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21/06/1984 | CJUE | N°17/83

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 21 juin 1984., Angel Angelidis contre Commission des Communautés européennes., 21/06/1984, 17/83


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. CARL OTTO LENZ,

PRÉSENTÉES LE 21 JUIN 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les juges,

Dans l'affaire de fonctionnaires dont nous avons à traiter aujourd'hui, la question essentielle est de savoir si l'ancienneté d'un fonctionnaire qui était auparavant agent temporaire doit être calculée en fonction des règles statutaires relatives à la promotion ou en fonction de celles relatives au recrutement.

A —  Le requérant, M. Angel Angelidis, né en 1946, est de nationalité grecque. Sa carrièr

e professionnelle peut se résumer comme suit: ...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. CARL OTTO LENZ,

PRÉSENTÉES LE 21 JUIN 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les juges,

Dans l'affaire de fonctionnaires dont nous avons à traiter aujourd'hui, la question essentielle est de savoir si l'ancienneté d'un fonctionnaire qui était auparavant agent temporaire doit être calculée en fonction des règles statutaires relatives à la promotion ou en fonction de celles relatives au recrutement.

A —  Le requérant, M. Angel Angelidis, né en 1946, est de nationalité grecque. Sa carrière professionnelle peut se résumer comme suit:

Il a obtenu en janvier 1970 un diplôme à l'École d'études supérieures en agronomie d'Athènes, après quoi il a rempli ses obligations militaires pendant deux ans. D'octobre 1972 à juin 1974, il a étudié à l'École technique supérieure d'ingénieurs agronomes de Madrid où il a passé un doctorat en agronomie. D'octobre 1974 à juin 1975, il était inscrit à l'université de Montpellier I qu'il a quitté avec un doctorat en sciences économiques. D'après ses propres dires, il a été au cours de cette
période et par après conseiller de plusieurs entreprises privées agricoles. A partir de 1975, il a en outre travaillé pour certaines administrations grecques qui étaient notamment chargées des questions relatives à l'adhésion de la Grèce. En février 1979, il a été nommé chef de la division «agriculture» du ministère grec de la Coordination.

Par contrat du 11 juillet 1979, M. Angelidis est entré au service de la Commission en qualité d'agent temporaire en vue d'exercer les fonctions de traducteur de grade L/A 7, échelon 3. Le 11 août 1980, un nouveau contrat a été conclu par lequel M. Angelidis était affecté avec effet rétroactif au 1er janvier 1980 à la Direction générale de l'agriculture en qualité d'administrateur de grade A 7, échelon 3.

Lauréat d'un concours général de recrutement d'administrateurs principaux de nationalité grecque, M. Angelidis a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A 5, échelon 1, par décision de la Commission du 4 mai 1982 prenant effet au 1er avril 1982; cette même décision l'affectait par ailleurs à l'emploi qu'il occupait déjà.

Le 5 juillet 1982, il a introduit contre son classement une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, dans laquelle il demandait à être classé au troisième échelon de son grade au titre de l'article 32, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires, en raison d'une expérience professionnelle de douze années.

Cette réclamation étant demeurée sans réponse à l'intérieur des délais prévus et après que par décision du 14 décembre 1982, prenant effet au 1er janvier 1983, la Commission l'eut nommé fonctionnaire titulaire au grade A 5, échelon 1, le requérant a introduit le 1er février 1983 un recours par lequel il demande en substance qu'il plaise à la Cour:

a) annuler le rejet implicite de sa réclamation ainsi que les décisions relatives à son classement en échelon et

b) dire pour droit qu'il doit être classé à l'échelon 3 du grade A 5,

c) condamner la défenderesse aux dépens.

B —  Nous ferons à cet égard les observations suivantes:

1. Sur le premier chef des conclusions de la partie requérante

a) Selon le requérant, c'est à tort qu'il aurait été classé au titre de l'article 46 du statut des fonctionnaires au premier échelon du grade A 5. Il estime que le classement intervenu lors de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire et plus tard en qualité de fonctionnaire titulaire aurait dû se faire non en fonction des règles sur la promotion, mais, conformément aux dispositions visées dans l'acte de nomination du 4 mai 1982, en fonction des règles relatives au recrutement. Il fait
valoir que, compte tenu de son expérience professionnelle de douze années postérieure au premier diplôme universitaire, une bonification de 48 mois, donc de deux échelons supplémentaires, aurait dû lui être accordée au titre de l'article 32, deuxième alinéa, du statut. Cela résulterait en particulier de l'article 5, paragraphe 1, de la décision de la Commission de 1973 relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement (ci-après les critères
de classement) ainsi que du tableau annexé à cette décision d'après lequel une expérience professionnelle de onze années aurait déjà dû entraîner un classement au troisième échelon de son grade. Enfin le classement opéré serait également contraire à l'article 5, paragraphe 3, du statut aux termes duquel les fonctionnaires appartenant à une même catégorie sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. Le requérant aurait cependant été désavantagé par rapport
à d'autres candidats externes ayant pris part au concours général puisque l'expérience professionnelle de ces derniers aurait été pleinement prise en compte dans le cadre de leur classement initial au titre de l'article 32, alinéa 2, du statut. Enfin le classement serait, selon le requérant, contraire aux principes généraux du droit, en particulier aux principes d'égalité, d'objectivité, de justice distributive ainsi qu'au principe «patere legem quam ipse fecisti».

Selon la défenderesse par contre, l'article 32 du statut ne saurait être appliqué, conformément à l'article 15 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le régime applicable aux autres agents), que lors du classement initial d'un agent temporaire, mais non lors du passage de ce dernier à la qualité de fonctionnaire. Selon elle, l'application de cette disposition dans un tel cas devrait être exclue également en vertu du principe de la continuité de carrière.
C'est en appliquant par analogie les règles relatives à la promotion qu'on prendrait le mieux en compte les principes de la continuité et de l'égalité de traitement sur lesquels le droit de la fonction publique européenne serait fondé. Enfin, l'article 8 des critères de classement, qui posait en règle générale qu'un agent temporaire nommé fonctionnaire stagiaire du même grade doit être classé au même échelon, constituerait l'expression d'un principe général en vertu duquel il n'y aurait pas lieu
pour l'autorité investie du pouvoir de nomination d'envisager une nouvelle procédure de classement dans un cas de ce genre.

b) Pourtant, une série de raisons font que cette argumentation de la défenderesse ne saurait emporter la conviction. Il faut tout d'abord lui reprocher que de par leur nature de normes de conduite internes, les critères de classement ne peuvent — comme la Cour de justice l'a dit notamment dans les arrêts Blomefield, Michael et Buick ( 2 ) — poser des règles qui dérogeraient à celles impératives du statut. Elles ne sont dès lors pas non plus susceptibles de combler une prétendue lacune du statut et
ne peuvent au contraire qu'être interprétées à la lumière de ces normes de rang supérieur.

c) Cependant, l'application par analogie de l'article 46 du statut doit être exclue en l'espèce ne serait-ce qu'en raison de la place occupée par cette disposition au chapitre 3 du statut, qui, comme le montre son intitulé, traite de la notation, de l'avancement d'échelon et de la promotion du fonctionnaire. Il résulte de l'article 4 du statut qu'il existe deux façons de pourvoir à la vacance d'un emploi, à savoir la nomination et les promotions, ces dernières entraînant d'après la définition de
l'article 45 le passage au grade supérieur. Tandis que la notion de nomination comprend — comme l'avocat général Reischl l'a souligné en particulier dans ses conclusions sur l'affaire Van Belle ( 3 ) — toutes les façons possibles de pourvoir à une vacance d'emploi, et notamment la nomination en qualité de fonctionnaire, l'article 45 présuppose, eu égard à son libellé et à la position qu'il occupe au sein du statut, que la personne devant être promue soit déjà fonctionnaire au sens de l'article 1
dudit statut. En conséquence, l'article 45, paragraphe 1, dispose que la promotion se fait exclusivement sur la base d'une sélection parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade. La sélection intervient — comme il est dit dans la suite de l'article 45 — après examen , comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.

Toutefois, ne peut être nommé fonctionnaire que celui qui, conformément à l'article 28 du statut, a satisfait aux conditions du concours dont les modalités sont réglées à l'annexe III ou qui a été engagé comme fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 29, paragraphe 2, du statut.

Cependant, le cas du requérant ne saurait être réglé sur la base des dispositions relatives à la promotion; on ne peut au contraire que lui appliquer celles relatives au recrutement puisque jusqu'à sa nomination comme fonctionnaire stagiaire, il n'était au service des Communautés que sur une base contractuelle en tant qu'agent temporaire et non en tant que fonctionnaire. Cette thèse est encore et surtout corroborée par le fait qu'avant d'être nommé fonctionnaire titulaire le requérant a dû
effectuer une période de stage, conformément à l'article 34 du statut.

d) Même à vouloir admettre, à l'encontre de cette évidence, que les articles 45 et suivants s'appliquent en principe au passage de l'agent temporaire dont la position juridique est gouvernée par le régime applicable aux autres agents, à la qualité de fonctionnaire soumis au statut, il existe selon nous, une série d'autres raisons qui empêcheraient de considérer le présent cas comme une promotion au sens de ces dispositions. D'après la définition de l'article 45, paragraphe 1, une promotion entraîne
par principe le passage du fonctionnaire au grade supérieur de sa catégorie.

Il paraît absurde d'invoquer par analogie l'article 46, s'agissant d'une mesure par laquelle un fonctionnaire est promu au grade situé au-dessus du grade immédiatement supérieur au sien, de sorte qu'une telle mesure ne saurait être appréciée en fonction de l'article 45, paragraphe 1, ou de l'article 45, paragraphe 2.

Enfin, il résulte également de l'arrêt Williams ( 4 ) que l'article 46 ne s'applique que si les carrières sont aménagées de manière uniforme dès leur début. Le requérant dans cette affaire avait été fonctionnaire de grade A 7 auprès de la commission de contrôle, il avait ensuite été transféré à la Cour des comptes lors de la création de cette dernière. Il y fut tout d'abord nommé au grade A 7, échelon 3, puis promu au grade A 6, échelon 1.

Au cours de cette période, la Cour des comptes a engagé des fonctionnaires et d'autres agents qui n'étaient pas encore au service des Communautés et dont le classement fut opéré conformément à des critères pour le classement et la nomination du personnel qui avaient été arrêtés dans l'intervalle. Selon le requérant, ces critères de classement étaient discriminatoires dans la mesure où ils entraînaient un classement plus favorable pour les nouveaux fonctionnaires et autres agents que pour les
anciens fonctionnaires transférés de la commission de contrôle. Pour sa part, la Cour des comptes a invoqué pour justifier sa décision le fait que le transfert et la promotion du requérant avaient eu lieu conformément aux dispositions du statut, en particulier de son article 46.

La Cour de justice devait donc dire si, compte tenu des nouveaux critères de classement, les titres et l'expérience professionnelle du requérant donnaient à ce dernier un droit à un échelon plus élevé, ce malgré les dispositions de l'article 46. A ce propos, elle a relevé que les dispositions statutaires et notamment l'article 46 reposent sur le principe de l'égalité de traitement entre les fonctionnaires de même catégorie, énoncé à l'article 5, paragraphe 3, du statut et qui revêt une importance
essentielle pour le droit de la fonction publique européenne. Compte tenu de ce que les carrières n'avaient pas été aménagées de manière uniforme dès le début, la Cour de justice a en définitive dit pour droit que la Cour des comptes avait à tort invoqué l'article 46 à l'égard du requérant et ordonne à cette dernière de rectifier le classement d'échelon en respectant les critères de classement et en tenant compte de l'expérience professionnelle du requérant et, le cas échéant, de ses titres.

Or, nulle autre règle ne peut s'appliquer à la présente espèce dans laquelle l'application par analogie de l'article 46 aboutirait à défavoriser le requérant par rapport à d'autres candidats, qui n'étaient pas jusqu'ici au service de la Communauté, qui ont pris part au même concours et dont les titres et expérience professionnelle ont été ou devraient être pris en compte dans le cadre de l'article 32.

e) Contrairement au point de vue de la défenderesse, l'application en l'espèce de l'article 32 du statut ne viole pas le principe de la continuité de la carrière dans le droit de la fonction publique européenne et n'entraîne pas de discrimination des fonctionnaires qui ont été engagés dans les mêmes conditions et dont le classement en échelon doit, en cas de promotion, s'effectuer en fonction de l'article 46. On pourrait tout au plus parler de violation si toute activité pour les Communautés
européennes pouvait être vue sous l'angle d'une carrière uniforme. Or, l'existence du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et les différences entre ce statut et le régime applicable aux autres agents démontrent à elles seules qu'il ne saurait en être question. Certes, il est vrai que le classement initial des agents temporaires au titre de l'article 15 du régime applicable aux autres agents est déterminé conformément aux dispositions de l'article 32 du statut et que les agents
temporaires sont à maints égards mis au même plan que les fonctionnaires en ce qui concerne leurs droits et obligations. Il existe cependant une différence décisive entre les deux catégories, notamment dans la mesure où, pour les fonctionnaires, le statut prévoit en son titre III une carrière reposant sur le principe de l'égalité de traitement, alors qu'il n'y a pas de dispositions équivalentes dans le régime applicable aux agents temporaires. Ces derniers peuvent simplement, aux termes de
l'article 10, troisième alinéa, du régime applicable aux autres agents, être affectés moyennant un avenant au contrat d'engagement à un emploi correspondant à un grade supérieur à celui auquel ils ont été engagés. Ce n'est que pour ce dernier cas que l'article 15 du régime applicable aux autres agents renvoie à l'article 46 du statut en ce qui concerne le classement d'échelon. Il faut noter à cet égard que si l'article 10, alinéa 1, du régime applicable aux autres agents prévoit l'application par
analogie des dispositions du statut relatives à la classification des emplois en catégories, cadres et grades, ainsi qu'à l'affectation des fonctionnaires, il exclut cependant expressément l'article 5, paragraphe 3, du statut, qui contient entre autres le principe de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière. Enfin, la démonstration que les règles du statut relatives à la carrière ne peuvent être invoquées par analogie pour les agents temporaires est encore faite par l'arrêt
Plug ( 5 ), dans lequel la Cour a dit pour droit que, même après une série de contrats à durée déterminée, il est encore possible de conclure avec un agent temporaire un contrat prévoyant un classement à un grade inférieur.

Enfin, la théorie de la continuité de la carrière invoquée par la défenderesse n'est pas compatible avec le fait qu'en vue de pourvoir aux vacances d'emploi dans une institution, il y a lieu tout d'abord, conformément à l'article 29 du statut, d'examiner la possibilité d'une promotion ou d'une mutation de fonctionnaires au sein de l'institution et après seulement, celle de l'organisation d'un concours interne auquel pourraient également participer les agents temporaires. Cette procédure montre
très clairement que les agents temporaires ont une position statutaire différente de celle des fonctionnaires, ce qui justifie dès lors également qu'ils soient classés en échelon au titre de l'article 32 et non, comme les fonctionnaires, au titre de l'article 46 du statut.

f) Cette constatation interdit enfin de considérer l'article 8 des critères de classement comme l'expression d'un principe général en vertu duquel, par une application en quelque sorte analogique de l'article 46 du statut, la nomination d'un agent temporaire en qualité de fonctionnaire ne donne pas lieu à une nouvelle procédure de classement au titre de l'article 32 du statut. Une telle thèse doit être exclue par le seul fait que cette disposition est contenue dans la décision de la Commission
relative aux critères de classement lors du recrutement, qui se fonde entre autres expressément sur les articles 29 et suivants du statut et qui a pour objet de garantir un traitement égal à tous les candidats lors du classement initial à opérer à l'occasion de la nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire. Par ailleurs, il n'est guère concluant de vouloir, à partir de cette disposition qui part du cas habituel du passage d'un agent temporaire à la qualité de fonctionnaire stagiaire de même
grade, déduire un principe général s'appliquant également au classement à un grade plus élevé.

En réalité, cette disposition ne peut à la lumière de l'article 32, alinéa 2, du statut qu'être interprétée en ce sens que lorsqu'un agent temporaire est nommé fonctionnaire de même grade, l'autorité investie du pouvoir de nomination doit, en appliquant l'article 32, alinéa 2, du statut et l'article 5 des critères de classement, également considérer comme expérience professionnelle la période que le candidat a passé au service des Communautés en qualité d'agent temporaire.

Une telle interprétation pourrait théoriquement — force est de concéder ce point à la défenderesse — en raison de la limite du troisième échelon prévue à l'article 32, alinéa 2, du statut entraîner une discrimination des candidats qui, après avoir atteint un échelon élevé en qualité d'agents temporaires, sont nommés fonctionnaires au même grade. Une telle situation peut cependant être évitée au titre des articles 2 et 3 précités dans la limite des possibilités existantes et grâce aux articles 2
et 3 des critères de classement en promouvant de tels candidats à un grade supérieur en raison de leur longue expérience professionnelle qui explique l'échelon élevé.

g) Il faut donc constater que le classement opéré par la défenderesse dans sa décision du 4 mai 1982 et du 14 décembre 1982 est erroné, car il n'aurait pas dû être effectué sous la forme d'une application par analogie de l'article 46 du statut. Au lieu de calculer mathématiquement l'échelon conformément à cette disposition prévue pour le cas du fonctionnaire ayant déjà atteint une certaine ancienneté, la défenderesse aurait dû au titre des dispositions combinées de l'article 32, alinéa 2, du statut
et de l'article 5 des critères de classement prendre en compte et réévaluer l'ensemble de l'expérience professionnelle acquise par le requérant après son premier diplôme universitaire. Bien que ces dispositions soient expressément invoquées dans l'acte de nomination du 4 mai 1982, la défenderesse reconnaît elle-même qu'elle n'a pas fait usage de son pouvoir d'appréciation et qu'elle n'a en particulier pas fait appel au comité de classement prévu à l'article 6 des critères de classement. En
conséquence, la décision portant classement du requérant au premier échelon du grade A 5 prise dans le cadre de sa nomination en qualité de fonctionnaire doit, selon nous, être annulée pour violation des dispositions imperatives du statut. Cette conclusion ne saurait être modifiée par le fait que, d'après la défenderesse, le comité de classement n'aurait pu arriver à aucun autre résultat. Le seul point déterminant est que l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a sans conteste pas fait
usage du pouvoir d'appréciation qui lui est réservé et qu'elle n'a pas fait intervenir dans le processus de décision le comité de classement qui garantit la participation de la représentation du personnel.

2. Sur les autres chefs de la demande

a) Le requérant demande en outre qu'il plaise à la Cour statuer que son expérience professionnelle de 12 années aurait dû le faire classer au troisième échelon du grade A 5. Selon lui, toute la période entre son premier diplôme universitaire en janvier 1970 et sa nomination comme fonctionnaire en avril 1982 aurait dû être considérée comme expérience professionnelle pertinente. Par contre, pour la défenderesse, seule la période postérieure à la nomination du requérant en octobre 1975 comme conseiller
au ministère grec de la Coordination peut être considérée comme expérience professionnelle pertinente au sens de l'article 32 du statut et des critères de classement. Avant cette époque, le requérant aurait exercé une activité scientifique et accompli son service militaire.

b) Sur ces arguments, nous observerons très brièvement que l'article 32 du statut accorde à l'autorité investie du pouvoir de nomination un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne le point de savoir si, pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifique d'un candidat, elle veut lui accorder une bonification d'ancienneté d'échelon. Certes, en arrêtant l'article 5 des critères de classement, la défenderesse a restreint son pouvoir d'appréciation en ce sens qu'une
bonification d'ancienneté d'échelon est nécessairement accordée dès lors que l'intéressé a acquis une expérience professionnelle d'une certaine durée.

Cependant, d'après le statut, seule une «expérience professionnelle spécifique» peut être prise en compte. L'expérience professionnelle susceptible d'être prise en compte a été définie à l'article 2 des critères de classement comme suit:

«L'expérience professionnelle est appréciée au regard de l'emploi à pourvoir et en prenant en considération l'activité que le candidat a exercée antérieurement à son recrutement.»

Compte tenu de ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne l'expérience professionnelle qu'elle entend considérer comme pertinente, la Cour de justice ne peut, à cet égard, se substituer à elle et statuer que le requérant doit être classé à un échelon déterminé. Elle peut tout au plus enjoindre à la défenderesse de reprendre la procédure de calcul des échelons en tenant compte des critères de classement.

c) La solution que nous proposons rend superflu de statuer sur la demande du requérant visant à la condamnation de la défenderesse à mettre la situation juridique du requérant en conformité avec les dispositions du statut et avec les critères de classement. La défenderesse est tenue de prendre d'office les mesures «que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice».

d) Si la présente affaire connaît l'issue que nous proposons, la défenderesse pourra être considérée comme ayant succombé sur l'essentiel de ses conclusions. Partant, elle devra, conformément à la demande, être condamnée aux dépens.

C — Pour conclure, nous proposons donc d'annuler le classement du requérant au premier échelon du grade A 5 tel qu'il a été prévu dans les décisions de la Commission du 4 mai 1982 et du 14 décembre 1982 et d'enjoindre à la défenderesse de procéder à un nouveau classement en échelon du requérant en tenant compte de l'article 32, alinéa 2, du statut ainsi que de la décision de la Commission de 1973, relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du
recrutement. La défenderesse devra en outre être condamnée aux dépens.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Arrêt du 1.12.1983 dans l'affaire 190/82, Adam Blomefield/Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 3981;

arrêt du 1.12.1983 dans l'affaire 343/82, Christos Michael/Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 4023;

arrêt du 29.3.1984 dans l'affaire 25/83, Adam Buick/Commission des Communautés européennes, Recueil 1984, p. 1773.

( 3 ) Arrêt du 5.12.1974 dans l'affaire 176/83, Claudette Van Belle/Conseil des Communautés européennes, Recueil 1974, p. 1361.

( 4 ) Arrêt du 6.10.1982 dans l'affaire 9/81, Calvin Williams/Cour des comptes des Communautés européennes, Recueil 1982, p. 3301.

( 5 ) Arrêt du 9.12.1982 dans l'affaire 191/81, Onno Plug/Commission des Communautés européennes, Recueil 1982, p. 4229.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17/83
Date de la décision : 21/06/1984
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé, Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Nomination d'un fonctionnaire - Classement en échelon.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Angel Angelidis
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Pescatore

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1984:224

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