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05/07/1984 | CJUE | N°80

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 5 juillet 1984., Robert Adam et autres contre Commission des Communautés européennes., 05/07/1984, 80


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

PRÉSENTÉES LE 5 JUILLET 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Aux termes de l'article 98, alinéa 2, du statut, les dispositions de son article 45, paragraphe 2, selon lesquelles le passage d'un fonctionnaire d'une catégorie à une catégorie supérieure ne peut avoir lieu que sur la base d'un concours ne s'appliquent pas à certains fonctionnaires occupant dans le domaine nucléaire un emploi qui nécessite des compétences scientifiques ou techniques. Pour ces fonctionna

ires, la Commission a, à l'époque des faits litigieux, publié dans les «Informations
admi...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

PRÉSENTÉES LE 5 JUILLET 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Aux termes de l'article 98, alinéa 2, du statut, les dispositions de son article 45, paragraphe 2, selon lesquelles le passage d'un fonctionnaire d'une catégorie à une catégorie supérieure ne peut avoir lieu que sur la base d'un concours ne s'appliquent pas à certains fonctionnaires occupant dans le domaine nucléaire un emploi qui nécessite des compétences scientifiques ou techniques. Pour ces fonctionnaires, la Commission a, à l'époque des faits litigieux, publié dans les «Informations
administratives»n° 220 du 20 décembre 1978, des «Modalités de procédure préalables aux décisions de changement de catégorie, de B vers A, pour les fonctionnaires des cadres scientifique et technique» (ci-après les «Modalités»).

Ces modalités invitaienc les fonctionnaires remplissant les conditions de grade, d'ancienneté et d'expérience précisées au point II, à demander leur changement de catégorie conformément auxdites modalités de procédure qui avaient pour objectif déclaré d'«instaurer un système devant permettre d'apprécier l'aptitude de fonctionnaires scientifique ou technique de la catégorie B à exercer des fonctions relevant de la catégorie A ... et, par conséquent, à leur ouvrir l'accès à cette catégorie». Le texte
de ces modalités soulignait qu'elles avaient pour objet de «garantir le bien-fondé de ces décisions» de changement de catégorie.

Un comité ad hoc a été constitué pour établir la liste des fonctionnaires de catégorie B pouvant bénéficier d'une décision de changement de catégorie. Ce comité avait pour mission d'examiner chaque dossier de candidature. Les candidats titulaires d'un diplôme universitaire et justifiant d'une expérience appropriée devaient être reconnus aptes à un changement de catégorie, après vérification de leurs diplômes et «un entretien avec le Comité en vue d'apprécier le secteur de compétence» (III, 2 d));
les personnes n'ayant pas de diplôme universitaire devaient réussir un premier examen à l'issue duquel elles étaient appelées à présenter un mémoire sur lequel elles devaient être examinées pour apprécier leur niveau de qualification et pour permettre au comité d'évaluer si elles étaient aptes à exercer des fonctions de catégorie A (III, 2 a) et c)).

A l'issue de ses travaux, «le comité adresse un rapport motivé à l'autorité investie du pouvoir de nomination avec la liste des candidats reconnus aptes à exercer des fonctions de catégorie A, avec indication du ou des secteurs de compétence de chaque candidat» (III, 2 e)).

Un candidat réunissant les qualifications requises ne pouvait pour autant espérer un changement immédiat de catégorie puisque une décision en ce sens devait d'abord être prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination en fonction des nécessités du service et de la situation budgétaire.

A la date où les Informations administratives visées précédemment ont été publiées, les quatre requérants dans les présentes affaires étaient des fonctionnaires de nationalité belge appartenant à la catégorie B et travaillant à Ispra. Ils sont tous titulaires d'un diplôme belge d'ingénieur-technicien qui est assimilé par le droit belge à un diplôme universitaire et pourtant, ils ont, semble-t-il, tous été priés de présenter un mémoire au comité.

Après avoir examiné les candidatures, le comité a établi deux listes de candidats reconnus aptes au passage à la catégorie supérieure; ces listes ont été publiées dans les Informations administratives n° 281 du 10 juin 1980. Dans la première, qualifiée de liste de «première priorité», les noms des fonctionnaires étaient placés dans l'ordre alphabétique, tandis que dans la deuxième liste, dite de «deuxième priorité», ils étaient rangés par ordre de mérite décroissant. Les deux listes précisaient le
secteur de compétence de chaque candidat. Aucun des quatre requérants ne figurait sur ces listes. Ils ont été informés par lettres, apparemment envoyées le 9 juin 1980, et non datée pour l'une d'entre elles, que le comité «chargé d'apprécier l'aptitude des fonctionnaires ... de catégorie B à exercer des fonctions de catégorie A» n'avait pas estimé pouvoir inscrire leurs noms sur la liste et qu'ils devraient avoir à cœur d'améliorer leurs formations en vue d'une participation éventuelle à une
procédure ultérieure.

En conséquence de quoi, les requérants ont conclu dans les affaires 80 à 83/81 à l'invalidité et à l'annulation de la décision par laquelle le comité ad hoc leur refusait l'inscription sur la liste des candidats aptes au changement de catégorie. Avant même que le mémoire en défense ait été présenté dans ces affaires, les requérants étaient informés par lettre du directeur général du Personnel datée du 24 septembre 1981 qu'après avoir réexaminé leur dossier, le comité était arrivé à la conclusion
qu'ils étaient aptes à exercer des fonctions dans la catégorie supérieure, mais qu'au cours de l'entretien avec les candidats, ce comité n'avait pas été en mesure de déterminer les secteurs de compétence dans lesquels ils pourraient actuellement exercer des fonctions de catégorie A avec le niveau de compétence qui est requis dans les services de la Commission. Dans les Informations administratives n° 339 du 16 octobre 1981, la Commission publiait un addendum contenant une liste complémentaire de
fonctionnaires aptes à changer de catégorie, dans laquelle figuraient les noms de tous les requérants. Cette liste ne précisait aucun secteur de compétence et affirmait que les candidats en question étaient «ajoutés à la liste des fonctionnaires ... aptes au changement de catégorie B vers A (Informations administratives n° 281 du 10. 6. 1980)». Dans ce contexte, nous croyons inutile de statuer sur le premier groupe de requêtes jointes, sauf que la Commission doit, selon nous, être condamnée aux
dépens de ces procédures, qui, ainsi qu'il est apparu dans la suite, ont été engagées à juste titre.

En tout état de cause, les requérants n'ont pas été satisfaits des conditions dans lesquelles cette deuxième décision du comité a été prise; ils ont formulé à cet égard deux griefs essentiels. L'addendum ne spécifiait pas leur secteur de compétence et il ne précisait pas non plus si les candidats devaient être considérés comme inscrits sur la première ou sur la deuxième liste. Les réclamations déposées au titre de l'article 90 du statut ayant été rejetées, les requérants ont engagé de nouvelles
procédures par requêtes datées du 19 juillet 1982 dans les affaires 182 à 185/82.

Le 1er janvier 1984, M. De Blust, requérant dans l'affaire 183/82, était promu dans la catégorie A; il a, en conséquence, renoncé aux prétentions formulées dans son recours, sauf en ce qui concerne les dépens.

Les deux premiers moyens des trois autres recours sont relatifs à l'absence d'indication d'un secteur de compétence. Ces moyens visent à l'annulation à la fois de la décision du comité de ne pas préciser de secteur de compétence et de la décision par laquelle l'autorité investie du pouvoir de nomination s'est approprié la décision du comité, par lettre du 24 septembre 1981. Les requérants font valoir que le comité était tenu de préciser un secteur de compétence et qu'il appartenait à l'autorité
investie du pouvoir de nomination d'y veiller et de ne pas publier de liste ne comportant aucune mention de ce genre et que son manquement à cet égard porte préjudice aux parties requérantes. La réponse de la Commission est en substance que le comité avait un certain pouvoir d'appréciation quant à la détermination d'un secteur de compétence et qu'il n'était pas tenu de préciser pareil secteur s'il ne voyait pas en mesure de le déterminer. De fait, s'il n'était pas convaincu que les candidats étaient
compétents dans un secteur particulier les rendant aptes à exercer des fonctions de catégorie A (possibilité qui semble bien être envisagée maintenant), alors un tel secteur ne pouvait être indiqué. En outre, la Commission argue que le pouvoir de nomination reste aux mains de l'autorité investie à cet effet qui disposera, l'heure venue, du dossier complet du candidat. C'est ce dossier qui permet de statuer sur une candidature à un poste particulier, de sorte que la seule indication du secteur dans
lequel le candidat a travaillé n'est d'aucune utilité. L'autorité investie du pouvoir de nomination ne pourrait de toute manière corriger ce que le comité avait manqué de faire.

Ces modalités de procédure s'imposent aux candidats; à notre avis, bien que prises sous la forme d'une mesure d'ordre interne, elles sont également contraignantes pour l'administration. Elles ne sauraient être considérées comme dépourvues de toute valeur juridique et les candidats sont en droit d'attendre qu'elles soient respectées (affaire 282/81, Ragusa/Commission, Recueil 1983, p. 1245, au point 18 des motifs).

Nous pensons que le devoir du comité est très clairement tracé par les dispositions de la section III, paragraphe 2, lettre d), des modalités de procédure. Si le comité considère qu'un candidat est apte à exercer des fonctions de catégorie A, il doit indiquer aussi les secteurs dans lesquels ce candidat est reconnu comme compétent. S'il est tenu d'avoir un entretien avec le candidat, c'est précisément aux fins de déterminer ses secteurs de compétences (III, 2 d)). Ce n'est qu'ainsi qu'il atteindra
l'objectif des modalités de procédure qui est de permettre d'apprécier l'aptitude de fonctionnaires de la catégorie B à exercer des fonctions relevant de la catégorie A. Le fait qu'il retienne la compétence d'un candidat à exercer des fonctions de catégorie A, implique nésessairement qu'il était convaincu que ce fonctionnaire pourrait les exercer dans des secteurs déterminés; il ne lui est pas demandé de constater la capacité dudit fonctionnaire d'assumer des fonctions de catégorie A in abstracto.
Par ailleurs, après avoir constaté la capacité d'un candidat d'exercer des fonctions de catégorie A, il n'a pas de pouvoir discrétionnaire quant au point de savoir s'il doit ou non indiquer le secteur de compétence de ce candidat.

Le comité a eu tort dans la mesure où il a manqué d'apporter une telle précision; l'autorité investie du pouvoir de nomination aurait dû exiger qu'il le fasse et elle n'aurait pas dû publier la liste avant que cette indication n'y ait été portée.

Les requérants soutiennent encore que le comité et l'autorité investie du pouvoir de nomination ont à tort manqué de spécifier si les candidats appartenaient au premier ou au deuxième groupe de la liste primitive qui a été publiée dans les Informations administratives n° 281.

Sans vouloir trancher ce point, nous sommes cependant disposé à admettre que le comité était libre de classer les candidats sélectionnés en premier lieu en deux listes, l'une alphabétique (énumérant par exemple les meilleurs candidats qui se trouvaient tous à peu près au même niveau) et l'autre par ordre de mérite; toutefois, selon nous, il aurait dû indiquer sur quel critère il fondait la distinction faite entre les deux listes. Mais si le comité procède ainsi et que l'autorité investie du pouvoir
de nomination retient ces deux listes, alors, dans l'hypothèse où d'autres candidats sont «ajoutés à la liste» primitive parue dans les Informations administratives n° 281, il faut spécifier dans laquelle des deux parties de la liste ces derniers doivent être classés, ceci au moins tant que les deux listes existent encore. Dans le cas contraire, la liste complémentaire donne l'impression d'être une troisième liste, de candidats peut-être inférieurs, et une injustice peut être commise à l'égard de
ceux de ces derniers qui auraient en réalité dû être portés sur la première des listes primitives. Si les candidats inscrits sur la deuxième liste y sont classés par ordre de mérite, les candidats «ajoutés à» cette deuxième liste sont en droit d'être classés par ordre de mérite également. En l'espèce, il restait un nom sur la première liste (une personne qui n'avait pas été changée de catégorie) telle qu'elle se présentait au 24 septembre (ou au 16 octobre) 1981 et aucun changement de catégorie
n'avait bénéficié à cette date aux candidats inscrits sur la deuxième liste. Il restait donc bien deux listes en présence et le comité aurait dû préciser si les candidats étaient portés sur la première ou sur la deuxième liste et, dans ce dernier cas, à quel rang ils devaient y être classés.

Nous admettrons avec la Commission que c'est en dernier ressort, à l'autorité investie du pouvoir de nomination qu'il appartient de décider combien de changements de catégorie peuvent être opérés, en fonction des emplois vacants et des impératifs budgétaires: d'autre part, il est également vrai que l'autorité investie du pouvoir de nomination a toute liberté pour choisir le meilleur candidat pour chaque emploi vacant. Il est également acquis qu'en fait les candidats n'ont pas été nommés selon le
classement par ordre de mérite opéré dans la deuxième liste; par ailleurs, nous savons qu'un candidat porté sur la deuxième liste et un autre mentionné dans l'addendum sont passés à la catégorie supérieure avant un candidat de la première liste.

Néanmoins, puisque les modalités de procédure n'ont pas été respectées sur ces deux points, nous en déduisons que certains candidats peuvent être désavantagés: a) si aucun secteur de compétence n'est indiqué (puisqu'une constatation du comité quant au secteur de compétence devait à l'évidence contribuer à fonder une éventuelle décision de changement de catégorie) et b) si les candidats «ajoutés» sont simplement classés dans leur ordre alphabétique, sans indiquer le rapport avec les candidats portés
sur la liste primitive.

Il convient de noter que les quinze fonctionnaires inscrits dans le premier groupe sont tous passés à la catégorie supérieure; sur huit fonctionnaires inscrits dans le même groupe, sept ont également bénéficié de cette mesure. Sur ces vingt-deux, huit ont été changés de catégorie après la parution de l'addendum, alors que cette mesure n'a bénéficié qu'à deux des candidats portés sur l'addendum, dont M. De Blust.

Dès lors qu'il est démontré que les modalités de procédure n'ont pas été respectées, ces faits sont à notre avis suffisants pour faire peser sur la Commission la charge de la preuve que les candidats mentionnés dans l'addendum n'ont pas été désavantagés. Même si les passages à la catégorie supérieure sont fonction des vacances d'emploi dans des secteurs particuliers et de considérations budgétaires, nous ne sommes pas convaincu, au vu des faits, que la Commission se soit pour autant libérée de la
charge de fournir cette preuve.

Dans le quatrième et dernier chef de leurs conclusions, les requérants s'en prennent à la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination de ne pas retirer toutes les promotions fondées sur les listes publiées dans les Informations administratives n° 281 du 10 juin 1980. Ils demandent donc que toutes ces promotions soient annulées. Cette requête semble hors de proportions par rapport aux intérêts légitimes des requérants. Ils seront suffisamment protégés si la décision du comité ad hoc et
celle de l'autorité investie du pouvoir de nomination sont, dans la mesure où elles sont critiquables, déclarées non fondées en droit pour ce qui concerne les requérants. Notre point de vue à cet égard est appuyé par le point 35 des motifs de l'arrêt dans les affaires 4, 19 et 28/78, Salerno/Commission (Recueil 1978, p. 2403). Dans cette affaire, la Cour a annulé la décision par laquelle le jury de concours avait refusé d'admettre les requérants aux épreuves, mais elle a refusé d'annuler les
résultats de ce concours et les nominations intervenues à la suite de celui-ci.

Pour M. De Blust, nous pensons qu'il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête, sauf en ce qui concerne les dépens qui devraient, à notre avis, être mis à la charge de la Commission.

Quant aux requêtes 182, 184 et 185/82, nous pensons qu'il conviendrait de statuer que les décisions prises à l'égard des requérants par le comité ad hoc et l'autorité investie du pouvoir de nomination étaient entachées d'erreurs substantielles dans la mesure où elles ne précisaient pas les secteurs de compétences des candidats et n'indiquaient pas sur quelles listes chacun des requérants devait être inscrit et, pour ceux qui auraient dû être inscrits sur la deuxième liste, quel rang ils devaient y
occuper.

La Commission devrait être condamnée aux dépens non seulement dans les affaires 80 à 83/81, mais également dans les affaires 182 à 185/82.

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( 1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 80
Date de la décision : 05/07/1984
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé, Recours de fonctionnaires - non-lieu à statuer, Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Promotions.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Robert Adam et autres
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Galmot

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1984:245

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