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14/06/1988 | CJUE | N°210/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 14 juin 1988., Remo Padovani et héritiers Mantovani contre Amministrazione delle finanze dello Stato., 14/06/1988, 210/87


Avis juridique important

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61987C0210

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 14 juin 1988. - Remo Padovani et héritiers Mantovani contre Amministrazione delle finanze dello Stato. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile e penale di Venezia - Italie. - Recouvrement a posteriori d'un suppl

ément de prélèvement agricole non perçu - Applicabilité de principe de p...

Avis juridique important

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61987C0210

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 14 juin 1988. - Remo Padovani et héritiers Mantovani contre Amministrazione delle finanze dello Stato. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile e penale di Venezia - Italie. - Recouvrement a posteriori d'un supplément de prélèvement agricole non perçu - Applicabilité de principe de protection de la confiance légitime. - Affaire 210/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 06177

Conclusions de l'avocat général

++++

M . le Président,

Messieurs les Juges,

1 . En matière de prélèvements agricoles, l' article 15, paragraphe 1, du règlement n° 120/67/CEE du Conseil, du 13 juin 1967 ( 1 ), portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, disposait que le "prélèvement à percevoir est celui qui est applicable au jour de l' importation ".

2 . Par votre arrêt Frecassetti du 15 juin 1976, vous avez interprété cette disposition en estimant que le "jour de l' importation" était "celui où la déclaration d' importation de la marchandise est acceptée par le service des douanes" ( 2 ).

3 . Cette interprétation est venue infirmer une pratique constante des autorités italiennes consistant à appliquer, comme en matière de droits de douane, le taux de prélèvement le plus favorable tant que la marchandise n' a pas été mise à la disposition de l' importateur, pourvu que ce dernier en fasse la demande . L' accent étant ainsi mis, par votre arrêt, sur les insuffisances, au regard du droit communautaire, des prélèvements agricoles opérés conformément à cette pratique, les autorités
italiennes ont entrepris des actions en recouvrement de suppléments relatifs à des importations passées .

4 . Saisi de litiges concernant de semblables actions, le "tribunale civile e penale" de Venise vous a posé, par une ordonnance rendue le 19 mars 1987, des questions préjudicielles qui reviennent, en substance, à vous demander si, en vertu du droit communautaire, un principe de confiance légitime permet d' éviter le recouvrement de suppléments, par rapport à des prélèvements antérieurs à un arrêt préjudiciel, dès lors que les opérateurs concernés avaient cru, de bonne foi, compte tenu de la pratique
de l' administration nationale ensuite infirmée par cet arrêt, bénéficier à juste titre du calcul au taux le plus favorable .

5 . Ces questions constituent, en réalité, le dernier épisode en date d' une longue bataille judiciaire et juridique au cours de laquelle des importateurs italiens de céréales ayant bénéficié de l' application du taux le plus favorable s' emploient à faire échec au recouvrement de suppléments que paraît justifier l' arrêt Frecassetti . Il nous semble important, pour apprécier clairement les enjeux de la décision que vous allez rendre, de rappeler les étapes de la discussion juridique qui se déroule
devant vous, à travers une succession de saisines, depuis maintenant dix ans .

6 . Un premier argument de nature à rendre sans objet une action en recouvrement consistait à considérer que l' interprétation exposée dans l' arrêt Frecassetti ne pouvait produire effet que pour l' avenir, c' est-à-dire pour des importations postérieures à la publication de l' arrêt, et ne remettait par conséquent pas en cause la régularité de prélèvements relatifs à des importations antérieures .

7 . Vous avez écarté une telle analyse de l' application de vos arrêts préjudiciels dans le temps, en indiquant, dans votre arrêt Salumi du 27 mars 198O, dit arrêt Salumi I, que l' interprétation donnée par la Cour d' une règle de droit communautaire

"éclaire et précise ... la signification et la portée de cette règle telle qu' elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur",

et qu' il en résultait

"que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l' arrêt statuant sur la demande d' interprétation" ( 3 ).

On le voit, cette position de la Cour donnait, à la réclamation de suppléments litigieux, le fondement de droit communautaire que l' argumentation des opérateurs concernés avait tendu à nier .

8 . Dans le même arrêt, vous avez été amenés à préciser les conditions dans lesquelles le législateur national pouvait aménager ou limiter les effets d' une disposition communautaire, interprétée dans le cadre de l' article 177, tels que vous veniez de les décrire .

9 . Il vous fallait, en effet, répondre à une question inspirée par l' édiction, dans l' ordre juridique italien, d' un décret du président de la République du 22 septembre 1978, qui, notamment, excluait, pour les prélèvements agricoles, l' application du taux le plus favorable, tout en précisant que cette disposition entrerait en vigueur le 11 septembre 1976, date à laquelle l' arrêt Frecassetti avait été publié au Journal officiel des Communautés européennes . Cette mesure, apparemment destinée à
parer d' avance aux conséquences de votre position, prévisible, quant à l' effet des interprétations préjudicielles, consacrait sur le plan du droit interne l' interprétation de la réglementation communautaire donnée par l' arrêt Frecassetti, mais seulement à compter de la publication de cet arrêt, et ne remettait donc pas en cause les prélèvements antérieurs calculés par application du taux le plus favorable .

1O . Sur ce point, vous avez estimé qu' une

"réglementation nationale spéciale relative à la perception des taxes et redevances communautaires qui limiterait les pouvoirs accordés à l' administration nationale pour assurer la perception de ces taxes, par comparaison avec les pouvoirs accordés à cette même administration s' agissant de taxes ou redevances nationales du même type, ne serait ... pas conforme au droit communautaire" ( 4 ).

11 . Cette interprétation devait conduire les juges italiens à ne pas prendre en considération, dans les litiges relatifs à des suppléments de prélèvements, le décret présidentiel du 22 septembre 1978, précité, qui limitait les pouvoirs de recouvrement a posteriori de l' administration exclusivement à l' égard des prélèvements agricoles communautaires .

12 . Devant l' impossibilité d' invoquer une limitation des effets de l' arrêt Frecassetti tenant soit à sa nature même, soit à une disposition nationale, les opérateurs concernés ont alors tenté de prendre appui sur les dispositions du règlement n° 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement "a posteriori" des droits à l' importation ou des droits à l' exportation qui n' ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l'
obligation de payer de tels droits ( 5 ).

13 . Ce règlement tendait à substituer, à la situation juridique décrite dans l' arrêt Salumi I, caractérisée par le renvoi au législateur national de la détermination des règles de procédure et de fond relatives au recouvrement des prélèvements agricoles, une nouvelle situation juridique de détermination, au niveau communautaire, d' un certain nombre de ces règles, dans un cadre dépassant d' ailleurs ces seuls prélèvements . Pour les questions qui nous intéressent, il convient de noter que ce texte
limite, dans des cas déterminés, le pouvoir de recouvrement a posteriori de droits à l' importation ou à l' exportation . Ainsi, aucune action ne peut plus être engagée après l' expiration d' un délai de trois ans, ni lorsque le montant initial a été calculé sur la base de renseignements donnés par les autorités compétentes elles-mêmes et liant ces dernières . Par ailleurs, les autorités compétentes peuvent ne pas procéder au recouvrement a posteriori lorsque l' insuffisance de perception initiale
est le fruit de leur propre erreur, non décelable par le redevable ayant agi de bonne foi .

14 . Compte tenu des circonstances dans lesquelles des prélèvements insuffisants avaient eu lieu en Italie, les opérateurs avaient un intérêt évident à pouvoir invoquer les dispositions communautaires que nous venons de résumer . Une telle possibilité était cependant nécessairement subordonnée à la reconnaissance d' un effet rétroactif du règlement en cause .

15 . Votre Cour, saisie à ce sujet de questions par la Cour de cassation italienne, devait, par son arrêt Salumi du 12 novembre 1981 ( 6 ), dit arrêt Salumi II, écarter cette possibilité en se référant aux principes constants de sa jurisprudence relative à l' application des actes communautaires dans le temps . En l' absence de dispositions transitoires dans le règlement lui-même, les "principes d' interprétation généralement reconnus" ( 7 ) vous ont conduits à estimer qu' un

"effet rétroactif ne saurait être reconnu aux dispositions du règlement, à moins que des indications suffisamment claires conduisent à une telle conclusion",

et qu' en l' espèce

"tant les termes que l' économie générale du règlement, loin d' indiquer un effet rétroactif, amènent au contraire à conclure que le règlement ne dispose que pour l' avenir" ( 8 ).

Aussi avez-vous répondu que le règlement

"... ne s' applique pas aux liquidations des droits à l' importation ou à l' exportation effectuées antérieurement au 1er juillet 198O" ( 9 ).

16 . Dépourvue d' effet rétroactif, la réglementation communautaire des recouvrements a posteriori ne pouvait régir les prélèvements antérieurs à l' arrêt Frecassetti, lesquels demeuraient, par conséquent, soumis au régime juridique décrit dans l' arrêt Salumi I, c' est-à-dire aux règles de procédure et de fond prévues par la législation nationale . Devant une telle situation, les opérateurs concernés ont fait valoir, devant le tribunal de Venise, que le droit national ne s' appliquait que sous
réserve du respect d' un "principe de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime" ( 10 ) consacré par le droit communautaire et de portée générale, au-delà des dispositions spécifiques du règlement n° 1697/79, et que ce principe s' opposait aux recouvrements litigieux . C' est afin d' apprécier le bien-fondé de cette thèse que ce tribunal vous a saisis de deux questions préjudicielles .

17 . Il convient de préciser que la recherche, au niveau du droit communautaire, de principes ayant pour effet d' empêcher des actions en recouvrement a posteriori de prélèvements agricoles résulte du constat que le droit interne italien ne met pratiquement pas en oeuvre de tels principes . En effet, la seule protection qu' il accorde aux opérateurs ayant fait l' objet d' un prélèvement insuffisant est constituée par un délai de prescription de cinq ans . A l' intérieur de ce délai, la bonne foi d'
un opérateur n' est pas protégée de façon spécifique . Certes, le décret du président de la République du 22 septembre 1978 représentait une tentative de protection des intérêts d' opérateurs insuffisamment taxés avant l' arrêt Frecassetti, mais on a vu qu' elle ne satisfaisait pas aux exigences du droit communautaire et n' avait donc pas abouti .

18 . Aussi, les questions du juge a quo ont, en substance, la signification suivante : le droit communautaire fait-il obstacle à des recouvrements a posteriori à l' égard d' opérateurs de bonne foi auxquels l' administration a fait application d' une pratique erronée, alors que les modalités de perception de ces recouvrements relèvent du droit national et que celui-ci s' abstient de protéger, en pareil cas, les redevables?

19 . Le principe de protection de la confiance légitime, qui se rattache au principe plus général de sécurité juridique, fait incontestablement "partie de l' ordre juridique communautaire", comme l' a relevé expressément votre arrêt Toepfer du 3 mai 1978 ( 11 ). Le souci d' un équilibre entre les exigences de la légalité et les préoccupations d' équité se manifeste, sous des qualificatifs variables, dans votre jurisprudence . Si l' on s' attache à l' expression spécifique de ce souci que constitue
le principe de protection de la confiance légitime, on peut noter que son utilisation s' est d' abord développée à propos d' affaires mettant en cause l' activité, notamment normative, des institutions communautaires proprement dites . Entre autres illustrations, vous avez ainsi admis que le défaut, dans une réglementation communautaire, de mesures transitoires protégeant la confiance légitime des opérateurs pouvait, à certaines conditions, engager la responsabilité de la Communauté ( 12 ) et même
entraîner l' invalidité de cette réglementation ( 13 ), à moins de l' existence d' un intérêt public péremptoire .

2O . Mais, aujourd' hui, ce ne sont pas tant les effets dans l' ordre communautaire du principe de confiance légitime qui doivent être examinés que les rapports qu' il entretient avec les législations nationales . C' est bien sur ce terrain que se situent les questions qui vous sont posées . A l' appui de leur thèse, suivant laquelle le principe de protection de la confiance légitime s' opposerait à des recouvrements a posteriori de prélèvements communautaires bien que ceux-ci s' opèrent suivant des
modalités définies par un droit national ignorant une telle protection, les opérateurs économiques, demandeurs au principal, ont invoqué notamment votre arrêt Ferwerda du 5 mars 198O ( 14 ). Celui-ci était relatif à des questions préjudicielles nées de litiges concernant le remboursement de restitutions à l' exportation octroyées et payées indûment à la suite de l' application erronée d' un règlement communautaire, soit une situation présentant quelque analogie avec celle à propos de laquelle vous
êtes présentement saisis . L' aspect de l' arrêt précisément retenu par les demandeurs au principal est le constat qui y figure que

"l' application d' un principe de sécurité juridique, tiré du droit national en vertu duquel des avantages financiers indûment octroyés à un opérateur économique ne peuvent être récupérés à sa charge lorsque l' erreur commise n' est pas due à des renseignements inexacts fournis par le bénéficiaire ou que, même si ces renseignements étaient inexacts, mais fournis de bonne foi, l' erreur peut être aisément évitée, ne se heurte pas, dans l' état actuel du droit communautaire, à un principe général de
ce droit" ( 15 ),

ni, en l' espèce, à un texte communautaire spécial applicable à la matière précisément en cause ( 16 ). Des considérations analogues vous ont inspirés dans votre arrêt du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor ( 17 ). S' agissant, cette fois, d' aides pour le lait écrémé en poudre versées à tort, vous avez souligné que

"les principes du respect de la confiance légitime et de la sécurité juridique font partie de l' ordre juridique communautaire"

et qu' on

"ne saurait donc considérer comme contraire à ce même ordre juridique qu' une législation nationale assure le respect de la confiance légitime et de la sécurité juridique dans un domaine comme celui de la répétition d' aides communautaires indûment versées" ( 18 ).

21 . Cette jurisprudence suffit-elle à convaincre du bien-fondé de la thèse avancée par les opérateurs concernés? Nous ne le pensons pas . Au-delà de certaines ressemblances entre, d' une part, les situations juridiques envisagées dans les deux arrêts et, d' autre part, celle qui vous est présentement soumise, il nous semble que les solutions qu' ils retiennent ne sont pas purement et simplement transposables .

22 . Certes, il s' agit bien, chaque fois, de litiges relatifs à des recouvrements concernant soit des aides communautaires indûment versées, soit des ressources communautaires insuffisamment perçues, et s' opérant suivant des modalités définies par les législations nationales . Cependant, il est clair que vos arrêts se prononcent sur la question de savoir si le droit communautaire s' oppose à ce que ces législations nationales mettent en oeuvre des principes de sécurité juridique et de confiance
légitime de telle façon que les recouvrements soient empêchés à l' égard d' opérateurs de bonne foi . Or, il vous est demandé aujourd' hui si le droit communautaire oblige les autorités des États membres, chargées de percevoir les prélèvements agricoles suivant des modalités définies par un droit national ignorant la protection de la confiance légitime, à s' abstenir des recouvrements a posteriori à l' égard des opérateurs de bonne foi .

23 . Dans votre jurisprudence, il est dit qu' à certaines conditions le droit communautaire ne fait pas obstacle à la protection de la sécurité juridique et de la confiance légitime par le droit national, applicable en l' espèce . Nous ne pensons pas que l' on puisse directement en déduire que le droit communautaire protège la sécurité juridique et la confiance légitime, alors même que le droit national, applicable en l' espèce, s' abstient d' organiser semblable protection .

24 . Vos arrêts ont envisagé le problème des éventuels freins communautaires à l' égard de l' équité consacrée par les législations nationales . On ne peut prétendre que les formules qu' ils retiennent sont, de plano, valables pour résoudre le problème de l' effet de l' équité consacrée par le droit communautaire à l' égard de législations nationales qui ne la mettent pas elles-mêmes en oeuvre .

25 . Le caractère distinct de ces problèmes a d' ailleurs été relevé par M . l' avocat général Verloren Van Themaat dans ses conclusions à propos de l' affaire Deutsche Milchkontor ( 19 ). En effet, après avoir rappelé les principes énoncés dans votre arrêt Ferwerda, précité, il observait :

"Nous n' avons pas encore répertorié de jurisprudence relative à la question de savoir si une façon de procéder inéquitablement dure au niveau du droit national peut être condamnée non seulement en vertu de principes de droit national, mais aussi en vertu d' autres principes généraux du droit communautaire",

question qui

"ne peut se poser que si les principes généraux du droit national en cause ne peuvent pas assurer une protection juridique suffisante" ( 20 ).

26 . Cette citation met assez bien en lumière le caractère propre du problème qui vous est posé . Il s' agit, au fond, de savoir si, à l' instar d' une situation dans laquelle le droit national pourrait se voir opposer les dispositions contraires, et d' effet direct, d' une directive, les règles nationales suivant lesquelles s' opère le recouvrement des prélèvements agricoles peuvent, dans la mesure où elles ne protègent pas la confiance légitime des opérateurs, se voir opposer un principe de droit
communautaire consacrant une telle protection .

27 . Or, il est clair que votre jurisprudence précitée ne tranche pas ce problème, et qu' il ne suffit donc pas de la transposer pour le résoudre dans le cadre de la présente saisine . Aussi est-ce à une analyse originale que vous devez procéder .

28 . A ce stade de l' examen des questions du tribunal de Venise, il nous appartient d' effectuer une mise au point au sujet de la position qui, lors de l' audience, a été attribuée à Mme l' avocat général Rozès et à M . l' avocat général Reischl . Il ne nous paraît pas, en effet, entièrement conforme à la réalité d' assimiler l' opinion exprimée par ces avocats généraux, dans des conclusions prononcées à propos de certaines affaires, à la thèse des opérateurs concernés . Dans ses conclusions sur l'
affaire Salumi I, M . Reischl, après avoir posé la question de savoir si

"la perception supplémentaire ... n' est pas exclue par le principe de protection de la confiance, que les ordres juridiques de tous les États membres connaissent",

avait répondu que, quand cette perception n' est pas rendue impossible par des raisons tenant aux conditions de recours ou aux délais prescrits,

"les tribunaux nationaux doivent pouvoir recourir au principe de protection de la confiance légitime lorsque la perception d' impositions insuffisantes repose, par exemple, sur des renseignements donnés par les autorités compétentes ... ou sur une erreur des autorités compétentes qu' un particulier de bonne foi ne pouvait pas reconnaître" ( 21 ).

Cette citation fait apparaître clairement que, pour M . Reischl, la perception supplémentaire peut se heurter à la confiance légitime consacrée par le droit national . Il esquisse ainsi le raisonnement qui sera développé dans les arrêts Ferwerda et Deutsche Milchkontor . En revanche, il n' est nullement question d' un obstacle à la perception supplémentaire résultant d' une protection de la confiance légitime par le droit communautaire . Pour sa part, Madame Rozès, concluant à propos de l' affaire
Salumi II, a observé, à propos du jugement des situations litigieuses non concernées par le règlement n° 1697/79, précité, parce qu' antérieures à son entrée en vigueur, que

"rien n' empêche les juridictions nationales de s' inspirer des principes qui sont à la base du règlement n° 1697/79 ..., dans la mesure où leur application aux procédures dont elles sont saisies ne rendrait pas le recouvrement a posteriori des prélèvements communautaires pratiquement impossible ou moins efficace que la perception des taxes et redevances nationales du même type" ( 22 ).

Ce point de vue diffère du précédent en ce qu' il fait découler les obstacles à la perception supplémentaire auxquels pourraient se référer les juges nationaux de principes communautaires, ceux qui sont "à la base" d' un règlement communautaire non directement applicable aux situations litigieuses . Nous noterons, toutefois, qu' il y a une différence importante entre la faculté qui, aux yeux de l' avocat général, est laissée aux juges nationaux de faire obstacle à la perception supplémentaire en se
référant à ces principes et l' obligation d' y faire obstacle qui, dans la thèse des opérateurs, comporterait le principe de protection de la confiance légitime consacré par le droit communautaire .

29 . Cette mise au point étant faite, il convient maintenant d' examiner un argument de la Commission selon lequel la situation d' opérateurs ayant fait l' objet d' une application incorrecte du droit communautaire en raison d' une erreur d' interprétation des autorités nationales ne pourrait jamais donner lieu à une protection, au niveau communautaire, de la confiance légitime . L' argument s' appuie sur votre arrêt du 15 décembre 1982, Maïzena ( 23 ), relatif aux restitutions à la production d'
amidon fabriqué à partir du maïs .

3O . En présence d' une allégation d' un opérateur suivant laquelle une violation du principe de protection de la confiance légitime aurait été constituée par le fait qu' un État membre s' était départi inopinément, dans l' application d' une réglementation communautaire, de la pratique suivie depuis plusieurs années et non contestée par la Commission, vous avez répondu qu' une

"pratique d' un État membre non conforme à la réglementation communautaire ne peut jamais donner lieu à des situations juridiques protégées par le droit communautaire, et cela même dans le cas où la Commission aurait omis de faire les démarches nécessaires pour obtenir de la part de cet État une application correcte de la réglementation communautaire" ( 24 ).

31 . Cette formulation de principe donne matière à réflexion, dans la mesure où la situation évoquée aujourd' hui devant vous concerne précisément une pratique erronée, par un État membre, de perceptions communautaires, sans contestation de la Commission .

32 . Nous ne vous proposons pas, toutefois, de vous arrêter aux énonciations de l' arrêt Maïzena pour exclure a priori la possibilité d' une application du principe communautaire de protection de la confiance légitime . Il nous paraît, en effet, que la portée de cet arrêt doit être déterminée en tenant compte de la jurisprudence par laquelle vous avez consacré l' existence, dans l' ordre communautaire, de principes de sécurité juridique et de confiance légitime . S' agissant de principes qui, par
définition, tendent à protéger, au nom d' un équilibre entre l' équité et la légalité, des situations illégales d' un strict point de vue juridique, il est permis d' hésiter à donner, de votre arrêt Maïzena, une interprétation qui leur ôterait une grande partie de leurs effets .

33 . Certes, il serait possible, à partir d' une confrontation entre, d' une part, vos arrêts Ferwerda et Deutsche Milchkontor et, d' autre part, votre arrêt Maïzena, d' estimer que votre jurisprudence procède à une répartition des rôles entre les principes nationaux et les principes communautaires de protection de la sécurité juridique et de la confiance légitime . Les principes communautaires s' appliqueraient au bénéfice des opérateurs lorsque c' est l' activité des institutions communautaires
qui est en cause, mais pas lorsqu' il s' agit de l' exécution, par les États membres, de réglementations communautaires . Dans ce dernier cas, les opérateurs ne pourraient donc se prévaloir du droit communautaire, mais ils auraient la possibilité d' invoquer la protection de la sécurité juridique et de la confiance légitime résultant de la législation nationale, sous réserve du respect de certaines conditions .

34 . Cette analyse conduirait, on le voit, à ne pas accueillir la thèse des opérateurs économiques demandeurs au principal . Nous pensons, toutefois, qu' il serait contestable de faire reposer sur des considérations essentiellement tirées du seul arrêt Maïzena une distinction aussi tranchée que celle exposée précédemment . Il convient, d' ailleurs, d' observer que la formule de principe énoncée dans cet arrêt doit déjà être nuancée en raison de l' existence, à travers le règlement n° 1697/79,
précité, de règles de droit communautaire ayant précisément pour objet la protection de situations juridiques dont certaines, par définition, sont le résultat d' une application incorrecte de ce droit par les autorités compétentes . Cela relativise l' affirmation selon laquelle une situation irrégulière par rapport au droit communautaire ne pourrait jamais être protégée par une règle quelconque de celui-ci .

35 . C' est pourquoi il nous paraît que l' argument tiré de l' arrêt Maïzena ne repose pas sur une analyse juridique suffisamment certaine pour mettre un terme à la discussion qu' appellent les questions du tribunal de Venise, et que celle-ci doit donc être menée plus avant .

36 . Les raisons qui conduiraient à regarder, dans la présente affaire, la prise en compte de considérations d' équité comme souhaitable ne manquent pas .

37 . Nous savons que la pratique de l' administration italienne dite du taux le plus favorable, qui existait d' ailleurs dans d' autres États membres et qui procédait d' une assimilation avec les règles applicables aux droits de douane, n' avait fait l' objet, avant l' affaire Frecassetti, d' aucune manifestation notable de désaccord de la part de la Commission . Bien au contraire, les institutions communautaires ont, notamment dans le cadre de la préparation d' une directive, paru manifester l'
intention de consacrer, sur le plan de la réglementation communautaire, la pratique du taux le plus favorable en matière de prélèvements agricoles . Les opérateurs concernés ont évoqué, à cet égard, plusieurs avant-projets de directive, ayant donné lieu à publication antérieurement à l' arrêt Frecassetti, qui érigeaient en règle la pratique considérée .

38 . Si l' on se réfère à l' opinion exprimée par M . l' avocat général Reischl dans ses conclusions à propos de l' affaire Amylum ( 25 ), selon laquelle une proposition publiée

"constitue selon la jurisprudence tant communautaire que nationale un instrument de référence pertinent au regard de la question de la protection de la confiance légitime" ( 26 ),

on ne peut éviter de considérer que les opérateurs bénéficiaires de la pratique du taux le plus favorable pouvaient légitimement placer leur confiance dans la validité des prélèvements dont ils étaient l' objet .

39 . De plus, il nous paraît difficile de penser que votre arrêt du 15 décembre 1971, Schleswig-Holsteinische Hauptgenossenschaft ( 27 ), relatif, comme votre arrêt postérieur Frecassetti, à l' interprétation de l' article 15, paragraphe 1, du règlement n° 12O/67 du Conseil, était de nature à révéler le caractère erroné de la pratique en cause et à dissiper, par conséquent, la confiance en sa validité .

4O . En effet, vous avez, dans cette décision, retenu, certes, pour une catégorie particulière de marchandises, une définition du jour de l' importation différente de celle que, sur un plan plus général, vous deviez consacrer en 1976 . Sous réserve de sa spécificité, la première définition pouvait apparaître comme moins incompatible avec la pratique du taux le plus favorable que la seconde . Aussi, sans aller jusqu' à dire qu' elle entretenait les opérateurs dans leur confiance, on doit reconnaître
qu' elle ne les incitait pas non plus à s' en départir .

41 . Cette première série d' observations amène donc à considérer que, avant l' arrêt Frecassetti, la confiance des opérateurs dans la validité des prélèvements opérés suivant la pratique du taux le plus favorable était plausible . Cela ne peut paraître indifférent au regard de préoccupations d' équité .

42 . Ces dernières peuvent également être attentives à un aspect de la situation des opérateurs que tend à souligner votre jurisprudence .

43 . Celle-ci, au travers des arrêts Ferwerda et Deutsche Milchkontor, exprime l' exigence d' une conciliation entre le principe selon lequel, en l' absence de règles procédurales communes, l' exécution de la politique agricole par les autorités nationales s' effectue suivant les règles de forme et de fond du droit national, et

"la nécessité d' une application uniforme du droit communautaire ... pour éviter un traitement inégal des opérateurs économiques" ( 28 ).

Dans votre arrêt Ferwerda, vous avez précisé que cette application uniforme

"devrait impliquer l' absence de discrimination en ce qui concerne les conditions de forme et de fond dans lesquelles, d' une part, les opérateurs économiques peuvent contester les impositions communautaires mises à leur charge, ... et dans lesquelles, d' autre part, les administrations des États membres, agissant pour compte de la Communauté, peuvent percevoir lesdites impositions et, le cas échéant, répéter des avantages financiers qui auraient été irrégulièrement octroyés" ( 29 ).

44 . Or, le litige au principal met bien en évidence les différences résultant de l' application aux recouvrements a posteriori de prélèvements agricoles des législations nationales, suivant qu' elles font ou non place à une protection de la confiance légitime .

45 . S' agissant d' aides communautaires au lait en poudre indûment versées, vous avez, il est vrai, relevé que, si le renvoi au droit national peut

"avoir pour effet que les conditions de répétition ... diffèrent, dans une certaine mesure, d' un État membre à l' autre",

ces différences étaient

"inévitables ... en l' état d' évolution actuel du droit communautaire" ( 30 ).

46 . En outre, vous avez clairement indiqué les voies permettant de faire disparaître les différences de traitement en observant que

"s' il s' avérait ... que des disparités entre les législations nationales sont de nature à compromettre l' égalité de traitement entre les opérateurs économiques des différents États membres ..., il appartiendrait aux institutions communautaires compétentes d' arrêter les dispositions nécessaires pour remédier à de telles disparités" ( 31 ).

47 . Dans la matière du recouvrement a posteriori des droits à l' importation et à l' exportation, l' institution communautaire compétente, à savoir le Conseil, a entrepris de remédier aux disparités en édictant le règlement n° 1697/79, précité . Mais nous savons que ce règlement ne s' applique pas aux prélèvements antérieurs à son entrée en vigueur . Les disparités de situations qui ont précisément contribué à rendre opportune une réglementation communautaire n' ont pas été traitées par cette
dernière, qui n' a disposé que pour l' avenir . L' exigence de conciliation entre renvoi au droit national et égalité de traitement des opérateurs de la Communauté, exprimée avec force par vos arrêts, n' a donc pas été concrétisée, pour un certain nombre de cas, sur le terrain de la légalité . Cela ne peut, non plus, paraître indifférent au regard de préoccupations d' équité .

48 . Il reste à voir si ces préoccupations peuvent, dans l' espèce qui vous est soumise, s' exprimer positivement par un arrêt préjudiciel consacrant la thèse des demandeurs au principal . Nous ne le pensons pas, pour plusieurs raisons que nous allons maintenant exposer .

49 . Votre jurisprudence a relevé les limites de la voie préjudicielle pour remédier à l' absence d' une réglementation communautaire effaçant les inégalités de traitement dans le recouvrement des ressources communautaires . En effet, vous avez, dans les arrêts Ferwerda et Salumi I, indiqué que le "caractère nécessairement technique d' une réglementation" du type de celle mise en place, pour le recouvrement a posteriori des droits à l' importation et à l' exportation, par le règlement n° 1697/79

"ne permet de remédier que partiellement à son absence par voie d' interprétation jurisprudentielle" ( 32 ).

50 . Ce constat nous semble illustré par l' examen comparatif des législations des États membres sur la question des recouvrements a posteriori d' impositions insuffisantes . Celui-ci révèle, en effet, que les délais de rectification d' une liquidation insuffisante de créance douanière ou assimilée varient considérablement d' un État à l' autre, puisque la "fourchette" va de un à dix ans, six États membres, dont l' Italie, sur dix étudiés connaissant un délai d' au moins cinq ans . Quant à la
protection de la confiance légitime, on observe qu' elle est ignorée au Royaume-Uni, en Irlande, en Espagne, au Portugal et en Italie, la Belgique compensant, pour sa part, l' absence d' une telle protection par une responsabilité des services fiscaux ou douaniers si l' erreur de calcul provient de leur faute .

51 . Compte tenu de cette variété des droits nationaux, l' énoncé d' un principe communautaire empêchant de rectifier la liquidation d' un prélèvement agricole au-delà d' un délai unique et même à l' intérieur de ce délai, dans le cas où le redevable est de bonne foi, pourrait difficilement apparaître comme inspiré par des "principes communs au droit des États membres", ou même par des "principes généralement admis" par ces droits, notions dont votre jurisprudence a pu antérieurement faire
application ( 33 ).

52 . Devant une telle difficulté, pourrait-on envisager un raisonnement suivant lequel la substance du principe serait identifiable au travers du règlement n° 1697/79, considéré comme une de ses expressions, le contenu du principe s' inspirant alors de certaines des dispositions formelles de ce texte? Dans l' affirmative, il faudrait déterminer le moment, nécessairement antérieur à l' entrée en vigueur du règlement, à compter duquel le principe aurait eu force de droit, et admettre, dès lors, une
remontée dans le temps des effets de règles auxquelles vous avez, dans le cadre formel de ce règlement, refusé de reconnaître une portée rétroactive ( 34 ).

53 . Nous devons avouer qu' aucune des deux démarches qui viennent d' être esquissées ne nous paraît s' imposer, du point de vue de la construction de l' ordre juridique communautaire, cela d' autant moins que l' édiction, par voie jurisprudentielle, d' un principe applicable nécessairement aux seuls prélèvements communautaires, au sens large, donnerait naissance à des disparités dans les procédures de recouvrement a posteriori menées par les autorités de certains États membres . Celles-ci, en
effet, seraient tenues de respecter la confiance légitime pour les prélèvements communautaires et continueraient à pouvoir l' ignorer pour les prélèvements nationaux . Il ne nous paraît pas souhaitable que la jurisprudence de votre Cour produise de telles conséquences dans la vie juridique et administrative d' États membres, surtout à l' égard d' opérations économiques situées dans le passé . Une réglementation communautaire peut produire, en principe exclusivement pour l' avenir d' ailleurs, des
conséquences comparables, mais les conditions de son élaboration se prêtent mieux à l' arbitrage d' enjeux comme ceux que nous venons d' évoquer qu' une interprétation jurisprudentielle qui, s' appliquant au passé, comporte des effets difficilement mesurables, ainsi que le montre justement l' arrêt Frecassetti .

54 . En définitive, il semble bien que le dépassement de la doctrine qui s' exprime au travers de vos arrêts Ferwerda, Salumi I et Deutsche Milchkontor, tel que suggéré par les opérateurs concernés, s' avère hasardeux . Dans cette jurisprudence, après avoir posé le principe du renvoi au droit national en l' absence d' une réglementation communautaire du recouvrement des ressources insuffisamment liquidées ou des aides indûment versées, vous avez cependant indiqué les deux limites auxquelles est
soumise l' application de ce droit : elle ne doit pas affecter la portée et l' efficacité du droit communautaire, et doit se faire de façon non discriminatoire par rapport aux procédures visant à trancher des litiges du même type, mais purement nationaux . Ainsi, alors que vous veniez d' évoquer, comme nous l' avons précédemment rappelé, les inégalités de traitement résultant des disparités entre les législations nationales, et que dans chacune des affaires la nécessité d' une protection de la
confiance légitime avait été invoquée devant vous, vous n' avez pas ajouté, aux deux limites précitées, une troisième qui aurait été inspirée de cette nécessité . Les raisons qui ont milité en faveur d' une telle abstention n' ont pas, aujourd' hui, disparu, et nous ne pensons pas, par conséquent, que votre attitude doive être modifiée .

55 . Il est, certes, tout à fait regrettable que les demandeurs au principal demeurent dans une situation d' autant plus inéquitable que les autorités des autres États membres ayant pratiqué, avant l' arrêt Frecassetti, le taux le plus favorable n' ont pas entrepris ensuite de recouvrements a posteriori . Mais il existait, pour remédier à cette situation, des procédés juridiques parfaitement repérés . Or, ils n' ont pas été mis en oeuvre .

56 . Sur le terrain des effets de l' interprétation jurisprudentielle, vous avez, dans votre arrêt Samuli I, précisé qu' à titre exceptionnel votre Cour pouvait,

"par application d' un principe général de sécurité juridique inhérent à l' ordre juridique communautaire, en tenant compte des troubles graves que son arrêt pourrait entraîner pour le passé dans les relations juridiques établies de bonne foi, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d' invoquer la disposition ... interprétée en vue de remettre en cause ces situations juridiques" ( 35 ),

une telle limitation n' étant toutefois admise que

"dans l' arrêt même qui statue sur l' interprétation sollicitée" ( 36 ).

57 . Il résulte des termes mêmes de votre arrêt Frecassetti, qui ne formulent aucune limitation quant aux effets de l' interprétation donnée, que le principe de sécurité juridique ne vous a pas paru, en l' espèce, justifier un tel tempérament . Dans cette affaire, il ne semble pas que votre attention ait été spécialement attirée sur un risque de troubles graves consécutifs à l' interprétation que vous avez finalement retenue .

58 . Par ailleurs, à propos de l' application dans le temps de la réglementation communautaire, vous avez, dans votre arrêt Amylum, admis que

"si, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s' oppose ... à ce que la portée dans le temps d' un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l' exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée" ( 37 ).

Comme vous l' avez noté dans l' arrêt Salumi II, le règlement n° 1697/79 n' a pas de caractère rétroactif . Cela signifie donc que le législateur communautaire n' a pas estimé que la situation des opérateurs ayant fait l' objet de prélèvements avant l' adoption de ce règlement justifiait qu' il lui soit donné une exceptionnelle portée rétroactive .

59 . Ainsi, la protection de la sécurité juridique et de la confiance légitime invoquée par les opérateurs concernés n' a pas été assurée par un des procédés juridiques qui, selon votre jurisprudence, étaient concevables à cet égard . Cela ne nous paraît pas justifier, aujourd' hui, le recours à un procédé juridique beaucoup moins certain .

6O . Nous ignorons si, en présence des situations inéquitables que fait apparaître la présente affaire, une solution peut encore être trouvée sur le terrain de la pratique, à l' initiative des institutions communautaires compétentes . Si une telle possibilité existe, il serait souhaitable qu' elle soit utilisée .

61 . Mais pour ce qui concerne la légalité communautaire, nous estimons, en considération des observations qui précèdent, qu' il n' est pas possible de lui donner un sens qu' elle n' a pas . Comme le doyen Boulouis, nous pensons que celle-ci ne peut fournir à l' infini, par une trop grande plasticité, une assurance garantissant les autorités chargées de l' exécution des règles communautaires contre les conséquences, notamment pécuniaires, de l' usage illégal de leurs prérogatives . C' est "confondre
légalité et responsabilité" ( 38 ).

62 . C' est pourquoi nous concluons à ce que vous disiez pour droit :

Les principes de protection de la sécurité juridique et de la confiance légitime, consacrés dans l' ordre juridique communautaire et mis en oeuvre, notamment dans le domaine des prélèvements agricoles, par le règlement du Conseil n° 1697/79, du 24 juillet 1979, ne font pas obstacle, s' agissant des prélèvements liquidés avant l' entrée en vigueur de ce règlement et recouvrés, en conséquence, suivant les dispositions des législations nationales, à ce que les autorités d' un État membre en
poursuivent, conformément à leur droit national, le recouvrement complet à l' encontre d' opérateurs ayant primitivement bénéficié, de bonne foi, en raison de l' interprétation administrative erronée des règles communautaires de liquidation, d' une évaluation insuffisante du montant mis à leur charge ."

( 1 ) JO du 19 juin 1967, p . 2269 .

( 2 ) 113/75, Rec . 1976, p . 983, point 7 .

( 3 ) 66, 127 et 128/79, Rec . 198O, p . 1237, point 9 .

( 4 ) 66, 127 et 128/79, précité, point 21 .

( 5 ) JO L 197, du 3 août 1979, p . 1 .

( 6 ) 212 à 217/8O, Rec . 1981, p . 2735 .

( 7 ) Point 8 .

( 8 ) Point 12 .

( 9 ) Point 16 .

( 10 ) Ordonnance de renvoi du tribunal de Venise, paragraphe 5 .

( 11 ) 112/77, Rec . 1978, p . 1O19 .

( 12 ) 74/74, CNTA/Commission, arrêt du 14 mai 1975, Rec . p . 533 .

( 13 ) 112/77, précité, et 84/78, Tomadini, arrêt du 16 mai 1979, Rec . p . 18O1 .

( 14 ) 265/78, Rec . 198O, p . 617 .

( 15 ) Point 17 .

( 16 ) Points 14, 18 et 21 .

( 17 ) 2O5 à 215/82, Rec . 1983, p . 2633 .

( 18 ) Point 3O .

( 19 ) 2O5 à 215/82, précité, p . 2674 .

( 20 ) P . 2675 .

( 21 ) 66, 127 et 128/79, précité, p . 1272-1273 .

( 22 ) 212 à 217/8O, précité, p . 2757 .

( 23 ) 5/82, Rec . p . 46O1 .

( 24 ) Point 22 .

( 25 ) 1O8/81, arrêt du 3O septembre 1982, Rec . p . 31O7 .

( 26 ) P . 3149 .

( 27 ) 35/71, Rec . p . 1O83 .

( 28 ) 2O5 à 215/82, précité, point 17 .

( 29 ) 265/78, précité, point 8 .

( 30 ) 2O5 à 215/82, précité, point 21 .

( 31 ) Point 24 .

( 32 ) 265/78, précité, point 9, et 66, 127 et 128/79, précité, point 16 .

( 33 ) Voir Boulouis, J ., et Chevallier, R . M .: Grands arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, Dalloz, 4e édition ., 1987, tome 1, n° 15 et 16 .

( 34 ) 212 à 217/8O, précité .

( 35 ) 66, 127 et 128/79, précité, point 1O .

( 36 ) Point 11 .

( 37 ) 1O8/81, précité, point 4 .

( 38 ) "Quelques observations à propos de la sécurité juridique", in "Du droit international au droit de l' intégration", Liber amicorum Pierre Pescatore, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden 1987, p . 57-58 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 210/87
Date de la décision : 14/06/1988
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile e penale di Venezia - Italie.

Recouvrement a posteriori d'un supplément de prélèvement agricole non perçu - Applicabilité de principe de protection de la confiance légitime.

Céréales

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Remo Padovani et héritiers Mantovani
Défendeurs : Amministrazione delle finanze dello Stato.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: O'Higgins

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:305

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