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07/07/1987 | CJUE | N°315/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 7 juillet 1987., Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg., 07/07/1987, 315/85


Avis juridique important

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61985C0315

Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 7 juillet 1987. - Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg. - Manquement d'État - Transfert des droits à pension vers les Communautés. - Affaire 315/85.
Recueil de jurisprudence 1987 p

age 05391

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,...

Avis juridique important

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61985C0315

Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 7 juillet 1987. - Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg. - Manquement d'État - Transfert des droits à pension vers les Communautés. - Affaire 315/85.
Recueil de jurisprudence 1987 page 05391

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Par un recours introduit le 22 octobre 1985, la Commission des Communautés européennes vous demande de constater que, en n' appliquant que dans une mesure partielle l' article 11, paragraphe 2 de l' annexe VIII du statut des fonctionnaires, le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE .

Comme on le sait, en vertu de cette règle, "le fonctionnaire qui entre au service des Communautés, après avoir cessé ses fonctions auprès d' une administration, d' une organisation nationale ou internationale ou d' une entreprise, a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés :

- soit l' équivalent actuariel des droits à pension d' ancienneté qu' il a acquis dans l' administration, l' organisation nationale ou internationale ou l' entreprise dont il relevait,

- soit le forfait de rachat qui lui est dû par la caisse de pension de cette administration, organisation ou entreprise au moment de son départ .

En pareil cas, l' institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu' elle prend en compte d' après son propre régime sur la base du montant de l' équivalent actuariel ou du forfait de rachat ".

2 . Au Luxembourg - rappelons-le - il existe deux régimes de sécurité sociale très différents en ce qui concerne les conditions auxquelles le droit à pension est soumis, les modalités de financement et les organismes chargés de la gestion administrative : le "régime statutaire", qui est réservé en pratique aux fonctionnaires publics, et le "régime contributif", dont bénéficient les travailleurs privés . En présence de cette situation et pour permettre l' exercice du droit reconnu par la règle
communautaire citée, le législateur luxembourgeois a promulgué deux dispositions distinctes .

Plus précisément, au fonctionnaire qui quitte l' emploi public, l' article 8, paragraphe 2, de la loi du 27 août 1977, a offert la possibilité "d' opter entre soit l' application des dispositions prévues au paragraphe 1 ( réintégration du fonctionnaire dans l' État luxembourgeois avec versement d' une somme de rachat pour reconstituer les droits à pension ), soit celles *... du régime de pension de l' institution internationale au service de laquelle il est entré et qui sont directement applicables
au grand-duché de Luxembourg ...". Pour les employés privés, en revanche, l' article 18 de la loi du 16 décembre 1963, tel qu' il a été modifié par la loi du 14 mars 1979, dispose que, "lorsqu' une personne passe d' un régime de pension contributif luxembourgeois à un régime de pension d' un organisme prévoyant le rachat des droits à pension acquis pendant les périodes d' occupation antérieures à sa titularisation, les cotisations versées au régime de pension luxembourgeois sont transférées sur
demande de l' intéressé (... à celui ) de l' organisme international, compte tenu d' intérêts composés de 4 % l' an à partir du 31 décembre de chaque année d' affiliation ".

En substance, pour la seconde catégorie de travailleurs, la cession des droits de sécurité sociale au régime communautaire doit avoir lieu sur la seule base du forfait de rachat . Au contraire, pour les fonctionnaires publics, le même transfert est réalisé sous la forme de l' équivalent actuariel .

Or, la Commission estime que la limite imposée aux travailleurs du secteur privé est incompatible avec le statut : l' article 11, paragraphe 2 - affirme-t-elle -, entend garantir à celui qui entre dans la fonction publique européenne le droit de bénéficier de la méthode actuarielle dans tous les cas et, par conséquent, même lorsque le régime de pensions auquel il a cotisé précédemment ne connaît pas cette modalité de calcul . D' où l' introduction de la présente procédure fondée sur l' article 169,
alinéa 1, et, à la suite du refus d' obtempérer opposé par l' État membre, le recours sur lequel vous êtes appelés à statuer .

3 . La République française et le Royaume-Uni sont intervenus à l' appui du grand-duché . Les trois gouvernements affirment que l' article 11, paragraphe 2, confère aux fonctionnaires de la Communauté la faculté d' opter entre le maintien de leur situation de sécurité sociale selon les règles internes qui leur sont applicables et la cession de leurs droits en faveur du régime communautaire . Par contre, la règle ne les habilite pas à choisir les modalités du transfert qui doit avoir lieu selon les
critères établis par chaque État membre dans le cadre du système de pension auquel le fonctionnaire était affilié .

Disons tout de suite que l' interprétation de la requérante n' est pas convaincante . Elle se fonde sur le postulat que, dans l' optique du statut, l' équivalent actuariel est la modalité de transfert ordinaire, tandis que le forfait de rachat constitue "un filet de sécurité en cas de passage d' un régime vers un autre" et a, par conséquent, une nature résiduelle .

Toutefois, la Commission n' explique pas pour quels motifs le législateur communautaire considère le second critère comme subsidiaire par rapport au premier, et elle ne nous dit pas non plus dans quelles circonstances le fonctionnaire peut y recourir . L' équivalent actuariel - soutient-elle dans le recours - est la seule modalité qui garantisse à celui qui a déjà droit à la pension la certitude de ne pas perdre l' ancienneté acquise dans le cadre national lorsqu' il passe au régime communautaire .
A l' audience, la requérante a cependant affirmé que, si un ordre juridique national prévoit les deux formes de cession indiquées à l' annexe VIII, le bénéficiaire de la pension peut, s' il l' estime plus avantageux, opter pour la seconde; et, comme il est évident, cette remarque retire à l' argument précité une bonne partie de sa valeur . Mais, abstraction faite de cette contradiction, il est de fait que la thèse selon laquelle la méthode actuarielle constitue la règle et le forfait de rachat l'
exception ne trouve un fondement ni dans la lettre ni dans les finalités de la règle communautaire .

Rappelons tout d' abord que "en instaurant *... un système de transfert des droits à pension, l' article 11, paragraphe 2 vise à faciliter le passage des emplois nationaux, publics ou privés, à l' administration communautaire et à garantir ainsi aux Communautés les meilleures possibilités de choix d' un personnel qualifié déjà doté d' une expérience professionnelle appropriée" ( arrêt du 20 octobre 1981, affaire 137/80, Commission/Belgique, Rec . p.*2393, attendu 11 ). La règle imposait donc aux
États membres l' obligation d' adopter "toutes mesures générales ou particulières *... ( nécessaires ) pour permettre une coordination entre leurs régimes de pension et le régime communautaire" ( attendus 9 et 12, c' est nous qui soulignons ).

L' adoption d' un seul critère de transfert par les différents États membres n' était donc pas indispensable . La raison est évidente . Au moment où le statut a été rédigé ( février 1968 ), l' Italie appliquait le critère de l' équivalent actuariel, tandis que, dans les cinq autres États membres, la cession des droits à pension avait lieu sous des formes semblables ou identiques au forfait de rachat . Le Conseil a tenu compte de cette situation et a mentionné les deux modalités, obtenant ainsi l'
avantage de rendre plus faciles les opérations entre les administrations intéressées, sans imposer aux États une obligation de modifier les systèmes respectifs . Nous observons en outre que les élargissements qui ont suivi l' entrée en vigueur du statut n' ont pas modifié cet état de chose : en conséquence, on ne peut pas dire qu' il existe aujourd' hui un principe commun de nature à étayer la thèse de la requérante, ou que des exigences nouvelles susceptibles de la justifier du point de vue de l'
interprétation évolutive sont intervenues .

A la suite de ces remarques et de la jurisprudence citée, nous devons donc estimer que la règle n' établit aucune priorité entre les deux formes de transfert et n' habilite pas les fonctionnaires à choisir celle qu' ils jugent la plus convenable . Du reste, la Cour s' est prononcée en ce sens dans un arrêt rendu lorsque notre affaire était déjà en cours : "une analyse des termes *... ( de l' article 11, paragraphe 2 ) - y lit-on - démontre clairement que son objet fondamental est de garantir le
passage d' un système d' assurance national au système communautaire sous l' une des deux formes qu' il mentionne, en l' occurrence l' équivalent actuariel ou le forfait de rachat, mais qu' il n' impose pas impérativement que les deux possibilités doivent être prévues, et cela nonobstant que le droit national les connaisse ou non" ( arrêt du 23 janvier 1986, affaire 171/84, Soma et autres/Commission, Rec . p.*173, attendu 20 ).

4 . A la lumière des considérations qui précèdent, nous vous proposons de rejeter le recours introduit par la Commission des Communautés européennes contre le grand-duché de Luxembourg et de condamner la requérante aux dépens, en vertu de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure .

(*) Traduit de l' italien .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 315/85
Date de la décision : 07/07/1987
Type de recours : Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Manquement d'État - Transfert des droits à pension vers les Communautés.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Grand-Duché de Luxembourg.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mancini
Rapporteur ?: Bahlmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:331

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