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23/11/1977 | CJUE | N°73-77

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 23 novembre 1977., Theodorus Engelbertus Sanders contre Ronald van der Putte., 23/11/1977, 73-77


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 23 NOVEMBRE 1977

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I — L'affaire au principal qui a donné lieu au présent renvoi préjudiciel s'apparente à un règlement de comptes dans le milieu des sujets néerlandais exerçant la profession de fleuriste dans la Ruhr.


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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 23 NOVEMBRE 1977

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I — L'affaire au principal qui a donné lieu au présent renvoi préjudiciel s'apparente à un règlement de comptes dans le milieu des sujets néerlandais exerçant la profession de fleuriste dans la Ruhr.

Il ressort du dossier communiqué que le litige est né dans les conditions suivantes:

Aux dires d'un sieur van der Putte, Néerlandais, domicilié à l'époque à Wuppertal-Barmen, déjà propriétaire apparent de deux magasins de fleurs situés l'un à Solingen, l'autre à Wuppertal-Barmen, le sieur Sanders, autre Néerlandais également domicilié à l'époque en république fédérale d'Allemagne, reprit, en février 1973, dudit van der Putte, à compter du 5 mars 1973, l'exploitation d'un commerce de fleurs sis à Wuppertal-Elberfeld. Le montant dû au titre de l'occupation du local commercial
était fixé à DM 700 par semaine; pour des «raisons de simplicité», Sanders s'acquitterait directement du loyer principal s'élevant à DM 1900 par mois au propriétaire véritable de l'immeuble, qui était une société allemande d'assurances. Sanders devait en outre payer comme indemnité de clientèle ou comme pas-de-porte DM 25000 ou florins (ce point reste obscur). Par ailleurs, cette convention devait être régie par les clauses applicables à la reprise du magasin du même genre, sis à
Wuppertal-Barmen intervenue par acte notarié du 21 août 1972 entre van der Putte, bailleur, et Sanders, preneur, assisté de son épouse.

Sanders était disposé à donner suite à ce contrat; toutefois, il informa van der Putte que l'accord de son épouse était nécessaire, étant donné qu'elle était également partie à l'affaire de Wuppertal-Barmen. Or, cet accord n'a pas été donné.

En définitive, Sanders ne s'exécuta que le 17 avril 1973 et ne commença l'exploitation du commerce situé à Wuppertal-Elberfeld qu'après que le président du tribunal de première instance d'Arnhem lui eût enjoint, par référé du 10 avril 1973, d'entrer en possession dudit local sous peine d'une astreinte de 300 florins par jour de retard. Toutefois, les sommes convenues à titre de loyer dû au propriétaire (DM 1900 par mois) et à titre de location du fonds de commerce (DM 700 par semaine) ainsi que
l'indemnité de clientèle ne furent pas versées.

Par exploit du 3 juillet 1973, van der Putte exigea, outre le paiement du pas-de-porte et des arriérés de location susvisés, le paiement d'une somme de 21794 florins convenue par écrit au titre de reprise de stock et de diverses marchandises. Cette somme fut payée par Sanders à concurrence de 19635,94 florins.

Par jugement du 10 janvier 1974, le tribunal de première instance d'Arnhem suspendit la procédure et ordonna la comparution des parties devant le juge commissaire aux fins d'enquête.

Van der Putte interjeta appel de ce jugement devant la cour d'appel d'Arnhem.

Ultérieurement, le propriétaire du local situé à Solingen ayant résilié le bail conclu avec van der Putte et ayant traité directement avec Sanders, il semble que van der Putte ait demandé au Landgericht de Wuppertal d'ordonner à Sanders de déguerpir. Nous n'avons pas d'autre précision sur l'issue de cette procédure.

Par arrêt interlocutoire du 3 décembre 1975, la cour d'appel d'Arnhem adjugea à van der Putte le solde qui lui restait dû par Sanders au titre de la reprise du stock, soit 2158,06 florins. Elle estima qu'en l'état des preuves fournies l'existence d'un accord était vraisemblable, mais autorisa Sanders à rapporter la preuve contraire.

Cette preuve n'ayant pas été administrée par Sanders, la cour d'appel d'Arnhem a statué par arrêt définitif du 4 mai 1976 sur les chefs de demandes relatifs à la location et à l'indemnité de clientèle: la demande en paiement des loyers a été reconnue fondée jusqu'au 1er janvier 1976, date à laquelle la location litigieuse a été dénoncée par Sanders, et une indemnité de clientèle de 25000 florins a été adjugée à van der Putte.

Au cours de la procédure devant la cour d'appel d'Arnhem, Sanders avait excipé de l'incompétence de cette juridiction: à supposer même qu'un contrat fût valablement intervenu entre les parties — ce que contestait Sanders contestait un tel contrat eût comporté une clause attribuant compétence au tribunal de Wuppertal, lieu de la situation du magasin.

Dans son arrêt définitif, la Cour d'Arnhem rejeta cette exception en se basant sur l'article 17, premier alinéa, de la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui est entrée en vigueur le 1er février 1973: il n'existait aucune convention écrite ni convention verbale confirmée par écrit comportant une telle prorogation de compétence. En effet, la comparution de Sanders n'avait pas eu exclusivement pour objet de contester la
compétence du juge néerlandais et cette question de compétence n'avait été effectivement soulevée qu'à un stade ultérieur de la procédure. Toutefois, la Cour d'Arnhem ajouta d'office, sur le fondement prétendu de l'article 19 de la convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, un considérant relatif à son article 16, libellé comme suit:

«Considérant qu'il y a lieu de tenir compte des dispositions de l'article 16, 1o, de la convention, en vertu duquel

“sont seuls compétents, sans considération de domicile:

1o) en matière de droits réels immobiliers et de baux d'immeubles, les tribunaux de l'État contractant où l'immeuble est situé …”

Considérant

a) que, selon la Cour, une convention doit être réputée comme ayant été passée entre les parties, l'accent porte moins sur la dation en usage contre paiement d'un immeuble déterminé — que l'appelant, van der Putte, ne tenait du reste lui-même qu'en location — que sur la dation en usage contre paiement d'un ensemble à usage commercial, qualifié aux fins de la procédure de location d'un fonds de commerce;

b) que, pour cette matière, ne jouent pas les raisons qui, selon le rapport de Paul Jenard sur la convention, ont conduit, en cas de litige portant sur les droits réels immobiliers et sur les baux d'immeubles, à donner compétence exclusive au juge de l'État où se trouve l'immeuble, a savoir que les baux immobiliers sont en général régis par des dispositions légales particulières et qu'il est préférable que l'application de ces dispositions ne relève que du juge de l'État où elles sont en
vigueur;

c) que, dans ces conditions, ce n'est pas une demande relative à un bail au sens de l'article 16 de la convention qui est en cause et qu'il n'y a donc pas de raison pour le juge néerlandais de se déclarer incompétent.»

Ce sont ces motifs qui font l'objet d'un recours en cassation formé par Sanders et qui ont amené la haute juridiction néerlandaise à vous saisir, à titre préjudiciel, en vertu des articles 2 et 3 du protocole du 3 juin 1971, sur conclusions conformes de son procureur général. La Cour de cassation a en effet considéré que l'exception prévue à la règle de l'article 18 de la convention s'inscrivait dans le prolongement de l'article 19 et que «les conventions attributives de juridiction sont sans
effet si … les tribunaux à la compétence desquels elles dérogent sont exclusivement compétents en vertu de l'article 16 (article 17, deuxième alinéa)». La compétence exclusive fondée sur l'article 16 — qui doit être examinée même d'office lorsqu'est demandée la reconnaissance ou l'exécution d'une décision de justice (articles 28, premier alinéa, et 34, deuxième alinéa) — ne dépend pas d'un quelconque comportement des parties en cours ou en dehors du procès.

C'est dans ces conditions que la Cour suprême néerlandaise vous pose, par jugement du 10 juin 1977, les questions suivantes:

«1. Par “baux d'immeubles” au sens de l'article 16, 1o, de la convention de 1968 faut-il entendre également une convention relative au “bail” d'un fonds de commerce exploité dans un immeuble tenu en location d'un tiers par le bailleur?

2. Dans l'affirmative, la règle de la compétence exclusive des tribunaux de l'État où l'immeuble est situé vaut-elle également pour une demande présentée sur le fondement d'une telle convention et tendant:

a) au paiement du “montant du bail” du fonds de commerce, ou

b) au paiement, par le preneur, du loyer dont le bailleur est lui-même redevable au propriétaire de l'immeuble, ou

c) au paiement d'une indemnité de clientèle du fonds de commerce?

3. Le fait que le défendeur, preneur du bail, ait contesté en cours de procédure l'existence d'une convention exerce-t-il une influence sur la réponse à donner aux questions précédentes?»

II — Les termes utilisés par les auteurs de la convention pour exprimer dans les différentes langues officielles ce que traduisent les termes français «en matière de droits réels immobiliers et de baux d'immeubles» trahissent un certain flottement, qui est peut-être à l'origine des interrogations de la haute juridiction néerlandaise.

Il faut noter tout d'abord que, dans la version française, il n'est nullement exclu par le texte que les contestations relatives aux baux d'immeubles doivent être portées devant le tribunal de l'État où l'immeuble est situé, que ces contestations soient relatives à un droit réel ou non, qu'il s'agisse d'un bail à usage d'habitation ou à usage commercial. M. Bellet (JDI, 1965, p. 857) notait déjà qu'il est assez étrange que le texte vise non seulement les litiges relatifs aux droits réels, mais
ceux qui concernent les baux d'immeubles.

Les termes néerlandais correspondants, extrêmement larges, ne paraissent pas non plus exclure a priori que toutes les contestations relatives aux droits (qu'ils soient réels ou non) découlant d'un contrat de bail d'immeuble puissent être portées devant le forum rei sitae.

Nous pensons, pour notre part, que les auteurs de la convention ont entendu édicter une compétence exclusive tant en matière de droits réels immobiliers qu'en matière de droits, même personnels, nés à propos de baux d'immeubles à usage d'habitation ou à usage commercial.

On peut, tout d'abord, invoquer en ce sens un argument d'ordre textuel. Le texte allemand de l'article 16, 1o, porte, transposé littéralement en français: «Pour les recours qui ont pour objet des droits réels sur les biens immobiliers ainsi que le loyer ou le bail de biens immobiliers …».

La préoccupation à laquelle les auteurs ont obéi paraît généralement reconnue: l'exclusivité de compétence en matière de droits réels immobiliers, comme l'écrit M. Droz (Compétence judiciaire internationale, p. 100), «se justifie aisément. Les litiges en matière de droits réels immobiliers impliquent souvent des vérifications, enquêtes et expertises qui devront nécessairement être faites au lieu de la situation … Un jugement relatif à un immeuble sera en outre nécessairement exécuté au lieu de
la situation».

L'importance que revêtait, aux yeux des auteurs de la convention, cette exclusivité de compétence ressort de l'article 19 (l'incompétence doit être soulevée d'office par le juge) et des articles 28 et 34 (refus de reconnaissance et d'exécution en cas de violation de la règle d'exclusivité).

Mais, la puissance d'attraction de la situation de l'immeuble a conduit à élargir, sur le plan international, les règles de compétence judiciaire reçues en droit interne et, comme le dit M. Droz, «déborde le terrain des purs droits réels pour s'étendre aux baux d'immeubles». M. Bellet, lui aussi, note que «les experts ont estimé que le statut locatif, qu'il concerne l'habitation ou l'exercice d'une profession, était devenu, dans les six pays du marché commun, presque un statut réel». La matière
des baux d'immeubles donne lieu non pas seulement à des actions réelles concernant un immeuble, mais à des actions mixtes, c'est-à-dire à des actions qui joignent une action personnelle prenant sa source dans une obligation à une action réelle. En ce cas, en droit interne, quatre des six États contractants laissent au demandeur le choix entre le tribunal du domicile du défendeur et le juge de la situation. M. Battifol (Mélanges Offerhaus-Kollewijn, p. 57) note, quant à lui, que le droit anglais
paraît, lui aussi, avoir récemment abandonné la maxime «personalty has no locality». En France et en Italie, il relève une tendance à interpréter le statut réel immobilier de façon plus extensive que le statut réel mobilier parce que la situation d'un meuble est plus fugitive, donc moins significative, et de nature à soulever des difficultés de preuve.

«Il n'en ira plus de même désormais écrit M. Droz — en raison de la formulation de l'article 16. Il est apparu que les baux de locaux d'habitation ou à usage professionnel, les baux commerciaux et les baux ruraux faisaient l'objet, dans chacune des législations des États membres, de règles très particulières … Il est donc justifié que l'application de ces dispositions particulières et complexes ne relève que des juges du pays où elles sont en vigueur …» Il n'est pas exclu non plus que des
réglementations nationales ou des usages locaux particuliers puissent s'appliquer également dans le cadre d'un bail commercial, accessoire à un bail civil. Le fait que le bailleur, dans un bail commercial, ne soit lui-même que le locataire de l'immeuble où s'exerce le commerce donné en bail n'est lui-même, tout bien considéré, que d'une importance secondaire.

«Il ne fait aucun doute — conclut M. Droz, appuyé par Mme Weser (Convention communautaire, p. 303) — que les contestations entre bailleurs et locataires, relatives à l'existence ou à l'interprétation du bail, à l'évacuation des locaux et au déguerpissement, tombent bien dans le champ d'application de l'article 16, paragraphe 1».

C'est ainsi qu'en matière d'actions ayant uniquement pour objet le paiement du loyer M. Droz estime, avec raison selon nous, et cela à l'encontre de l'avis de M. Jenard qui a élaboré le rapport sur la convention qu'une telle action n'est pas détachable de l'immeuble loué. Entre autres considérations pertinentes, M. Droz invoque le fait que, si le locataire est condamné, bien souvent une exécution internationale — qui pose toujours de délicats problèmes — n'aura même pas à être envisagée. On
pourra aussi exécuter directement le jugement sur les meubles garnissant le local loué. Si l'on permet que l'action en paiement des loyers soit portée dans un pays autre que celui de la situation de l'immeuble, le locataire, à le supposer domicilié dans le premier pays, «ne pourra pas faire valoir, devant le tribunal de ce premier pays, une demande reconventionnelle en compensation des dépenses effectuées pour l'entretien de l'immeuble, imposées par la réglementation locale et déboursées par
l'utilisateur pour le compte du propriétaire … Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, on devrait alors faire jouer les dispositions relatives à la connexité pour permettre au juge saisi en second lieu de surseoir à statuer. Il paraît infiniment préférable d'économiser temps et argent en concentrant l'ensemble des problèmes dans le pays de la situation de l'immeuble».

C'est en ce sens qu'a jugé le tribunal d'instance d'Aix-la-Chapelle le 24 octobre 1975, au motif qu'une action en paiement de loyer peut mettre en cause des dispositions de droit national concernant le bail lui-même. Cette juridiction a considéré que, même en ce qui concerne les demandes en paiement du loyer, les dispositions du droit national sur les baux, concernant l'objet du bail, peuvent être déterminantes.

Par contre, le tribunal d'arrondissement d'Amsterdam, dans un jugement du 25 novembre 1975, a rejeté une exception d'incompétence soulevée devant lui dans un litige relatif au paiement d'une somme d'argent réclamée en vertu d'une clause pénale stipulée pour les cas de survenance d'une condition suspensive. L'immeuble était situé en France, le défendeur était domicilié aux Pays-Bas et le tribunal a considéré que l'action ne concernait pas un droit réel immobilier.

Nous ajouterons, à cet égard, une considération de pure opportunité: s'il peut paraître excessif en effet d'obliger deux plaideurs, domiciliés dans le même État, à saisir le tribunal d'un État tiers ou d'un autre État membre dans le ressort duquel l'immeuble est situé lorsque la distance qui sépare les plaideurs du siège de ce tribunal est considérable, il n'en va nullement ainsi en l'espèce, car Wuppertal n'est pas beaucoup plus éloigné d'Arnhem que La Haye.

III — Même si, sur ce premier point, on avait tendance à dire qu'il appartient au juge national de décider si le litige dont il est saisi n'a qu'une vague connexité avec un bail d'immeuble ou, au contraire, si la question soulevée devant lui n'est pas détachable du problème du bail de l'immeuble, l'examen du reste des questions posées par la Cour de cassation néerlandaise amène à penser le contraire.

Les questions posées sous 2o) par cette juridiction permettent, en effet, de cerner davantage le problème dont elle est saisie. D'après ces questions, il semble bien que la contestation porte sur un ensemble d'obligations connexes à un bail commercial, à savoir sur le loyer dont devait s'acquitter directement, aux termes d'un prétendu contrat, le preneur du bail commercial envers le propriétaire du local où s'exerçait le commerce, sur le bail commercial proprement dit ainsi que sur le paiement
d'une indemnité de clientèle ou de pas-de-porte.

L'action par laquelle van der Putte réclame tout à la fois le paiement du montant dont il est lui-même redevable vis-à-vis du propriétaire, du montant du bail commercial proprement dit et de l'indemnité de clientèle est mixte: c'est une action personnelle en ce qu'elle tend à sanctionner une obligation de faire, mais c'est aussi une action réelle immobilière en ce qu'elle tend à faire valoir les droits que lui confère sa qualité de bailleur ou de détenteur de l'immeuble.

Au surplus, si l'existence d'une telle convention devait être reconnue — et nous dirons en réponse à la troisième interrogation que l'existence d'une question à ce sujet est un motif de plus de reconnaître l'exclusivité de compétence au sens de l'article 16, 1o, — cette convention devrait être interprétée sur le modèle du bail commercial concernant le magasin situé à Wuppertal-Barmen. Or, le paragraphe 2, 2o, de cette convention écrite porte qu'«une copie du contrat de bail (passé entre la
société d'assurances, propriétaire du local, et van der Putte) est jointe à l'acte notarié (bail commercial liant Sanders à van der Putte) et en fait partie intégrante». La contestation porterait ainsi nécessairement, du même coup, sur ce premier bail d'immeuble.

Toujours d'après ce modèle, les parties déclaraient applicable à l'opération le droit allemand (paragraphe 14, 1o) et elles avaient convenu d'une prorogation de compétence en faveur du tribunal de Wuppertal (paragraphe 14, 2o). De plus, à l'origine, les parties en litige se trouvaient domiciliées en république fédérale d'Allemagne et elles n'ont déguerpi qu'ultérieurement. Tout concourt donc à retenir la compétence du juge de Wuppertal comme la plus indiquée. Enfin, il semble que
l'administration des finances de Wuppertal-Barmen ait ordonné, à raison de la dette d'impôts dont est redevable van der Putte, diverses saisies et, sachant que Sanders avait passé un contrat de sous-location avec van der Putte, elle a procédé à la saisie des créances que van der Putte détient sur Sanders tant à raison de la location principale que de la sous-location.

Nous nous excusons d'entrer dans ces détails, mais nous nous laissons guider par la préoccupation de fournir tous les éléments utiles au juge national. Bien entendu; il lui appartiendra d'apprécier si, nonobstant la rédaction employée par van der Putte dans son exploit introductif d'instance, il est bien saisi à titre principal de la question de l'existence d'une convention de bail, auquel cas il devra faire application de l'article 19.

Quant à l'indemnité de clientèle, bien qu'il s'agisse d'un droit de propriété portant sur des valeurs incorporelles et, par conséquent, qu'elle ait un caractère mobilier et que I'action dont elle fait l'objet puisse être qualifiée de personnelle, cette action personnelle est de caractère mixte et présente un aspect immobilier dans la mesure où ce droit est revendiqué à l'occasion et en application d'un bail d'immeuble: la compétence pour en connaître doit donc suivre la règle énoncée
ci-dessus.

IV — La troisème question posée par la Cour de cassation néerlandaise nous renforce dans l'opinion que nous venons d'exprimer. Cette question reconnaît elle-même qu'il a existé, à un moment donné de la procédure, une contestation entre le bailleur demandeur et le locataire défendeur quant à l'existence du bail et à l'interprétation de ses clauses. Lors de la citation à comparaître émanant de van der Putte, l'objet du litige portait principalement sur le paiement des loyers et sur le respect des
autres engagements passés lors de la conclusion du bail. Mais l'existence même d'un «bail» est sérieusement contestée par Sanders; une telle contestation du titre du paiement est en effet toujours possible en cas de réclamation du paiement. Or, une action en paiement des arriérés de loyer devient immobilière lorsque le titre constitutif en est contesté; cela suffit pour donner un caractère «mixte» au litige porté devant le juge néerlandais et à justifier l'application de la règle de
l'article 16, 1o. Cette compétence, qui est d'ordre public même au stade de la reconnaissance et de l'exécution, ne saurait être fonction du seul comportement des parties au cours ou en dehors du procès.

Dans toutes ces conditions, nous concluons à ce que vous disiez pour droit que:

1) par baux d'immeubles, au sens de l'article 16, 1o, de la convention de 1968, il faut entendre, notamment, une convention relative au bail d'un fonds de commerce exploité dans un immeuble tenu lui-même en location d'un tiers par le bailleur;

2) l'exclusivité de compétence édictée par cette dispositon vaut notamment pour une demande présentée sur le fondement d'une telle convention et tendant:

— au paiement du montant du bail commercial proprement dit,

— au paiement du loyer dont le bailleur est lui-même redevable envers le propriétaire de l'immeuble,

— au paiement d'une indemnité de clientèle;

3) le fait que le preneur du bail ait lui-même contesté, en cours de procès, l'existence d'une telle convention n'affecte pas ce qui précède.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 73-77
Date de la décision : 23/11/1977
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas.

Convention concernant la compétence judiciaire.

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968


Parties
Demandeurs : Theodorus Engelbertus Sanders
Défendeurs : Ronald van der Putte.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mayras
Rapporteur ?: O'Keeffe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1977:191

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