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15/11/1984 | CJUE | N°263/83

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 15 novembre 1984., Mariette Turner contre Commission des Communautés européennes., 15/11/1984, 263/83


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT

presentees le 15 novembre 1984 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Objet et moyens du recours

1.1. L'objet du recours

Dans cette troisième affaire Turner dont la Cour est saisie, la requérante demande l'annulation de la décision que le commissaire C. Tugendhat a prise le 29 octobre 1982 (en sa qualité de notateur d'appel) sur son rapport de notation pour la période allant du 1er juillet 1977 au 30 juin 1979. Pendant les treize premier

s mois de cette période de référence, la requérante a travaillé sous la direction du docteur Semille...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT

presentees le 15 novembre 1984 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Objet et moyens du recours

1.1. L'objet du recours

Dans cette troisième affaire Turner dont la Cour est saisie, la requérante demande l'annulation de la décision que le commissaire C. Tugendhat a prise le 29 octobre 1982 (en sa qualité de notateur d'appel) sur son rapport de notation pour la période allant du 1er juillet 1977 au 30 juin 1979. Pendant les treize premiers mois de cette période de référence, la requérante a travaillé sous la direction du docteur Semiller et pendant les onze derniers mois, sous la direction du docteur Siddons. Ce n'est
qu'à un stade plus avancé de la procédure qu'elle a introduit une demande d'indemnisation du préjudice subi. Comme cette demande est donc manifestement irrecevable, nous ne devons pas la prendre en considération ci-après.

1.2. L'importance de la période de référence

Les précisions données sur la période de référence sont très importantes pour l'appréciation de la présente affaire, pour deux raisons.

En premier lieu, un conflit a surgi pendant la deuxième partie de cette période entre la requérante, d'une part, et le directeur général du personnel et de l'administration, d'autre part, au sujet d'une mutation à un nouveau « service médicosocial » à créer, qui a d'abord été proposée à la requérante, puis qui lui a été imposée le 4 mai 1979, après son refus motivé de la proposition en ce sens. Le 20 mai 1980 est ensuite intervenue une mutation à une autre direction générale, décidée d'autorité par
la Commission et de nouveau contre la volonté de la requérante. Ces deux décisions ont été annulées par la Cour pour détournement de pouvoir par arrêt du 9 juillet 1981 (affaires jointes 59 et 129/80, Rec. 1981, p. 1883). Ainsi qu'il apparaîtra de nos analyses ultérieures, les motifs pour lesquels la Cour a reconnu l'existence d'un détournement de pouvoir dans la première affaire Turner présentent un intérêt direct pour l'appréciation de l'affaire actuelle.

En deuxième lieu, les précisions données sur la période de notation sont importantes pour l'appréciation des pièces que le docteur Semiller a produites, sur votre demande, lors de l'audience. Ces pièces concernent son avis sur la requérante et la manière dont il a fait connaître cet avis. Comme vous le savez, la Commission a prétendu, dans un premier temps, jusques et y compris dans sa réponse à une question que vous lui avez posée après les plaidoiries, que les pièces en question n'étaient pas en
sa possession. Il est incompréhensible que, même après votre question écrite à ce sujet posée avant l'audience, la Commission n'ait apparemment pas jugé opportun de prendre elle-même l'initiative d'inviter le docteur Semiller à produire ces pièces. A présent, celles-ci permettent cependant une reconstruction précise du déroulement de la procédure de notation. Le fait que la Commission a omis de demander des informations complémentaires au docteur Semiller pendant la procédure écrite ou au moins
après vos questions écrites à ce propos n'a évidemment pas permis de donner déjà un aperçu précis du déroulement des faits dans le rapport d'audience. C'est pourquoi nous devrons consacrer une partie relativement importante des présentes conclusions, au point 3, à l'analyse de ce déroulement des faits.

1.3. Les moyens invoqués par la requérante

La requérante invoque deux moyens à l'appui de son recours. En premier lieu, elle prétend qu'il y a eu violation de la procédure de notation prescrite, en particulier par un dépassement important des délais fixés en la matière. Compte tenu de votre jurisprudence relative à de tels dépassements d'un délai (voir affaires jointes 10 et 47/72, Di Pillo, Rec. 1973, p. 763, point 5 des motifs; 175/80, Tither, Rec. 1981, p. 2345, point 13 des motifs; et surtout 98/81, Munk, Rec. 1982, p. 1155, point 8 des
motifs), ce moyen ne pourra pas entraîner l'annulation du rapport de notation. Comme le retard qui s'est produit lors de la notation d'appel a, en fait, ainsi que nous le verrons plus tard, eu tendance en l'espèce à avantager plutôt qu'à désavantager la requérante, il ne peut pas non plus lui avoir causé en soi un préjudice. Par conséquent, il ne saurait être parlé en l'espèce d'une indemnisation d'un préjudice causé par le retard, comme vous l'avez jugé nécessaire dans certaines circonstances dans
votre arrêt dans l'affaire Di Pillo. D'autres griefs formulés à l'appui du premier moyen sont, toutefois, plus importants. Nous reviendrons donc plus en détail sur ce moyen, après avoir vérifié le déroulement matériel des faits au regard des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut arrêtées par la Commission.

Dans son deuxième moyen, la requérante fait valoir des erreurs d'appréciation contenues dans le rapport de notation litigieux. Le grief essentiel à la base de ce moyen consiste à dire que la Commission n'a pas tiré, dans les procédures de recours internes concernant sa notation en premier ressort, les conséquences correctes de votre arrêt précité du 9 juillet 1981. Ce reproche principal est toutefois étayé par une série de griefs qui portent, entre autres, sur le manque d'objectivité et
d'impartialité dans la procédure suivie (à cause de la situation conflictuelle née pendant la période de référence), l'absence de consultation du docteur Semiller, l'incompatibilité de la notation beaucoup plus mauvaise pendant la période de référence (en comparaison de la période antérieure) avec la promotion qui lui a été attribuée, précisément au cours de la même période, ainsi que sur de nombreuses rubriques du rapport de notation.

La requérante conteste, également, qu'un médecin puisse être noté par une personne qui n'est pas médecin. Étant donné que ce mode de notation est la conséquence inéluctable de l'organisation de la procédure de notation et qu'il n'exclut pas non plus, en soi, l'objectivité de la notation, nous n'attachons cependant qu'une importance secondaire à ce grief. Pour un résumé plus complet des griefs formulés par la requérante à l'appui de son deuxième moyen et pour un résumé des moyens de défense que la
Commission a avancés à cet égard, nous renvoyons au rapport d'audience. L'importance des autres griefs cités ne peut être appréciée qu'à la lumière du déroulement de la procédure de notation et de votre arrêt du 9 juillet 1981. Nous y reviendrons donc de façon plus détaillée.

La requête contient enfin, comme branche du deuxième moyen, le grief de détournement de pouvoir pour des motifs qui, hormis leur rapport avec les griefs précédents, ont un lien très étroit avec ceux sur la base desquels la Cour a constaté l'existence d'un détournement de pouvoir dans la première affaire Turner. C'est pourquoi nous reviendrons donc également en détail sur ce grief important.

2. Le guide de la notation

En vertu de l'article 3 du guide de la notation, tel qu'il a été arrêté par la Commission le 27 juillet 1979, en exécution de l'article 43 du statut, et appliqué en l'espèce (extraits pertinents en annexe 1 à la réplique), les supérieurs hiérarchiques des autres services auxquels le fonctionnaire est ou a été affecté au cours de la période de référence sont consultés au préalable par le notateur. Ils visent le rapport et peuvent y apporter des observations en cas de désaccord avec le notateur.

En vertu de l'article 5 du guide, la notation doit porter strictement sur la période de référence. Toute modification des appréciations analytiques par rapport à la notation précédente doit être justifiée.

En vertu de l'article 6, le notateur établit son rapport de notation et le communique au noté dans un délai qui est fixé. Dans un délai de quinze jours suivant cette communication, le notateur a un dialogue avec le noté, modifie, le cas échéant, le rapport de notation et le communique à nouveau au noté, qui doit le viser dans un nouveau délai de quinze jours, en y joignant, le cas échéant, des observations et en demandant s'il échet l'intervention du notateur d'appel.

En vertu de l'article 7 du guide, le notateur d'appel doit, notamment, entendre le premier notateur et le fonctionnaire noté, et il est également obligé de procéder à toutes autres consultations utiles. D'après le point B.9.3.1 du guide, les consultations obligatoires précitées sont particulièrement celles des autres ou des anciens supérieurs hiérarchiques du noté (visés à l'article 3), ainsi que des autres personnes consultées par le premier notateur. Le caractère obligatoire de cette consultation
est également souligné dans la note introductive aux dispositions générales d'exécution signée par le commissaire Tugendhat.

3. Les principales phases de la procédure de notation et la teneur de la décision litigieuse

Sur la base des pièces manquantes qui ont finalement été produites, avec l'accord de la partie défenderesse, par le supérieur hiérarchique de la requérante pendant la première partie de la période de référence (le docteur Semiller) lors de l'audience, les phases de la procédure de notation les plus importantes pour l'appréciation de la présente affaire peuvent maintenant être résumées comme suit.

3.1.

Le 15 janvier 1981, le directeur général du personnel et de l'administration adresse, en sa qualité de notateur, à l'ancien supérieur hiérarchique de la requérante le rapport de notation signé par le supérieur hiérarchique à l'époque de la requérante, mais non encore signé par lui-même, en le priant de le signer. Contrairement à l'article 3 du guide, l'ancien chef (le docteur Semiller) n'est donc pas consulté. Dans les appréciations analytiques de la requérante, ce rapport comporte, à la rubrique «
compétence », une appréciation « très bon » (pour les « connaissances nécessaires »), trois appréciations « bon » et deux appréciations « passable » (pour le « jugement » et le « sens de l'organisation »). A la rubrique « rendement », le rapport comporte deux appréciations « bon » et deux appréciations « passable » (« rapidité dans l'exécution du travail » et « adaptation aux exigences du service »). A la rubrique « conduite dans le service », le rapport comporte une appréciation « bon » (pour le «
sens des responsabilités »), deux appréciations « passable » (pour le « sens de l'initiative » et les « relations humaines ») et une appréciation « laisse à désirer ». Une comparaison avec le rapport précédent (dans lequel la requérante a obtenu, pour les deux premières rubriques, les appréciations les meilleures et les plus élogieuses possibles et, pour la troisième rubrique, l'appréciation « normal », ce qui correspond à « bon » dans la nouvelle présentation) montre que la notation a été modifiée
pratiquement sur toute la ligne en défaveur de la requérante. Contrairement à l'article 5 du guide, aucune justification n'est toutefois donnée de ces modifications des appréciations analytiques. L'appréciation d'ordre général déclare: « Fonctionnaire possédant une bonne formation et une bonne expérience médicales. Elle ne s'adapte malheureusement pas au travail en équipe, qui nécessite un esprit de collaboration avec ses collègues médecins dans son service et au sein du collège médical, ni aux
exigences administratives inévitables dans un service médical. A la suite de la réorganisation du service médical, elle n'a pu s'adapter aux tâches nouvelles et importantes qui lui ont été confiées. »

3.2.

Le 17 janvier, le docteur Semiller répond qu'il ne peut pas signer la notation dans sa formulation présente, « weil meines Erachtens nicht nur Widersprüche in der Benotung und der allgemeinen Beurteilung vorhanden sind, sondern die Notation auch in erheblichem Gegensatz zur vorherigen Beurteilung steht » ( 1 ).

3.3.

Après avoir été en congé pendant la période intermédiaire, le docteur Semiller envoie à la secrétaire du notateur, sur sa demande (« auf Ihre Anfrage » ), le 9 avril 1981, une justification plus précise de sa première réponse. A première vue, il semble donc qu'il ait maintenant été consulté conformément au guide. Il donne cette justification plus précise en se servant d'un formulaire sur lequel il complète les rubriques des appréciations analytiques et inscrit une appréciation d'ordre général pour
la période du 1er juillet 1977 au 31 juillet 1978, c'est-à-dire pour celle pendant laquelle il a été le supérieur hiérarchique de la requérante. Cette forme semble être effectivement la plus utile pour formuler l'avis demandé. Pour les appréciations analytiques, la requérante obtient de lui, à la rubrique « compétence », deux appréciations « très bon », quatre appréciations « bon » et pas d'appréciation inférieure. A la rubrique « rendement », il octroie une appréciation « très bon » et trois
appréciations « bon » et à nouveau aucune appréciation inférieure. A la rubrique « conduite dans le service », il donne deux appréciations « très bon », une appréciation « bon » et seulement une appréciation « passable ». Dans son appréciation finale, il écrit: « Très bonne expérience professionnelle. Exécute avec grande satisfaction des tâches qui lui ont été confiées dans le cadre de la médecine préventive. »

3.4.

Apparemment, le premier notateur a refusé de tenir compte de l'avis présenté sous cette forme par l'ancien supérieur hiérarchique de la requérante et il n'a pas non plus jugé nécessaire de faire verser cet avis au dossier personnel de l'intéressée. Autrement, on s'explique difficilement que, d'après le rapport de notation signé par le notateur le 30 avril 1981 (soit trois semaines plus tard), il n'ait absolument pas été tenu compte de l'avis du docteur Semiller pour la première partie de la période
de référence. Il apparaît, en effet, qu'après l'avis donné par le docteur Semiller de la manière indiquée, aucune modification n'a été apportée au rapport qui lui a été adressé pour signature le 15 janvier 1981. D'après sa déclaration à l'audience, qui n'a pas été contestée, le docteur Semiller n'a pas non plus été consulté verbalement par le notateur. Celui-ci n'a pas davantage réservé la moindre suite à la remarque, portée par le docteur Semiller sur le rapport deux jours avant qu'il ne soit signé
par le notateur, disant qu'il ne pouvait marquer son accord ni sur les appréciations, analytiques ni sur l'appréciation d'ordre général pour la période du 1er juillet 1977 au 31 juillet 1978. La Commission n'a pas non plus contesté les renseignements communiqués par le docteur Semiller dans sa lettre au directeur général du personnel et de l'administration du 23 mars 1984, qui a été produite lors de l'audience et qui étaie la reconstruction du déroulement des faits opérée ci-dessus. Cette lettre
déclare qu'en réponse à son avis sur la première partie de la période de référence, adressé au notateur en date du 9 avril 1981, on lui a fait savoir (de la part du notateur) qu'une autre notation ne pouvait être prise en considération. Il ne lui restait donc pas d'autre possibilité que de signaler son désaccord sur le formulaire. Ce n'est d'ailleurs que par cette reconstruction du déroulement des faits en ce qui concerne cette phase qu'il est possible d'expliquer que l'appréciation portée par le
docteur Semiller sur l'intéressée n'a pas été versée au dossier personnel. Anticipant sur notre appréciation de l'affaire, nous faisons observer que, si le notateur a effectivement reçu l'avis du docteur Semiller, conformément à ce que celui-ci a écrit dans sa note du 23 mars 1984, cela nous semble constituer une infraction évidente à l'article 26, sous a), du statut. Sur certaines explications alternatives — à notre avis moins acceptables — de la disparition de l'avis sur l'intéressée, transmis par
le docteur Semiller le 9 avril 1981, nous reviendrons encore lors de l'appréciation de l'affaire.

3.5.

Tous les éléments importants relatifs aux stades suivants de la procédure de notation sont exposés dans la requête et dans ses annexes 4 et suivantes. Nous nous bornerons, par conséquent, à noter ce qui suit à ce propos.

Le 9 juin 1981, la requérante, contestant le rapport de notation, sollicite le dialogue prévu à l'article 6 du guide de la notation et, en ordre subsidiaire, la saisine du notateur d'appel (annexe 4). Contrairement à l'article 6 précité et, de plus, après un premier rappel (annexe 5), un rejet provisoire de la demande de dialogue (annexe 6) et un deuxième et un troisième rappels de la requérante (annexes 7 et 8), ce dialogue n'a jamais eu lieu. L'entretien entre le notateur et le noté en septembre
1980, dont la Commission parle dans son mémoire en défense, ne peut absolument pas être considéré comme une application de l'article 6 puisque, d'après notre relation du déroulement des faits, il n'existait pas encore de rapport de notation à cette époque. Le 14 décembre 1981, la requérante s'adresse, ensuite, personnellement au notateur d'appel, en lui demandant instamment de bien vouloir prendre position avant le 23 décembre 1981 (annexe 9). Le 15 février 1982, le notateur d'appel communique sa
décision à l'intéressée (annexe 11 à la requête). La déclaration du docteur Semiller à l'audience, affirmant que, contrairement à l'article 7, le notateur d'appel n'a pas estimé utile de l'entendre, n'a pas été contredite. Bien que la décision précitée comportât quelques modifications à son avantage, la requérante ne les a pas jugées suffisantes. Conformément à l'article 7, alinéa 3, du guide de la notation, elle a demandé, par conséquent, que son rapport de notation soit soumis au comité paritaire
des notations, en même temps que ses observations (annexe 12). D'après la déclaration non contredite, faite par le docteur Semiller à l'audience, ce comité paritaire non plus n'a pas estimé utile d'entendre personnellement le docteur Semiller. Il a cependant déploré expressément, dans son avis du 22 octobre 1982, que le docteur Semiller n'ait pas exposé les raisons de son désaccord (annexe 13). Comme nous l'avons déjà dit, celui-ci avait bien expliqué ces raisons de façon détaillée, mais le comité
paritaire ne pouvait pas le savoir. Le 29 octobre 1982, le notateur d'appel communique ensuite à la requérante qu'il ne voit dans cet avis — qui ne contenait du reste que des constatations de fait et pas un avis motivé — aucune raison de modifier sa décision du 15 février. Apparemment, la remarque du comité au sujet de l'absence d'explications plus détaillées de la part du docteur Semiller ne lui a pas non plus semblé constituer une raison d'entendre encore celui-ci. C'est cette décision définitive
du notateur d'appel que la requérante vous demande d'annuler. Nous reviendrons donc séparément sur la teneur de cette décision. L'annexe 15 à la requête comporte la réclamation amplement motivée de la requérante au titre de l'article 90 du statut. Tous les griefs formulés dans cette réclamation se retrouvent dans la requête adressée à la Cour, de sorte qu'il n'est pas nécessaire que nous nous étendions longuement à leur sujet. Une certaine importance nous paraît, cependant, devoir être attachée au
fait que la requérante affirme expressément dans sa réclamation qu'il n'est pas normal qu'un rapport de notation ne soit pas rectifié à la lumière des irrégularités sanctionnées par la Cour, après l'établissement de ce rapport, dans son arrêt du 9 juillet 1981. Dans un addendum à la réclamation, la requérante marque son accord sur la proposition singulière du directeur général du personnel et de l'administration du 24 octobre 1983 de ne pas procéder, à la suite de votre arrêt du 9 juillet 1981, à
une notation pour la période de référence suivante (du 1er juillet 1979 au 30 juin 1981) (annexe 16). La requérante rattache, toutefois, à cet accord la condition que le rapport de notation litigieux pour la période à laquelle se rapporte la réclamation ne couvre plus les mois de mai et juin 1979. Le 3 juin 1983, le directeur général du personnel et de l'administration accepte cette dernière condition, mais se base, pour le surplus, sur l'addendum précité pour supposer que la requérante retire sa
réclamation. Il demande, dans la même lettre, confirmation de l'acceptation de sa proposition du 24 janvier ainsi amendée et du retrait de la réclamation (annexe 17). Étant donné que la supposition précitée ne trouve effectivement aucun fondement dans ledit addendum de la requérante, celle-ci ne fournit pas, comme on peut le comprendre, la confirmation demandée. Ensuite, sa réclamation est rejetée par la Commission le 25 août 1983 (annexe 15 bis).

Les annexes 15 à 17 ne sont pas seulement importantes, selon nous, du point de vue de la recevabilité du recours (qui n'est pas contestée). Il est, en effet, remarquable de constater que le rejet de la réclamation par la Commission ne consacre aucune attention à deux faits nouveaux importants, dont le premier (votre arrêt du 9 juillet 1981) s'est produit après la notation en premier ressort, et le deuxième (les propositions faites par le directeur général du personnel et de l'administration
conformément aux annexes 16 et 17 à la requête) après la notation d'appel. Comme la réclamation mentionne, quant à elle, ces deux faits nouveaux, tandis que seul le premier était mentionné dans les observations de la requérante à l'attention du comité paritaire, la constatation figurant dans l'avant-dernier alinéa du rejet de la réclamation par la Commission est contraire aux faits. Dans cet alinéa, la Commission déclare avoir noté que les arguments développés dans la réclamation de la requérante ne
comportent aucun élément nouveau par rapport aux observations qu'elle avait soumises au comité paritaire le 1er mars 1982. Le fait nouveau de la réduction de la période de référence après le 1er mars 1982 est même très important, à notre avis. C'est précisément au cours de ces deux derniers mois supprimés de la période de référence que se situait, en effet, le fondement matériel le plus clair pour la notation relativement défavorable de la requérante (la décision de modifier ses tâches, que la Cour
a annulée par arrêt du 9 juillet 1981, modification à laquelle la requérante s'était adaptée de manière insuffisante d'après son notateur).

Cette décision du 4 mai 1979, annulée par la Cour, avait été précédée d'une période de conflits avec son nouveau chef au sujet de ses nouvelles attributions, période qui représentait au moins une partie importante de celle pendant laquelle elle avait travaillé sous l'autorité de ce nouveau supérieur hiérarchique. Lors de la notation, il n'avait pas été tenu compte, d'après les faits que nous avons exposés il y a un instant, de la partie la plus longue de la période de référence pendant laquelle la
requérante avait travaillé sous la direction du docteur Semiller. Dans ces circonstances, la Commission aurait dû se demander, à notre avis, si la réduction acceptée de la période de référence et les motifs avancés à cette fin (en particulier votre arrêt du 9 juillet 1981) n'avaient pas eu pour effet de remettre en question l'ensemble de la notation. Comme le rejet de la réclamation au titre de l'article 90 ne fait toutefois pas partie de l'objet de la requête, nous ne consacrerons plus d'attention
à cette question dans la suite de nos conclusions.

Enfin, nous devons encore mentionner, dans cet aperçu chronologique, la lettre du docteur Semiller du 23 mars 1984, qui a été produite en copie lors de l'audience et dans laquelle il donne, en réponse à une note du directeur général du personnel et de l'administration du 6 janvier 1984, la chronologie de ses observations pendant la procédure de notation. Il est absolument incompréhensible que cette lettre demandée — en rapport avec le recours engagé devant cette Cour — ait également disparu. En cas
de perte de la réponse, on aurait, au moins, pu s'attendre à un rappel.

3.6. La teneur de la décision litigieuse

Dans sa décision de révision de la notation en premier ressort, qu'il a maintenue par sa décision litigieuse du 29 octobre 1982, le notateur d'appel a remplacé, à la rubrique « compétence », l'appréciation « passable » pour la sous-rubrique « jugement » par la mention « bon ». Il a, pareillement, augmenté la note pour l'appréciation de la « rapidité dans l'exécution du travail » à la rubrique « rendement », mais il a maintenu l'appréciation « passable » pour le point important, intitulé « adaptation
aux exigences du service ». A la rubrique « conduite dans le service », il a porté l'appréciation de la sous-rubrique « sens du travail en équipe » de « laisse à désirer » à « passable ». En appel également, la requérante a donc (contrairement à l'avis du docteur Semiller, qui n'a pas été consulté par le notateur d'appel, ainsi que nous l'avons déjà dit) reçu l'appréciation « passable » pour cinq sous-rubriques des appréciations analytiques. Une importance particulière doit être attachée, en outre,
à l'appréciation d'ordre général modifiée. La partie suivante de cette appréciation d'ordre général en premier ressort a été maintenue: « Fonctionnaire possédant une bonne formation et une bonne expérience médicales. Elle ne s'adapte malheureusement pas au travail en équipe, qui nécessite un esprit de collaboration avec ses collègues médecins dans son service et au sein du collège médical, ni aux exigences administratives inévitables dans un service médical. » Nous noterons à, cet égard, que ce
maintien intégral de cette partie de l'appréciation rédigée par le premier notateur semble être incompatible avec l'appréciation plus favorable portée sur la requérante à la rubrique analytique intitulée « sens du travail en équipe ».

La deuxième partie de l'appréciation d'ordre général en premier ressort a été biffée par le notateur d'appel. Nous rappelons que cette partie était rédigée comme suit: « A la suite de la réorganisation du service médical, elle n'a pas su s'adapter aux tâches nouvelles et importantes qui lui ont été confiées. » Nous observerons, en premier lieu, à propos de cette suppression, qu'elle doit vraisemblablement être mise en rapport avec votre arrêt du 9 juillet 1981 dans la première affaire Turner, en
particulier avec les points 70 et 71 des motifs de celui-ci, qui concernent précisément ces nouvelles tâches. Ces passages des motifs de l'arrêt de la Cour se lisent comme suit:

« Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu des circonstances, l'action de la Commission à l'égard de la requérante n'a pas été exempte d'arbitraire. Les divergences de vues existant entre le docteur Turner et ses supérieurs hiérarchiques, dont on ne saurait méconnaître la réalité, auraient dû être vidées dans le cadre d'un examen objectif, et non au moyen de mesures détournées, destinées à écarter la requérante de ses fonctions, sans indication des vrais motifs et au mépris d'intérêts
professionnels fondés sur un état de service honorable au sein de l'administration communautaire.

Il apparaît donc que le moyen tiré d'un détournement de pouvoir est fondé au regard de l'ensemble des mesures prises à l'encontre de la requérante, c'est-à-dire tant à l'égard de la décision du directeur général du personnel et de l'administration du 4 mai 1979, assignant à la requérante de nouvelles tâches dans le cadre du service médical pour le personnel de Bruxelles, qu'à l'égard de la décision de mutation du 20 mai 1980. Ces décisions doivent, en conséquence, être annulées. »

En deuxième lieu, nous observerons à propos de cette suppression que n'est pas compatible avec elle le maintien intégral de l'appréciation « passable » dans les appréciations analytiques de la faculté d'adaptation. Plus importante est toutefois la constatation que la récusation du comportement de la Commission et de ses services dans les points des motifs précités concernait en fait une grande partie de la période pendant laquelle la requérante a travaillé sous la direction de son nouveau supérieur
hiérarchique. Comme le rapport de notation n'a pas pris en considération, ainsi que nous l'avons déjà dit, la partie antérieure et aussi la plus longue de la période de référence pendant laquelle la requérante a travaillé sous la direction du docteur Semiller, le notateur d'appel aurait dû comprendre que l'arrêt remettait en fait en question l'ensemble du rapport de notation. Nous renvoyons, à cet égard, aux points 52 à 69 des motifs de l'arrêt. On notera, également, à ce propos, que le rapport de
notation modifié par le notateur d'appel concerne encore toute la période du 1er juillet 1977 au 30 juin 1979. La suppression des mois de mai et juin 1979 de cette période a seulement eu lieu, ainsi que nous l'avons déjà exposé, pendant la procédure de recours administratif interne au titre de l'article 90 du statut, sans que la Commission elle-même en ait déduit les conséquences correctes dès ce stade.

A la place du passage supprimé, le notateur d'appel a finalement ajouté, à l'appréciation d'ordre général, le nouveau passage suivant: « Cependant, au vu de l'ensemble de la période couverte par la notation, de ses mérites antérieurs et du niveau de sa formation professionnelle, le docteur Turner a été retenu par la Commission pour une promotion au grade A4 dans le courant de 1978. » A propos de ce nouveau passage, nous observerons que ne semble pas être compatible avec lui le fait que les
appréciations analytiques ont été maintenues à un niveau nettement inférieur à celui de la notation précédente.

4. Conclusion

4.1.

L'aperçu du déroulement des faits lors de la procédure de notation, tel qu'il a pu être reconstitué sur la base des nouveaux éléments (produits à l'audience), et les divergences constatées par rapport aux dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut arrêtées par la Commission sont suffisamment parlants en eux-mêmes, à notre avis, pour rendre l'appréciation des moyens invoqués par la requérante aisée. Les divergences évidentes par rapport auxdites dispositions générales sont d'autant
plus graves qu'elles doivent être imputées, en premier lieu, au directeur général du personnel et de l'administration et, en deuxième lieu, au commissaire qui a signé la note introductive aux dispositions d'exécution. Cette note introductive souligne, entre autres, le caractère obligatoire du dialogue prescrit entre le notateur et le noté et l'obligation de consulter préalablement (à la notation) l'ancien supérieur hiérarchique du noté. En outre, le dernier alinéa de la deuxième page de la note
introductive (annexe 15 ter à la requête) souligne que l'esprit et les principes de ces dispositions générales doivent être suivis scrupuleusement et méthodiquement. On aurait assurément pu attendre des notateurs en premier et en deuxième ressort, en rapport avec leur responsabilité particulière en vue de l'application correcte des règles prescrites, qu'ils donnent aux autres services un exemple de ce respect scrupuleux et méthodique desdites dispositions. Or, d'après l'exposé concret du déroulement
des faits, ils ont eux-mêmes méconnu, sur des points importants, la lettre des dispositions arrêtées sous leur responsabilité particulière. Pour ce qui est des critères d'appréciation utilisés dans votre jurisprudence en matière de procédure de notation, nous renvoyons particulièrement au point 20 des motifs de votre arrêt dans l'affaire Grassi (affaires jointes 6 et 97/79, Rec. 1980, p. 2141).

4.2.

En ce qui concerne le premier moyen de la requérante (violation de formes substantielles), tel qu'il a encore été précisé ultérieurement sur la base de faits nouveaux, nous pensons, sur le vu des faits constatés, que notamment les griefs suivants sont matériellement fondés:

a) Contrairement à l'article 3 du guide, le rédacteur du rapport de notation en premier ressort et le notateur en premier ressort lui-même ont refusé de consulter préalablement la personne qui a été le supérieur hiérarchique de la requérante pendant la première partie, étant aussi la partie la plus longue de la période de référence. Un avis détaillé concernant cette première période, que ce supérieur hiérarchique a transmis malgré tout, a été ignoré par le notateur en premier ressort. Même dans le
cas improbable où il n'aurait pas reçu cet avis, la conclusion demeure que le notateur n'a pas consulté réellement le supérieur hiérarchique précédent en question, mais qu'il lui a seulement donné la possibilité de mentionner après coup son désaccord avec le rapport sur celui-ci. Le moyen de défense de la Commission suivant lequel l'avis de ce supérieur hiérarchique antérieur ne concernait qu'une partie de la période de référence doit être rejeté parce que cette partie était également couverte
par la notation. En cas de divergence d'opinions entre les deux supérieurs hiérarchiques directs de la requérante pendant la période de référence, on aurait pu attendre du notateur en premier ressort qu'il se fasse lui-même un jugement pour toute la période après un entretien avec les deux supérieurs hiérarchiques. En fait, il a tout simplement repris l'avis du supérieur hiérarchique pendant la deuxième partie de la période de référence (avis qui avait été rédigé sans consultation du supérieur
hiérarchique pendant la première partie).

b) Contrairement à l'article 5 du guide, non seulement la notation en premier ressort ne concerne par conséquent, en fait, que la deuxième partie de la période de référence, mais les nombreuses différences dans les appréciations analytiques par rapport à la période de référence précédente ne sont pas non plus motivées ou le sont, tout au plus, d'une manière très globale dans l'appréciation résumée d'ordre général.

c) Contrairement à l'article 6 des dispositions générales d'exécution, il n'y a pas eu, malgré une demande expresse en ce sens, de dialogue entre le notateur et le noté après la rédaction du rapport de notation en premier ressort. Cette omission a, cependant, été réparée par le notateur d'appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'y arrêter davantage, puisque le recours porte uniquement sur la notation d'appel.

d) Contrairement à l'article 7 du guide, le notateur d'appel a omis, lui aussi, en revanche, de consulter le supérieur hiérarchique de la requérante à propos de la première partie, étant également la partie la plus longue de la période de référence, et cela malgré la remarque portée par ce supérieur sur le rapport de notation. Cette omission doit être considérée comme d'autant plus grave en l'espèce que le caractère obligatoire de cette consultation est précisément souligné dans la note introductive
aux dispositions générales d'exécution, signée parsonnellement par le deuxième notateur (annexe 15 à la requête, première page) et qu'il doit, au demeurant, être considéré comme une garantie élémentaire d'une notation d'appel objective et impartiale. Même après que le comité paritaire eut attiré son attention sur l'importance de l'avis de l'ancien supérieur hiérarchique, le notateur n'a pas jugé bon de procéder encore à cette consultation. Il n'a pas, non plus, pu prendre connaissance de l'avis
écrit exprimé par cet ancien supérieur hiérarchique, puisque [contrairement aux dispositions claires de l'article 26, sous a), du statut lui-même] cet avis n'a pas, ainsi que nous l'avons déjà dit, été versé au dossier personnel.

e) Concernant le retard de vingt-deux mois qui est intervenu dans la procédure de notation et que la requérante a critiqué à bon droit, nous avons déjà exprimé l'opinion, sur la base de votre jurisprudence antérieure, qu'il était sans importance pour la procédure devant la Cour. En outre, nous avons observé, à propos du retard effectivement très important qui s'est produit en l'espèce, qu'on ne voit pas en quoi ce vice de forme a causé en soi un préjudice à la requérante.

La défense de la Commission en ce qui concerne les vices de forme allégués, à savoir que la requérante n'aurait pas démontré qu'elle en a subi un préjudice, ne nous paraît fondée que pour les griefs que nous avons examinés aux points c) et e). Les vices de forme cités aux points a) et b) n'ont pas été réparés par le notateur d'appel. Cela est assurément la conséquence, entre autres, du vice de forme visé au point d), qu'il a commis lui-même. Il faut supposer, raisonnablement, que c'est surtout
l'absence de consultation en appel de l'ancien supérieur hiérarchique de la requérante qui a influencé fortement la notation d'appel dans un sens défavorable à la requérante. En particulier sur la base des griefs cités aux points a), b) et d), considérés conjointement, nous pensons, en définitive, qu'il faut reprocher au notateur d'appel des vices de formes substantielles tels que sa décision litigieuse du 29 octobre 1982 doit déjà être annulée pour ce motif.

4.3.

Le deuxième moyen de la requérante (erreurs d'appréciation contenues dans le rapport de notation — ou, d'après la terminologie de votre arrêt Grassi précité, erreurs de fait manifestes — et détournement de pouvoir) nous paraît également fondé si on se réfère à notre exposé du déroulement des événements lors de la procédure de notation. Du fait même que le notateur d'appel n'a pas demandé et n'a donc pas pris effectivement en considération l'avis du supérieur hiérarchique de la requérante pendant la
première partie de la période de référence, il a, lui aussi, fondé sa notation uniquement sur l'avis du supérieur hiérarchique de la requérante pendant la deuxième partie, c'est-à-dire pendant la partie conflictuelle de la période de référence. La consultation du supérieur hiérarchique pendant la première partie, étant également la partie la plus longue de la période de référence, aurait vraisemblablement déjà permis en soi de trouver au moins une moyenne entre les appréciations des deux supérieurs
hiérarchiques. Plus grave est, toutefois, selon nous, l'erreur commise par le notateur d'appel en ce qu'il ne s'est pas rendu compte que les points 70 et 71 des motifs de votre arrêt du 9 juillet 1981 enlevaient, en fait, tout fondement matériel à la notation relativement défavorable attribuée à la requérante en premier ressort et qu'il a reprise pour une bonne part. La décision du directeur général du personnel et de l'administration du 5 mai 1979, dont vous avez dit alors qu'elle constituait un
détournement de pouvoir manifeste, était, en effet, l'aboutissement de tentatives entreprises beaucoup plus tôt par l'administration afin de charger la requérante de tâches nouvelles qui ne lui convenaient pas et sur lesquelles vous avez prononcé un jugement totalement négatif aux points 52 à 69 des motifs de l'arrêt. Nous concluons dès lors que le rapport de notation contesté, qui est, en fait, fondé principalement sur cette même période conflictuelle, a été influencé de façon déterminante par le
même détournement de pouvoir que celui que vous avez constaté aux points 70 et 71 des motifs de votre arrêt précité et qu'il constitue, dès lors, également un détournement de pouvoir. En outre, nous pensons que les vices de forme qui ont également été commis au stade de la notation d'appel, ainsi que les insuffisances, erreurs et contradictions internes qui en ont résulté, ont eu un poids tel lors de l'appréciation des faits que le degré de négligence qui en ressort nous semble déjà en soi devoir
être qualifié de détournement de pouvoir dans le chef du notateur d'appel. Nous estimons, par conséquent, que le deuxième moyen, en ce compris le grief de détournement de pouvoir qu'il comporte, est également fondé.

Comme les faits constatés sous cet angle sont suffisamment parlants en eux-mêmes, nous pensons qu'il n'est pas nécessaire que nous examinions de manière détaillée l'argumentation que la Commission a avancée pour sa défense contre le deuxième moyen et qui est résumée dans le rapport d'audience. Une comparaison de cette argumentation avec le déroulement réel de la procédure de notation, tel qu'il est enfin apparu maintenant, la réfute suffisamment. Pour le cas où la Commission aurait également pensé à
votre arrêt du 9 juillet 1981 lors du rejet de la pertinence de certains faits postérieurs au déroulement de la procédure de notation, nous laissons volontiers à la Cour le soin d'apprécier cette conception, eu égard à nos analyses qui précèdent.

4.4.

Les commentaires des parties sur les pièces produites lors de la procédure orale n'ont pas révélé des points de vue sensiblement nouveaux.

Dans ses observations écrites sur ces pièces, la Commission exprime des doutes sur la valeur juridique de la note du 15 janvier 1981, que le notateur a adressée à l'ancien supérieur hiérarchique de la requérante, et sur les réactions de ce dernier des 17 février et 9 avril 1981, comprenant sa proposition de notation pour la période pendant laquelle il était le supérieur de la requérante. La Commission fonde ces doutes en particulier sur la circonstance que ces pièces ne portent pas de numéro
d'enregistrement, ainsi que sur le fait que l'avis préalable à la notation exprimé par l'ancien supérieur hiérarchique de la requérante a été donné en remplissant les rubriques de notation d'un formulaire ad hoc. Le premier argument doit être rejeté, à notre avis. Le guide de la notation ne comprend pas de règles relatives à la manière dont la consultation préalable obligatoire d'un ancien supérieur hiérarchique doit s'opérer. Pour donner une suite efficace à cette obligation de consultation
préalable, même une consultation verbale pourrait, le cas échéant, être la plus appropriée. Comme la « consultation » préalable par le directeur général du personnel et de l'administration en sa qualité de notateur a eu lieu, en l'occurrence, sous la simple forme d'une note manuscrite, une réponse sous la même forme d'une note non enregistrée ne peut certainement rien ôter à la pertinence de l'avis donné.

Cette partie des observations de la Commission confirme du reste l'exactitude de notre constatation antérieure suivant laquelle, contrairement à l'article 3 du guide, il n'y a pas eu, en fait, de véritable consultation préalable du docteur Semiller. La valeur de l'avis préalable que celui-ci a communiqué néanmoins n'est pas davantage diminuée par le fait qu'il a été donné sous la forme d'un avis détaillé sur les éléments d'appréciation mentionnés sur le formulaire de notation. Nous avons déjà
observé précédemment que la forme ainsi choisie par le docteur Semiller nous paraissait précisément particulièrement efficace et conforme au but d'une consultation préalable sous une forme sensée. Lorsqu'elle prétend que le docteur Semiller avait seulement le droit (après la notation par le notateur) de faire figurer ses propres observations sur le rapport de notation, la Commission méconnaît le fait que l'article 3 des dispositions générales distingue deux phases d'intervention de l'ancien
supérieur hiérarchique du noté: sa consultation préalable et son avis a posteriori sur le point de savoir s'il a été tenu compte suffisamment de son jugement dans la notation. L'avis exprimé par le docteur Semiller le 9 avril 1981 se situe manifestement avant la clôture du rapport de notation et fait, dès lors, partie de la phase prescrite de la consultation préalable. Cet argument de la Commission confirme donc également l'exactitude de notre supposition antérieure selon laquelle le notateur n'a
pas voulu, en fait, consulter préalablement l'ancien supérieur hiérarchique et n'a pas voulu tenir compte de l'avis préalable exprimé néanmoins par celui-ci. Enfin, la thèse défendue par la Commission à la fin de ses observations, à savoir que le notateur d'appel n'était pas obligé de son côté d'entendre le docteur Semiller, doit également être rejetée en l'espèce, pour les motifs que nous avons déjà indiqués précédemment dans ces conclusions. La suggestion de la Commission, d'après laquelle le fait
d'attaquer ce vice de forme substantielle ne serait pas couvert par la formulation du premier moyen, doit également être rejetée, puisque le grief tiré de la violation de formes substantielles est formulé en des termes généraux dans le premier moyen (avec une liste non limitative d'exemples) et puisque c'est à cause de l'attitude de la Commission pendant la procédure de notation et au cours de la phase écrite de la procédure devant la Cour que ce vice de forme concret n'est apparu que lors de
l'audience. Nous rappelons que le docteur Semiller a répondu alors à une question posée par nous-même, sans être contredit, qu'il n'avait pas été entendu par le notateur d'appel. Naturellement, la Commission aurait encore pu contester l'exactitude de cette réponse dans ses observations écrites, après enquête auprès du notateur d'appel. Comme elle ne l'a pas fait, il n'est pas possible de reconnaître une grande importance à l'argument de la Commission selon lequel cette absence de consultation ne
serait pas prouvée. La Commission estime elle aussi, d'après ses observations, que seul le prétendu caractère non obligatoire de cette consultation est déterminant, mais cet argument doit être rejeté, ainsi que nous l'avons déjà dit.

4.5.

En conclusion, nous vous proposons de dire les moyens de la requérante fondés dans la mesure indiquée, d'annuler en conséquence la décision litigieuse du commissaire C. Tugendhat du 29 octobre 1982 et de condamner la Commission aux dépens.

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( *1 ) Traduit du néerlandais.

( 1 ) « parce que, d'abord, il existe des contradictions dans la notation et dans l'appréciation générale et, en plus, des contradictions importantes vis-à-vis de la notation précédente » (selon la note du docteur Semiller du 23 mars 1984).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 263/83
Date de la décision : 15/11/1984
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Statut des fonctionnaires - Rapport de notation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Mariette Turner
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : VerLoren van Themaat
Rapporteur ?: Joliet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1984:352

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