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06/06/1985 | CJUE | N°134/84

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 6 juin 1985., Calvin E. Williams contre Cour des comptes des Communautés européennes., 06/06/1985, 134/84


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. G. FEDERICO MANCINI

présentées le 6 juin 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  M. Calvin E. Williams, fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes et requérant dans le présent litige, n'a pas besoin d'être présenté. Nous -avons appris à connaître son nom au fur et à mesure que les affaires dont il était le protagoniste ont été portées devant la Cour. Parmi les arrêts qui le concernent, le premier remonte au 6 octobre 1982 (affaire 9/81, Williams/C

our des comptes, Rec. 1982, p. 3301); à cette occasion, vous avez décidé que la Cour des comptes de...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. G. FEDERICO MANCINI

présentées le 6 juin 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  M. Calvin E. Williams, fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes et requérant dans le présent litige, n'a pas besoin d'être présenté. Nous -avons appris à connaître son nom au fur et à mesure que les affaires dont il était le protagoniste ont été portées devant la Cour. Parmi les arrêts qui le concernent, le premier remonte au 6 octobre 1982 (affaire 9/81, Williams/Cour des comptes, Rec. 1982, p. 3301); à cette occasion, vous avez décidé que la Cour des comptes devait «
procéder à la rectification de classement d'échelon [de M. Williams] en appréciant, conformément à la décision de février 1980, [son] expérience professionnelle ... et éventuellement ses titres, en vue de supprimer [avec effet à partir du 12 mai 1980, date de la réclamation] la différence de classement existant avec les fonctionnaires venant de l'extérieur de la Communauté et auxquels ont été appliqués les critères de classement de la décision susvisée ».

La bataille menée par M. Williams au nom du principe qui sanctionne l'égalité de traitement était donc gagnée; et nul n'aurait imaginé, que moins de trois ans plus tard, nous serions amenés à examiner une affaire dont l'objet consiste dans la détermination exacte du classement auquel le requérant avait droit en vertu de l'arrêt précité.

Voyons alors ce qui s'est produit au cours de ces trois années. Au moment d'exécuter la décision de la Cour, l'institution condamnée s'est aperçue qu'elle n'en comprenait pas la portée exacte, de sorte qu'elle vous a demandé, le 24 novembre 1982, de l'interpréter. Toutefois, ses doutes concernaient essentiellement les modalités sur la base desquelles il convenait de procéder à la rectification que vous aviez imposée; comme c'était facile à prévoir, vous avez, dès lors, déclaré la demande
irrecevable (ordonnance du 29 septembre 1983). Placée ainsi devant ces responsabilités administratives, la Cour des comptes s'est conformée à vos prescriptions par décision du 10 novembre 1983. Le classement de M. Williams — qui, au 12 mai 1980 (date de la réclamation) avait le grade A6, deuxième échelon — a été modifié comme suit: A6, troisième échelon, avec ancienneté d'échelon au 12 mai 1980, et, à partir du 12 mai 1982, A6, quatrième échelon.

Or, telle n'était pas la justice que M. Williams attendait de son administration. Il a donc introduit contre l'acte précité une réclamation qui a été rejetée le 16 mars 1984. Dans ces conditions, le fonctionnaire a estimé qu'il n'avait pas d'autre choix que de reprendre le chemin du Kirchberg.

2.  Par recours déposé le 18 mai 1984, M. Williams vous demande: a) d'annuler la décision du 10 novembre 1983 relative à son reclassement et celle du 16 mars 1984 qui a rejeté sa réclamation; b) de déclarer que la Cour des comptes est tenue de respecter tous les critères de la décision du 21 février 1980 et, notamment, son article 4.

Le requérant invoque un « unique » moyen à l'appui de sa demande: à savoir que la Cour des comptes n'aurait pas « exécuté loyalement l'arrêt du 6 octobre 1982». Disons d'emblée que nous le trouvons général et que les arguments par lesquels la défense de M. Williams a cherché à l'étayer nous paraissent non moins vagues. En réalité, les pages de la requête traduisent la conviction que votre arrêt fonde le requérant à obtenir une véritable reconstitution de sa carrière. Il demande, en effet, que «
la Cour des comptes fasse disparaître la discrimination entre les agents temporaires repris de la Commission de contrôle [ce qui était son cas] et les agents nouvellement » nommés fonctionnaires par elle. Nous observons, cependant, qu'en raisonnant ainsi, M. Williams oublie qu'il a formé un recours visant à l'annulation d'une décision prise par son administration et que, dans l'exercice de la compétence y afférente, la Cour ne peut intervenir dans la sphère des pouvoirs conférés à l'AIPN ou se
substituer à celle-ci.

Le recours doit donc être replacé dans son cadre naturel: il apparaîtra alors comme visant à faire constater que la Cour des comptes a violé les obligations que lui a imposées l'arrêt rendu le 6 octobre 1982 et, partant, à obtenir l'annulation de l'acte qui a reclassé le fonctionnaire. Dans cette optique, le moyen avancé par ce dernier finit par se préciser: l'institution — nous pouvons le comprendre ainsi — n'a pas appliqué l'article 4 de la décision générale du 21 février 1980. Or, la Cour des
comptes devait-elle tenir compte de cette disposition? Et si elle le devait, est-il vrai que la disposition n'a pas été correctement appliquée en l'espèce?

Examinons ces deux questions. En ce qui concerne l'attribution des échelons aux fonctionnaires nouvellement nommés, la décision générale précitée prévoyait deux situations distinctes: celle des candidats externes à la Communauté et celle des sujets qui, au moment de la nomination, étaient déjà agents temporaires. En ce qui concerne les premiers, l'article 3 dispose en des termes empruntés en grande partie à l'article 32 du statut des fonctionnaires que, « pour tenir compte de l'expérience
professionnelle d'un candidat dépassant celle prise en considération aux fins de la détermination du grade de nomination, l'AIPN accorde une bonification d'ancienneté d'échelon ». Pour les grades A7 à A5, cette bonification peut être au maximum de 48 mois, c'est-à-dire égale à deux échelons. L'article 4 dispose, en revanche, que « l'agent temporaire nommé fonctionnaire stagiaire à un emploi de même carrière avec classement au même grade bénéficie à la daté de sa nomination comme fonctionnaire
stagiaire de l'ancienneté d'échelon [acquise] depuis son engagement comme agent temporaire ».

En exécution de votre arrêt, la Cour des comptes a décidé que, « s'agissant de ... discrimination entre un fonctionnaire transféré et un nouveau fonctionnaire », la correction au profit de M. Williams devait, conformément à l'article 3 de la décision et à l'article 32 du statut, « aboutir à l'octroi d'une bonification plafonnée à 48 mois ». Le requérant estime, au contraire, que son ancienneté d'échelon doit être calculée en application de l'article 4 à compter du jour de son engagement comme
agent temporaire auprès de la Commission de contrôle. Il en résulte, affirme-t-il, qu'au 12 mai 1980, son classement juste est le grade A6, cinquième échelon, et que la discrimination dont il a été victime ne pourra être considérée comme complètement éliminée que si ce fait était reconnu.

3.  Partant de l'idée que le classement du requérant n'était plus contestable, vous avez affirmé, dans l'arrêt du 6 octobre 1982, qu'il y avait lieu, en tout cas, d'examiner si les titres et l'expérience professionnelle de M. Williams pouvaient l'autoriser à prétendre à un échelon supérieur au sien « dans son grade » (A6), étant donné les circonstances issues de l'adoption de la décision générale. En d'autres termes, il s'agissait de rectifier éventuellement, mais uniquement,« l'échelon actuel » de
M. Williams. Et c'est ce que vous avez ordonné à la Cour des comptes pour supprimer « la différence ... existant avec les fonctionnaires venant de l'extérieur de la Communauté ».

Or, eu égard aux articles 3 et 4 de la décision précitée, la situation de M. Williams a pour particularité qu'au moment d'entrer au service de la Cour des comptes, il était non pas un fonctionnaire venu de l'extérieur ni un agent temporaire, mais déjà depuis longtemps un fonctionnaire titulaire de grade A7, troisième échelon. Engagé comme agent temporaire A7/2 par la Commission de contrôle le 1er octobre 1974, M. Williams a, en effet, été nommé deux années plus tard fonctionnaire stagiaire de
grade A7/3 et, en 1978, après avoir été titularisé, il a été transféré à son institution actuelle. Il est constant qu'à la première de ces dates, le deuxième échelon lui a été accordé en considération de son expérience professionnelle tandis que, lorsqu'il a été nommé fonctionnaire stagiaire, il a bénéficié de la bonification d'un troisième échelon en raison de son ancienneté comme agent temporaire.

En conséquence, s'il est vrai: a) qu'en procédant à la correction de l'échelon que votre arrêt lui a imposée, la Cour des comptes ne pouvait pas reconsidérer les classements précités (parce qu'ils étaient devenus définitifs), alors qu'elle était obligée de tenir compte des circonstances spécifiques dans lesquelles ceux-ci ont été arrêtés; b) qu'au moment d'être engagé par elle comme fonctionnaire, M. Williams avait déjà bénéficié d'un échelon correspondant aux années accomplies en qualité
d'agent temporaire; si tout cela est vrai, nous le répétons, il restait seulement à l'institution à réexaminer sur la base des critères établis par la décision de 1980, l'expérience professionnelle et les titres du requérant. Et c'est précisément ce qu'elle a fait en lui accordant un échelon supplémentaire égal à la bonification maximale que prévoit pour ces cas l'article 3 de la décision précitée.

Il n'était pas possible, en revanche, de lui appliquer également les dispositions de l'article 4 lequel, en tout état de cause, ne régit pas la situation de celui qui entre déjà en qualité de fonctionnaire au service de la Cour des comptes; si cela avait été fait, le requérant se serait nécessairement vu reconnaître, pour la deuxième fois dans le cadre de la même carrière, l'ancienneté acquise comme agent temporaire. Or, ce n'est certainement pas ce résultat auquel visait l'arrêt de 1982. La
décision de reclassement arrêtée par la Cour des comptes le 10 novembre 1983 est donc conforme à ce que vous avez décidé dans l'arrêt.

4.  Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de rejeter le recours présenté le 18 mai 1984 par M. Calvin E. Williams et, en application de l'article 70 du règlement de procédure, de compenser les dépens entre les parties.

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( *1 ) Traduit de l'italien.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 134/84
Date de la décision : 06/06/1985
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Demande de reclassement d'échelon - Exécution de l'arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, dans l'affaire 9/81.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Calvin E. Williams
Défendeurs : Cour des comptes des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mancini
Rapporteur ?: Galmot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:241

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