La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/1987 | CJUE | N°42/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 23 septembre 1987., Directeur général des douanes et droits indirects contre Artimport et autres., 23/09/1987, 42/86


Avis juridique important

|

61986C0042

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 23 septembre 1987. - Directeur général des douanes et droits indirects contre Artimport et autres. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France. - Classification tarifaire: valises et attachés-cases. - Affa

ire 42/86.
Recueil de jurisprudence 1987 page 04817

Conclusions de l'a...

Avis juridique important

|

61986C0042

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 23 septembre 1987. - Directeur général des douanes et droits indirects contre Artimport et autres. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France. - Classification tarifaire: valises et attachés-cases. - Affaire 42/86.
Recueil de jurisprudence 1987 page 04817

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Faits

1 . Le litige qui a donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle, litige actuellement pendant devant la Cour de cassation française, a trait au classement tarifaire de "valises et attachés-cases" importés de T' ai-wan en mai 1979 et "fabriqués à partir de feuilles de matière plastique composée de résine styrène, butadiène et acrylo-nitrile, ce matériau étant rendu rigide par moulage ou pressage et sans que la rigidité soit obtenue au moyen d' un support ".

2 . Il ressort des débats auxquels le problème a donné lieu jusqu' à présent qu' il est envisageable de classer ces produits dans la sous-position 42.02*B du tarif douanier commun ((" articles de voyage ( malles, valises, boîtes à chapeaux, sacs de voyage, sacs à dos, etc .), sacs à provisions, sacs à main, cartables, serviettes, portefeuilles, porte-monnaie, trousses de toilette, trousses à outils, blagues à tabac, gaines, étuis, boîtes ( pour armes, instruments de musique, jumelles, bijoux,
flacons, colles, chaussures, brosses, etc .) et contenants similaires, en cuir naturel, artificiel ou reconstitué, en fibre vulcanisée, en feuilles de matières plastiques artificielles, en carton ou en tissus :*... B . en autres matières ")). Il est également possible d' envisager la sous-position 39.07*E*IV ( ouvrages en matières des n°s*39.01 à 39.06 en autres matières que celles énumérées sous les points A à*B ).

3 . Sont en faveur du choix de la première des deux positions tarifaires citées la défenderesse au principal, certaines juridictions françaises inférieures ainsi que le secrétariat du comité de la nomenclature du conseil de coopération douanière, qui a adopté ce point de vue dans un avis préparatoire à un avis de classement ( sur lequel nous allons revenir ). De leur côté, le gouvernement espagnol et la Commission sont en faveur du classement dans la seconde position tarifaire citée . Nous pouvons
d' ores et déjà affirmer qu' une troisième position tarifaire ( dont il est question, comme on le sait, dans la demande de décision préjudicielle ) semble en fait exclue .

B - Analyse

La présente affaire, dont les circonstances de détail sont exposées dans le rapport d' audience, appelle selon nous les observations suivantes .

4 . 1 . Il y a lieu de préciser immédiatement que - compte tenu de la date de l' importation - la question ne porte pas sur l' interprétation du règlement n°*1/71 mentionné dans l' arrêt de renvoi, mais sur l' interprétation du règlement n°*2800/78 ( 1 ), dans lequel figure le tarif douanier en vigueur pendant la période considérée .

5 . 2 . Ainsi que vous le savez, le gouvernement espagnol et la Commission invoquent l' avis de classement déjà cité du comité de la nomenclature, du 29 avril 1967, dans lequel ce comité s' est prononcé, à une large majorité, en faveur du classement de produits similaires dans la position 39.07, eu égard au fait que, pour ce qui concerne les matières plastiques, la position 42.02 ne mentionne que les feuilles ( ce qui exclut, selon cette thèse, les articles réalisés par formage au moyen d' un
procédé consistant à chauffer les feuilles et à les fixer sur un moule relié à une pompe sous vide (" formage sous vide "). Le gouvernement espagnol et la Commission font, en outre, valoir que ce point de vue a été confirmé par un avis du comité de la nomenclature du TDC, qui a unanimement décidé de classer une marchandise similaire dans la position 39.07 pour le tarif douanier commun de septembre 1978, et qu' il a encore été confirmé en 1980 par une décision de la Tarifkommissie néerlandaise,
allant également dans le même sens .

6 . A cet égard, il y a lieu d' observer qu' il s' attache une importance particulière aux avis de cette nature en cas de litiges tels que celui qui nous occupe en l' espèce . En effet, la Cour a déjà affirmé à plusieurs reprises que tant les notes explicatives de la nomenclature du conseil de coopération douanière, d' une part, que les fiches de classement du comité de nomenclature du TDC, d' autre part, constituent des moyens valables pour l' interprétation du tarif douanier commun ( 2 ), et qu'
il en est ainsi - comme elle l' a indiqué à propos des notes explicatives communautaires dans l' arrêt 237/81 ( 3 ) - car ces fiches et notes fournissent un élément de certitude juridique nécessaire pour garantir une application uniforme du tarif douanier commun .

7 . Même s' il est constant, en revanche, que les avis ainsi exprimés n' ont pas de force obligatoire en droit ( ainsi que la Cour l' a souligné dans l' arrêt 798/79 ( 4 )), il n' en demeure pas moins que leur caractère de critères d' interprétation valables ne disparaît que s' ils modifient la portée du tarif douanier commun et sont donc incompatibles avec ce dernier ( arrêt 798/79; dans l' arrêt 35/75 ( 5 ), la Cour a mentionné, à propos d' un règlement de la Commission explicitant certaines
dispositions de ce tarif, que les dispositions mêmes du tarif douanier commun ne devaient pas être modifiées ).

8 . En l' espèce, la question essentielle porte donc sur le point de savoir si la lettre et l' économie générale du tarif douanier commun fournissent des éléments permettant de penser que les avis de classement en cause doivent être considérés comme entachés d' un vice . L' ensemble des éléments qui nous ont été présentés permettent difficilement, selon nous, de répondre par l' affirmative à cette question .

9 . En effet, on ne saurait affirmer qu' il se dégage de la lettre et de l' économie générale du tarif douanier commun des raisons majeures militant contre le classement des valises litigieuses dans la position tarifaire 39.07 . En effet, outre les marchandises énumérées dans les sous-positions E*I à E*III, cette position englobe les ouvrages en matières des n°s*39.01 à 39.06 et, ce qui est particulièrement digne d' intérêt, les notes explicatives du conseil de coopération douanière indiquent qu'
elle appréhende une grande variété d' articles, notamment des articles réalisés par formage, c' est-à-dire par le procédé de fabrication utilisé pour les marchandises litigieuses en l' espèce .

10 . D' autre part, il ne saurait être question d' affirmer que le libellé de la position 42.02 impose de classer dans cette position des marchandises telles que les marchandises litigieuses en l' espèce . En effet, il ne faut pas oublier que, pour ce qui concerne les matières plastiques, matériau dont il est question en l' espèce, cette position tarifaire très détaillée ( dont les notes explicatives précisent qu' elle appréhende exclusivement les articles énumérés dans son libellé et les articles
similaires ) ne mentionne que les feuilles . Ainsi que cela ressort de la note 3, sous d ), au chapitre 39, les feuilles se distinguent des plaques . Néanmoins, si cette analyse est nécessaire, le sens des termes permet en lui-même de supposer que le terme feuilles désigne des plaques minces, donc des produits flexibles . Il en résulte de toute évidence que les produits réalisés dans cette matière sont également flexibles ( ou souples ), et que de tels produits doivent leur rigidité - le cas échéant
- à un support rigide ( précision que l' on retrouve également dans les notes explicatives du conseil de coopération douanière, lesquelles n' appellent à cet égard aucune objection ).

11 . Toutefois, comme il est établi que les marchandises litigieuses en l' espèce, même si leur procédé de fabrication comporte initialement l' utilisation de feuilles, n' acquièrent leur rigidité que par le procédé précédemment décrit et qu' on ne peut plus, dès lors, affirmer qu' elles soient encore composées de feuilles, il ne s' impose assurément pas de passer outre aux avis de classement cités en les classant dans la position 42.02 .

12 . 3 . Les arguments présentés par Artimport contre cette décision de classement, qui se révèle donc parfaitement fondée, ne sont nullement décisifs .

13 . a)*Il en est ainsi de l' argument qui consiste à affirmer que la position 42.02 comprend, dans son énumération, non seulement des articles en matière souple (" articles ayant des caractéristiques physiques similaires à celles du cuir", selon les termes - sans doute inappropriés - utilisés par le gouvernement espagnol ), mais aussi des articles en matière rigide, puisque les fibres vulcanisées et le papier figurent dans l' énumération ( cela a d' ailleurs été signalé dans l' arrêt de la cour d'
appel de Rouen ). Même si l' exactitude de cette affirmation ne fait aucun doute ( et s' il est donc possible de critiquer la version française des notes explicatives du conseil de coopération douanière aux termes de laquelle "ces articles peuvent être souples, en raison de l' absence de support rigide *..., ou rigides, du fait de l' existence d' un support ..."), il est néanmoins décisif que le texte ne mentionne que les feuilles dans le cas des matières plastiques, c' est-à-dire - comme cela a été
démontré - les produits qui doivent, d' après le système du tarif douanier commun, être qualifiés de produits souples .

14 . b)*Cette critique vaut aussi contre l' argument selon lequel les notes explicatives du chapitre 39 mentionnent également les produits qui comportent des éléments rigides (" contenant *... une armature ou un réseau de renforcement; intercalation de matières telles que feuilles métalliques, carton ..."). En effet, si ce texte peut éventuellement conduire à penser que les notes relatives à la position 42.02 sont critiquables ( dans la mesure où elles mentionnent un support rigide ), il ne s'
ensuit cependant pas que des valises en matière plastique dont la rigidité n' est due qu' à un formage doivent être classées dans la position 42.02 en contradiction avec le libellé de cette dernière ( dans lequel il est question de "feuilles ").

15 . c)*Il y a également lieu d' écarter les trois derniers arguments, à savoir l' argument qui consiste à invoquer la règle A*4 des règles générales pour l' interprétation de la nomenclature du tarif douanier commun (" les marchandises qui ne rentrent dans aucune des positions du tarif doivent être classées dans la position afférente aux articles les plus analogues "), l' argument selon lequel la nomenclature des marchandises pour les statistiques du commerce extérieur de la Communauté et du
commerce entre ses États membres ( Nimexe ) ne fournit aucun élément justifiant de classer les valises en cause dans le chapitre 39 du tarif douanier commun et, enfin, l' argument selon lequel la sécurité juridique serait compromise si des produits tels que les produits litigieux en l' espèce devaient désormais être classés dans la position 39.07 .

16 . En fait, la règle d' interprétation précitée ne saurait être invoquée, car il existe bien une position tarifaire visant de manière précise les produits litigieux . Pour ce qui concerne ensuite la nomenclature Nimexe, il y a lieu de noter - et c' est là un élément important - que ce texte est établi par la Commission en vue des statistiques du commerce extérieur, et qu' il ne saurait naturellement, en tant que tel, constituer un critère d' appréciation ayant force obligatoire eu égard au tarif
douanier commun établi par le Conseil . En revanche, sur la question de la sécurité juridique, il faut observer que, compte tenu des avis de classement explicites mentionnés et de l' existence d' une pratique conforme dans la plupart des États membres, le souci de sécurité juridique fournit des arguments qui militent bien plutôt en faveur de la tarification recommandée par la Commission .

17 . Enfin, la référence aux arrêts Carlsen ( 6 ) et Cleton ( 7 ) n' impose pas non plus un point de vue différent . Ces deux arrêts confirment le principe d' interprétation selon lequel les critères décisifs pour le classement tarifaire de marchandises doivent être recherchés dans les caractéristiques et propriétés objectives des marchandises, telles que définies par le libellé de la position du tarif douanier commun et des notes de sections ou de chapitres .

18 . En l' espèce, le classement décidé repose sur un examen desdites caractéristiques objectives . La destination et l' aspect d' une marchandise relèvent des caractéristiques objectives . Certes, un conflit est concevable dans le cas où il apparaît que la destination d' une marchandise permet d' envisager une certaine position tarifaire, tandis que ses caractéristiques physiques permettent d' en envisager une autre; toutefois, c' est là une réflexion purement théorique . En effet, dans le cas sur
lequel la Cour est amenée à statuer en l' espèce, la destination de la marchandise ne peut intervenir que si la question des caractéristiques physiques ( feuilles de matière plastique ) a au préalable été résolue .

19 . Dans la mesure où - comme nous l' avons déjà indiqué - le classement sous le couvert de marchandise composée de "feuilles de matière plastique" doit être écarté, la destination (" articles de voyage ") ne constitue pas un élément déterminant .

20 . 4 . La réponse à la question déférée par la Cour de cassation française s' impose donc, mais il convient, pour terminer, d' examiner brièvement la question de savoir si, comme le suggère Artimport, la Cour doit déclarer dans son arrêt que la clarification ne produira ses effets que pour la période postérieure au prononcé dudit arrêt .

21 . Nous ne voyons aucune raison de nous rallier à ce point de vue . D' une part, une telle application de l' alinéa 2 de l' article 174 ( c' est ce dont il s' agit en substance en l' espèce ) n' a été envisagée jusqu' à présent, dans les décisions à titre préjudiciel, que dans le cadre du contrôle de légalité ( en l' espèce, il s' agit au contraire d' interpréter le règlement n°*2800/78 et donc de déterminer la portée qui a été celle de ce règlement à partir de son adoption ); à cela s' ajoute qu'
on ne saurait, selon nous, envisager d' écarter un effet rétroactif pour l' année 1979, ne serait-ce que dans la mesure où la clarification ne date pas en fait d' aujourd' hui, mais résulte déjà d' un avis de classement de 1967 et correspond à la pratique qui a été suivie dans la plupart des États membres .

C - Conclusion

5 . En résumé, nous vous proposons donc de répondre à la question déférée par la Cour de cassation comme suit :

22 . "Le règlement n° 2800/78 est à interpréter en ce sens que des valises et 'attachés-cases' fabriqués à partir de feuilles de matière plastique composée de résine styrène, butadiène et acrylo-nitrile, ce matériau étant rendu rigide par moulage ou pressage et sans que la rigidité soit obtenue au moyen d' un support, relèvent de la sous-position 39.07*E*IV du tarif douanier commun ."

(*) Traduit de l' allemand .

( 1 ) JO 1978, L 335, p .* 1 et suiv .

( 2 ) Voir arrêt du 15 février 1977 dans les affaires jointes 69 et 70/76, Rolf H . Dittmeyer/Hauptzollamt Hamburg-Waltershof, Rec . p.*238, attendu 4; arrêt du 26 septembre 1985 dans l' affaire Thomasduenger GmbH/Oberfinanzdirektion Frankfurt am Main, Rec . p.*3001 .

( 3 ) Arrêt du 23 septembre 1982 dans l' affaire 237/81, Almadent Dental-Handels - und Vertriebsgesellschaft mbH/Hauptzollamt Mainz, Rec . p.*2981, attendu*9 .

( 4 ) Arrêt du 11 juillet 1980 dans l' affaire 798/79, Hauptzollamt Koeln-Rheinau/Chem-Tec, Rec . p.*2639 .

( 5 ) Arrêt du 23 octobre 1975 dans l' affaire 37/75, Bagusat KG/Hauptzollamt Berlin-Packhof, Rec . p.*1205 .

( 6 ) Arrêt du 8 décembre 1977 dans l' affaire 62/77, Carlsen Verlag/Oberfinanzdirektion Koeln, Rec . p.*2343, attendu*3 .

( 7 ) Arrêt du 4 octobre 1979 dans l' affaire 11/79, Cleton et autres/Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, Rec . p.*3069, attendu 14 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42/86
Date de la décision : 23/09/1987
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France.

Classification tarifaire: valises et attachés-cases.

Tarif douanier commun

Libre circulation des marchandises

Union douanière


Parties
Demandeurs : Directeur général des douanes et droits indirects
Défendeurs : Artimport et autres.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: O'Higgins

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:383

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award