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28/10/1982 | CJUE | N°76/82

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 28 octobre 1982., Salvatore Malfitano contre Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI)., 28/10/1982, 76/82


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE 28 OCTOBRE 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les principaux faits

M. Malfitano, qui réside en Italie, a travaillé, en 1955 et 1956, comme ouvrier mineur en Belgique. En cette qualité, il a été assuré dans ce pays contre la maladie et l'invalidité. Le nombre des journées d'assurance pour cette période a été fixé par la juridiction de renvoi, le tribunal du travail de Charleroi, à 233. Ce chiffre ne semble pas être

totalement incontesté, mais non contesté est le fait que le nombre total des journées d'assurance s'élèv...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE 28 OCTOBRE 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les principaux faits

M. Malfitano, qui réside en Italie, a travaillé, en 1955 et 1956, comme ouvrier mineur en Belgique. En cette qualité, il a été assuré dans ce pays contre la maladie et l'invalidité. Le nombre des journées d'assurance pour cette période a été fixé par la juridiction de renvoi, le tribunal du travail de Charleroi, à 233. Ce chiffre ne semble pas être totalement incontesté, mais non contesté est le fait que le nombre total des journées d'assurance s'élève à moins d'un an. D'après l'arrêté royal du 31
décembre 1963, une année d'assurance correspond à 312 jours. Après 1956, M. Malfitano a travaillé en Allemagne, puis il est ¡retourné en Italie, où, d'après les données fournies par l'INAMI, il a été déclaré invalide à compter du 1er janvier 1975. En 1971, M. Malfitano a introduit auprès de l'INAMI une demande d'octroi d'une pension d'invalidité, qui lui a été refusée par cette institution en 1977. L'INAMI s'est basé pour ce faire sur l'article 48, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, en faisant
valoir que la durée d'assurance en Belgique était inférieure à un an et que, d'après les dispositions belges applicables, elle n'ouvrait pas de droit au bénéfice d'une prestation.

Le recours qui a été formé contre cette décision devant le tribunal du travail de Charleroi a abouti à la question qui vous est posée, laquelle se lit comme suit:

«La législation belge sur l'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité ne prévoyant pas la résidence comme condition suffisante d'octroi des indemnités ni d'obtention de la qualité de titulaire, l'article 48, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 signifie-t-il que, si une période d'assurance ou de résidence sur le territoire n'atteint pas une année, mais si le droit aux prestations est ouvert par l'accomplissement du stage imposé, l'institution compétente est tenue d'accorder des
prestations au titre de cette période?»

2. Article 48, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71

La disposition en cause du règlement n° 1408/71 est libellée dans les termes suivants:

«1. Nonobstant les dispositions de l'article 46, paragraphe 2, si la durée totale des périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la législation d'un État membre n'atteint pas une année et si, compte tenu de ces seules périodes, aucun droit aux prestations n'est acquis en vertu des dispositions de cette législation, l'institution de cet État n'est pas tenue d'accorder des prestations au titre desdites périodes.»

Les mots «ou de résidence» ont été ajoutés dans cette disposition à l'occasion de l'adhésion à la Communauté du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark (JO 1972, L 73, p. 104). Ils ont été insérés parce que le Danemark et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni appliquent le critère de la «résidence». La notion de «périodes de résidence» est définie à l'article 1, lettre s bis). Cette donnée permet de constater immédiatement que, puisque la législation belge applique d'autres critères que les
«périodes de résidence», cette condition n'est pas pertinente en l'espèce et que sa réalisation ou non n'a pas d'importance, dans cette affaire, pour l'interprétation de l'article 48, paragraphe 1.

Une lecture superficielle de la disposition concernée pourrait donner à penser que lorsque la durée assurance est inférieure à un an, il n'existe absolument aucun droit à des prestations. Étant donné que l'article 48 a pour origine des considérations administratives d'efficacité, cette interprétation est pensable en soi, comme l'avocat général Reischl l'a également déclaré dans ses conclusions dans l'affaire Sorella (affaire 49/75, Recueil 1975, p. 1461). Comme M. Reischl l'a déjà remarqué alors,
cette interprétation est toutefois manifestement inexacte. Le texte de l'article 48, paragraphe 1, indique clairement qu'il s'agit seulement d'une exception à l'article 46, paragaphe 2, en d'autres termes, d'une exception à la règle du calcul au prorata du règlement n° 1408/71. Ainsi qu'il résulte en outre de la deuxième condition prévue à l'article 48, paragraphe 1, cette disposition dérogatoire est seulement applicable lorsque le droit national n'ouvre pas de droit à des prestations. Lorsqu'un
pareil droit existe, par exemple parce que la période de moins d'un an est néanmoins suffisante pour avoir constitué une période de suge, alors l'article 48, paragraphe 1, n'est pas applicable. Votre Cour aussi a clairement reconnu cette portée de l'article 48, paragraphe 1, au 5e attendu de l'arrêt précité. De même, l'arrêt dans l'affaire 55/81 (Vermaut, non encore publié) confirme cette interprétation de la disposition en cause. Compte tenu de cette interprétation bien établie, la question posée
par le tribunal du travail de Charleroi doit dès lors recevoir une réponse affirmative. Ce faisant, il faudra toutefois consacrer au point concret du litige davantage d'attention que ne l'a proposé la Commission.

3. Les particularités importantes du cas d'espèce

Le libellé de la question posée par la juridiction de renvoi montre en effet que cette dernière considère comme constant que d'après le droit belge, un droit à prestation est effectivement né du fait que la période de stage obligatoire a été accomplie. D'après le mémoire de l'INAMI, cette institution conteste toutefois cette constatation. Du moins l'INAMI conteste-t-il que ce droit à prestation existerait encore au titre du droit belge si, à l'époque de la réalisation du risque, l'intéressé n'était
plus assuré depuis longtemps en Belgique. A cet égard, l'INAMI fait valoir un argument qui a de l'importance du point de vue du droit communautaire.

Aux pages 4 et 6 de son mémoire, cette institution s'efforce entre autres de démontrer que, dans un cas comme celui de M. Malfitano, la législation belge en vigueur en 1955 et 1956 ne saurait plus conférer des droits maintenant, sur la base de la loi précitée de 1963. Pour étayer cet argument, elle se prévaut du texte français de l'article 48, paragraphe 1, qui déclare que «si ... aucun droit n'est acquis ...» et non pas «si ... aucun droit n'a été acquis ...». Au cours de la procédure orale,
l'INAMI a encore précisé son point de vue, notamment à la suite des observations écrites et orales de M. Malfitano. D'après l'INAMI, dans des cas comme celui de l'espèce, il n'existe plus en Belgique, sur la base de la loi précitée du 9 août 1963, de droit au bénéfice d'une prestation, dès lors qu'à la date où il a été déclaré invalide, l'intéressé n'était plus assuré en Belgique. Comme le représentant de M. Malfitano l'a fait observer judicieusement à l'audience, ce point de vue n'est toutefois pas
compatible avec le texte de l'article 48, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, tel qu'il doit être interprété à la lumière de l'article 51 du traité CEE. De manière implicite, cela nous semble découler également des attendus 14 et 15 de votre arrêt dans l'affaire Vermaut (affaire 55/81), ainsi que du texte de l'article 46, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71. Ce texte impose en effet clairement des obligations d'accorder des prestations, calculées au prorata, à chacun des États membres «à la
législation desquels le travailleur a été assujetti» (c'est nous qui soulignons). L'exception prévue à l'article 48, paragraphe 1, devra dès lors être interprétée dans le même sens en tant qu'elle parle de «législation». Comme le différend semble finalement porter surtout sur ce point litigieux, votre réponse devra, aussi sur ce point, faire suffisamment de clarté sur l'interprétation à donner à l'article 48, paragraphe 1.

4. Conclusion

C'est pourquoi nous vous proposons de répondre à la question du tribunal du travail de Charleroi dans les termes suivants:

«L'article 48, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens que si une période d'assurance ou de résidence sur le territoire d'un État membre est inférieure à un an, mais si, d'après le droit national, un droit à prestation pour cette période plus brève est néanmoins né — même si c'est dans le passé —, l'institution compétente est tenue d'accorder des prestations poux cette période.»

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( 1 ) Traduit du néerlandais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 76/82
Date de la décision : 28/10/1982
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Charleroi - Belgique.

Sécurité sociale - Périodes d'assurance ou de résidence inférieures à une année.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Salvatore Malfitano
Défendeurs : Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI).

Composition du Tribunal
Avocat général : VerLoren van Themaat
Rapporteur ?: Mackenzie Stuart

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1982:379

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