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01/02/1979 | CJUE | N°151/77.

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'Avocat général Mayras présentées le 1er février 1979., Peiser & Co. KG contre Hauptzollamt Hamburg-Ericus., 01/02/1979, 151/77.


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 1ER FÉVRIER 1979

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I — Au mois de décembre 1976, la Commission avait fait connaître au Conseil son intention d'étendre l'application des montants compensatoires monétaires à certains produits des industries alimentaires afin de pallier les distorsions de concurrence résultant, pour l'industrie irlandaise, des disparités de prix des produits de base incorporés dans les produits transformés, eux-mêmes non assujettis à montants compen

satoires, disparités dues à l'écart entre les taux de conversion agricoles (taux
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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 1ER FÉVRIER 1979

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I — Au mois de décembre 1976, la Commission avait fait connaître au Conseil son intention d'étendre l'application des montants compensatoires monétaires à certains produits des industries alimentaires afin de pallier les distorsions de concurrence résultant, pour l'industrie irlandaise, des disparités de prix des produits de base incorporés dans les produits transformés, eux-mêmes non assujettis à montants compensatoires, disparités dues à l'écart entre les taux de conversion agricoles (taux
«verts») de la livre anglaise et de la livre irlandaise, d'une part, et, d'autre part, les taux pratiqués sur le marché des changes de ces deux monnaies.

A l'époque, le Royaume-Uni était le seul État membre dont la monnaie flottait en baisse et qui n'avait pas ajusté le taux «vert» de sa monnaie. En effet, une dévaluation de la livre «verte» anglaise aurait entraîné une augmentation des prix agricoles au Royaume-Uni, ce qui aurait fait obstacle aux efforts du gouvernement visant à endiguer l'inflation et au pacte social conclu avec les syndicats. En pratique, la différence de niveau entre les montants compensatoires pour l'Irlande et pour le
Royaume-Uni entraînait un accroissement des importations de produits transformés contenant du sucre en provenance du Royaume-Uni vers l'Irlande et pénalisait les exportations de ces mêmes produits à partir de l'Irlande en direction du Royaume-Uni.

Lors de la session du Conseil de mars 1977, le gouvernement irlandais rappela cette intention de la Commission.

Celle-ci indiqua alors qu'elle s'efforcerait de trouver, en accord avec le gouvernement irlandais, une solution à ces difficultés en recourant, le cas échéant, à l'article 135 de l'Acte d'adhésion. Le gouvernement irlandais ne faisait pas mystère qu'il considérait la solution de ce problème comme faisant partie intégrante du «paquet» sur lequel le Conseil aurait à se mettre d'accord lors du prochain «marathon agricole».

C'est dans ces conditions que la Commission arrêta, le 23 mars 1977, sa décision no 77/289, autorisant l'Irlande à adopter des mesures de sauvegarde au titre de l'article 135 de l'Acte d'adhésion pour toute une série de «produits agricoles transformés» dans la fabrication desquels entrent certains produits de base affectés par les effets des mesures monétaires en vigueur dans le secteur agricole.

L'annexe à cette décision précisait les montants à percevoir et à octroyer ainsi que les produits concernés. Il s'agissait des produits relevant des positions suivantes:

— 17.04 D, sucreries sans cacao,

— 18.06 B, glaces de consommation contenant du cacao,

— 18.06 C, chocolat et sucreries contenant du cacao,

— 19.08 B, produits de la boulangerie fine, de la pâtisserie et de la biscuiterie,

— 21.07 C, glaces de consommation sans cacao.

Ces mesures consistaient dans la perception d'une taxe sur les importations en Irlande de ces produits originaires du Royaume-Uni et dans l'octroi d'une aide aux exportations de ces même produits d'origine irlandaise au Royaume-Uni. Cette autorisation ne valait, en vertu de l'article 135 de l'Acte d'adhésion qui correspond à l'article 226 du traité CEE, que jusqu'au 31 décembre 1977, date à laquelle devaient être supprimés les montants compensatoires «adhésion».

L'Irlande a fait usage de cette faculté à compter du 1er avril 1977.

Peu de temps après, le 20 avril, la Commission a arrêté, en l'absence d'avis des comités de gestion des produits de base concernés, le règlement no 800/77, modifiant, en ce qui concerne la liste des produits soumis aux montants compensatoires monétaires, le règlement no 572/76 fixant ces montants compensatoires.

Nous reviendrons sur la motivation de ce règlement en notant simplement à ce stade qu'il prévoyait l'instauration, à compter du 23 mai 1977, à l'importation dans les pays à monnaie faisant partie du «serpent monétaire européen» et à l'exportation depuis ces mêmes pays — à l'exception du Danemark — ainsi qu'à l'importation et à l'exportation à partir des pays dont les monnaies ne faisaient pas partie du «serpent», de montants compensatoires pour une série de produits hors annexe II du traité,
obtenus à partir de produits de base eux-mêmes soumis aux montants compensatoires et faisant l'objet d'une réglementation spécifique au titre de l'article 235 du traité. A cette date, en effet, les montants compensatoires ne concernaient qu'une partie des produits hors annexe II faisant l'objet d'une telle réglementation.

L'exception concernant le Danemark, dont la monnaie flotte également à l'intérieur de «serpent», s'explique par le fait que ce pays est le seul État membre de la Communauté dont la monnaie soit ajustée de manière à ce qu'elle corresponde à l'unité de compte européenne; il a pu ainsi renoncer à l'application des montants compensatoires et, à cet égard, c'est le seul pays où le marché commun agricole fonctionne véritablement.

Le champ d'application du règlement no 800/77 est donc plus large que celui de la décision du 23 mars 1977; son objet est d'introduire le régime des montants compensatoires pour un nombre important de produits hors annexe II du traité, qui font l'objet d'une réglementation spécifique au titre de l'article 235 du traité, formule reprise de l'article 1, paragraphe 2 b), du règlement du Conseil no 974/71 et dont une partie seulement avait été incluse dans le régime des montants compensatoires par
le règlement no 572/76 de la Commission du 15 mars 1976, modifié par règlement no 736/77.

La partie 8 de l'annexe I du règlement no 572/76, intitulée «marchandises relevant du règlement no 1059/69», comporte, dans cette nouvelle rédaction, notamment les «produits agricoles transformés» faisant l'objet de la décision de la Commission du 23 mars précitée.

Certains de ces produits (ceux de positions 18.06 B et C, 21.07 C) avaient, dans le passé, déjà été inclus dans le régime, et les montants compensatoires n'avaient été supprimés qu'à partir du 21 avril 1975 par règlement no 722/75 de la Commission du 19 mars 1975. Il s'agit donc, pour ces produits, d'un nouvel assujettissement au régime après un certain répit.

Le règlement no 800/77, arrêté le 20 avril 1977, était applicable, comme nous l'avons dit, à partir du 23 mai 1977. Toutefois, par règlement no 1051/77 du 18 mai 1977, la Commission a reporté au 4 juillet 1977 son entrée en vigueur, car la période de transition prévue ne suffisait par pour tenir compte de mesures qui devaient être mises en œuvre par les opérateurs commerciaux ayant passé des contrats à long terme. Mais, aucune modification n'a été apportée à l'alinéa 2 du paragraphe 2 de
l'article 2 du règlement no 800/77, selon lequel:

«pour les produits … relevant des sous-positions tarifaires 17.04 D, 18.06 B, 18.06 C, 19.08 B et 21.07 C, des montants compensatoires monétaires ne s'appliquent que jusqu'au 31 décembre 1977au plus tard».

Une comparaison des montants du règlement no 800/77 et du montant de la taxe et de l'aide autorisées par la décision du 23 mars 1977 montre qu'en réalité pour ces produits et dans les échanges entre l'Irlande et le Royaume-Uni, le règlement avait le même effet que la décision du 23 mars 1977.

De fait, par décision du 4 mai 1977 no 77/353, la Commission a modifié, à compter du 1er avril 1977, certains les montants que l'Irlande était aurorisée à percevoir et à octroyer dans les échanges avec le Royaume-Uni, afin de tenir compte de la modification qu'entraînait, en vertu du règlement no 651/77 du Conseil du 29 mars 1977, le changement des montants compensatoires appliqués aux produits de base laitiers, et cette décision précisait qu'elle cesserait de produire ses effets, ainsi que la
décision no 77/289, à la date à laquelle le règlement no 800/77 serait applicable.

En adoptant ce dernier texte, la Commission s'était réservé de «réexaminer la situation économique pour les produits concernés ne relevant pas de l'annexe II du traité avant la fin de l'année et de réviser, le cas échéant, la liste de ces produits soumis aux montants compensatoires monétaires».

C'est ainsi que le règlement no 1474/77 de la Commission du 30 juin 1977 est venu modifier les montants compensatoires pour tenir compte de l'évolution des taux de change ainsi que des nouveaux taux représentatifs fixés dans le secteur du sucre par le règlement no 878/77 du Conseil.

Enfin, et nous en venons plus directement à la situation qui a donné lieu aux présents litiges, le règlement no 2657/77 de la Commission du 30 novembre 1977 a supprimé la limitation de la durée de validité du règlement no 800/77, de sorte que le régime des montants compensatoires a été reconduit pour les produits en cause; depuis cette date, le taux des montants a fait l'objet de plusieurs ajustements, mais les produits litigieux continuent de relever du régime de la «compensation monétaire».

De son côté, le gouvernement italien s'était ému, dès le 24 octobre 1977, des rumeurs selon lesquelles la Commission s'apprêtait à proroger le règlement no 800/77. Dans une lettre adressée à la Commission à cette date, ce gouvernement exposait que l'adoption de ce règlement répondait «essentiellement» à la demande irlandaise visant à éliminer les distorsions de concurrence dans les échanges entre le Royaume-Uni et l'Irlande, mais ne justifiait nullement l'application des montants compensatoires
dans les autres États membres et, en tout cas, pas au-delà de la date du 31 décembre 1977.

Après avoir rappelé les raisons pour lesquelles ce règlement lui paraissait déborder le cadre du règlement de base du Conseil no 974/71, compte tenu notamment de ce que ce texte prenait en considération les produits transformés, domaine non prévu par le règlement de base, ce gouvernement rappelait à la Commission que celle-ci «avait donné l'assurance que l'application des montants compensatoires monétaires aux produits hors annexe II du traité cesserait au 31 décembre 1977». C'est sur la foi de
cette «assurance» que la gouvernement italien s'était abstenu d'attaquer la légalité du règlement no 800/77.

Néanmoins, ainsi que nous venons de le voir, la Commission a décidé, le 30 novembre 1977, par règlement no 2657/77, de supprimer la disposition qui limitait au 31 décembre 1977 l'application des montants aux produits en cause.

Par requête enregistrée le 2 février 1978, le gouvernement italien a introduit un recours en annulation de l'article 173 du traité CEE contre les règlements nos 2657/77 et 800/77.

La république d'Irlande est intervenue à l'appui des conclusions de la Commission tendant au rejet de ce recours.

Peu avant et peu après cette date, vous avez été saisis, précisément le 15 décembre 1977, le 20 avril 1978 et le 26 juillet 1978, par trois juridictions nationales de différentes questions portant sur l'interprétation du règlement no 974/71 ainsi que sur la validité des règlements no 800/77 et 2657/77.

Nous nous permettrons de présenter en une fois nos conclusions sur ces différentes affaires.

II — La Commission émet des doutes quant à la recevabilité du recours du gouvernement italien en tant que celui-ci tend à l'annulation du règlement no 800/77. Cependant nous n'éluderons pas le débat de fond concernant ce texte, car, d'une part, la motivation du règlement no 2657/77 est inséparable de celle du règlement no 800/77 et, d'autre part, l'appréciation de sa validité fait l'objet de deux des renvois préjudiciels dont vous êtes saisis (affaires 95/78 et 157/78).

Les requérantes dans les litiges faisant l'objet des renvois préjudiciels sont soit des importateurs allemands qui ont eu à aquitter des montants compensatoires sur des marchandises importées des Pays-Bas, de Belgique et d'Italie, soit un exportateur italien qui a dû acquitter ces montants sur des marchandises exportées vers les États membres (Belgique, république fédérale d'Allemagne) ou vers les pays tiers (Iran, Libye).

En effet, si l'introduction des montants compensatoires va à l'encontre des intérêts du commerce d'importation et des consommateurs des pays à monnaie forte et des intérêts des producteurs des pays à monnaie dépréciée, elle favorise en revanche les exportations des pays à monnaie forte et le commerce d'importation ainsi que les consommateurs des pays à monnaie dépréciée. Ainsi, comme le rappelle opportunément la Commission, le malheur des uns fait le bonheur des autres et vous n'auriez pas
manqué d'avoir devant vous les confiseurs des États membres dont la monnaie flotte en hausse de manière concertée si cette institution n'avait pas instauré l'octroi de montants compensatoires à l'exportation depuis ces pays et à l'importation des produits en cause dans les pays dont la monnaie flottait en baisse en dehors du «serpent». Ceci rejoint une constatation de votre arrêt du 7 juillet 1976, IRCA: «que d'ailleurs, si le système choisi peut, dans certains cas, placer les importateurs
italiens dans une situation défavorable par rapport aux impotateurs d'autres États membres, ce système peut, pour les mêmes raisons, avoir l'effet inverse en ce qui concerne les exportateurs» (attendu no 13, Recueil 1976, p. 1226).

Nous examinerons les moyens ou arguments invoqués à l'encontre de la validité ou de la légalité des règlements en cause en les regroupant selon l'ordre suivant: champ d'application à raison des produits, champ d'application géographique et, enfin, champ d'application dans le temps.

1. En ce qui concerne l'inclusion dans le régime des montants compensatoires de produits «faisant l'objet d'une réglementation spécifique au titre de l'article 235 du traité», le gouvernement italien et les requérantes au principal soutiennent que la Commission n'aurait pas apprécié le risque, et encore moins établi l'existence de perturbations dans les échanges de produits agricoles de base (sucre, céréales, etc.), mais uniquement dans les échanges de produits transformés, non agricoles, contenant
ces produits de base; or, le pouvoir dont jouit la Commission pour apprécier l'existence d'un risque de perturbations dans les échanges ne pourrait s'exercer qu'au niveau des produits de base agricoles, mais non pas également au niveau des produits transformés. Si la possibilité d'inclure les produits transformés est expressément prévue par l'article 1, paragraphe 2, du règlement du Conseil no 974/71, elle ne peut être mise en œuvre que s'il existe un risque de perturbations des échanges des
produits de base. En raison de la faible incidence de l'élément agricole dans les coûts de production, les échanges des produits transformés en question (confiseries, etc.) ne sauraient, en aucune façon, provoquer des perturbations dans les échanges des produits agricoles de base.

Il est, toutefois, évident que les écarts dont la Commission fait état dans ses observations entraînaient le risque de perturbations dans les échanges des produits de base puisque la totalité des produits de base agricoles mis en œuvre dans les marchandises transformées étaient déjà soumis à l'application des montants compensatoires. On pourrait, à cet égard, reprendre littéralement l'attendu no 17 de votre arrêt Roquette du 20 octobre 1977 (Recueil 1977, p. 1842):

«S'il est vrai que la Commission n'a pas dit expressément qu'en l'absence de montants compensatoires monétaires il y aurait lieu de craindre des perturbations dans les échanges de produits agricoles, il est évident que l'insertion d'un tel considérant n'aurait eu qu'un caractère formel».

Toutefois, la Commission reconnaît expressément que son règlement est basé sur l'article 1, paragraphe 2 b), et paragraphe 3, du règlement no 974/71, c'est-à-dire sur le risque de perturbations dans les échanges de produits «agricoles». Elle a constaté (troisième considérant) qu'alors que les produits de base échangés en l'état étaient soumis au régime des montants compensatoires, la différence de prix des produits mis en œuvre n'aurait pas manqué, faute d'inclure la composante «produits de base»
des produits transformés dans le régime des montants compensatoires, de se répercuter de façon importante sur les conditions de concurrence de certains produits transformés «sensibles».

Les produits dérivés en cause dans les présentes affaires n'étaient pas assujettis au régime des montants compensatoires découlant du règlement de la Commission no 652/76 du 24 mars 1976. Cependant, d'autres «marchandises» couvertes par le règlement no 1059/69, relevant de positions très voisines (par exemple: 18.06 D, 21.07 C) l'étaient. Comme vous avez jugé que l'examen des questions posées dans l'affaire Roquette précitée (dont l'une portait précisément sur le point de savoir s'il est loisible
à la Commission d'apprécier les risques de perturbations tant au niveau des produits de base qu'au niveau des produits dérivés) n'avait pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de ce règlement, on pourrait penser que, sur ce point, la question est déjà tranchée. Cependant, l'affaire précitée portait sur des produits dérivés figurant à l'annexe II, relevant de l'organisation commune des marchés (produits amylacés à base de maïs). C'est donc la première fois, les affaires 12 et 84/78
mises à part, que vous avez à connaître directement de l'inclusion dans le régime des montants compensatoires monétaires de produits dérivés ne figurant pas à l'annexe II, mais relevant d'une réglementation spécifique au titre de l'article 235 du traité, à raison d'un risque de perturbations dans les échanges de ces produits.

Vous savez, Messieurs, que l'annexe II énumère de manière limitative les produits qui relèvent des dispositions particulières du titre «agriculture». Ainsi que vous l'avez jugé le 29 mai 1974 dans votre arrêt König (attendu no 12, Recueil 1974, p. 618), «dans cette liste figurent non seulement les principaux produits agricoles, mais aussi un certain nombre de denrées alimentaires dont l'éloignement industriel du produit agricole de base excède le stade de première transformation entendu dans un
sens restrictif».

Cette liste aurait pu être complétée dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur du traité; il n'a cependant pas été fait usage de cette possibilité en dehors de l'alcool éthylique. Aussi le Conseil a-t-il arrêté, le 4 avril 1962, selon la procédure de l'article 235, un «régime d'échanges» spécial pour les marchandises résultant de la transformation de produits agricoles, non incluses à l'annexe II. Ce régime n'a été remplacé que le 1er novembre 1966 par le règlement no 160/66, alors qu'il
n'avait été prévu que pour une période de trois ans.

Afin de résoudre la difficulté résultant de ce que l'annexe II ne pouvait plus être complétée après le 1er janvier 1960, le Conseil a eu recours à l'article 235 pour arrêter une réglementation analogue au système d'organisation commune des marchés dans le secteur agricole, sans toutefois recourir à la fixation d'un niveau commun de prix. Tel est l'objet du règlement no 160/66.

Le régime d'échanges ainsi institué entre les États membres a été organisé par analogie avec les dispositions qui régissent les échanges de produits de base en tant que tels, qui figurent dans les règlements relatifs à l'organisation commune des marchés.

A l'importation des pays tiers, les produits en cause sont assujettis à une imposition comportant un élément fixe destiné à assurer la protection de l'industrie de transformation communautaire et d'un élément mobile destiné à compenser la différence entre les prix communautaires des produits agricoles entrant dans leur composition et les prix de ces derniers produits sur le marché mondial.

La liste des marchandises jointe en annexe au règlement no 160/66 correspond, pour l'essentiel, à celle qui figurait déjà dans la décision du Conseil du 4 avril 1962. Cette liste couvre toutes les marchandises qui se composent, pour une part importante, de produits agricoles et dans lesquelles cette part constitue un facteur déterminant du prix.

Lors des travaux qui ont précédé l'adoption du règlement no 160/66, différents États membres s'étaient opposés à l'intégration de tout ou partie de la taxe de compensation au budget communautaire. Ils arguaient du fait qu'il s'agissait d'une taxe sur des produits industriels. Mais, depuis le fin de la période de transition, cette taxe va automatiquement au FEOGA, ce qui est un indice du caractère «agricole» des produits en cause, et cette extension du secteur agricole a été consolidée au cours du
«Kennedy round».

Le régime institué par le règlement no 160/66 a été remplacé «avec effet à compter du 1er juillet 1969» par le règlement du Conseil no 1059/69 du 28 mai 1979.

Pour trancher cette question de pur droit communautaire, il convient donc d'interpréter l'article 1, paragraphe 3, du règlement du Conseil no 974/71.

Le gouvernement italien soutient que, pour remédier aux perturbations dans les échanges de produits hors annexe II, il serait possible de recourir à l'article 14, paragraphe 4, du règlement du Conseil no 1059/69, disposition selon laquelle: «Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut prendre des dispositions appropriées afin de tenir compte d'une situation particulière dans laquelle certaines marchandises pourraient se trouver. La durée de validité de ces
dispositions ne peut toutefois excéder six mois».

Il aurait été fait usage de cette possibilité, par exemple, par règlement no 2831/71 du Conseil du 24 décembre 1971, dans un cas similaire à la situation à laquelle le règlement no 800/77 entendait porter remède.

La Commission soutient que, si le règlement no 974/71 vise à neutraliser les effets des mesures monétaires en vigueur dans le secteur agricole lorsqu'ils affectent les produits de base entrant dans la fabrication des différents produits agricoles transformés, les échanges de «produits agricoles» dont ce règlement vise à prévenir les perturbations couvrent également les produits agricoles transformés. Une interprétation adéquate de l'article 1, paragraphe 3, de ce règlement devrait comprendre les
produits soumis à organisation commune de marché agricole ainsi que ceux relevant du règlement no 1059/69.

La mise en œuvre de l'article 14, paragraphe 4, du règlement no 1059/69 requiert l'unanimité du Conseil, condition difficilement réalisable. C'est pourquoi cette institution aurait entendu, par l'article 1, paragraphe 3, du règlement no 974/71, compte tenu de la responsabilité particulière qui incombe à la Commission dans la gestion du régime des montants compensatoires et des difficultés de cette gestion, lui permettre d'intervenir également à l'égard des produits «faisant l'objet d'une
réglementation spécifique au titre de l'article 235». Le règlement no 974/71 ne vise pas expressément le règlement no 1059/69, mais l'expression «réglementation spécifique» se réfère notamment à celui-ci; d'ailleurs, la partie 8 de l'annexe aux règlements de la Commission fixant les montants compensatoires vise expressément les «marchandises relevant du règlement no 1059/69» et le règlement no 974/71 lui-même vise l'article 235 du traité, ce qui constituerait une «base suffisante». Enfin,
l'article 14 du règlement no 1059/69, auquel le gouvernement italien propose de recourir, couvre d'autres hypothèses que le flottement des monnaies.

En l'absence d'observations du Conseil, institution dont émane le règlement no 974/71, nous pensons que la thèse de la Commission est exacte. L'expression «produits agricoles» au sens du paragraphe 3 de l'article 1 vise non seulement les «produits pour lesquels des mesures d'intervention sont prévues dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles», mais encore les produits «dérivés» qui, sans être des produits de base agricoles, relèvent néanmoins de l'organisation commune des
marchés agricoles (produits agricoles de première transformation), ainsi que les produits qui, sans être des produits agricoles de transformation de l'annexe II, sont des produits transformés dont la composante agricole est telle qu'elle permet de les qualifier d'«agricoles» : il s'agit, comme le rappelle l'article 97 de la section 16 du chapitre 2 («dispositions relatives à certaines organisations communes de marchés») du titre II («agriculture») de l'Acte d'adhésion, de «produits agricoles
importés ou exportés sous forme de marchandises ne relevant pas de l'annexe II du traité CEE». Il existe donc bien une organisation commune de marchés pour les produits hors annexe II et ces marchandises relèvent du secteur agricole au sens du règlement no 974/71 et de l'Acte d'adhésion. Aussi bien, les produits exportés par la requérante au principal dans l'affaire 95/78 (Dulciora) vers les pays tiers avaient vocation à bénéficier des restitutions, celles-ci étant amputées des montants
compensatoires puisqu'il s'agissait d'un État membre à monnaie dépréciée.

Mais le gouvernement italien et les requérantes au principal font valoir qu'à supposer même que les produits de l'espèce puissent théoriquement être couverts par le régime des montants compensatoires, leur assujettissement n'aurait pas été suffisamment motivé au sens de l'article 190 du traité CEE, ou du moins l'aurait été inexactement.

Ils soutiennent que l'incidence sur certains produits agricoles de base de l'application des montants compensatoires ne modifierait pas substantiellement la situation dans la mesure où les avantages qui en découleraient éventuellement pour les produits transformés, non assujettis, seraient largement annulés par les coûts de production plus élevés pour les autres composantes.

Il est vrai que la Commission avait justifié la suppression, par son règlement no 722/75 du 19 mars 1975, des montants compensatoires pour certains des produits de l'espèce (relevant des positions 18.06 B et C et 21.07 CI, II) par le fait que le prix des marchandises hors annexe II, couvertes par le règlement no 1059/69, est «largement déterminé par leur transformation et les frais que celle-ci comporte, tandis que la valeur des produits de base agricoles n'influence que modérément la valeur du
produit final», et, en outre, que «ces produits se rapprochent sensiblement du secteur industriel pour lequel un régime de montants compensatoires n'existe pas».

Il n'est cependant pas possible, à notre avis, d'exclure en bloc et a priori que tous les produits transformés hors annexe II et couverts par le règlement no 1059/69 échappent au régime des montants compensatoires monétaires.

Ce serait contraire au texte même de l'article 1, paragraphe 2 b), du règlement no 974/71. Tout dépend en définitive de l'incidence de la valeur des produits de base sur la valeur du produit final; or, les perturbations dues à cette incidence ne peuvent être utilement mesurées qu'au niveau des échanges des produits transformés eux-mêmes et non pas au niveau des produits de base échangés en l'état. La considération que, «pour les produits transformés non soumis aux montants compensatoires
monétaires, la différence du prix des produits de base est devenue trop importante pour qu'elle ne se répercute pas de façon importante sur les conditions de concurrence des produits transformés, compte tenu des particularités du marché de certains produits sensibles, quoique abstraite et concise, ne nous parait pas dépasser la marge d'appréciation dont jouit la Commission. Celle-ci a pu légitimement estimer, sans se contredire, que les fluctuations des monnaies des États membres, intervenues
entre le mois de mars 1975 et le mois d'avril, puis de novembre 1977, avaient entraîné une modification correspondante des montants compensatoires applicables aux produits de base et que, compte tenu des proportions de ces produits utilisées dans la fabrication des produits transformés en cause, ces modifications se répercutaient nécessairement sur les conditions de concurrence de ces derniers.

La Commission explique en outre qu'elle avait pris comme critère d'application du règlement no 974/71 un seuil de 5 %, au lieu du chiffre de 2,5 % prévu à l'article 4 de ce règlement. Aucun des requérants ne lui en fait grief; mais, alors, elle a pu à bon droit estimer que, si l'exclusion de certains des produits en cause du régime des montants compensatoires était justifiée en 1975, compte tenu de ce seuil, leur réinsertion se justifiait en 1977, sinon même avant, du moment que celui-ci venait à
être franchi.

Pair votre arrêt Roquette du 20 octobre 1977, vous avez jugé (attendus nos 13 et 14, Recueil 1977, p. 1842) que «les possibilités de perturbations dans les échanges de produits agricoles sont si nombreuses et diverses qu'il serait difficile, sinon impossible, pour la Commission d'énumérer dans un règlement toutes ces possibilités»; «dès lors, il est loisible à la Commission de constater, sur la seule base d'une baisse sensible du cours de change d'une monnaie, le risque de perturbations».

Il est vrai encore que les règlements incriminés font état non d'un risque de «perturbations» dans les échanges des produits transformés, mais d'un risque de «distorsions de concurrence», expression reprise de la décision concernant l'Irlande, ou le gouvernement faisait lui-même état d'une «distorsion des échanges entre l'Irlande et le Royaume-Uni qui résulte d'accords monétaires existant dans le secteur agricole», ce qui tendrait à prouver que les montants compensatoires monétaires constituent
plus une «taxe» ou une«subvention» qu'un élément neutralisant les fluctuations monétaires, favorisant ainsi les producteurs et les exportateurs des pays à monnaie forte.

Cependant, cette variante de vocabulaire ne nous paraît pas tirer à conséquence; comme l'explique la Commission, une «distorsion de la concurrence» entre producteurs des différents États membres implique nécessairement des perturbations dans les échanges commerciaux. En l'absence de montants compensatoires, la production des «préparations alimentaires» en question aurait continué d'être favorisée dans les pays où les prix des produits agricoles de base étaient les plus bas en raison de
l'application des montants compensatoires. Dans ces conditions, l'instauration des montants compensatoires, même si elle a profité aux industries exportatrices de ces préparations alimentaires en république fédérale d'Allemagne, n'a pas été effectuée sous leur pression et le détournement de pouvoir allégué à l'encontre des règlements nos 800/77 et 2657/77 ne nous parait pas démontré à suffisance de droit.

Sous l'angle du champ d'application matériel de ces règlements, certaines des requérantes au principal font encore valoir qu'ils seraient entachés de discrimination du fait qu'ils ne visent pas certaines «préparations alimentaires» comparables aux produits de l'espèce, essentiellement le pain d'épice (position 19.08 A) et le chocolat blanc (position 17.04 C). Mais, s'il s'agit bien de marchandises relevant du règlement no 1059/69, il faudrait encore qu'elles constituent des produits similaires,
concurrents des produits «sensibles» visés par les règlements incriminés. Même si c'était le cas, ceci ne pourrait entraîner l'invalidité de ces règlements, mais tout au plus l'obligation d'inclure également ces produits dans le régime des montants compensatoires, et nous ne voyons guère le profit qui pourrait en résulter pour les requérantes au principal.

Vous avez jugé, par votre arrêt Merkur du 24 octobre 1973 (attendu no 16, Recueil 1973, p. 1073), que la Commission n'est pas tenue de fixer des montants compensatoires pour chacun des produits visés au réglement no 974/71: «en vertu de l'article 1, paragraphe 2, dernière phrase (ancienne version), du règlement no 974/71, la Commission avait l'obligation de renoncer à la fixation d'un montant compensatoire chaque fois que celle-ci n'apparaissait pas nécessaire pour éviter des perturbations, et
cela indépendamment de l'importance qu'un tel montant aurait eu par rapport à la valeur moyenne du produit concerné».

Il nous faut examiner encore un moyen qui n'est invoqué que par les requérantes au principal dans les affaires 151/77 et 157/78 et qui est tiré de la faiblesse du taux des montants compensatoires perçus à l'importation, ce qui enlèverait tout caractère dissuasif à leur perception. Cette argumentation nous parait inopérante. Il est exclu que vous puissiez juger du caractère dissuasif ou non de ce taux, même pour les courants d'échanges traditionnels dans lesquels la provenance ou la marque de la
marchandise joue un certain rôle. Si les opérateurs entendaient maintenir leurs importations pour des raisons qui leur sont propres, cela tendrait tout au plus à prouver que les règlements incriminés ne leur font pas véritablement grief.

Il ne faut pas non plus oublier qu'à côté de la perception du montant compensatoire à l'importation peut aussi jouer la perception d'un montant compensatoire à l'exportation, ce qui fait que l'incidence du régime est plus considérable qu'il n'y paraît. Le calcul du taux des montants compensatoires résulte directement des dispositions de l'article 2, paragraphe 2, du règlement no 974/71 et l'exception «de minimis» est prévue à l'article 4, paragraphe 2.

2. Nous en venons à l'examen du champ d'application géographique des règlements incriminés.

Si le gouvernement italien ainsi que les requérantes au principal ne contestant pas sérieusement que, même après le 31 décembre 1977, la situation existant dans les échanges entre l'Irlande et le Royaume-Uni persistait, qu'il ne pouvait plus y être remédié en recourant à l'article 135 de l'Acte d'adhésion et que le maintien du régime prévu par le règlement no 800/77 se justifiait au moins dans les relations entre ces deux pays, en revanche, ils soutiennent avec force que ce maintien aurait dû
être limité aux seuls échanges entre ces États. En d'autres termes, l'absence de «régionalisation» des montants leur paraît contraire au principe de proportionnalité.

Mais, cette prémisse nous paraît entraîner nécessairement le recours au règlement no 974/71, auquel la décision de la Commission du 23 mars 1977 faisait déjà allusion, et, dès lors, en application de l'article 4, paragraphe I, de ce règlement, l'instauration de montants compensatoires dans tous les États membres dès que dans un seul État membre le pourcentage visé à l'article 2, paragraphe I, est supérieur à 2,5 %. Nous avons vu que la Commission avait même relevé ce seuil à 5 %.

Les requérantes au principal dans les affaires 151/77 et 157/78 ont bien, lors de la procédure orale, tenté de soulever une exception d'illégalité contre cette disposition du règlement du Conseil, mais nous ne pouvons les suivre sur ce terrain.

Vous avez jugé, par votre arrêt Roquette du 20 octobre 1977 que:

«L'article 1, paragraphe 3, du règlement no 974/71 ne saurait être interprété comme obligeant la Commission à décider, cas par cas, ou pour chaque produit séparément et en distinguant d'après le pays d'exportation, de l'existence d'un risque de perturbations» (attendu no 21, Recueil 1977, p. 1843);

«que les termes mêmes de cette disposition démontrent qu'il peut être procédé, à cet égard, à des appréciations de nature globale» (attendu no 22).

Cet attendu est littéralement repris de l'attendu no 9 de votre arrêt Balkan du 22 janvier 1976 (Recueil 1976, p. 30), qui comportait également un attendu no 10 selon lequel:

«La Commission ne doit pas seulement prendre en considération l'effet de la dépréciation ou de la valorisation de la monnaie d'un État membre sur les échanges entre les pays tiers et cet État membre, mais également l'effet de cette dépréciation ou valorisation sur les échanges entre les différents États membres en ce qui concerne le groupe de produits considérés;

qu'il ressort en effet des documents produits par la Commission qu'à défaut du maintien du montant compensatoire critiqué des détournements de trafic transitant par les États membres à monnaie dévaluée pourraient se produire et seraient susceptibles de provoquer des distorsions dans les échanges.»

Le problème dépassait donc le cadre des échanges entre l'Irlande et le Royaume-Uni; même si le règlement no 800/77 a en pratique relayé la décision du 23 mars 1977, il ne fait pas état d'un risque de distorsions de concurrence entre ces deux États membres, mais emploie des termes généraux.

Compte tenu du report au 4 juillet 1977 de la date d'entrée en vigueur du règlement no 800/77, primitivement prévue pour le 23 mai 1977, la Commission a pris très au sérieux le risque de détournements de traffic qu'une limitation des montants compensatoires aux échanges entre l'Irlande et le Royaume-Uni aurait comporté. Par règlement no 1123/77 du 27 mai 1977, les échanges de produits pour lesquels, à compter du 4 juillet 1977, des montants compensatoires devaient être appliqués, ont fait l'objet
de mesures transitoires afin de prévenir des opérations spéculatives portant sur ces produits. Les mesures transitoires consistaient à n'accorder des montants compensatoires:

a) pour les produits exportés des États membres à monnaie valorisée, que si la preuve était rapportée.

— qu'ils avaient été obtenus dans l'État exportateur

ou

— que, préalablement à l'exportation, les formalités douanières d'importation dans l'État membre exportateur avaient été accomplies avant le 7 avril 1977 ou après le 3 juillet 1977;

b) pour les produits importés dans les États à monnaie dépréciée, que si la preuve était rapportée

— qu'ils avaient été obtenus dans un pays tiers ou dans un État membre autre que l'État membre importateur

ou

— que, préalablement à l'importation, les formalités douanières d'exportation de l'État membre importateur avaient été accomplies avant le 7 avril 1977 ou après le 3 juillet 1977.

Ces dispositions étaient applicables aux importations et aux exportations pour lesquelles les formalités douanières avaient été accomplies avant le 20 août 1977. Elles ne valaient pas pour la réimportation au Royaume-Uni de produits obtenus dans cet État en provenance d'Irlande, ni pour la réimportation en Irlande de produits obtenus dans cet État en provenance du Royaume-Uni. Pour ces produits, en effet, l'Irlande avait appliqué, à partir du 1er avril 1977, un système de restitutions à
l'exportation et de taxes à l'importation qui correspondait à l'incidence des montants compensatoires.

Une autre disposition de ce règlement no 1123/77 porte que l'État membre responsable pour l'octroi des montants compensatoires devait prendre les mesures de contrôle nécessaires. Ce règlement est entré en vigueur le 4 juillet 1977.

En ce qui concerne la prétendue violation du principe de l'égalité juridique, nous estimons donc, conformément à votre arrêt Schouten du 14 décembre 1978 (attendu no 40), que «rien dans ce principe ne s'oppose à l'application à d'autres États membres du taux des montants compensatoires qui s'avère économiquement justifié».

3. Quant à l'application dans le temps du régime des montants compensatoires.

Le gouvernement italien et certaines des requérantes au principal (dans l'affaire 95/78) allèguent que la prorogation du régime institué par le règlement no 800/77 au-delà du 31 décembre 1977, par l'effet du règlement no 2657/77, est intervenue dans des conditions irrégulières: elle ne serait pas motivée et elle serait contraire à l'engagement pris par la Commission dans le règlement no 800/77; à ce titre, elle porterait atteinte à la confiance légitime des opérateurs.

Même si elle s'explique par le fait que le règlement no 800/77 a pris le relais de la décision adressée à l'Irlande, l'insertion d'une date limite dans ce règlement était, certes, pour le moins inprudente ou maladroite. Elle pouvait d'autant plus prêter à équivoque qu'elle ne s'appliquait qu'à certains produits, ceux qui sont en cause dans les présentes affaires. D'autre part, si, comme le dit le règlement no 2657/77, «la situation n'a pas sensiblement changé depuis l'entrée en vigueur du
règlement no 800/77», et s'il était dès lors nécessaire de maintenir le système prévue par ce règlement, la logique eût voulu que l'échéance du 31 décembre 1977 fût également maintenue. Les termes du règlement no 2657/77 ne nous paraissent donc pas particulièrement heureux.

On peut penser que la Commission s'en est elle-même rendu compte en fixant l'entrée en vigueur de ce dernier règlement au 1er décembre 1977, ce qui fait que les opérateurs ne bénéficiaient, pour adapter les contrats à long terme éventuellement conclus, que de la moitié du délai prévu par le règlement no 800/77, tel que modifié par le règlement no 1051/77.

Cependant, même, si l'article 2, paragraphe 2, du règlement no 800/77 avait la signification que lui prêtent le gouvernement italien et les requérantes au principal, il ne pouvait avoir l'effet de dispenser la Commission de réexaminer la situation. Elle l'a fait le 30 juin 1977 par son règlement no 1474/77, ainsi que nous l'avons vu, pour tenir compte des nouveaux prix du sucre en vigueur à partir du 1er juillet 1977 et des nouveaux taux représentatifs fixés à partir de cette même date par le
règlement no 878/77; elle l'a encore fait le 30 novembre 1977 compte tenu de l'échéance du 31 décembre 1977 et à plusieurs reprises depuis cette date. Le fait que la motivation contenue au règlement no 2657/77 ait pris la forme d'un renvoi à la situation monétaire décrite au règlement no 800/77 ne doit donc pas être considéré comme équivalant à une absence de motivation.

Enfin, à la supposer établie, la violation de la confiance légitime est inopérante au plan de l'examen de la légalité ou de l'appréciation de la validité d'un règlement; elle pourrait tout au plus permettre, selon les situations individuelles, un recours en réparation. Il serait en effet peu satisfaisante de se livrer à une appréciation sélective de la validité d'un règlement en fonction des situations particulières des requérantes au principal. A cet égard, il ne faut pas non plus perdre de vue
que, dès le 24 octobre 1977, le gouvernement italien, et donc les opérateurs économiques, étaient au courant des possibilités d'une prorogation du règlement no 800/77.

III — Permettez-nous, avant de conclure, de formuler encore quelques observations générales sur le régime des montants compensatoires monétaires. Si ce régime constitue un handicap pour certains pays dont la monnaie flotte en baisse de façon autonome vis-à-vis des pays à monnaie forte flottant de concert, il constitue, même pour certains des pays du premier groupe, une protection face à ceux de ce groupe dont la monnaie est encore plus dépréciée. En réalité, le mal vient de l'utilisation de «taux
verts» différents des taux de marché. Le remède à la prolifération et à la permanence des montants compensatoires réside dans une adaptation de la «monnaie verte»: une dévaluation de cette monnaie entraîne une hausse des prix garantis aux agriculteurs et réduit les montants compensatoires qui jouent comme une subvention à l'exportation depuis les pays à monnaie forte. Mais, une telle dévaluation, à la supposer souhaitée par l'État en cause, doit encore être acceptée à Bruxelles par les autres
États membres et on conçoit qu'elle se heurte à une vive opposition des États qui ont une monnaie forte.

Comme l'écrit la Commission dans sa communication au Conseil du 10 février 1978 sur les «Effets économiques du système agri-monétaire» (p. 2, no 3), «Les relations entre les prix des produits soumis au régime agri-monétaire et ceux des autres produits agricoles et alimentaires ont été différentes d'un État membre à l'autre … Le retard des ajustements (des “taux verts”) a fait perdre aux prix agricoles communs une grande partie de leur fonction économique; en effet, les ajustements n'étaient
pas opérés sur la base de motifs économiques découlant de l'intérêt de la Communauté, du marché commun agricole ou de la politique agricole commune, mais en fonction d'intérêts politiques ou économiques nationaux. En raison de l'opposition persistante de plusieurs États membres, la Communauté n'a pu se doter d'un système d'ajustements écomomiquement raisonnables; c'est pourquoi elle a dû accepter que des modifications de taux verts eussent lieu trop tard ou en milieu de campagne».

En attendant la démobilisation des montants compensatoires, la Commission doit gérer la crise. Ce n'est certainement pas de gaieté de cœur qu'elle se résout à introduire ou à modifier de tels montants, qui alourdissent les formalités administratives, freinent les échanges, sont générateurs de fraudes, aboutissent à une charge budgétaire importante pour le FEOGA et entraînent des discriminations entre consommateurs.

C'est pourquoi, il n'est pas contradictoire de prôner d'un côté cette démobilisation et de continuer de l'autre à appliquer le régime: la réduction et la suppression de ces montants ne seront possibles que par un rapprochement des taux représantatifs par rapport aux valeurs réelles des monnaies communautaires.

La Commission a fait des propositions au Conseil pour que le régime des montants compensatoires monétaires puisse être aménagé et amélioré par la prise en compte de la composante industrielle de certains produits et des conditions de production dans certains secteurs au moyen de coefficients plus adaptés. Mais, cette constatation ne suffit pas pour déclarer invalides ou annuler les règlements en cause.

Nous concluons à ce que:

1) vous rejetiez la requête no 11/78 et à ce que le gouvernement de la République italienne supporte les dépens;

2) vous disiez pour droit que l'examen des questions posées n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité des règlements de la Commission nos 800/77 et 2657/77.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 151/77.
Date de la décision : 01/02/1979
Type de recours : Recours en annulation - non fondé, Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Hamburg - Allemagne.

Affaire 151/77.

République italienne contre Commission des Communautés européennes.

Affaire 11/78.

Dulciora SpA contre Amministrazione delle finanze dello Stato.

Demande de décision préjudicielle: Pretura di Milano - Italie.

Affaire 95/78.

Trawigo GmbH & Co. KG contre Hauptzollamt Aachen-Nord.

Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Düsseldorf - Allemagne.

Affaire 157/78.

Montants compensatoires monétaires.

Mesures monétaires en agriculture

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Peiser & Co. KG
Défendeurs : Hauptzollamt Hamburg-Ericus.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mayras
Rapporteur ?: O'Keeffe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1979:23

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