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04/02/1987 | CJUE | N°214/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 4 février 1987., Sandro Gherardi Dandolo contre Commission des Communautés européennes., 04/02/1987, 214/85


Avis juridique important

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61985C0214

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 4 février 1987. - Sandro Gherardi Dandolo contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Origine professionnelle d'une invalidité permanente totale. - Affaire 214/85.
Recueil de jurisprudence 1987 pa

ge 02163

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président...

Avis juridique important

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61985C0214

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 4 février 1987. - Sandro Gherardi Dandolo contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Origine professionnelle d'une invalidité permanente totale. - Affaire 214/85.
Recueil de jurisprudence 1987 page 02163

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le conflit qui oppose M . Sandro Gherardhi Dandolo à la Commission est relatif au régime de la pension d' invalidité qui lui est accordée . Le requérant sollicite, en effet, le bénéfice de l' alinéa 2, et non de l' alinéa 3, de l' article 78 du statut des fonctionnaires ( ci-après "statut ") dont il lui a été fait application par la Commission .

2 . Un fonctionnaire communautaire exerce normalement son activité jusqu' à sa mise à la retraite, qui intervient au plus tard lorsqu' il est atteint par la limite d' âge de 65 ans . Ce terme peut être anticipé pour plusieurs raisons, l' une d' elles étant précisément visée par l' article 78 .

Ce texte prévoit que le fonctionnaire, frappé d' une invalidité permanente totale le mettant dans l' impossibilité d' exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière, est admis à bénéficier d' une pension d' invalidité ( alinéa 1 ) dont le taux est égal à celui dont il aurait bénéficié s' il était resté en service jusqu' à l' âge de 65 ans ( alinéa 3 ).

Si, cependant, l' invalidité résulte notamment d' un accident du travail ou d' une maladie professionnelle, le taux est fixé à 70 % du traitement de base ( alinéa 2 ).

La déclaration d' invalidité telle que ci-dessus définie incombe à la commission d' invalidité ( annexe VIII du statut, article 13 ) composée de trois médecins ( annexe II, article 7 ), respectivement désignés par l' intéressé, par l' institution dont il relève, et d' un commun accord par les deux médecins ainsi choisis .

Par votre récent arrêt Rienzi ( 1 ), vous avez déclaré que cette commission

"est exclusivement compétente pour porter des appréciations de caractère médical"

et que sa compétence s' arrête

"dans tous les cas où il est nécessaire de procéder à une qualification de nature juridique" ( point 9 )

qui

"appartient à la seule administration ..., sous le contrôle de la Cour" ( point 11 ).

Et vous avez rejeté les deux premiers moyens soutenus par M . Rienzi

"dans la mesure où ils supposent que la commission d' invalidité est également compétente pour déterminer, d' un point de vue juridique, la notion de maladie professionnelle" ( point 12 ).

Incompétente pour se prononcer sur l' origine professionnelle d' une maladie invalidante, la commission agit cependant dans le cadre de ses attributions lorsqu' elle constate le

"rapport de cause à effet entre l' invalidité et une maladie (... qu' elle ) n' était toutefois pas compétente pour qualifier du point de vue juridique" ( point 12 ).

Autrement dit, cette commission est seule qualifiée pour évaluer l' existence, le niveau et les conséquences d' une invalidité, pour établir le lien entre celle-ci et un accident et/ou une maladie, mais non pour se prononcer sur l' origine professionnelle de ces derniers .

3 . Le rattachement au service de l' accident et/ou de la maladie incombant à l' administration, comment la commission d' invalidité pourra-t-elle se prononcer utilement en vue de l' application éventuelle par l' administration de l' alinéa 2 de l' article 78?

A cet égard, la lettre de mission adressée le 23 mars 1982 par l' AIPN au docteur Thomas, médecin désigné par le requérant pour siéger à la commission d' invalidité, avec copie au docteur Nijs, médecin désigné par l' administration, est éclairante . Il y est précisé que,

"si les médecins membres de la commission d' invalidité ou le fonctionnaire lui-même estiment qu' il y a lieu de faire valoir le caractère professionnel de la maladie ou les séquelles d' un accident de travail comme étant à l' origine de l' ouverture de la procédure d' invalidité, le service responsable de la procédure de reconnaissance de l' origine professionnelle des maladies doit être saisi au préalable ...

La commission d' invalidité ne sera en mesure de se prononcer sur cet aspect qu' après accomplissement de la procédure en question et en conformité avec ses conclusions ".

Dès lors, si les accidents et/ou les maladies ayant, selon la commission, entraîné une invalidité totale sont d' ores et déjà qualifiés de professionnels par l' administration, il n' y a pas de difficulté pour l' application des dispositions de l' alinéa 2 de l' article 78 . Dans le cas contraire, la commission devra interroger l' administration .

Tel a été le cas pour M . Gherardhi . Par lettre du 6 mai 1982, le docteur Thomas questionne sur "les accidents subis en 1978 et 1968" l' administration, qui lui répond qu' ils ne sont pas des accidents du travail et que, dès lors, "rien ne s' oppose au déroulement normal de la procédure d' invalidité ".

Dans les conditions rappelées au rapport d' audience, la Commission, par décision du 21 juin 1982, a admis M . Gherardhi au bénéfice de la retraite avec pension d' invalidité fixée conformément aux dispositions de l' article 78, alinéa 3 .

Cette décision a provoqué de la part de l' intéressé deux lettres :

- l' une, en date du 28 juin 1982, par laquelle il en demandait le réexamen "dans le sens établi par le document de la commission médicale" qui avait déclaré que l' invalidité résultait "d' un accident survenu dans l' exercice des fonctions partiellement" ; cette lettre s' analyse comme une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, tendant à obtenir le bénéfice des dispositions de l' alinéa 2 de l' article 78;

- l' autre, datée du 10 août 1982, par laquelle il demande à l' AIPN "d' entamer la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle"; l' intéressé sollicite ainsi le déclenchement de la procédure prévue aux articles 16 et suivants de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes" prise pour l' application de l' article 73 du statut . Précisons que cette demande, dont la recevabilité a été admise
par l' administration, est en cours d' instruction .

4 . Seule la suite donnée à la première de ces correspondances doit, à ce stade, retenir notre attention .

En effet, cette lettre n' a pas reçu de réponse dans les délais statutaires . La réclamation de M . Gherardhi doit donc, à première vue, être considérée comme ayant fait l' objet d' une décision implicite de rejet . Cette dernière, n' ayant pas été frappée d' un recours dans les délais requis, ne peut donc plus être contestée . C' est ce que soutient d' ailleurs la Commission . Mais, pour tenter d' échapper à cette exception d' irrecevabilité, le requérant allègue que la décision lui faisant grief
est, non celle du 21 juin 1982, au demeurant non attaquée, mais celle du 20 juillet 1984, dont il conviendra de préciser la nature et la portée et qu' il défère à votre censure .

Que s' est-il passé entre ces deux dates?

La Commission, après que la décision du 21 juin 1982 fut devenue définitive, a néanmoins, considérant que l' avis de la commission d' invalidité appelait quelques précisions complémentaires, interrogé à deux reprises cet organisme sur le cas de M . Gherardhi :

- la première fois, par lettre du 26 janvier 1984, pour savoir quel accident était visé dans les conclusions du 28 mai 1982, par la mention "partiellement", et si celui-ci avait été "constitutif ou déterminant pour l' invalidité ... constatée"; la commission répondait, le 30 mars suivant, d' une part, qu' il y avait lieu de prendre en compte deux accidents du travail, survenus les 17 novembre 1964 et 3 janvier 1968, considérés comme tels parce que "survenus sur le chemin du travail", d' autre part,
que les conséquences de ces accidents étaient, à son avis, constitutives de l' invalidité et, "en association avec les autres affections, déterminantes" de celle-ci;

- la deuxième fois, par lettre du 21 mai 1984, pour rappeler que l' accident de 1968 n' était pas un accident du travail et demander "si le seul accident du 17 novembre 1964 était déterminant ou constitutif de l' invalidité ...", c' est-à-dire "la cause essentielle et prépondérante" de cette dernière .

La commission d' invalidité, prenant acte de ce que "l' accident du 3 janvier 1968 ( n' avait ) pas été retenu comme accident de travail" concluait à la majorité

"que le seul accident du 17 novembre 1964 ne ( constituait ) pas, à ( son ) avis, un élément déterminant ou constitutif, c' est-à-dire la cause essentielle et prépondérante de l' invalidité ".

L' AIPN adressait donc, le 20 juillet 1984, au conseil de M . Gherardhi une lettre par laquelle elle lui faisait connaître que, dans ces conditions, elle ne modifierait pas sa décision du 21 juin 1982 .

5 . Peut-on, comme le soutient M . Gherardhi, considérer qu' en décidant de réexaminer son dossier l' administration aurait retiré sa décision du 21 juin 1982 et que, contrairement à la position de la Commission, la décision du 20 juillet 1984 ne serait pas confirmative de la précédente, mais entièrement nouvelle, puisque prise au vu de faits nouveaux constitués par les deux rapports établis en 1984 par la commission d' invalidité?

Nous ne le croyons pas, et ce pour les raisons suivantes .

A - Le retrait d' une décision administrative résulte d' un acte, émanant de la même autorité ou de l' autorité hiérarchiquement supérieure, qui soit rapporte expressément la décision antérieure, soit en contient une nouvelle qui, implicitement, mais nécessairement, se substitue à la précédente .

Or, contrairement aux prétentions du requérant, la lettre adressée le 20 juin 1983 à son conseil par l' AIPN ne peut s' analyser comme une décision de retrait . En effet, son signataire, après avoir rappelé que

"la lettre de M . Gherardhi est apparemment restée sans réponse explicite, de sorte qu' il faut considérer que sa réclamation ... a reçu une réponse implicite de rejet au sens de l' article 90, paragraphe, 2 du statut",

se borne à relever "l' incertitude qui subsiste quant à la cause de l' invalidité de M . Gherardhi", et indique qu' il a demandé au docteur Nijs des renseignements complémentaires quant au fait générateur de l' invalidité au vu desquels il examinera s' il y a lieu de réviser le taux de la pension du requérant .

En résumé, cette lettre comporte un rappel du caractère définitif de la décision du 21 juin 1982 et une promesse de la réexaminer à condition que des précisions d' ordre médical le justifient .

B - Ces précisions ont été fournies par la commission d' invalidité et ne comportent aucun fait nouveau . Il est exact que cette commission s' est exprimée à deux reprises .

Ses conclusions du 19 juin 1984 se bornent à rectifier une erreur - l' imputabilité au service de l' accident du 3 janvier 1968 - et à en tirer la conséquence quant au caractère "déterminant ou constitutif" au regard de l' invalidité du "seul accident du 17 novembre 1964 ". En indiquant que celui-ci "ne constitue pas ... la cause essentielle et prépondérante de l' invalidité", la commission apporte à l' AIPN la précision estimée nécessaire par lettre du 20 juin 1983 en vue de mettre un terme à "l'
incertitude" pouvant résulter de ses premières conclusions . Partiellement à l' origine de l' invalidité ( conclusions du 28 mai 1982 ), l' accident du 17 novembre 1964 n' en était pas pour autant, selon la commission, la cause essentielle et prépondérante ( conclusions du 19 juin 1984 ).

6 . A défaut de retrait de la décision du 21 juin 1982 et de fait nouveau permettant de s' affranchir des délais d' ordre public permettant de la remettre en cause, celle-ci doit être considérée, au regard du présent recours, comme l' acte faisant grief .

Relevons, à cet égard, que la Commission a précisé qu' elle saisirait à nouveau la commission d' invalidité s' il s' avérait que la procédure administrative intentée par M . Gherardhi sur le fondement de l' article 73 devait aboutir à établir l' origine professionnelle des maladies soumises par le requérant à l' examen de la commission médicale .

La lettre du 20 juillet 1984, confirmant la décision du 21 juin 1982, n' a pu avoir, aux termes de votre jurisprudence constante ( 2 ), pour effet de rouvrir les délais d' ordre public de réclamation et de recours .

7 . Sans qu' il y ait lieu, dès lors, d' examiner ni l' exception d' irrecevabilité tirée de la tardiveté de la réclamation introduite le 22 octobre 1984 à l' encontre de la "décision" du 20 juillet 1984 ni le fond du litige, nous vous suggérons de déclarer irrecevable le recours de M . Gherardhi Dandolo et de condamner le requérant aux dépens, sous réserve des dispositions de l' article 70 du réglement de procédure .

( 1 ) Arrêt du 21 janvier 1987, 76/84, Rienzi/Commission, Rec . 1987, p . 0000 .

( 2 ) 1/76, Wack/Commission, Rec . p . 1O23, point 7; 17/71, Tontodonati/Commission, Rec . p . 1O62, point 3 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 214/85
Date de la décision : 04/02/1987
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Fonctionnaires - Origine professionnelle d'une invalidité permanente totale.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Sandro Gherardi Dandolo
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Joliet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:56

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