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09/02/1988 | CJUE | N°300/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 9 février 1988., Luc Van Landschoot contre NV Mera., 09/02/1988, 300/86


Avis juridique important

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61986C0300

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 9 février 1988. - Luc Van Landschoot contre NV Mera. - Demande de décision préjudicielle: Vredegerecht Brasschaat - Belgique. - Prélèvement de coresponsabilité dans le secteur des céréales. - Affaire 300/86.
Recuei

l de jurisprudence 1988 page 03443
édition spéciale suédoise page 00503
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Avis juridique important

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61986C0300

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 9 février 1988. - Luc Van Landschoot contre NV Mera. - Demande de décision préjudicielle: Vredegerecht Brasschaat - Belgique. - Prélèvement de coresponsabilité dans le secteur des céréales. - Affaire 300/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 03443
édition spéciale suédoise page 00503
édition spéciale finnoise page 00511

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Lorsque, par ordonnance du 20 mai 1987 ( 1 ), vous avez déclaré irrecevables des recours en annulation dirigés contre le règlement n° 2040/86 de la Commission du 30 juin 1986 portant modalités d' application du prélèvement de coresponsabilité dans le secteur des céréales ( 2 ), vous avez indiqué, en répondant à un argument tendant à souligner la nécessité d' assurer une protection juridictionnelle efficace des personnes concernées,

" que à l' appui d' un recours contre une mesure nationale d' exécution d' un acte communautaire, le demandeur peut faire valoir l' illégalité de cet acte communautaire et obliger ainsi la juridiction nationale à se prononcer sur l' ensemble des griefs formulés à ce titre, le cas échéant après renvoi en appréciation de validité à la Cour" ( 3 ).

2 . Le présent renvoi préjudiciel se présente dans des circonstances quelque peu différentes de celles que vous avez alors envisagées . En effet, le juge de paix du canton de Brasschaat, qui vous interroge sur la validité du règlement n° 204O/86, a été saisi non pas d' un recours contre les mesures nationales de mise en oeuvre dudit règlement ( 4 ) mais d' une action en remboursement du montant retenu, au titre du prélèvement de coresponsabilité dans le secteur des céréales, par la société NV Mera,
défenderesse au principal, à l' occasion de l' achat par elle de céréales de l' agriculteur Van Landschoot, demandeur au principal . La question de la validité du règlement en cause se pose donc dans le cadre d' un litige entre parties privées . Toutes les deux contestent, en effet, devant le juge interne, la validité dudit règlement . Cette particularité ne doit cependant pas vous empêcher de répondre à la question qui vous a été soumise .

3 . Le grief essentiel formulé à l' égard de ce règlement concerne le régime d' exonération du prélèvement . Sont exonérées, en effet, du prélèvement de coresponsabilité, à condition que le produit qui en est issu soit utilisé pour l' alimentation animale à l' intérieur même de l' exploitation, les premières transformations réalisées, au moyen d' installations internes, permanentes ou temporaires ( 5 ), par un agriculteur que nous appellerons

- autoconsommateur, lorsqu' il produit lui-même des céréales,

- transformateur à la ferme, lorsqu' il les achète à un tiers .

4 . Il y aurait une double discrimination, en premier lieu entre producteurs, en second lieu entre transformateurs . La discrimination entre producteurs consisterait en ce que, contrairement à ce qui en est des autoconsommateurs et des producteurs vendant aux transformateurs à la ferme, sont exclues du bénéfice de l' exonération les premières transformations concernant les céréales des autres producteurs, notamment de ceux qui fournissent aux transformateurs industriels . La discrimination entre
transformateurs résiderait dans le fait que ceux qui transforment et utilisent les céréales sur leur exploitation sont exonérés alors que ceux qui procèdent à la seule transformation, c' est-à-dire les fabricants industriels d' aliments composés, ne le sont pas . Ce régime d' exonération s' applique à 58 % des céréales destinées à l' alimentation animale, pourcentage qui représente lui-même 6O % de la quantité globale des céréales produites dans la Communauté .

5 . La Commission, vous le savez, est arrivée à un résultat d' une telle ampleur par le sens qu' elle a donné, ainsi qu' elle était habilitée à le faire par l' article 4, paragraphe 6, du règlement n° 2727/75 du Conseil ( 6 ), tel que modifié par le règlement n° 1579/86 ( 7 ), à la notion de "première transformation" et en interprétant, par télex du 5 septembre 1986 ( 8 ), celle de "producteur" comme englobant tout agriculteur, même non producteur de céréales .

6 . Certes, l' efficacité du mécanisme et ses effets potentiels, directs ou indirects, notamment sur l' industrie de transformation, ont été longuement discutés dans les observations écrites et orales présentées dans le cadre de présent renvoi . Mais il n' est pas question, ici, de porter un jugement sur l' opportunité des modalités d' application du prélèvement de coresponsabilité établies par la Commission . Ce qu' il vous appartient d' apprécier, c' est la validité du règlement de la Commission
au regard du principe général d' égalité et de non-discrimination qui, s' agissant de la politique agricole commune, est inscrit, notamment, à l' article 4O, paragraphe 3, alinéa 2, du traité et, pour ce qui nous concerne, à l' article 4, paragraphe 8, du règlement n° 2727/75, tel que modifié par le règlement n° 1579/86 . Cette dernière disposition prévoit que "la Commission veille à ce que le système du prélèvement de coresponsabilité ne crée pas de distorsions avec les produits concurrents ". Il
convient, en outre, d' avoir présent à l' esprit le fait que, conformément à article 4, paragraphe 6, du règlement n° 2727/75 du Conseil, tel que modifié par le règlement n° 1579/86, le prélèvement est répercuté sur le producteur, règle qui est rappelée à l' article 5, paragraphe 1, du règlement n° 2O4O/86 de la Commission, en cause dans la présente procédure .

7 . C' est précisément en raison de la répercussion sur le producteur du montant du prélèvement de coresponsabilité qu' il ne saurait être question de discrimination entre transformateurs . Ces derniers ne supportent pas eux-mêmes la charge du prélèvement qui est neutre à leur égard . S' agissant, au surplus, d' un produit excédentaire, donc largement offert sur le marché, on voit mal comment les producteurs seraient en situation de pouvoir augmenter leur prix pour compenser l' effet du prélèvement
. On ne saurait, dès lors, prétendre que le coût en est supporté par l' industrie de transformation .

8 . A supposer même que cette dernière propose à certains producteurs d' assumer elle-même le montant du prélèvement, elle ne peut être amenée à le faire, eu égard au caractère excédentaire de la production en cause, que pour des raisons commerciales sans rapport avec les impératifs de politique agricole commune qui fondent l' existence et les modalités du prélèvement de coresponsabilité . Il n' y a donc, selon nous, aucune discrimination entre transformateurs du fait du prélèvement de
coresponsabilité .

9 . On ne saurait en dire autant en ce qui concerne les producteurs . Si l' on comprend les raisons qui justifient un régime général bénéficiant aux autoconsommateurs, dont la production, absorbée en circuit fermé, ne contribue pas à la constitution d' excédents, on voit mal ce qui, au regard de la raison d' être du prélèvement de coresponsabilité, justifie un régime différent selon que le producteur cède, pour leur transformation, des céréales à un transformateur à la ferme ou à un transformateur
industriel . Et ce ne sont pas les raisons avancées par la Commission, touchant aux difficultés pratiques de contrôle des opérations entre agriculteurs, qui seraient de nature à justifier une telle différence de traitement .

1O . Dès lors, la situation nous apparaît être la suivante :

- le règlement n° 2O4O/86 ne saurait être invalide :

- ni en tant qu' il assujettit les producteurs, tel le requérant au principal, au prélèvement de coresponsabilité pour leur production destinée à être transformée industriellement,

- ni en tant qu' il exonère de ce prélèvement les autoconsommateurs;

- mais ledit règlement est contraire au principe d' égalité de traitement entre producteurs en tant qu' il accorde, comme aux autoconsommateurs, aux producteurs vendant leur production aux transformateurs à la ferme une exonération qu' il refuse aux autres producteurs légalement assujettis .

11 . Nous concluons donc à ce que vous disiez pour droit que le règlement n° 2O4O/86 de la Commission doit être considéré comme invalide aussi longtemps que, soumettant au prélèvement de coresponsabilité les producteurs de céréales vendant leur production à l' industrie de transformation, il en exonère les producteurs qui vendent la leur aux transformateurs à la ferme .

( 1 ) Affaires jointes 233 à 235/86, Champlor et autres, Rec . p . 2251 .

( 2 ) JO L 173, p . 65 du 1er juillet 1986 .

( 3 ) Ordonnance précitée, point 10 .

( 4 ) Celles-ci sont : un arrêté royal du 2 juillet 1986; Moniteur belge du 5.8.1986, p . 10902; un arrêté ministériel du 16 juillet 1986, ibid ., p . 10903; et un arrêté ministériel du 15 septembre 1986; Moniteur belge du 3.10.1986, p . 13499, tous relatifs à l' autorisation préalable par le ministre de l' Agriculture des personnes qui procèdent à la première transformation des céréales .

( 5 ) Article premier, paragraphe 2 ,du règlement n° 2040/86, tel que modifié par le règlement n° 2572/86 de la Commission, du 12 août 1986, JO L 229 du 15.8.1986, p . 25 .

( 6 ) Règlement du 29 octobre 1975 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, JO L 281 du 1er.11.1975, p . 1 .

( 7 ) Règlement du 23 mai 1986 modifiant le règlement n° 2727/75 portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, JO L 139 du 24.5.1986, p . 29 .

( 8 ) Seule la version en langue anglaise du règlement n° 4O/86 a été corrigée à cet effet, voir corrigenda au JO L 252 du 4.9.1986, p . 30 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 300/86
Date de la décision : 09/02/1988
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Vredegerecht Brasschaat - Belgique.

Prélèvement de coresponsabilité dans le secteur des céréales.

Agriculture et Pêche

Céréales


Parties
Demandeurs : Luc Van Landschoot
Défendeurs : NV Mera.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:66

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