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22/03/1984 | CJUE | N°128/83

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 22 mars 1984., Caisse primaire d'assurance maladie de Rouen contre A. Guyot., 22/03/1984, 128/83


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. G. FEDERICO MANCINI

PRÉSENTÉES LE 22 MARS 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Vous êtes invités à interpréter le règlement n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs migrants (JO L 149, p. 2), dans le cadre d'une procédure préjudicielle ayant trait aux prestations de maladie et de maternité des chômeurs.

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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. G. FEDERICO MANCINI

PRÉSENTÉES LE 22 MARS 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Vous êtes invités à interpréter le règlement n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs migrants (JO L 149, p. 2), dans le cadre d'une procédure préjudicielle ayant trait aux prestations de maladie et de maternité des chômeurs.

Mme Antje Guyot, de nationalité allemande, a démissionné le 30 juin 1977 de l'emploi qu'elle occupait en République fédérale d'Allemagne et le 1er août elle s'est inscrite comme demanderesse d'emploi auprès des services de l'emploi allemands. Un mois plus tard, elle s'est établie en France pour rejoindre son mari qui a la nationalité française et, se trouvant toujours au chômage, elle s'est inscrite le 5 septembre de la même année à l'Agence nationale pour l'emploi.

Pendant une période de trois mois, c'est-à-dire jusqu'au 1er décembre, Mme Guyot a perçu les prestations de chômage servies par l'organisme de prévoyance allemand; mais à partir de cette date, elle lui a été versée par l'Association pour l'emploi dans les industries et le commerce (Assedie) sur la base d'une réglementation qui, n'appliquant pas le critère de l'État du dernier emploi, est plus favorable que la réglementation communautaire (voir circulaire n° 73-8 du 19. 3. 1973 de l'Union
nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce — Unedic). Le 21 mars 1980, la Caisse primaire d'assurance maladie a refusé à Mme Guyot tant le remboursement des dépenses de santé exposées pendant la période de janvier à mars 1978 que le paiement des indemnités journalières de l'assurance maladie et de l'assurance maternité. Mme Guyot a formé contre cette décision un recours devant la commission de première instance de sécurité sociale de Rouen qui, par jugement
rendu le 28 avril 1981, a condamné la Caisse à payer les prestations précitées.

La Caisse a fait appel. Par arrêt rendu le 30 juin 1983, la juridiction saisie (cour d'appel de Rouen) a sursis à statuer et, en application de l'article 177 du traité CEE, elle a soumis à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les conditions exigées pour l'obtention du bénéfice des prestations visées par l'article 71 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil des Communautés européennes en date du 14 juin 1971 comprennent-elles, dans le cas prévu par le paragraphe 1, alinéa b) (ii), de cet article, une résidence dans l'État compétent antérieure à la fin de la période de dernier emploi dans l'État membre autre que l'État compétent?»

2.  Comme nous l'avons dit, le litige au principal a pour objet le droit d'une travailleuse migrante en chômage de bénéficier des prestations de maladie et de maternité servies par un organisme de prévoyance de l'État membre dans lequel elle réside. L'article 25 du règlement n° 1408 subordonne leur service à l'existence des conditions auxquelles est soumis le paiement des allocations de chômage. Ces dernières sont, quant à elles, régies par le chapitre 6 du même règlement dans lequel figure
l'article 71 que le juge au principal vous demande d'interpréter. Examinons donc les principes de cette réglementation.

La règle générale qu'elle pose est que les prestations sont servies par le pays du dernier emploi. Ce n'est, en effet, qu'en s'adressant aux organismes de prévoyance de ce dernier que le travailleur peut totaliser les périodes d'assurance et d'emploi accomplies sur le territoire et sous la législation d'autres États membres (article 67, paragraphe 3). Lorsque le travailleur en chômage quitte l'État où il a travaillé en dernier lieu et se rend dans un autre État pour y chercher un nouvel emploi,
l'État du dernier emploi est tenu de lui verser les allocations pendant une période de trois mois (article 69).

La raison de cette limite est expliquée dans les motifs de la proposition de règlement portant mesures en faveur des travailleurs en chômage que la Commission a transmis au Conseil en 1980 (JO C 169, 1980, p. 22). Le chapitre 6 du règlement n° 1408, y lit-on, a été adopté dans une période de haute conjoncture dans laquelle on trouvait aisément du travail dans des délais brefs. Il semblait donc excessif de garantir au-delà de trois mois le droit aux prestations hors du pays du dernier emploi.
Pour en bénéficier au-delà de ce délai, le chômeur n'aurait pas eu autre chose à faire que de retourner dans le pays dans lequel il avait travaillé pour la dernière fois.

3.  L'article 71, paragraphe 1, alinéas a), (ii), et b), (ii), déroge à la règle qui prévoit que les prestations sont servies par le pays du dernier emploi. En bénéficie le chômeur qui, au cours de sa dernière période d'emploi, a résidé dans un État membre autre que l'État où il a exercé son emploi et qui, à la résiliation du contrat de travail, s'est inscrit auprès des services de l'emploi du pays de résidence. Dans cette hypothèse, les prestations sont servies par les organismes de prévoyance de
ce pays comme si le travailleur y avait occupé son dernier emploi.

La raison de cette dérogation est claire. Elle vise des situations marginales, c'est-à-dire qu'elle protège les travailleurs — frontaliers, saisonniers, travailleurs des transports internationaux, travailleurs occupés par des entreprises frontalières — qui, habituellement, vivent et travaillent sur le territoire de plusieurs États membres. Dans leur cas, avez-vous observé, le «transfert de la charge des prestations de chômage de l'État membre du dernier emploi vers l'État membre de résidence
[est justifié en raison] des liens étroits [que ces travailleurs conservent] avec le pays où ils se sont établis et séjournent habituellement». La résidence habituelle prouve en effet que le travailleur a le centre de ses intérêts dans l'État de résidence; elle l'emporte donc sur la présomption selon laquelle le travailleur réside dans l'État où il a son emploi «même s'il a laissé sa famille dans un autre État» (arrêt rendu le 17. 2. 1977 dans l'affaire 76/76, Di Paolo/Office national de
l'emploi, Recueil 1977, p. 315, points 12, 17 et 19).

4.  Eu égard à ce qui précède, nous proposons de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle présentée par la cour d'appel de Rouen par arrêt du 30 juin 1983 rendu dans l'affaire Caisse primaire d'assurance maladie de Rouen contre Mme Antje Guyot:

L'article 71 du règlement n° 1408/71 s'applique, dans l'hypothèse visée au paragraphe 1, alinéa b) (ii), au seul cas du travailleur en chômage qui, pendant sa dernière période d'emploi, résidait dans un État membre autre que celui dans lequel il avait son emploi.

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( 1 ) Traduit de l'italien.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 128/83
Date de la décision : 22/03/1984
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Rouen - France.

Chômeurs migrants - Droits aux prestations de maladie.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Caisse primaire d'assurance maladie de Rouen
Défendeurs : A. Guyot.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mancini
Rapporteur ?: Mackenzie Stuart

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1984:125

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