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09/03/1988 | CJUE | N°83/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 9 mars 1988., Mario Viva contre Fonds national de retraite des ouvriers mineurs (FNROM)., 09/03/1988, 83/87


Avis juridique important

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61987C0083

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 9 mars 1988. - Mario Viva contre Fonds national de retraite des ouvriers mineurs (FNROM). - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Mons - Belgique. - Sécurité sociale - Révision des droits obtenus par un assu

ré avant l'entrée en vigueur du règlement n. 1408/71. - Affaire 83/87.
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Avis juridique important

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61987C0083

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 9 mars 1988. - Mario Viva contre Fonds national de retraite des ouvriers mineurs (FNROM). - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Mons - Belgique. - Sécurité sociale - Révision des droits obtenus par un assuré avant l'entrée en vigueur du règlement n. 1408/71. - Affaire 83/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 02521

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Cette affaire préjudicielle pose le problème de l' application dans le temps des règlements communautaires en matière de sécurité sociale des travailleurs migrants . Il s' agit en substance de dire si, lorsque des droits à pension ont été, originairement, liquidés avant le 1er octobre 1972, date d' effet de l' abrogation des règlements n°s 3 et 4 ( 1 ), ce sont les dispositions de ces règlements qui continuent à s' appliquer à l' occasion d' une réévaluation des droits à pension, postérieure à
cette date et rendue nécessaire par une modification de la situation personnelle du bénéficiaire ou si, au contraire, les règlements n° 1408/71 ( 2 ) et 574/72 ( 3 ) sont applicables en pareil cas .

2 . Le litige au principal oppose M . Mario Viva, travailleur migrant de nationalité italienne, au Fonds national de retraite des ouvriers mineurs ( ci-après "Fonds "). M . Viva bénéficiait

- depuis le 1er juin 1963, d' une pension d' invalidité italienne proratisée sur la base des règlements n°s 3 et 4,

- depuis le 1er août 1963, d' une pension belge d' invalidité au taux "marié", réduite par application des règles nationales anticumul .

L' article 94, paragraphe 5, du règlement n° 1408/71, prévoit la possibilité, pour les travailleurs migrants ayant obtenu la liquidation d' une pension avant la date d' entrée en vigueur de ce texte, de demander la révision de leurs droits compte tenu des nouvelles dispositions . M . Viva n' a pas usé de cette faculté . A la suite du décès de l' épouse du requérant au principal, survenu le 2 novembre 1983, le Fonds a d' office révisé les droits à pension belge en appliquant le taux "isolé ". Au
motif de l' absence de toute demande de l' intéressé en vertu de l' article 94, paragraphe 5, cet organisme a estimé que les règlements n°s 3 et 4 continuaient à s' appliquer . M . Viva ne conteste pas l' application du taux "isolé", mais soutient que le Fonds était tenu, pour ce qui concerne le cumul de prestations, d' appliquer les règles en vigueur au moment de la réévaluation d' office de ses droits due à la modification de sa situation personnelle, à savoir les dispositions des règlements n°s
1408/71 et 574/72 .

3 . Ainsi que l' a relevé le juge a quo, alors que, pour l' application dans le temps de ces règlements, l' hypothèse de la demande de révision de ses droits faite par le bénéficiaire de prestations a été expressément visée par l' article 94, paragraphe 5, celle de la révision d' office à la suite d' une modification intervenue dans la situation personnelle du titulaire du droit n' a pas été expressément envisagée . Nous pensons cependant que les deux règlements en vigueur depuis 1972 et les règles
déjà établies par votre jurisprudence contiennent les éléments de réponse à l' ensemble des questions formulées par la juridiction nationale .

4 . Nous ne pouvons manquer, tout d' abord, de relever, comme l' a d' ailleurs fait la Commission, la similitude entre les données de la présente espèce et celles de l' affaire examinée à l' occasion de votre premier arrêt Sinatra ( 4 ).

5 . Dans cette décision, vous avez, en effet, consacré l' application de l' article 46 du règlement n° 1408/71 dans le cas où une pension d' invalidité belge de mineur de fond, liquidée avant l' abrogation des règlements n°s 3 et 4 et l' entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, et calculée alors au taux "marié" prévu par le droit belge, était, postérieurement à cette entrée en vigueur, modifiée par l' application du taux "isolé" prévu par ce même droit, en raison de l' exercice, par l' épouse du
titulaire de la pension, d' une activité professionnelle .

6 . Or, vous êtes aujourd' hui saisis de la question de savoir si les dispositions de l' article 46 du règlement n° 1408/71 doivent jouer alors qu' une pension d' invalidité de mineur de fond, liquidée avant l' abrogation des règlements n°s 3 et 4 et l' entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, et calculée au taux "marié", se trouve, postérieurement à cette entrée en vigueur, modifiée par l' application du taux "isolé" en raison du décès de l' épouse du titulaire de la pension .

7 . La comparaison à laquelle nous venons de procéder pourrait déjà suffire à convaincre que vous avez implicitement tranché, par l' arrêt Sinatra précité, la question qui vous est aujourd' hui soumise . Le recours à l' analyse juridique vient renforcer cette conviction .

8 . La position adoptée par le Fonds, et consistant à appliquer les dispositions des règlements n°s 3 et 4, abrogés depuis le 1er octobre 1972, dans le cas de modificiations affectant, postérieurement à cette date, la situation du titulaire d' une pension d' invalidité, repose en réalité sur une application contestable du raisonnement a contrario .

9 . Le Fonds a, en effet, estimé que, malgré l' abrogation expresse, par l' article 100 du règlement n° 1408/71, des règlements n°s 3 et 4, ces derniers continuaient à régir les pensions liquidées avant cette abrogation en vertu de l' article 94, paragraphe 5, du règlement n° 1408/71, qui dispose que les "droits des intéressés qui ont obtenu, antérieurement au 1er octobre 1972 ..., la liquidation d' une pension ou d' une rente peuvent être révisés à leur demande, compte tenu des dispositions de ce
règlement ". S' il faut une demande expresse du titulaire d' une pension liquidée avant le 1er octobre 1972 pour que sa révision puisse s' opérer conformément aux dispositions du règlement n° 1408/71, cela signifie, selon le Fonds, qu' en l' absence d' une telle demande, une modification affectant la pension ne peut donner lieu à l' application du règlement n° 1408/71, et que ce sont le règlements n°s 3 et 4, en vigueur lors de la liquidation de la pension, qui s' appliquent .

10 . Or, une telle interprétation érige l' exception en règle . L' article 94, paragraphe 5, réserve au titulaire d' une pension liquidée avant le 1er octobre 1972 la faculté d' obtenir, sur sa seule demande, la révision de ces droits selon les dispositions du règlement n° 1408/71, c' est-à-dire selon des dispositions qui ne lui sont pas en principe applicables . En effet, l' article 94, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, dispose que ce règlement "n' ouvre aucun droit pour une période antérieure
au 1er octobre 1972 ". Il s' agit d' une application formelle, par le législateur communautaire, du principe énoncé dans votre arrêt du 5 mai 1977 Jansen ( 5 ), selon lequel une disposition nouvelle d' un règlement communautaire - en l' espèce l' article 10, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 - ne saurait être étendue à des faits situés hors de la sphère temporelle d' application de ce règlement . Le paragraphe 5 de l' article 94 déroge au principe mis en oeuvre par le paragraphe 1 de ce même
article, en permettant d' invoquer les dispositions du règlement nouveau sur simple demande, en dehors de la survenance de tout fait objectif postérieur à son entrée en vigueur . En revanche, les modifications de la pension résultant d' événements postérieurs à la date d' entrée en vigueur du règlement n° 1408/71 donnent normalement lieu à l' application de dispositions de celui-ci, conformément au "principe généralement reconnu", expressément évoqué dans votre arrêt du 15 février 1978 Bauche ( 6 ),
suivant lequel les lois nouvelles s' appliquent, "sauf dérogation, aux effets futurs de situations nées sous l' empire de la loi ancienne ".

11 . Ni l' examen des dispositions communautaires spécifiquement transitoires autres que celles déjà étudiées, dans la matière considérée, ni la lecture de votre arrêt Sinatra précité ne nous incitent à considérer qu' en l' espèce les principes classiques de l' application de la loi dans le temps devraient être écartés .

12 . Compte tenu de l' article 94, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, l' article 118, paragraphe 1, du règlement d' application n° 574/72 a prévu, dans le cas où un risque se réalise avant le 1er octobre 1972 et où la demande n' a pas encore donné lieu à liquidation avant cette date, une double liquidation conformément aux dispositions :

- du règlement n° 3 ou de conventions en vigueur entre les États membres en cause, pour la période antérieure au 1er octobre 1972;

- du règlement n° 1408/71, pour la période commençant à partir du 1er octobre 1972 .

Ces dispositions spécifiques ne s' appliquent pas à la situation qui a provoqué votre saisine, et où la pension, effectivement liquidée avant le 1er octobre 1972, est affectée par un événement modifiant la situation familiale du titulaire et postérieur au 1er octobre 1972 . On relève cependant, du point de vue de la technique juridique, qu' elles ne visent pas à prolonger en principe au-delà du 1er octobre 1972 les effets de l' ancien règlement, une telle "survie" n' étant envisagée qu' à titre
dérogatoire, au dernier alinéa du paragraphe 1 de l' article 118, pour permettre au titulaire de la pension de conserver le bénéfice du calcul le plus avantageux .

13 . Mais, une fois encore, c' est surtout à travers votre arrêt Sinatra précité que nous paraît clairement mise en évidence l' application, aux modifications d' une situation ayant donné lieu à liquidation de pension avant l' entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, des dispositions de ce règlement . Vous avez, en effet, estimé que l' application, en vertu d' une décision de juin 1976, du taux "isolé" à une pension d' invalidité calculée primitivement au taux "marié" selon une décision de
liquidation datée du 10 mai 1971, avec effet au 1er avril 1971, imposait un "nouveau calcul, conformément aux dispositions de l' article 46 du règlement n° 1408/71 ".

14 . C' est précisément sur le point de savoir si M . Viva pouvait, par suite de la modification intervenue dans sa situation individuelle, prétendre au bénéfice des dispositions de l' article 46 du règlement n° 1408/71, qui prévoient une comparaison entre le régime national et le régime de totalisation et de proratisation afin de déterminer lequel est le plus avantageux, que s' est engagée, devant le juge a quo, la discussion qui l' a conduit à vous saisir dans la présente espèce . Aussi, nous
pensons que c' est en vous inspirant des principes qui vous ont guidés dans le premier arrêt Sinatra qu' il y a lieu de répondre à la question préjudicielle de la cour du travail de Mons .

15 . Sous le bénéfice de ces observations, nous concluons à ce que vous disiez pour droit :

"Un nouveau calcul, conformément aux dispositions de l' article 46 du règlement n° 1408/71, s' impose dans le cas où la pension d' invalidité liquidée par un État membre avant la date d' entrée en vigueur de ce règlement suivant un taux 'marié' , est, en raison d' un événement postérieur à cette date et affectant la situation individuelle de son titulaire, modifiée par l' application du taux 'isolé '."

( 1 ) JO 3O du 16.12.1958, p . 561 à 597 .

JO 62 du 2O.4.1963, p . 1314 .

( 2 ) Règlement n° 1408/71, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté ( JO L 149 du 5.7.1971, p . 2 ).

( 3 ) Règlement n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d' application du règlement n° 1408/71 ( JO L 74 du 27.3.1972, p . 1 ).

( 4 ) Arrêt du 2 février 1982, 7/81 Rec . p . 137 .

( 5 ) 104/76, Rec . 1977, p . 829 .

( 6 ) 96/77, Rec . 1978, p . 383 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 83/87
Date de la décision : 09/03/1988
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Mons - Belgique.

Sécurité sociale - Révision des droits obtenus par un assuré avant l'entrée en vigueur du règlement n. 1408/71.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Mario Viva
Défendeurs : Fonds national de retraite des ouvriers mineurs (FNROM).

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:146

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