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23/04/1985 | CJUE | N°104/84

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 23 avril 1985., J. W. M. Kromhout contre Raad van Arbeid., 23/04/1985, 104/84


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 23 avril 1985

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Mme Johanna W. M. Kromhout, de nationalité néerlandaise, a divorcé le 6 mars 1981 de M. Thomas Beelitz, de nationalité allemande. Dès janvier 1980, les époux Beelitz, qui résidaient ensemble en Allemagne, s'étaient séparés, et Mme Kromhout est retournée s'installer aux Pays-Bas avec les deux enfants issus du mariage et nés respectivement le 18 mai 1973 et le 3 décembre 1979.


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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 23 avril 1985

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Mme Johanna W. M. Kromhout, de nationalité néerlandaise, a divorcé le 6 mars 1981 de M. Thomas Beelitz, de nationalité allemande. Dès janvier 1980, les époux Beelitz, qui résidaient ensemble en Allemagne, s'étaient séparés, et Mme Kromhout est retournée s'installer aux Pays-Bas avec les deux enfants issus du mariage et nés respectivement le 18 mai 1973 et le 3 décembre 1979.

A partir du deuxième trimestre de 1980, Mme Kromhout a obtenu pour ses deux enfants des allocations familiales en vertu de la loi générale néerlandaise sur les allocations familiales (« Algemene Kinderbijslagwet », ci-après désignée par « AKW »), et plus précisément des articles 6 et 7 de cette loi, qui posent des conditions de résidence pour l'allocataire et d'âge pour les enfants.

De son côté, M. Beelitz, qui a continué à résider et travailler en République fédérale d'Allemagne, a perçu dans son pays des allocations familiales au titre des deux mêmes enfants et pour la même période, en vertu de l'article 73 du règlement (CEE) no 1408/71, du 14 juin 1971, selon lequel

« le travailleur salarié soumis à la législation d'un État membre autre que la France a droit, pour les membres de sa famille qui résident sur le territoire d'un autre État membre, aux prestations familiales prévues par la législation du premier État comme s'ils résidaient sur le territoire de celui-ci »,

et ce, bien que la loi fédérale sur les allocations familiales (Bundeskindergeldgesetz) exclue en principe de son champ d'application les enfants ne résidant pas en République fédérale d'Allemagne.

Lors de la procédure de divorce, M. Beelitz avait été condamné à verser une pension alimentaire à son ex-épouse et à contribuer aux frais d'entretien et d'éducation des deux enfants à concurrence d'environ 200 HFL par mois et par enfant. On ne sait si cette somme a été fixée compte tenu des allocations familiales ou prestations familiales en sus. Quoi qu'il en soit, à compter du deuxième trimestre de 1982, Mme Kromhout s'est vu refuser le versement du montant intégral des allocations familiales
par le Raad van Arbeid (conseil du travail siégeant à Leiden), organisme compétent pour l'octroi et le versement de ces prestations.

Dans sa décision, notifiée le 7 octobre 1982, le Raad van Arbeid vise les dispositions combinées de l'article 6 de l'AKW, de l'article 73 précité du reglement no 1408/71 ainsi que de l'article 10 du règlement (CEE) no 574/72 du 21 mars 1972.

Selon l'article 6, paragraphe 1, de l'AKW,

«1) Est assurée, conformément aux dispositions de la présente loi, toute personne qui a atteint l'âge de 15 ans, à condition qu'elle:

a) soit un habitant du royaume,

b) ne soit pas un habitant du royaume, mais soit soumise à l'impôt sur le revenu professionnel des personnes salariées au titre d'une activité salariée exercée dans le royaume. »

Aux termes de l'article 10, paragraphe 1, sous a), première phrase, du règlement no 574/72:

« Le droit aux prestations ou allocations familiales dues en vertu de la législation d'un État membre selon laquelle l'acquisition du droit à ces prestations ou allocations n'est pas subordonnée à des conditions d'assurance, d'emploi ou d'activité non salariée est suspendu lorsque, au cours d'une même période et pour le même membre de la famille:

a) des prestations sont dues en application des articles 73 et 74 du règlement... »

Le Raad van Arbeid a décidé qu'à compter du deuxième trimestre de l'année 1982, Mme Kromhout n'aurait « droit aux allocations familiales en vertu du droit néerlandais pour ses deux enfants que dans la mesure où leur montant est plus élevé que celui des allocations familiales dues en vertu de la législation allemande ». Il était indiqué dans un des motifs de la décision que le montant des allocations familiales néerlandaises est plus élevé que celui des allocations familiales allemandes. Pour la
période antérieure, Mme Kromhout a été dispensée du remboursement des sommes déjà perçues, au motif qu'elle ne pouvait raisonnablement savoir qu'elle percevait un montant trop élevé.

M. Beelitz ne reversant pas à Mme Kromhout les allocations perçues par lui, l'organisme néerlandais compétent a tenté d'obtenir de son homologue allemand le versement direct aux Pays-Bas des allocations payées en République fédérale d'Allemagne. Cette demande a été rejetée au motif que le paiement à une autre personne que l'allocataire n'était pas possible dès lors que M. Beelitz remplissait les obligations alimentaires mises à sa charge par décision judiciaire.

Le 15 novembre 1982, Mme Kromhout a introduit un recours contre cette décision devant le Raad van Beroep siégeant à La Haye, tendant à ce que lui soit reconnu un droit complet aux allocations néerlandaises pour ses deux enfants. C'est cette juridiction qui a elle-même et pour la première fois interrogé les parties sur la question du champ d'application personnel des règlements communautaires no 1408/71 et no 574/72 précités.

Prenant en considération le fait que Mme Kromhout est titulaire d'un droit propre à des allocations familiales en vertu de l'AKW et qu'elle ne tombe pas dans le champ d'application personnel des règlements communautaires, le Raad van Beroep souhaitait être éclairé sur la portée des règlements et sur la question de savoir s'ils peuvent affecter un droit acquis uniquement en vertu d'une législation nationale. Les observations des parties au cours de la procédure principale l'ont amené à formuler
les quatre questions préjudicielles suivantes:

«1) L'article 10, paragraphe 1, sous a), première phrase, du règlement (CEE) no 574/72 est-il applicable dès lors que l'enfant en faveur duquel l'allocation familiale est payée (en tant que membre de la famille) tombe dans le champ d'application personnel des règlements ou faut-il que tous ceux qui peuvent prétendre à une allocation familiale ou qui perçoivent une allocation familiale, en vertu d'une législation nationale, tombent dans le champ d'application personnel?

2) Si la réponse à la première question est que tous ceux qui peuvent prétendre à une allocation familiale ou qui perçoivent une allocation familiale ne doivent pas tomber dans le champ d'application personnel des règlements, cela signifie-t-il que l'application de l'article 10, paragraphe 1, sous a), première phrase, du règlement (CEE) no 574/72 permet de suspendre l'allocation familiale qui n'est due qu'en vertu de la législation nationale à un assuré qui ne tombe pas dans le champ
d'application personnel des règlements?

3) L'application de l'article 10, paragraphe 1, sous a), première phrase, du règlement (CEE) no 574/72 permetelle de suspendre l'allocation familiale qui est uniquement due en vertu de la législation nationale en faveur d'un membre de la famille qui tombe dans le champ d'application personnel des règlements en vertu d'un autre système juridique?

4) L'article 10, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 574/72 s'applique-t-il à l'égard d'une législation telle que l''Algemene Kinderbijslagwet' (loi générale néerlandaise sur les allocations familiales) — en vertu de laquelle le droit aux allocations familiales est subordonné à une condition d'assurance — lorsque cette assurance est uniquement basée sur la résidence? »

Autrement dit, le Raad van Beroep vous demande:

— s'il faut, pour appliquer la règle anticumul précitée, que non seulement le bénéficiaire, pour qui sont versées les prestations (en l'espèce l'enfant), mais aussi tous les allocataires, à qui elles sont ou peuvent être versées (en l'espèce les deux parents), tombent dans le champ d'application des règlements communautaires (question no 1);

— au cas où cette seconde condition ne serait pas requise, si la règle anticumul est opposable:

— à un allocataire dont le droit a été acquis uniquement en vertu d'une législation nationale et qui ne tombe pas personnellement dans le champ d'application de ces règlements (question no 2);

— à un allocataire dont le droit n'a été acquis qu'en vertu de la législation nationale, mais du chef d'un membre de la famille qui tombe dans le champ d'application de ces règlements (question no 3);

— enfin, quelle interprétation doit être donnée à l'article 10 en cause en ce qui concerne les « conditions d'assurance » qu'il vise (question no 4).

2.  La première question posée par le Raad van Beroep s'explique par la situation de divorcée de Mme Kromhout. En effet, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, selon lequel

« le présent règlement s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés qui sont ou ont été soumis à la législation de l'un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres... ainsi qu'aux membres de leur famille... »,

et de l'article 1er, sous f), du même règlement, aux termes duquel

« le terme ‘membres de la famille’ désigne toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies... »,

Mme Kromhout, si son mariage n'avait pas été dissout, eût vraisemblablement été considérée comme membre de la famille et, dès lors, sa situation eût été régie par les règlements communautaires no 1408/71 et no 574/72.

La requérante au principal a soutenu qu'étant allocataire en vertu du seul droit néerlandais, il ne pouvait lui être fait application des dispositions communautaires, ces dernières ne prévoyant pas l'hypothèse du divorce.

Pour résoudre cette difficulté, il faut, comme le suggèrent d'ailleurs la Commission et le Raad van Arbeid de Leiden, rechercher en faveur de qui les allocations familiales sont instituées. Il convient donc de s'interroger sur la finalité des systèmes d'allocations familiales, c'est-à-dire rechercher l'élément générateur du droit à ces prestations. En matière d'allocations familiales, c'est notamment — et tel est le cas en l'espèce — l'existence d'un ou de plusieurs enfants. En effet, selon
l'article 1er, sous u), sous ii), du règlement no 1408/71,

« le terme ‘allocations familiales’ désigne les prestations périodiques en espèce accordées exclusivement en fonction du nombre et, le cas échéant, de l'âge des membres de la famille ».

Selon l'article 1er, sous u), sous i), du même règlement, ces prestations ont pour but de « compenser les charges de famille... ».

En l'occurrence, deux enfants ont fait naître pour une même période deux droits parallèles à allocations familiales, l'un du chef de la mère en vertu d'une législation nationale, l'autre du chef du père en vertu d'une disposition communautaire, l'article 73 du règlement no 1408/71, expressément visé par l'organisme compétent allemand dans une lettre datée du 26 mai 1980 adressée au Raad van Arbeid de Leiden. Cette situation peut donner lieu à une surcompensation des charges familiales résultant
de l'existence d'enfants.

La réglementation communautaire vise à garantir socialement les membres des familles des travailleurs salariés. Il est constant que M. Beelitz est un travailleur salarié et que ses enfants sont des membres de sa famille. Cependant, elle ne veut ni ne peut avoir pour effet d'imposer à une collectivité une participation excédentaire aux charges familiales résultant d'une seule et même situation pour une seule et même période.

En conséquence, dès lors qu'à titre de membre de la famille d'un seul des deux parents l'enfant tombe dans le champ d'application personnel des règlements communautaires et qu'il en résulte une possibilité de cumul avec un autre droit de même nature né du chef de l'autre parent, les règles anticumul établies par le droit communautaire doivent s'appliquer pour éviter un enrichissement injustifié, même si le second parent, du fait de sa situation matrimoniale, ne se trouve pas personnellement dans
le champ d'application de ces règlements.

Ce raisonnement, fondé sur la finalité du droit à allocations familiales, est renforcé par votre arrêt Robards (affaire 149/82, arrêt du 3 février 1983, Rec. p. 171), cité par la Commission. Dans cette espèce, vous statuiez sur l'application de l'article 10, paragraphe 1, sous a), deuxième phrase, du règlement no 574/72, qui, en cas de cumul, vise à donner la priorité aux prestations de l'État membre sur le territoire duquel les enfants résident et où un des bénéficiaires en question, divorcé,
exerce une activité professionnelle. Vous avez jugé que

« ... la circonstance que le lien du mariage subsiste ou non entre les deux parents qui pourraient, le cas échéant, bénéficier de prestations pour un même enfant ( 1 ) ne justifie pas d'apporter une réponse différente au problème de cumul de prestations que la disposition en question est destinée à résoudre. Compte tenu de la finalité de cette disposition, il n'y a pas lieu de l'interpréter d'une manière restrictive ».

Ainsi avez-vous admis que l'élément déterminant en matière d'allocations familiales est bien l'existence de l'enfant du chef de qui sont nés les droits, quelle que soit la situation matrimoniale de ses parents. Votre décision me paraît pouvoir être étendue sans difficulté à la première phrase de l'article 10, paragraphe 1, sous a), car ce texte comporte globalement une disposition anticumul en matière de droit à prestations ou allocations familiales, les deux phrases du point a) visant deux
situations de fait différentes, à savoir l'activité professionnelle d'un seul ou des deux parents.

En conséquence, je vous propose de dire que la règle anticumul est opposable dès lors que l'enfant en faveur de qui sont versées les prestations tombe dans le champ d'application des règles précitées.

3.  Les deuxième et troisième questions préjudicielles appellent une réponse commune, relative au rapport entre les droits acquis uniquement en vertu d'une législation nationale et ceux résultant du droit communautaire. Dans ce domaine, votre jurisprudence est bien établie. Vous avez dégagé de l'article 51 du traité et des règlements pris en application de cette disposition les principes suivants:

« La réglementation communautaire ne saurait, sauf exception explicite conforme aux objectifs du traité, être appliquée de façon à priver le travailleur migrant ou ses ayants droit du bénéfice d'une partie de la législation d'un État membre » (affaire 100/78, Rossi, arrêt du 6 mars 1979, Rec. p. 844, attendu 14).

Aussitôt après, vous avez, dans deux affaires ayant trait aux allocations familiales (affaire 733/79, Laterza, arrêt du 12 juin 1980, Rec. p. 1915; affaire 104/80, Beeck, arrêt du 19 février 1981, Rec. p. 503), apporté les précisions suivantes:

« Le règlement no 1408/71, en établissant et en développant les règles de coordination

des législations nationales, s'inspire ... du principe fondamental, exprimé dans les septième et huitième considérants, selon lequel les règles susdites doivent assurer aux travailleurs qui se déplacent dans la Communauté l'ensemble des prestations acquises dans les différents États membres ‘dans la limite du plus élevé des montants de ces prestations’» (affaire 733/79, point 8 in fine).

« En vertu d'une jurisprudence constante, inspirée du principe fondamental de la libre circulation des travailleurs et de la finalité de l'article 51 du traité CEE, une règle destinée à éviter le cumul d'allocations familiales n'est applicable que pour autant qu'elle ne prive pas sans cause les intéressés du bénéfice d'un droit aux prestations ouvert selon la législation d'un État membre » (affaire 104/80, point 12).

Ainsi l'interprétation des règlements nos 1408/71 et 574/72 implique-t-elle que le droit le plus favorable acquis en vertu de la seule législation d'un État membre doit être préservé, nonobstant la présence d'une règle anticumul applicable, laquelle ne peut alors jouer que « de manière partielle » (affaire 104/80, précitée, point 12 in fine).

Cette jurisprudence a été confirmée récemment, dans l'arrêt D'Amario (affaire 320/82, arrêt du 24 novembre 1983, Rec. p. 3811, point 10), lequel, en matière d'octroi de rentes d'orphelin, se réfère expressément à votre jurisprudence antérieure et rappelle ce principe fondamental dégagé des objectifs de l'article 51 du traité et des règlements pris pour son application.

Je vous propose donc de répondre affirmativement aux deuxième et troisième questions préjudicielles.

4.  La quatrième et dernière question du juge a quo résulte d'une interrogation sur le champ d'application de l'article 10, paragraphe 1, du règlement no 574/72 en tant que ce texte vise des allocations dont l'acquisition n'est pas subordonnée à des conditions d'assurance ou d'emploi. Or, l'AKW porte régime légal concernant l'assurance obligatoire en matière d'allocations familiales.

Le juge a quo note que les articles 6 et 7 font état de l'« assuré » et que, selon l'article 6, est considéré comme assuré le résident, ou le non-résident soumis à l'impôt aux Pays-Bas en raison de l'activité salariée qu'il exerce dans ce pays.

Il demande une interprétation de l'expression de « conditions d'assurance » et si une condition de résidence pour être « assuré », posée par une législation nationale, correspond à la définition à donner.

Lors de l'audience, le représentant du Raad van Arbeid a, sur votre question, précisé que la couverture sociale en matière d'allocations familiales est automatiquement accordée à tout résident, indépendamment de son revenu. Dans ce cas, il n'y a pas de lien nécessaire entre le droit à la prestation, d'une part, et un revenu, une cotisation ou un emploi, d'autre part.

Pour comprendre le sens de l'article 10, paragraphe 1, il faut, comme l'a fait la Commission, étudier l'économie générale des textes anticumul en matière de droit à prestations ou allocations familiales. L'article 76 du règlement no 1408/71 et l'article 10, paragraphe 1, du règlement no 574/72 sont des règles complémentaires (voir conclusions de M. l'avocat général Mancini dans l'affaire 149/82, Robards, précitée, Rec. 1983, spécialement p. 190 à 193).

L'article 76 du règlement no 1408/71 suspend le droit à allocations familiales acquis en vertu des articles 73 et 74 du même règlement si d'autres allocations familiales sont également dues en vertu de la législation de l'État membre de résidence des membres de la famille en raison de l'exercice d'une activité professionnelle.

L'article 10, paragraphe 1, du règlement no 574/72 vise les cas de concurrence entre le droit à allocations familiales en vertu des articles 73 ou 74 et le droit à allocations familiales en l'absence d'un emploi, donc d'une activité professionnelle, et, dans ce cas, le second droit est suspendu, totalement ou partiellement.

Dans les deux cas, le droit acquis en vertu d'une activité professionnelle prime celui acquis en vertu d'un autre critère.

Par ailleurs, un autre critère peut être le paiement de cotisations. La question ne se pose pas en l'espèce. Il faut en conclure qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités un droit acquis en vertu d'une activité professionnelle salariée prime un droit acquis sans contrepartie, emploi ou assurance, par exemple en vertu du seul lieu de résidence.

Cela est confirmé par la genèse de l'article 10 du règlement no 574/72, modifié par le règlement no 878/73 du 21 mars 1973 (JO L 86 du 31.3.1973, p. 1), pris pour tenir compte des particularités des législations internes de trois nouveaux États membres de la Communauté, qui fondaient le droit aux prestations familiales uniquement sur la résidence des membres de la famille sur leur territoire national, sans clause anticumul interne ou externe (voir conclusions de M. l'avocat général Mayras dans
l'affaire 9/79, Koschniecke, Rec. p. 2727). La nouvelle règle anticumul a fait primer le droit acquis en vertu d'un emploi, d'une contrepartie, sur celui acquis sans contrepartie.

En conséquence, l'article 10, paragraphe 1, du règlement no 574/72 doit être considéré comme applicable à l'égard d'une législation en vertu de laquelle le droit aux allocations familiales est seulement subordonné à une condition de résidence.

5.  Je conclurai dès lors à ce que vous répondiez ainsi qu'il suit au Raad van Beroep de La Haye:

1) pour l'application de l'article 10, paragraphe 1, sous a), première phrase, du règlement (CEE) no 574/72, il suffit que l'enfant en faveur duquel est perçue l'allocation familiale se trouve personnellement, en sa qualité de membre de la famille d'un des allocataires, dans le champ d'application de ce règlement;

2) tombe dans le champ d'application de cette disposition une législation d'un État membre en vertu de laquelle le droit aux allocations familiales est seulement subordonné à une condition de résidence;

3) lorsque des allocations familiales sont versées dans deux États membres en faveur d'un même enfant et pour une même période, d'une part en vertu d'une seule législation nationale et à un allocataire qui ne se trouve pas dans le champ d'application personnel des règlements (CEE) no 1408/71 et no 574/72, d'autre part du chef d'un membre de la famille qui se trouve dans ce champ d'application, la disposition précitée du règlement (CEE) no 574/72 permet de suspendre, à concurrence du montant sur
lequel porte le cumul, l'allocation familiale due en vertu de la seule législation nationale.

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( 1 ) Souligné par nous.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 104/84
Date de la décision : 23/04/1985
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Raad van Beroep 's-Gravenhage - Pays-Bas.

Sécurité sociale - Allocations familiales.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : J. W. M. Kromhout
Défendeurs : Raad van Arbeid.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:160

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