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08/03/1988 | CJUE | N°61/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 8 mars 1988., André Thevenot et autres contre Centrale laitière de Franche-Comté., 08/03/1988, 61/87


Avis juridique important

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61987C0061

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 8 mars 1988. - André Thevenot et autres contre Centrale laitière de Franche-Comté. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Belfort - France. - Prélèvement supplémentaire sur le lait. - Affaire

61/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 02375

Conclusions de l'avocat ...

Avis juridique important

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61987C0061

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 8 mars 1988. - André Thevenot et autres contre Centrale laitière de Franche-Comté. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Belfort - France. - Prélèvement supplémentaire sur le lait. - Affaire 61/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 02375

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Destiné à rétablir l' équilibre du marché laitier caractérisé par d' importants excédents structurels, le régime de maîtrise de la production, organisé par le règlement n° 856/84 du Conseil ( 1 ), instaure, pour une période de cinq ans, un prélèvement supplémentaire, comme s' ajoutant au prélèvement de coresponsabilité institué en 1977, sur les quantités de lait collectées au-delà d' un seuil de garantie .

2 . Dans la mise en oeuvre de ce régime, communément désigné sous le terme de "quotas laitiers", la détermination de la quantité de référence est essentielle dans la mesure où son dépassement entraîne perception d' un prélèvement égal à 1OO % du prix indicatif du lait collecté .

3 . Les États membres peuvent choisir entre une formule A et une formule B . Dans la première, le prélèvement est dû par le producteur dès lors que ses livraisons excèdent une quantité de référence égale aux livraisons effectuées par l' intéressé au cours de l' année de référence retenue par les États membres à l' intérieur de la période 1981 à 1983 . Dans le cadre de la formule B, retenue par la France, la quantité de référence est attribuée aux laiteries et représente le total des quantités de
lait achetées au cours d' une année déterminée à l' intérieur de la période de référence, la France ayant opté pour l' année 1983 . En cas de dépassement, le prélèvement est perçu sur l' acheteur qui le répercute sur les producteurs ayant dépassé la quantité individuelle ayant servi à déterminer la quantité de référence de l' acheteur .

4 . Le litige soumis au juge a quo est relatif à l' article 3, point 3, du règlement n° 857/84 du Conseil ( 2 ) qui permet, dans le cadre des formules A et B, aux producteurs dont la production laitière, pendant l' année de référence retenue, a été affectée sensiblement par des événements exceptionnels d' obtenir à leur demande une autre année de référence à l' intérieur de la période 1981 à 1983 .

5 . Le territoire français a connu en 1983 une sécheresse dont la gravité a conduit les autorités nationales à adopter des arrêtés interministériels de reconnaissance de calamités naturelles dans une majorité de départements, sur la base desquels a été instituée une procédure d' attribution de "suppléments calamités ".

6 . Selon le gouvernement français, la méthode appliquée visait à accorder aux seuls producteurs sinistrés une autre année de référence sans accorder aux acheteurs des suppléments de référence utilisés à des fins injustifiées .

7 . La Centrale laitière de Franche-Comté a été assujettie, pour la campagne 1985/1986, au prélèvement qu' elle a répercuté sur les requérants au principal . Ceux-ci contestent la méthode adoptée par les autorités françaises pour aboutir à ce calcul en soutenant qu' une application correcte des règles communautaires n' aurait pas dû conduire à un tel résultat .

8 . Il est malaisé au demeurant de cerner avec précision le litige soumis au juge a quo dans la mesure où certains éléments de fait ont donné lieu à des affirmations contradictoires à l' audience entre gouvernement français et requérants au principal, notamment sur le point de savoir si les producteurs concernés avaient bénéficié de l' intégralité de l' option prévue par la réglementation communautaire . Mais, dans le présent contexte préjudiciel, il ne nous incombe pas d' approfondir l' analyse des
faits et pas davantage d' examiner la régularité de la méthode nationale en cause .

9 . En dépit de cette relative incertitude quant au litige que les termes du jugement de renvoi ne dissipent pas, il apparaît que deux aspects de la méthode mise en oeuvre sont critiqués par les intéressés . D' une part, l' intégralité de l' année de référence "substituée" n' aurait pas été attribuée aux producteurs concernés, contrairement aux prévisions de l' article 3, point 3, du règlement en cause . D' autre part, la règle selon laquelle, dans la formule B, seule la quantité de référence de l'
acheteur détermine le seuil de perception du prélèvement aurait été méconnue .

10 . Aussi, nous vous suggérons, à l' instar de la Commission, d' intervertir l' ordre des questions . Plus précisément, nous vous proposons, tout d' abord, d' examiner quelle est la portée de l' option prévue à l' article 3, point 3,, à savoir si elle implique que la quantité individuelle du producteur corresponde à l' intégralité de sa production au cours de l' année "substituée ". Dans l' affirmative, il n' y aurait évidemment pas lieu d' examiner si le fait que les producteurs livrant à une même
laiterie se voient attribuer des "pourcentages calamités" distincts est discriminatoire, le principe même d' une telle réduction se trouvant exclu . Il conviendra ensuite de préciser s' il existe une fongibilité des quantités individuelles des producteurs au sein de la quantité de référence de la laiterie dont seul le dépassement pourrait entraîner perception du prélèvement .

11 . L' article 3, point 3, prévoit que "les producteurs dont la production laitière, pendant l' année de référence retenue, a été sensiblement affectée par des événements exceptionnels obtiennent à leur demande la prise en compte d' une autre année civile de référence à l' intérieur de la période 1981 à 1983 ".

12 . Un tel libellé confère nécessairement un droit aux intéressés . S' agissant d' en déterminer la portée exacte, nous observerons, avec la Commission, que la nouvelle année de référence doit se voir appliquer les règles générales régissant la fixation des quantités de référence, tels l' abattement uniforme et les modulations prévus à l' article 2, paragraphe 2, du règlement n° 857/84 .

13 . Mais, sous réserve de ces correctifs qui doivent indistinctement s' appliquer à tous les producteurs, que leur année de référence soit normale ou substituée, la quantité individuelle déterminée par application de l' article 3, point 3, ne pourrait pas être affectée d' une autre réduction . Celle-ci méconnaîtrait les prescriptions de ce texte .

14 . Au regard de ces indications, il y a lieu de rappeler que, pour le gouvernement français, qui estime d' ailleurs dans ses observations écrites que telle est l' acception de la première question, il convient de déterminer si le fait que l' aire de collecte d' une laiterie se situe dans une zone reconnue sinistrée au titre des calamités agricoles entraîne ipso facto un droit à "supplément de référence" pour tous les producteurs affiliés à cette laiterie, quel que soit le degré selon lequel ils
ont été affectés individuellement par ces calamités .

15 . Il faut préciser ici que seule l' appréciation de la situation propre du producteur concerné permet d' ouvrir le bénéfice de l' option prévue par l' article 3, point 3 . Ainsi est-il nécessaire que la production personnelle de l' intéressé ait été sensiblement affectée par des événements exceptionnels tels que ceux énumérés au texte . Assurément, une procédure administrative ne saurait exempter de l' examen des situations individuelles . Mais, en tout état de cause, dès lors qu' un producteur
remplit les conditions prévues, il serait contraire au caractère impératif et précis de la disposition précitée de ne lui attribuer qu' une fraction de l' année choisie en remplacement . C' est là d' ailleurs une règle que le gouvernement français ne conteste pas, quoique les requérants soutiennent qu' elle n' a pas été effectivement respectée .

16 . Reste désormais à préciser s' il existe une fongibilité des productions individuelles dans le cadre de la formule B, le seul critère à prendre en considération étant le dépassement de la quantité de référence de l' acheteur . Précisons, au préalable, que celle-ci doit, le cas échéant, être augmentée par l' effet de situations particulières telles celles résultant de l' application du texte sous examen . En effet, l' alinéa 1 de l' article 3, point 3, en prévoit expressément la prise en compte
pour la détermination des quantités de référence dans le cadre des formules A et B .

17 . Indiquons-le d' emblée : dans le cadre de la formule B, en principe, seul le dépassement de la quantité de référence de l' acheteur ainsi déterminée entraîne perception du prélèvement . Le dépassement des quantités individuelles est en soi sans incidence . C' est là l' économie de cette option telle qu' elle résulte expressément de l' article 1er du règlement n° 856/84 :

" Formule B

Un prélèvement est dû par tout acheteur de lait sur les quantités de lait qui lui ont été livrées par des producteurs et qui pendant la période de douze mois en cause dépassent une quantité de référence à déterminer ."

Et nous rappellerons que cette dernière est nécessairement égale à la quantité de lait achetée pendant l' année de référence et adaptée en cas d' application de l' article 3 . Cela étant précisé, dans le cadre de la formule B, la quantité individuelle du producteur permet essentiellement de procéder au calcul de la répercussion individuelle du prélèvement en cas de dépassement de la quantité de référence de la laiterie . Ce n' est qu' à titre d' exception que le règlement n° 773/87 ( 3 ), au
demeurant postérieur aux faits de l' espèce, prévoit que, dans le cadre de la formule B, les État membres pourront percevoir un prélèvement lorsque les producteurs auront excédé leur quantité individuelle de 2O OOO litres ou de 1O %. Si pareille faculté a été ainsi ouverte, cela suppose évidemment que le dépassement de la quantité individuelle dans la formule B demeure, en tant que telle, normalement sans incidence sur le déclenchement du prélèvement .

18 . Aussi, il n' est pas contestable que, dans la formule B, les producteurs livrant à une même laiterie peuvent éventuellement bénéficier, désormais, sous réserve du règlement n° 773/87, précité, de la non-utilisation des quantités individuelles d' autres producteurs livrant à la même laiterie, dès lors que la quantité de référence de l' acheteur ne serait pas dépassée . Cependant, semblable possibilité, comme le relève la Commission, ne saurait conférer droit à reconduction éventuelle au profit
des producteurs concernés . Il s' agit là d' une conséquence annuelle, purement arithmétique et aléatoire, de la formule B qui n' emporte aucune répercussion quant à la détermination des quantités individuelles .

19 . Nous vous proposons, en conséquence, de dire pour droit :

"- Le producteur qui remplit les conditions prévues à l' article 3, point 3, du règlement n° 857/84 doit se voir attribuer à sa demande une quantité individuelle égale à la quantité effective de sa production lors de l' année qu' il choisit en remplacement, sous réserve de l' application des seuls abattements et modulations indistinctement applicables à tous les producteurs .

- Dans le cadre de la formule B, le dépassement de la quantité de référence de l' acheteur est, en principe, seul de nature à entraîner perception du prélèvement ."

( 1 ) Règlement n° 856/84, du 31 mars 1984, modifiant le règlement ( CEE ) n° 8O4/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers JO L 9O du 1.4.1984, p . 10 .

( 2 ) Règlement n° 857/84, du 31 mars 1984 portant règles générales pour l' application du prélèvement visé à l' article 5 quater du règlement ( CEE ) n° 8O4/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers JO L 90 du 1.4.1984, p . 13 .

( 3 ) Règlement n° 773/87, du 16 mars 1987 JO L 78 du 2O.3.1987, p . 1 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 61/87
Date de la décision : 08/03/1988
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Belfort - France.

Prélèvement supplémentaire sur le lait.

Produits laitiers

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : André Thevenot et autres
Défendeurs : Centrale laitière de Franche-Comté.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:131

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