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28/06/1988 | CJUE | N°42/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 28 juin 1988., Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 28/06/1988, 42/87


Avis juridique important

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61987C0042

Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 28 juin 1988. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'État - Discrimination en raison de la nationalité - Accès à l'enseignement professionnel. - Affaire 42/87.
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ecueil de jurisprudence 1988 page 05445

Conclusions de l'avocat général

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Avis juridique important

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61987C0042

Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 28 juin 1988. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'État - Discrimination en raison de la nationalité - Accès à l'enseignement professionnel. - Affaire 42/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 05445

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La Commission vous demande, en application de l' article 169 du traité CEE, de constater que le royaume de Belgique, par le traitement qu' il applique aux ressortissants des autres États membres - à l' exception du Luxembourg - aux fins de déterminer le volume des crédits publics et le nombre d' emplois affectés aux établissements d' enseignement supérieur non universitaire, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE .

Les dispositions belges applicables en la matière figurent à l' article 2 de l' arrêté royal du 21 juillet 1982 modifié par l' article 1er de l' arrêté royal du 12 juillet 1984 . L' article 2 modifié prévoit que seules certaines catégories d' étudiants étrangers, autres que les ressortissants luxembourgeois, sont prises en compte pour déterminer les subventions d' État et le nombre d' emplois desdits établissements . Parmi les dix catégories énumérées sous b ) à k ) de l' article 2, paragraphe 1,
alinéa 2, les neuf premières ( comprenant les étudiants dont le père, la mère ou le tuteur est de nationalité belge ou réside en Belgique et les étudiants qui ont exercé une activité professionnelle en Belgique ou dont le conjoint y exerce une activité

professionnelle ) sont strictement définies; la dixième, qui fait l' objet de la lettre k ), est une catégorie résiduelle d' étudiants "autres ". Or, les étudiants relevant de cette catégorie k ) n' entrent en ligne de compte pour le financement qu' à concurrence de 2 % maximum du nombre d' étudiants belges ayant été pris en compte, pour l' établissement concerné, l' année universitaire précédente .

Cette situation n' a pas été modifiée par la loi du 21 juin 1985, dont la Cour a déjà eu à connaître dans l' affaire 293/85 ( arrêt du 2 février 1988, Rec . p . 305 ), qui a supprimé le droit d' inscription supplémentaire ( dit "minerval ") pour certaines catégories d' étudiants étrangers . L' article 64 de cette loi a même ajouté à la loi du 7 juillet 1970 relative à la structure générale de l' enseignement supérieur un article 9 bis prévoyant expressément que les établissements d' enseignement
supérieur sont en droit de refuser l' inscription d' étudiants qui n' entrent pas en ligne de compte pour les subventions . La Commission n' a pas expressément mentionné cette disposition dans l' avis motivé qu' elle a adressé au gouvernement belge le 25 juillet 1986, ni dans sa lettre du 15 novembre 1985 invitant les autorités belges à formuler leurs observations sur les infractions qui leur étaient reprochées; toutefois, elle a explicitement mentionné le risque, qui se vérifie en pratique selon
elle, que des ressortissants de la Communauté se voient refuser l' admission à l' enseignement desdits établissements en Belgique .

La Commission estime que pareil refus d' admission, effectif ou potentiel, prive les ressortissants de la Communauté qui souhaitent se rendre en Belgique à seule fin d' y suivre des études d' un droit qu' ils dérivent de l' article 7 du traité, associé à l' article 128, selon l' interprétation donnée par la Cour à l' occasion de l' affaire 293/83, Gravier/Ville de Liège ( Rec . 1985, p . 593 ). Au surplus, les enfants de travailleurs migrants risquent de se voir privés de certains droits découlant
de l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1612/68 du Conseil ( JO 1968, L 257, p . 2 ), qui prévoit que "les enfants d' un ressortissant d' un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d' un autre État membre sont admis aux cours d' enseignement général, d' apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire ". Les droits découlant de l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1612/68 sont
conservés par les enfants de travailleurs migrants décédés; en effet le règlement ( CEE ) n° 1251/70 de la Commission ( JO 1970, L 142, p . 24 ) prévoit, en son article 3, paragraphe 1, que "les membres de la famille d' un travailleur ... qui résident avec lui sur le territoire d' un État membre ont le droit d' y demeurer à titre permanent ... même après son décès" et, en son article 7, que "le droit à l' égalité de traitement, reconnu par le règlement ( CEE ) n° 1612/68 du Conseil, est maintenu en
faveur des bénéficiaires du présent règlement ".

La Belgique n' a jamais contesté la position de fond de la Commission - ni avant ni après l' introduction du recours . Le gouvernement belge a simplement déclaré que la loi serait modifiée . Il semble que certaines modifications aient été introduites par un arrêté royal du 6 novembre 1987 et que d' autres soient envisagées . Ce n' est qu' à l' audience que le gouvernement belge, sans toutefois contester l' existence d' une infraction, a émis l' idée que l' action de la Commission ne devrait pas être
dirigée contre l' article 2 de l' arrêté de 1982, mais contre les dispositions qui autorisent à refuser l' inscription d' étudiants n' entrant pas en ligne de compte pour le financement . Si cet argument avait été recevable - ce qui n' est pas le cas - nous l' aurions rejeté puisque, ainsi que nous l' avons déjà indiqué, le risque de ce refus d' admission était mentionné dans l' avis motivé .

Quant au fond, le recours de la Commission repose principalement sur l' arrêt rendu par la Cour dans l' affaire Gravier, aux termes duquel "les conditions d' accès à la formation professionnelle relèvent du domaine d' application du traité" ( attendu 25 ) et, dès lors, "l' imposition d' une redevance, un droit d' inscription ou d' un minerval, comme condition pour l' accès aux cours d' enseignement professionnel, aux étudiants ressortissant des autres États membres, alors qu' une même charge n' est
pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l' article 7 du traité" ( attendu 26 ).

Les dispositions litigieuses en l' espèce établissent manifestement une discrimination en raison de la nationalité et le recours vise ceux des établissements belges d' enseignement supérieur non universitaire qui dispensent une formation professionnelle au sens de la définition formulée dans l' attendu 30 de l' arrêt Gravier .

Les dispositions contestées affectent-elles "les conditions d' accès" à ladite formation? Dans l' arrêt Gravier, la Cour souligne que les questions posées ne concernent pas l' organisation de l' enseignement ni même son financement mais le fait d' ériger un obstacle financier à l' accès à l' enseignement ( attendu 18 ) et déclare que "l' organisation de l' éducation et la politique de l' enseignement ne font pas partie en tant que telles des domaines que le traité a soumis à la compétence des
institutions communautaires" ( attendu 19 ). En revanche, "l' accès et la participation aux cours d' enseignement et d' apprentissage, en particulier lorsqu' il s' agit de formation professionnelle, ne sont pas étrangers au droit communautaire" ( ibidem ). La Cour établit donc une distinction entre l' organisation et le financement de l' enseignement, d' une part, et l' accès à l' enseignement, d' autre part .

Contrairement aux affaires Gravier et Forcheri ( affaire 152/82, Forcheri/Belgique, Rec . 1983, p . 2323 ), la présente affaire ne porte pas sur un obstacle financier direct à l' accès . Néanmoins, si les ressortissants de la Communauté ne peuvent plus se voir imposer des droits d' inscription ou de scolarité, et si ces droits ne sont pas versés par une autre source, l' établissement d' enseignement risque de ne plus être en mesure, sur le plan économique, d' offrir des places aux ressortissants de
la Communauté dès lors que la limite de 2 % est atteinte . La Commission soutient en substance que si l' organisation et la politique de l' éducation, ce qui comprend le financement, sont des questions qui relèvent des États membres, le droit communautaire s' oppose cependant à ce que ces derniers organisent le financement de la formation professionnelle selon des modalités qui permettent à leurs propres ressortissants d' accéder à pareille formation sans limite de nombre mais qui, en revanche,
limitent en pratique le nombre des ressortissants d' autres États membres qui peuvent y accéder .

Dans l' arrêt rendu à l' occasion de l' affaire 39/86, Lair/Universitaet Hannover ( arrêt du 21 juin 1988, Rec . p . 0000 ), la Cour a dit pour droit que les aides accordées aux étudiants pour leur entretien et leur formation ne relevaient pas du domaine d' application de l' article 7 du traité mais, d' une part, de la politique de l' enseignement qui n' a pas été soumise en tant que telle à la compétence des institutions communautaires, comme l' avait déjà déclaré l' arrêt Gravier, et, d' autre
part, de la politique sociale qui appartient au domaine de compétence des États membres dans la mesure où elle ne fait pas l' objet de dispositions particulières du traité ( voir affaires jointes 281, 283 à 285 et 287/85, République fédérale d' Allemagne et autres/Commission, arrêt du 9 juillet 1987, Rec . p . 3203 publié, en particulier attendu 14 ); elle a également dit pour droit dans cet arrêt que le principe dégagé dans l' arrêt Gravier ne s' appliquait qu' aux aides destinées à couvrir les
droits d' inscription et de scolarité exigés pour l' accès à l' enseignement ( attendus 14 et 15 ). Cette jurisprudence a été confirmée à l' occasion de l' affaire 197/86, Brown/Secretary of State for Scotland ( arrêt du 21 juin 1988, Rec . p . 0000 ); dans cette affaire qui avait trait au versement, par un État membre, tant des droits de scolarité que d' une bourse d' entretien, la Cour a estimé que seuls les premiers relevaient de l' article 7 du traité .

La présente affaire diffère des cas Lair et Brown . Les dispositions nationales applicables n' empêchaient pas Mme Lair ni M . Brown de suivre leurs études, même si elles les obligeaient à supporter une partie des frais pris en charge par l' État dans le cas de ses ressortissants . Au contraire, les dispositions belges qui sont en cause en l' espèce conduisent en puissance à ce que des ressortissants de la Communauté soient totalement écartés d' un enseignement .

Il est possible de soutenir que les dispositions belges litigieuses concernent le financement de l' enseignement et qu' elles ne relèvent donc pas de l' article 7 du traité, dans la mesure, en particulier, où il ressort de la jurisprudence Lair et Brown qu' il n' est pas nécessaire que toutes les modalités d' organisation touchant à la formation professionnelle soient identiques pour ressortissants et non-ressortissants .

Toutefois, selon nous, la limite de 2 % constitue un obstacle financier à l' accès à l' enseignement au sens de l' arrêt Gravier . Si aucune disposition financière n' est prévue pour les ressortissants de la Communauté dépassant le quota limite de 2 %, ceux qui sont en surnombre par rapport à ce pourcentage sont en fait écartés d' un enseignement en raison de leur nationalité . S' il n' est pas permis d' imposer une charge financière qui rend l' accès à la formation professionnelle plus difficile
pour les ressortissants des autres pays de la Communauté, des dispositions qui les empêchent totalement d' y accéder sont à plus forte raison inacceptables . C' est là une règle qui nous paraît relever d' une autre catégorie que les règles relatives aux bourses d' entretien; les politiques financières des États membres affectant l' accès à l' enseignement ne doivent pas être de nature à introduire, en pratique, une discrimination à raison de la nationalité contre des ressortissants de la Communauté
. Le bien-fondé du principal grief de la Commission nous paraît établi .

A titre de second moyen, la Commission fait valoir que l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1612/68 confère aux enfants des travailleurs migrants le droit d' être admis aux types d' enseignements qu' il énumère ( et qui ne se limitent pas à la formation professionnelle ) dans les mêmes conditions que les ressortissants de l' État hôte . Certaines catégories d' enfants de travailleurs migrants ne sont pas expressément prévues aux lettres a ) à j ) de l' article 2, paragraphe 1, alinéa 2 ) de l'
arrêté de 1982 modifié . En particulier, ces dispositions ne prévoient pas le cas des enfants, résidant en Belgique, de travailleurs migrants eux-mêmes décédés ou ne résidant plus en Belgique .

A l' occasion de l' affaire Casagrande/Landeshauptstadt Moenchen ( Rec . 1974, p . 773 ), la Cour a interprété l' article 12 comme visant "non seulement les règles relatives à l' admission, mais également les mesures générales tendant à faciliter la fréquentation de l' enseignement" ( attendu 4 ) et, se fondant sur l' alinéa 2 qui impose aux États membres d' encourager "les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions", elle a conclu que l' article
12 "tendait à encourager des efforts spéciaux, afin d' assurer qu' ils ( les enfants des travailleurs migrants ) puissent profiter sur pied d' égalité de l' enseignement et des moyens de formation disponibles" ( ibidem ).

Selon nous, la Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 12 du règlement ( CEE ) n° 1612/68 en omettant de prévoir des dispositions spéciales en faveur de certains des bénéficiaires de cet article, les plaçant ainsi dans la catégorie résiduelle visée sous k ) de la disposition nationale applicable, situation ayant pour conséquence que certains d' entre eux risquent de se voir refuser l' accès à l' enseignement en cause .

Nous vous proposons donc de faire droit à l' ensemble de la requête de la Commission et de condamner la Belgique aux dépens .

(*) Traduit de l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42/87
Date de la décision : 28/06/1988
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'État - Discrimination en raison de la nationalité - Accès à l'enseignement professionnel.

Libre circulation des travailleurs

Non-discrimination

Non-discrimination en raison de la nationalité


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Bahlmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:341

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