La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/1983 | CJUE | N°36/81,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 5 mai 1983., Pieter Willem Seton contre Commission des Communautés européennes., 05/05/1983, 36/81,


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE5 MAI 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Introduction

Les affaires 36/81, 37/81 et 218/81, que nous avons à examiner aujourd'hui, ont été jointes par ordonnance du 29 octobre 1981. En dépit de certaines différences quant à leur objet et aux moyens invoqués, elles présentent en effet des liens qui, outre la personne du requérant, concernent notamment aussi le contexte des trois litiges en question. Ce contexte consiste da

ns l'influence que, selon le requérant, certaines divergences d'opinions, quant au contenu de la po...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE5 MAI 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Introduction

Les affaires 36/81, 37/81 et 218/81, que nous avons à examiner aujourd'hui, ont été jointes par ordonnance du 29 octobre 1981. En dépit de certaines différences quant à leur objet et aux moyens invoqués, elles présentent en effet des liens qui, outre la personne du requérant, concernent notamment aussi le contexte des trois litiges en question. Ce contexte consiste dans l'influence que, selon le requérant, certaines divergences d'opinions, quant au contenu de la politique communautaire qui devait
être développée en matière de transports, ont eue sur sa carrière. Ces divergences d'opinions auraient abouti, d'une part, à ce que le rapport de notation contesté par le requérant dans les affaires 36 et 218/81 soit rédigé avec un retard important (comparé aux rapports antérieurs) et, de surcroît, soit en définitive moins favorable que ces derniers, et d'autre part, à la transformation du service spécialisé «harmonisation sociale», qui était dirigé par le requérant, en un «secteur d'activités d'une
division», laquelle division englobait, outre le secteur «conditions de travail», également toutes les autres subdivisions de la politique des marchés des transports intérieurs. Le requérant conteste cette transformation de service dans l'affaire 37/81, qui a été introduite en même temps que l'affaire 36/81. Une deuxième division de la direction concernée est restée compétente pour les aspects structurels de la politique intérieure des transports, ainsi que pour l'analyse de marché et les
statistiques. Ainsi qu'il ressort de la décision de réorganisation, qui est jointe en annexe 4 au mémoire en défense dans l'affaire 37/81, le service spécialisé dirigé par le requérant n'a nullement été la seule victime des réorganisations opérées, ce qui, selon nous, a une certaine importance pour l'appréciation du recours. Pour autant que nous le sachions, les autres victimes de la réorganisation n'ont pas introduit de recours contre celle-ci. La dimension réduite de la nouvelle division dont le
requérant fait actuellement partie et qui est néanmoins investie de tâches nombreuses et très importantes reflète également la stagnation touchant la réalisation d'une politique commune des transports prescrite par le traité. Pareille stagnation aboutit inévitablement aussi à des frustrations sur le plan personnel: lorsqu'on examine les annexes 7 et 8 du mémoire en défense dans l'affaire 37/81, on est assurément frappé de constater l'ampleur de l'échec apparemment subi dans la réalisation d'une
politique commune des transports.

Ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, la raison directe qui a entraîné la transformation d'un «service spécialisé», dirigé directement par le directeur compétent, en un «secteur d'activités» d'une division couvrant tous les aspects de la politique des marchés, a été la volonté de rationaliser les services de la Commission sur la base des avis rendus successivement par la commission Spierenburg externe aux institutions et la commission Ortoli interne à la Commission. En soi, nous pensons qu'il
est vraisemblable que le souhait d'intégrer la politique d'harmonisation sociale dans une politique englobant tous les aspects de la politique des marchés a joué un rôle dans la décision de réorganisation de la Commission. Le dossier ne fournit aucune indication à cet égard. En tout cas, la réorganisation entraînera presque inéluctablement une intégration plus poussée de la politique en matière d'harmonisation sociale ou des conditions de travail au sens large, tel qu'il a été indiqué dans l'annexe
citée, dans une politique des marchés plus vaste. En d'autres termes, au lieu de représenter un secteur relativement autonome dans la nouvelle organisation, l'harmonisation sociale devient presque inévitablement un des éléments d'une politique commune des transports, visée aux articles 74 et 75 du traité CEE. Or, à notre avis, les conséquences au niveau de l'organisation et de la politique du personnel, qui résultent d'une telle modification de la politique adoptée et qui font l'objet du présent
litige, découlent en tout cas inévitablement de la liberté politique dont la Commission dispose tant à l'égard de l'organisation rationnelle de ses services qu'à l'égard de l'élaboration de sa politique. Nous reviendrons encore sur la question de savoir si la Commission n'a pas porté atteinte aux droits des fonctionnaires lors de l'élaboration de sa politique en la matière. Nous estimons, toutefois, que le requérant ne pourra pas aboutir au principal dans sa demande d'annulation de la réorganisation
concernée du seul fait des motifs indiqués ci-dessus.

Il ressort tant du fait que le requérant a présenté en même temps les recours dans les affaires 36 et 37/81 que de l'élaboration plus précise de ceux-ci dans les affaires 36 et 218/81 que, selon le requérant, le contexte brièvement mentionné a aussi joué un rôle dans les deux affaires citées en dernier lieu. Le requérant était notamment en désaccord absolu avec ses supérieurs quant à la place et l'importance de l'harmonisation sociale dans la politique commune des transports et le dossier montre
qu'il a d'ailleurs défendu avec opiniâtreté ses points de vue divergents devant ses supérieurs. Le rapport qu'un haut fonctionnaire de la Commission absolument étranger à ces problèmes a établi à cet égard sur demande du membre compétent de la Commission, M. O'Kennedy, reflète clairement les frictions apparues entre le requérant et ses supérieurs du fait de ses différences d'opinions. Le rapport en question présente le requérant comme «un homme profondément honnête, pénétré de l'importance politique
et de la valeur humaine de ce qui était devenu son mandat personnel» (annexe 11 au mémoire en défense de la Commission dans l'affaire 37/81, p. 9). Toutefois, il souligne en même temps les difficultés qu'en raison probablement de la spécialisation, exercée pendant longtemps dans un domaine restreint, le requérant éprouvait à tenir compte d'autres aspects de la politique commune des transports. Le rapport de notation définitif, contesté par le requérant et qui a été établi avec un retard important,
outre qu'il contient une appréciation similaire et peu accentuée et qui était déjà exprimée dans le texte initial de 1976, met surtout l'accent sur le fait qu'après sa nomination en 1974 comme chef d'un service spécialisé, le requérant n'avait pas les qualités requises pour diriger une unité indépendante groupant différents collaborateurs. En effet, un excellent collaborateur n'est pas nécessairement un excellent chef d'une unité distincte du point de vue de l'organisation et, à elle seule, cette
circonstance peut constituer une explication satisfaisante de l'appréciation moins favorable portée sur le requérant dans le rapport de notation contesté, ce qui ne doit nullement être considéré comme un refus de reconnaître sa grande aptitude professionnelle ni, partant, comme une insulte, comme le requérant le pense.

En effet, le requérant n'était pas encore à la tête d'un service spécialisé pendant la période de référence antérieure et il a donc été jugé alors exclusivement sur son aptitude professionnelle en tant que «fonctionnaire qualifié chargé de travaux de conception». Du reste, pour autant que le notateur a tenu compte, lors de son apprécation, du fait que le requérant faisait preuve de manque de souplesse vis-à-vis de ses supérieurs et d'incapacité à intégrer son propre travail dans la politique
générale de la direction, on ne pourra pas, selon nous, contester au notateur le droit de tenir compte de ces défauts inhérents à des idées précises et bien défendues sur le plan de la conception.

Toutefois, ces observations n'empêchent pas, elles non plus, que les garanties juridiques d'objectivité et de diligence — relativement importantes dans la procédure de notation —, qui sont consacrées par le statut et la jurisprudence de la Cour, doivent être prises en considération. C'est la raison pour laquelle nous allons examiner maintenant les recours à la lumière de ces garanties juridiques.

2. La procédure de notation contestée (affaires 36 et 218/81)

En ce qui concerne les faits relativement à la procédure de notation contestée, nous renvoyons au rapport d'audience. Il ressort de celui-ci que le retard, qui est intervenu dans l'établissement du rapport de notation définitif et qui est contesté dans l'affaire 36/81, est dû, pour ce qui est d'une période de 17 mois, à la durée de la procédure d'appel devant le comité paritaire des notations. En revanche, 2 ans et 3 mois paraissent avoir été nécessaires pour donner suite à l'avis rendu par ce
comité et motiver avec plus de précision les avis rendus par les notateurs en première et deuxième instances, et qui étaient moins favorables que dans les rapports précédents. En outre, la procédure n'a été achevée, le 30 juillet 1980, qu'après introduction, le 17 juillet de cette même année, d'une première réclamation par le requérant, au titre de l'article 90 du statut.

Dans l'affaire 36/81, le requérant conclut à l'annulation de la procédure de notation, qui s'est déroulée avec le retard indiqué ci-dessus, pour violation de l'article 43 du statut, et cela avec allocation de dommages-intérêts. Dans l'affaire 218/81, il conclut à l'annulation du rapport de notation lui-même. Ce deuxième recours est basé sur les moyens suivants :

— la Commission n'a pas soumis (de nouveau) pour avis la réclamation, introduite contre le rapport de notation définitif, au comité paritaire des notations, conformément à ce qui est prévu par le guide de la notation;

— le notateur d'appel a procédé à une appréciation incorrecte de ses fonctions;

— il y a eu détournement de pouvoir, en ce que le rapport de notation a été utilisé pour supprimer par la suite le service spécialisé, dont il s'agit dans l'affaire 37/81.

En ce qui concerne la demande dans l'affaire 36/81, nous pensons pouvoir nous borner à constater qu'une procédure entachée de retard n'est pas, en tant que telle, un acte juridique susceptible d'ouvrir un recours en annulation. Le recours devra déjà être rejeté pour ce motif, quelque justifiée que soit la critique à l'égard du retard intervenu. Ensuite, il ne sera pas possible d'allouer en l'espèce des dommages-intérêts au titre de la prétendue perte des chances de promotion que ce retard a
entraînée, parce que le requérant n'a jamais formé un recours contre le rejet de sa candidature aux postes A 3 en question et qu'il n'est pas apparu que ce rejet a été dû à l'absence d'un rapport de notation.

A notre avis, le premier moyen invoqué par le requérant dans l'affaire 218/81 (le fait que le comité paritaire des notations n'a pas été consulté sur la réclamation ) est, en soi, le plus solide de tous les moyens qu'il a avancés dans les trois affaires. Un moyen similaire a certes été rejeté dans le treizième attendu de l'arrêt dans l'affaire Geeraerds (affaire 782/79, Recueil 1980, p. 3663), mais ce rejet était également basé sur une situation très particulière, susceptible de justifier la
dérogation à la règle en question.

Le passage extrait du Guide de la notation, cité à la page 9 du mémoire en réplique, prévoit expressément que le comité paritaire des notations doit être consulté sur les réclamations contre une notation en appel, introduites au titre de l'article 90 du statut. Sans doute ne s'agit-il pas, en l'occurrence, de même que dans l'affaire Geeraerds (treizième attendu) d'une «disposition d'exécution prescrite par le statut, mais d'une mesure d'ordre intérieur instituée volontairement par la Commission, à
laquelle on ne saurait dès lors reconnaître un caractère de droit strict». Toutefois, nous estimons, avec l'avocat général Sir Gordon Slynn (conclusions du 3 mars 1983 dans l'affaire 282/81), que la Commission doit s'estimer liée par une telle règle de procédure qu'elle s'est imposée à elle-même et qui a également été publiée ( 2 ). Notre collègue, Sir Gordon Slynn, a aussi invoqué à cet effet le dix-septième attendu dans l'affaire Giuffrida (affaire 105/75, Recueil 1976, p. 1409), qui exprimait une
thèse analogue. Nous ajouterons que pareille règle de procédure constitue aussi en fait la seule garantie véritable d'une notation faite de manière objective et sur la base de critères identiques par tous les notateurs, ce qui doit être considéré comme un élément important dans une grande administration telle que celle de la Commission. L'argument avancé par cette dernière, à savoir que le comité paritaire s'était déjà prononcé antérieurement en l'espèce sur la notation, nous semble être, lui aussi,
un argument de peu de poids. En effet, dans son avis, le comité a seulement pu constater à l'époque que la notation relativement défavorable n'était pas suffisamment motivée par les explications fournies. Etant donné que des motifs ont été fournis entre-temps sur la base de l'avis précité, une appréciation objective de ces motifs mêmes par le comité paritaire n'aurait certainement pas été inutile.

Toutefois, nous estimons avec les avocats généraux Sir Gordon Slynn (p. 11 du texte ronéotypé des conclusions précitées) et Mme Rozès (dans l'affaire 125/80, Arning, Recueil 1981, p. 2560, avec d'autres références) que pareil vice de forme ne peut pas entraîner automatiquement l'annulation du rapport de notation. A cet effet, le requérant aurait dû démontrer qu'en l'absence d'un tel vice de forme, la Commission aurait statué différemment sur sa réclamation dans le rapport définitif (voir à cet
égard, outre les conclusions déjà citées, également les conclusions de l'avocat général Warner dans les affaires Deboeck (affaire 90/75, Recueil 1975, p. 1140 et 1141), et Roubaix (affaire 25/77, Recueil 1978, p. 1096), ainsi que le vingt-quatrième attendu de l'arrêt dans les affaires Gratreau (affaires 156/79 et 51/80, Recueil 1980, p. 3955). Selon nous, le requérant n'a pas fourni pareille preuve, ni non plus dans les deux moyens qui n'ont pas encore été examinés. Tout d'abord, selon ces moyens,
le notateur d'appel aurait eu une opinion inexacte de sa tâche. Selon le requérant, il devait intervenir comme conciliateur et n'aurait dès lors pas pu suivre sans plus l'avis du premier notateur sur la manière de donner suite à l'avis rendu par le comité paritaire des notations. Cette opinion quant à la tâche du notateur d'appel ne nous paraît pas défendable. S'il est vrai que le notateur d'appel a pour tâche de parvenir à une opinion indépendante avec la diligence requise, toutefois dès lors qu'il
a apprécié en toute indépendance l'avis rendu par le comité des notations, rien ne l'empêche de considérer qu'il peut y donner suite, conformément à l'avis rendu par le premier notateur.

Selon nous, rien ne prouve non plus qu'on puisse parler de détournement de pouvoir, ni que l'appréciation relativement défavorable formulée par le notateur d'appel aurait été inspirée par le souhait de justifier la réorganisation contestée dans l'affaire 37/81. Les thèses avancées à cet égard par le requérant manquent plutôt de crédibilité, déjà en raison du fait que la notation du requérant dans la case «normal», et plus dans la case «plus que normal», datait déjà du 15 novembre 1976, date à
laquelle l'opération de rationalisation de la Commission n'était absolument pas encore en préparation. On peut considérer que l'explication plus détaillée donnée en 1980 sur cette notation constitue sans plus une suite à l'avis rendu par le comité paritaire des notations. Sur la base de nos observations liminaires quant au contexte des trois recours, nous ne pensons pas non plus que cette explication plus détaillée n'a pas l'apparence de la crédibilité, encore moins que le requérant aurait démontré
que, si le comité paritaire avait été de nouveau consulté sur sa réclamation, il aurait rejeté cette motivation. La simple possibilité que tel eût été le cas ne peut évidemment pas être exclue, mais nous estimons, avec les autres avocats généraux cités ci-dessus, que pareille possibilité ne suffit pas pour conclure à l'annulation du rapport de notation. Nous devons toutefois souligner qu'il convient de déplorer vivement que la Commission n'a pas respecté en l'espèce la garantie procédurale
d'objectivité qu'elle a elle-même instituée, mais les possibilités limitées d'appréciation dont la Cour dispose ne lui permettent pas de remédier à cette irrégularité.

3. La décision de mutation et de réorganisation contestée (affaire 37/81)

Dans l'affaire 37/81, le requérant conclut à l'annulation de la décision qui lui a été notifiée les 30 janvier et 9 février 1981 et portait sur sa mutation comme chef de section dans un «secteur d'activités d'une division», qui devait être supprimé. Ainsi que nous l'avons déjà fait observer, cette division était chargée non seulement de l'harmonisation des conditions de travail au sens large (secteur dont le requérant conservait la direction), mais aussi de tous les autres aspects de la politique
des marchés, qui devait être développée en matière de transports intérieurs. Ensuite, le requérant conclut à des dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de cette mutation.

Avant d'examiner les moyens avancés dans cette requête, nous jugeons utile d'examiner la question préalable de savoir s'il peut effectivement être question en l'espèce d'un acte susceptible de causer un préjudice au requérant ou de lui faire grief, condition requise respectivement par l'article 25, paragraphe 2, et l'article 90, paragraphe-2, du statut pour que le recours soit recevable. Sur la base des arrêts que vous avez rendus dans les affaires Kley (affaire 35/72, Recueil 1973, p. 688,
quatrième attendu), Kühner (affaires 33 et 75/79, Recueil 1980, p. 1694, douzième et treizième attendus), Kindermann (affaire 60/80, Recueil 1981, p. 1340, huitième attendu, ainsi que les conclusions présentées dans cette affaire par l'avocat général Reischl, p. 1346 à 1349, qui examinent d'une manière exhaustive votre jurisprudence antérieure) et implicitement aussi dans l'affaire Arning (affaire 125/80, Recueil 1981, p. 2553), il faudra selon nous répondre par l'affirmative à cette question.
Notamment les attendus précités dans l'affaire Kühner, qui est très similaire à la présente affaire, n'autorisent aucune autre conclusion à notre avis. En tant que garantie juridique, la possibilité de recours devant la Cour est évidemment importante, surtout en cas de prétendu détournement du pouvoir de réorganisation de la Commission et en cas de négligence à l'égard des intérêts du personnel visé par une mesure de réorganisation.

Nous pouvons passer rapidement sur les moyens avancés dans l'affaire 37/81.

Le premier moyen (décision prise par une autorité incompétente) n'est pas fondé en fait, étant donné que tant la décision de réorganisation que la décision de mutation qui en résulte ont été effectivement prises le 8 octobre 1980 par la Commission elle-même. La décision contestée du directeur général du personnel et de l'administration, du 30 janvier 1981, était seulement une mesure d'exécution de cette décision, mesure pour laquelle la Commission avait donné son habilitation dans une décision
antérieure.

Le deuxième moyen (retard apporté dans l'information de l'intéressé et motivation insuffisante de la décision), qui est basé sur l'article 25, alinéa 2, du statut, a, du point de vue formel, un fondement matériel, dans la mesure où, en effet, la décision a été officiellement notifiée à l'intéressé seulement trois mois après la date de sa mutation (le 1er novembre 1980). En réalité, le requérant, de même que ses collègues, avait toutefois déjà été informé en détail lors d'une réunion d'information
qui a eu lieu le 15 octobre 1980, avec confirmation écrite le 30 octobre 1980, de sorte qu'en définitive, le deuxième moyen n'est pas non plus suffisamment fondé en fait. En ce qui concerne l'insuffisance de motifs qui est reprochée, il résulte notamment des données de fait figurant dans le dossier que ce que la Cour a affirmé dans les affaires Kühner (quinzième attendu), Kley (seizième attendu) et Arning (treizième attendu), à savoir qu'il faut tenir compte non seulement de la décision
individuelle, mais «aussi des circonstances dans lesquelles celle-ci a été prise et portée à la connaissance de l'intéressé», vaut aussi ici. Il ressort du déroulement général de la réorganisation que le requérant, de même que les requérants dans les affaires antérieures précitées, et de même que ses autres collègues visés par la même mesure, a constamment été informé de la réorganisation d'ensemble qui était en préparation, même s'il eût été certainement souhaitable, du point de vue de la politique
du personnel, qu'une approche plus personnelle soit établie avec le requérant.

Le troisième moyen avancé par le requérant dans cette affaire est qu'à la lumière de l'arrêt rendu dans l'affaire Almini (affaire 19/70, Recueil 1971, p. 623), le requérant aurait dû être mis en mesure de formuler en temps utile son avis quant à la compatibilité de la mesure en question avec l'intérêt du service. En ce qui concerne les motifs pour lesquels ce moyen doit, selon nous, être rejeté, nous renvoyons au dix-septième attendu de l'arrêt précité dans l'affaire Arning. En ce qui concerne la
présente espèce, nous ajouterons seulement qu'il ressort des éléments fournis par le requérant et la Commission dans les différentes affaires que l'avis du requérant sur la mesure projetée était certes suffisamment connu.

Dans le quatrième moyen, le requérant conteste l'atteinte portée à ses intérêts matériels et moraux et à ses chances de promotion du fait de sa nouvelle affectation. Ce moyen devra également être rejeté sur la base de ce que la Cour a affirmé dans les vingtième et vingt et unième attendus de l'arrêt rendu dans l'affaire similaire Kühner. Son nouvel emploi en tant que «chef d'un secteur d'activités d'une division» correspond «très exactement à une des descriptions des fonctions de l'emploi type
d'administrateur principal», ce qui était également le cas dans l'affaire Kühner. Nous estimons que la Commission a suffisamment réfuté, lors de la procédure orale, la contestation matérielle de cette circonstance. Nous ajouterons que, contrairement aux autres activités de la division concernée, qui doivent être distinguées, son secteur d'activités est mentionné séparément même dans l'énoncé général des tâches de la division, et que, comme il ressort du rapport déjà cité de M. Verheyden, il a du
reste aussi obtenu une position plutôt privilégiée par rapport à ses collègues dans la division. Enfin, nous rappellerons ce que nous avons dit au début de nos conclusions, à savoir que la Commission devait être jugée tout à fait autorisée, pour des raisons d'intérêt du service, à prendre les mesures de réorganisation en question en tant que telles. Le soin avec lequel les conséquences résultant de cette mesure pour l'intéressé ont été réglées a non seulement respecté entièrement son rang, mais
aussi, du reste, tenu raisonnablement compte de ses intérêts personnels.

Enfin, nous pensons qu'il faut aussi rejeter le dernier moyen tiré du détournement de pouvoir. Outre nos observations liminaires, nous renvoyons aussi à cet égard aux arrêts dans les affaires Kühner et Arning. La réorganisation a été le résultat du rapport Spierenburg et du rapport Ortoli et des considérations telles que celles figurant dans nos observations liminaires étaient assurément suffisantes pour la justifier. Ainsi qu'il est dit aussi dans les arrêts que nous venons de citer, il
n'appartient pas à la Cour d'apprécier l'opportunité de la réorganisation en question ni les conséquences qui en ont résulté pour le requérant. Le déroulement des faits, tel qu'il résulte des éléments fournis par le requérant et la Commission, ne permet même pas de douter de la conclusion selon laquelle seules des considérations ayant trait à l'intérêt du service et qui étaient absolument étrangères à la personne du requérant ont joué un rôle lors de l'adoption de la décision contestée.

La demande de dommages-intérêts doit être rejetée pour les mêmes motifs.

4. Résumé et conclusion

En résumé, nous estimons que des critiques sérieuses peuvent effectivement être adressées à la Commission, notamment en ce qui concerne la procédure de notation suivie. Ces critiques concernent, d'une part, le retard intervenu dans la notation, qui doit être imputé principalement à la Commission, d'autre part, le fait que la Commission n'a pas tenu compte des garanties de procédure pour l'examen objectif d'une réclamation portant sur une notation définitive, qu'elle a elle-même instituées.
Toutefois, sur la base de votre jurisprudence antérieure et d'autres considérations, les vices constatés ne peuvent entraîner ni l'annulation des décisions en question, ni l'allocation des dommages-intérêts demandés. Nous concluons dès lors au rejet de tous les recours et à la condamnation de chacune des parties à ses propres dépens, conformément à l'article 70 du règlement de procédure.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Traduit du néerlandais.

( 2 ) Cf. dans le même sens l'attendu n° 18 de l'arrêt du 21 avnl 1983 dans cette même affaire 282/81, Ragusa.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 36/81,
Date de la décision : 05/05/1983
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Rapports de notation - Réaffectation d'un fonctionnaire.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Pieter Willem Seton
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : VerLoren van Themaat
Rapporteur ?: Pescatore

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1983:122

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award