUGEMENT DU 17 SEPTEMBRE 1986, PRECISE ET COMPLETE PAR JUGEMENT DU 10 DECEMBRE SUIVANT, DIT POUR DROIT :

L' ARTICLE 86 DU TRAITE CEE DOIT ETRE INTERPRETE EN CE SENS QUE NE RELEVENT PAS DE L' INTERDICTION DE CET ARTICLE DES PRATIQUES CONTRACTUELLES, MEME ABUSIVES, D' UNE ENTREPRISE D' INSTALLATIONS TELEPHONIQUES QUI DETIENT UNE PART IMPORTANTE DU MARCHE REGIONAL DANS UN ETAT MEMBRE, DES LORS QUE CETTE ENTREPRISE N' A PAS UNE POSITION DOMINANTE SUR LE MARCHE A PRENDRE EN CONSIDERATION, EN L' ESPECE LE MARCHE NATIONAL DES INSTALLATIONS TELEPHONIQUES .


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : 247/86
Date de la décision : 05/10/1988
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Strasbourg - France.

Paiement d'indemnité de résiliation d'un contrat de location d'installations téléphoniques - Abus de position dominante.

Concurrence

Position dominante

Ententes


Parties
Demandeurs : Société alsacienne et lorraine de télécommunications et d'électronique (Alsatel)
Défendeurs : SA Novasam.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mancini
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:469

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award