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11/11/1982 | CJUE | N°79/82

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 11 novembre 1982., Victor Evens contre Cour des comptes des Communautés européennes., 11/11/1982, 79/82


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN,

PRÉSENTÉES LE 11 NOVEMBRE 1982 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La présente requête engagée par M. Evens contre la Cour des comptes vise à obtenir le paiement d'un mois de traitement. Il s'agit d'une partie de l'indemnité de réinstallation à laquelle M. Evens prétend avoir droit et qu'il n'a pas encore perçue.

Le contexte de la présente requête en droit et en fait peut se résumer brièvement comme suit:

L'article 71 du statut, actuellement

en vigueur, dispose que, dans les conditions fixées à l'annexe VII, le fonctionnaire a droit au remboursemen...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN,

PRÉSENTÉES LE 11 NOVEMBRE 1982 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La présente requête engagée par M. Evens contre la Cour des comptes vise à obtenir le paiement d'un mois de traitement. Il s'agit d'une partie de l'indemnité de réinstallation à laquelle M. Evens prétend avoir droit et qu'il n'a pas encore perçue.

Le contexte de la présente requête en droit et en fait peut se résumer brièvement comme suit:

L'article 71 du statut, actuellement en vigueur, dispose que, dans les conditions fixées à l'annexe VII, le fonctionnaire a droit au remboursement des frais qu'il a exposés, entre autres, à l'occasion de son entrée en fonctions et de la cessation de ses fonctions. L'annexe VII est intitulée: «Règles relatives à la rémunération et aux remboursements de frais» et la section 3 traite du remboursement de frais. Tout d'abord l'article 5 prévoit une indemnité d'installation égale à deux mois de traitement
de base s'il s'agit d'un fonctionnaire qui a droit à l'allocation de fover, ou égale à un mois de traitement de base dans les autres cas. Cette indemnité est due au fonctionnaire titulaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l'indemnité de dépaysement ou qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l'article 20 du statut.

En venu du paragraphe 3 de l'article en question, l'indemnité d'installation est versée sur production de documents justifiant de l'installation du fonctionnaire au lieu de son affectation, ainsi que de celle de sa famille, si le fonctionnaire a droit à l'allocation de foyer. Selon le paragraphe 4 de l'article 5, si un fonctionnaire qui a droit à l'allocation de foyer ne s'installe pas avec sa famille au lieu de son affectation, il ne reçoit que la moitié de l'indemnité à laquelle il aurait
normalement droit. Ce paragraphe dispose ensuite que la seconde moitié lui est versée lors de l'installation de sa famille au lieu de son affectation.

La panie B de la section 3 est intitulée «Indemnité de réinstallation» et prévoit, à l'article 6, paragraphe 1, que lors de la cessation définitive de ses fonctions, le fonctionnaire titulaire, qui remplit les conditions visées à l'article 5, paragraphe 1, a droit à une indemnité de réinstallation égale à deux mois de son traitement de base s'il s'agit d'un fonctionnaire qui a droit à l'allocation de foyer, ou égale à un mois de son traitement de base dans les autres cas, sous réserve qu'il ait
accompli quatre années de service.

Selon le paragraphe 4 de l'article 6, l'indemnité de réinstallation est versée sur justification de la réinstallation du fonctionnaire et de sa famille dans une localité située à 70 km au moins du lieu de son affectation ou, si le fonctionnaire est décédé, de la réinstallation de sa famille dans les mêmes conditions.

Dans la présente affaire, le requérant a commencé à travailler comme fonctionnaire de la CECA à Luxembourg en 1953 et il a reçu une indemnité d'installation en venu du statut personnel qui était alors en vigueur. En 1967, il a été transféré à Bruxelles et il s'est installé avec sa famille à Liège. Il a perçu une indemnité d'installation à cette occasion, conformément à l'anicle 5 de l'annexe VII du statut. En 1978, il a été transféré à la Cour des comptes à Luxembourg. Il s'est installé lui-même à
Luxembourg mais sa famille est restée à Liège et, à cette occasion, conformément aux termes du paragraphe 4 de l'anicle 5, il n'a perçu que la moitié de l'indemnité, à savoir un mois de traitement de base. Pendant la période écoulée depuis 1978, il a vécu au Luxembourg alors que sa famille est restée à Liège.

Le 1er juin 1981, il a pris sa retraite et est retourné vivre avec sa famille à Liège. Par lettre du 3 juin, il a introduit une demande en vue de l'octroi d'une indemnité de réinstallation égale au montant dû au titre du «Statut de la CECA, de la CEE et de l'Euratom». La Cour des comptes lui a répondu qu'une demande au titre du statut de la CECA était financièrement moins avantageuse pour lui qu'une demande au titre du statut en vigueur; il a donc été informé par la suite qu'un mois de traitement de
base allait lui étre versé à titre d'indemnité de réinstallation. Par lettre du 18 août, il a introduit une réclamation contre cette décision en faisant valoir qu'il avait droit à une indemnité de réinstallation égale à deux mois de traitement. Cette réclamation a été rejetée par la Cour des comptes le 3 décembre et M. Evens a introduit une action devant la Cour le 25 février.

Comme nous l'avons indiqué, le requérant a prétendu, à un cenain moment, que l'indemnité devait lui étre versée dans le cadre du statut CECA. Comme le fait valoir, à juste titre selon nous, l'avocat de la Cour des comptes, l'affaire 10/74 Becker/Commission (Recueil 1974, p. 867) a montré que la disposition de l'anicle 99 de la version de 1962 du statut CECA n'avait pas d'autre effet que de conserver au fonctionnaire le droit de réclamer une indemnité au titre du statut précédent si, en venu du
nouveau statut, il était censé recevoir des versements moindres. Il semble tout à fait clair dans la présente espèce que, en tout état de cause, le requérant recevrait davantage au titre du statut actuel et par conséquent il ne semble pas que le statut CECA puisse être d'une quelconque utilité pour la présente requête, sauf dans la mesure où il est invoqué en vue de l'interprétation du statut actuel.

Le requérant a souligné le fait que l'article 6 de l'annexe VII ne possède pas l'équivalent du paragraphe 4 de l'article 5. D'autre part, il est tout à fait clair, selon lui, que si l'indemnité d'installation doit être réduite de moitié au titre de l'article 5, paragraphe 4, pour un fonctionnaire dont la famille ne s'installe pas auprès de lui, l'indemnité de réinstallation doit l'être également pour un fonctionnaire dont la famille n'a pas besoin de rentrer pour se réinstaller avec lui, au moment
de la cessation de ses fonctions; par conséquent, il prétend que les auteurs du statut ont estimé inutile d'insérer dans l'article 6, une quelconque disposition à cet effet. Nous espérons que telle n'a pas été la pensée des auteurs. Il n'est manifestement pas possible de soutenir que ce point était tellement évident qu'il ne nécessitait aucune disposition dans l'article 6. Au contraire, il est très défendable de soutenir à l'opposé que si cette limitation est absente de l'article 6 alors qu'elle est
présente à l'article 5, c'est qu'elle a volontairement été exclue de l'article 6.

Toutefois, au bout du compte, il s'agit en bref de savoir si le requérant est en mesure d'établir qu'il répond aux conditions de l'article 6. En vertu du paragraphe 1 de l'article 6, il a droit à une indemnité égale à deux mois de son traitement s'il remplit les conditions visées à l'article 5, paragraphe 1, ce qui est le cas, s'il a droit à l'allocation de foyer, ce qui est manifestement le cas, et s'il a accompli quatre années de service, ce qui est aussi manifestement le cas. Tout cela semble lui
donner un droit absolu à deux mois de traitement, en vertu du paragraphe 1. Toutefois, l'article 6, paragraphe 1, doit être lu en liaison avec l'article 6, paragraphe 4. Ce dernier montre clairement qu'un fonctionnaire ne peut faire valoir le droit qui lui est donné par l'article 6, paragraphe 1, s'il ne produit pas la justification de sa réinstallation et de celle de sa famille dans une localité située à 70 kilomètres au moins du lieu de son affectation.

Les termes sont sans équivoque, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait «réinstallation du fonctionnaire et de sa famille». Contrairement à ce que le requérant semble soutenir, ces mots ne signifient pas qu'il suffit qu'il s'installe avec sa famille, c'est-à-dire qu'il les rejoigne à l'endroit où elle se trouve. Selon nous, lorsqu'il a une famille, le paragraphe 4 de l'article 6 impose que les deux doivent se réinstaller. Le requérant en l'espèce n'est pas en mesure d'établir que tel a été le cas,
puisqu'il est constant que sa famille est restée tout le temps à Liège.

L'avocat du requérant a cherché à invoquer les dispositions du statut CECA non pas tellement en tant que demande séparée, mais pour démontrer qu'aucune disposition n'a jamais eu pour effet de réduire de moitié l'indemnité de réinstallation lorsque le fonctionnaire, même s'il a droit à l'allocation de foyer, doit se réinstaller, sa famille se trouvant déjà toutefois en quelque autre endroit. Il se réfère également au fait qu'à l'article 12 du statut CECA, dans la version de 1956, le versement de
l'indemnité de réinstallation est lié au versement d'une indemnité d'installation et, si nous avons bien compris, son argument consiste à dire que dès lors que l'on a droit à l'indemnité d'installation, on doit également pouvoir prétendre à l'indemnité intégrale égale à deux mois de traitement prévue en cas de réinstallation.

Il ne nous semble pas que ces références à la législation antérieure puissent être d'une quelconque utilité pour l'interprétation de ce qui nous semble être des termes clairs.

Il n'est pas absolument indispensable dans la présente espèce de trancher la question de savoir si le requérant a droit au versement qui lui a été fait et qui est égal à un mois de traitement de base. Aucune question n'a été soulevée à ce sujet dans la présente affaire, bien que l'avocat de la Cour des comptes ait soutenu que le résultat logique de l'un des arguments avancés par le requérant est que celui-ci n'a droit à rien. Si tel devait étre le cas, cela pourrait tout aussi bien jeter le doute
sur les conclusions avancées à titre subsidiaire par la Cour des comptes.

Par conséquent, nous aimerions brièvement faire les observations suivantes. Aucune disposition dans l'annexe VII ne donne expressément au requérant un droit à un versement de quelque nature que ce soit, sauf si lui et sa famille se réinstallent. Il est tout à fait clair que, sur la base du seul article 71, le requérant n'a droit à aucun remboursement de frais puisque ce droit est déterminé «dans les conditions fixées à l'annexe VII». On pourrait tout au plus soutenir que l'article 71 lui donne un
droit à être remboursé des dépenses qu'il a effectivement encourues, mais cette thèse irait à l'encontre de ce qui, à juste titre nous semble-t-il, est constant entre les parties, à savoir que la somme forfaitaire payée est censée couvrir des dépenses qui seront inévitablement exposées mais qu'il est difficile de quantifier et dont la détermination serait trop coûteuse et mal commode pour l'administration, de sorte qu'aucune disposition n'a été adoptée eu égard à la détermination des dépenses
effectives.

On peut soutenir qu'un fonctionnaire marié, qui vit seul sur son lieu de travail et qui part rejoindre sa famille au foyer familial, n'expose pas de dépenses du type de celles qui sont censées être couvertes et que nous venons de mentionner. Ses seules dépenses auraient trait au déménagement de ses biens d'un foyer à l'autre et non pas à la fondation d'un nouveau foyer. Si tel devait être le cas, M. Evens n'aurait droit à rien, puisqu'il ne remplit pas les conditions de l'article 6, paragraphe 4.

Nous ne pensons pas que telle a été l'intention des auteurs. Selon nous, les textes présentent une lacune comme dans le cas également d'un fonctionnaire qui s'installe avec sa famille dans son nouveau lieu de travail mais qui, au moment de la cessation de ses fonctions, se sépare également de sa famille qui demeure là où elle est établie alors que lui-même va s'installer ailleurs. Dans la présente espèce, il nous semble que, en vue d'un fonctionnement correct et équitable de ce système d'indemnité
de réinstallation, l'article 6, paragraphe 4, doit nécessairement impliquer qu'un fonctionnaire dont la famille ne s'installe pas avec lui (et qui par conséquent reçoit seulement une indemnité égale à un mois de traitement au titre de l'article 5, paragraphe 4, lorsqu'il se rend pour la première fois à son nouveau lieu de travail) devrait avoir droit au versement de la moitié de l'indemnité, c'est-à-dire à un mois de traitement, au moment de sa réinstallation, à condition de produire les documents
nécessaires.

Par conséquent, mėme s'il n'est pas indispensable de trancher ce point, nous estimons que la Cour des comptes est parvenue à la conclusion correcte et que, en tout état de cause, a) la présente requête devrait être rejetée puisque le requérant ne satisfait pas aux conditions posées par le paragraphe 4 de l'article 6 et b) chacune des parties devrait étre condamnée à supporter ses propres dépens, conformément à l'article 70 du règlement de procédure.

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( *1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 79/82
Date de la décision : 11/11/1982
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Indemnité de réinstallation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Victor Evens
Défendeurs : Cour des comptes des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1982:389

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