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29/09/1987 | CJUE | N°194/84

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 septembre 1987., Commission des Communautés européennes contre République hellénique., 29/09/1987, 194/84


Avis juridique important

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61984C0194

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 septembre 1987. - Commission des Communautés européennes contre République hellénique. - Libre circulation des capitaux - Acte d'adhésion de la Grèce. - Affaire 194/84.
Recueil de jurisprudence 1987 page 04737


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieur...

Avis juridique important

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61984C0194

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 septembre 1987. - Commission des Communautés européennes contre République hellénique. - Libre circulation des capitaux - Acte d'adhésion de la Grèce. - Affaire 194/84.
Recueil de jurisprudence 1987 page 04737

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Par son recours en manquement faisant suite à l' avis motivé du 31 janvier 1984, la Commission reproche à l' État défendeur de n' avoir pas autorisé, à compter du 1er janvier 1981 et dans les conditions prévues par l' article 52 de l' acte d' adhésion de la République hellénique aux Communautés européennes ( ci-après "article 52 "), le transfert vers d' autres États membres des "fonds bloqués en Grèce" appartenant à des non-résidents communautaires . La solution du présent litige doit être
trouvée dans l' interprétation de ce texte, l' articulation de ce dernier avec les règles communautaires applicables aux "fonds bloqués" au sens des deux directives prises pour l' application de l' article 67 du traité CEE ( ci-après "article 67 "), la compatibilité, enfin, de la législation grecque critiquée et de l' application qui en est faite depuis l' adhésion avec le dispositif communautaire régissant la matière .

2 . L' article 52 trouve place dans la partie du traité d' adhésion consacrée à "la libre circulation des personnes, des services et des capitaux" et, plus précisément, dans son chapitre II, intitulé "Les mouvements de capitaux et les transactions invisibles ".

3 . L' article 49 du traité d' adhésion ( ci-après "article 49 ") en annonce les dispositions en précisant que "la République hellénique peut différer, dans les conditions et délais indiqués aux articles 50 à 53, la libération des mouvements de capitaux prévue par la première directive du Conseil, du 11 mai 1960, pour la mise en oeuvre de l' article 67 du traité CEE et par la deuxième directive du Conseil, du 18 décembre 1962, complétant et modifiant la première directive pour la mise en oeuvre de
l' article 67 du traité CEE ". L' article 52 apparaît donc comme comportant certaines modalités du régime transitoire d' application de l' article 67 et des deux directives prises pour la mise en oeuvre de ce texte .

4 . L' article 52 contient un calendrier de libération progressive des fonds bloqués en Grèce appartenant aux résidents des autres États membres . La Commission et la République hellénique divergent tant sur la notion de "libération" que sur celle de "fonds bloqués ".

5 . Pour la Grèce, la libération s' entend de la faculté, pour le propriétaire des fonds, d' en retrouver la disponibilité, mais exclusivement sur le territoire hellénique . La Commission considère que les fonds libérés doivent pouvoir, en outre et surtout, être transférés dans tout autre État membre de la Communauté . Avec la Commission, il convient de considérer que cette interprétation se déduit des termes du paragraphe 2 de l' article 51 du traité d' adhésion, qui dispose que "le rapatriement du
produit de la liquidation des investissements immobiliers situés en Grèce et acquis avant l' adhésion par les résidents des États membres actuels fait l' objet d' une libération graduelle par l' inclusion des opérations en question dans le système de libération mis en place pour les fonds bloqués en Grèce et défini à l' article 52" ( 1 ). On ne saurait plus nettement affirmer que le "système de libération" de l' article 52 inclut la possibilité d' un transfert, à défaut duquel il n' y aurait pas de
rapatriement .

6 . Quant à la notion de fonds bloqués, on ne peut en rechercher qu' une définition communautaire, et non nationale comme le suggère la République hellénique . En effet, l' article 52 qui fixe les modalités de libération de ces fonds est pris dans le cadre de l' article 49 qui se réfère aux deux directives prises pour l' application de l' article 67 . Or, celle de 1960 fait obligation aux États membres d' accorder "toute autorisation de change requise pour la conclusion ou l' exécution des
transactions ou pour les transferts entre résidents des États membres, afférents aux mouvements de capitaux énumérés à la liste A de l' annexe I de ( cette ) directive" ( 2 ). Cette liste, dans sa rédaction modifiée par la directive de 1962, inscrit au nombre des mouvements bénéficiant d' une libération inconditionnelle, sous la nomenclature XL, les "transferts annuels de fonds bloqués vers un autre État membre par un non-résident détenteur du compte, à concurrence d' un montant ou d' un pourcentage
du total des avoirs, uniforme pour tous les demandeurs et fixé par l' État membre intéressé ".

7 . Certes, aucun texte communautaire ne définit les fonds bloqués . Cependant, avec la Commission, on ne peut manquer d' évoquer, à cet égard, la terminologie utilisée dans le code de la libération des mouvements de capitaux de l' Organisation de coopération et de développement économiques ( OCDE ) ( 3 ), dont l' article 21 précise :

"On entend par :

i ) 'Fonds bloqués' , les fonds appartenant à des résidents d' autres États membres, conformément aux lois et règlements de l' État membre où ils sont détenus et bloqués pour des raisons de balance de paiements ."

Ce qui caractérise de tels fonds est donc le fait qu' une réglementation nationale, pour des raisons économiques et/ou monétaires, interdit le libre transfert à l' étranger de fonds appartenant à des non-résidents, quelles qu' en soient la composition - monnaie nationale ou devises étrangères - ou l' origine . A cet égard, la généralité des termes de la rubrique XL commande d' écarter l' argument du gouvernement défendeur, qui considère que la libération ne viserait que les fonds provenant de dons
ou dotations de toute nature, dots et héritages, lesquels sont visés sous des rubriques distinctes dans la liste A des deux directives et constituent donc d' autres mouvements de capitaux à caractère personnel .

8 . L' esprit, l' objectif et l' économie des directives d' application de l' article 67 commandent d' interpréter la notion de libération de fonds bloqués comme impliquant la faculté de les transférer hors du territoire national, dans des conditions à déterminer, sous réserve, bien entendu, des mesures de protection et de sauvegarde prévues par le traité CEE, notamment par son article 73 .

9 . Dans la mesure où ils sont ouverts au nom de ressortissants communautaires non résidents en Grèce, les fonds bloqués régis par la loi hellénique critiquée relèvent bien de la notion communautaire que nous croyons devoir être retenue . Assujetti à l' obligation précitée de la directive, l' État défendeur, par l' article 52, en a convenu les modalités de mise en oeuvre à l' occasion des négociations ayant abouti à l' acte d' adhésion . C' est donc aux dates et dans les proportions inscrites dans
cet article que la libération, incluant la faculté de transfert des fonds bloqués, devait intervenir .

10 . Ajoutons que le résultat recherché par l' article 52, la libération progressive des fonds bloqués en Grèce devant aboutir à leur suppression, est parfaitement compatible avec la situation de droit opposable à tous les autres États membres . Les deux directives, prises pour l' application de l' article 67 qui prévoit la suppression progressive des "restrictions aux mouvements de capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres", ont, respectant la condition de progressivité,
libéré inconditionnellement les transferts de fonds bloqués appartenant à des non-résidents . Or, selon la Commission, non contredite à cet égard, aucune législation des autres États membres ne contiendrait désormais de dispositions sur ce point . Il y a donc, par l' article 52, alignement progressif de la situation de la Grèce sur celle de tous les autres États membres .

11 . Nous estimons, en conséquence, que, en se limitant à permettre le libre usage en Grèce des fonds bloqués sans en autoriser le transfert dans les conditions prévues à l' article 52 de l' accord relatif à son adhésion aux Communautés européennes, la République hellénique a, pendant la période visée par le présent recours, manqué aux obligations lui incombant en vertu de ce texte . Nous concluons donc à ce que ce manquement soit constaté, les dépens de l' instance devant être mis à la charge de l'
État défendeur .

( 1 ) Souligné par nous .

( 2 ) Article 1er, souligné par nous .

( 3 ) Annexe A, liste A dudit code : n°*XV, A : "Sera libre le transfert annuel de fonds bloqués par leur propriétaire à concurrence d' un montant ou d' un pourcentage du total des avoirs fixé par les États membres intéressés . Ce montant ou ce pourcentage sera uniforme dans tous les cas ."


Synthèse
Numéro d'arrêt : 194/84
Date de la décision : 29/09/1987
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Libre circulation des capitaux - Acte d'adhésion de la Grèce.

Libre circulation des capitaux

Adhésion


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République hellénique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:389

Source

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