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09/12/1971 | CJUE | N°21-71

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Dutheillet de Lamothe présentées le 9 décembre 1971., Heinrich P. Brodersen Nachf., GmbH & Co. KG, contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel., 09/12/1971, 21-71


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. ALAIN DUTHEILLET DE LAMOTHE,

PRÉSENTÉES LE 9 DÉCEMBRE 1971

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le 29 juin 1967, la firme Brodersen, qui est une firme de Lübeck spécialisée dans des opérations de décorticage des grains, exporta vers le Danemark 270 tonnes de grains d'orge.

La détermination de la restitution à laquelle cette firme pouvait prétendre pour cette exportation donna lieu à un litige avec l'office allemand responsable, l'Einfuhr und Vorratsstelle für Getreide und Fut

termittel.

La firme Brodersen a toujours soutenu qu'elle avait droit à la restitution prévue pour...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. ALAIN DUTHEILLET DE LAMOTHE,

PRÉSENTÉES LE 9 DÉCEMBRE 1971

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le 29 juin 1967, la firme Brodersen, qui est une firme de Lübeck spécialisée dans des opérations de décorticage des grains, exporta vers le Danemark 270 tonnes de grains d'orge.

La détermination de la restitution à laquelle cette firme pouvait prétendre pour cette exportation donna lieu à un litige avec l'office allemand responsable, l'Einfuhr und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel.

La firme Brodersen a toujours soutenu qu'elle avait droit à la restitution prévue pour l'orge perlé. L'administration allemande l'a toujours contesté. Après avoir initialement refusé toute restitution, elle a fini par accorder à la firme Brodersen la restitution prévue pour l'orge mondé et qui est, bien entendu, moins élevée que pour l'orge perlé.

Il paraît en effet possible de faire appel à trois critères différents pour distinguer l'orge mondé de l'orge perlé:

1) Un critère dit «optique» ou «granulométrique» tenant à la forme du grain, à son degré de polissage et de décortication, à ses dimensions …,

2) Un critère tiré de la teneur en cendres du produit,

3) Un critère tiré de la teneur en amidon du produit.

Ces trois critères ne se recouvrent évidemment pas, ne s'excluent pas non plus, mais peuvent se combiner.

C'est ainsi que la réglementation allemande sur les restitutions en vigueur à l'époque prévoyait à la fois des conditions se rattachant au critère tiré de la teneur en cendres, mais également des conditions se rattachant au critère «optique».

Le produit exporté par la firme Brodersen remplissait la condition relative à la teneur en cendres mais, d'après l'administration allemande compétente, ne remplissait pas le critère optique défini par la réglementation allemande.

Lorsqu'il fut saisi de l'affaire, le Finanzgericht de Hesse s'est visiblement interrogé sur la compatibilité de la réglementation nationale dont il avait à faire application avec une certaine notion communautaire de la distinction entre orge mondé et orge perlé.

C'est la raison profonde des deux questions qu'il vous a posées et dont vous avez le texte devant vous.

I

Nous inspirant de la méthode d'interprétation adoptée dans votre arrêt récent du 24 novembre 1971 — Siemers—, nous vous proposerons de faire à ces deux questions une réponse unique qui vous évitera de vous prononcer sur des questions techniques et scientifiques bien difficiles à résoudre et même à comprendre, mais qui donnera au juge national les principes de droit communautaire nécessaires pour éclairer sa décision et lui préciser en fonction des données de l'espèce la portée desdits principes.

Les principes applicables sont ceux qui ont déjà été dégagés par votre arrêt du 27 octobre 1971 — Rheinmühlen.

L'exportation en cause a eu lieu en effet le 29 juin 1967, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du règlement 120/67, qui se situe au plus tôt le 1er juillet 1967.

Il s'ensuit que le régime applicable aux restitutions trouvait son fondement dans les articles 19 et 20 du règlement de base no 19 du Conseil qui permettaient aux États membres d'instituer des restitutions dans la limite de certains maxima fixés par les autorités communautaires.

Par votre arrêt Rheinmühlen précité, vous avez jugé que pendant cette période:

1) les États membres, lorsqu'ils fixaient les conditions d'octroi des restitutions qu'ils décidaient d'accorder, étaient tenus de respecter un certain nombre de règles ou de principes nécessaires à l'application du système général prévu par le règlement no 19;

2) les États membres, en revanche, avaient la faculté d'ajouter aux conditions d'octroi de la restitution nécessaires à la mise en œuvre du système communautaire d'autres conditions, notamment des conditions plus restrictives.

Si l'on applique ces principes dans la présente affaire, on constate qu'il est indiscutable que, pendant cette période, une certaine notion communautaire de la distinction entre orge mondé et orge perlé était nécessaire.

En effet, des règlements pris par application du règlement no 19 fixaient des maxima différents pour les restitutions qui pouvaient être octroyées selon qu'il s'agissait d'orge mondé ou d'orge perlé, le maximum étant plus élevé pour ce second produit que pour le premier.

Les États membres étaient donc tenus de ne reconnaître la qualité d'orge perlé qu'à des produits correspondant au moins à une certaine définition communautaire, car sans cela les maxima limitant les restitutions susceptibles d'être accordées n'auraient plus eu de signification et les finances communautaires qui supportaient déjà une grande partie de la charge de ces restitutions auraient risqué d'être inutilement grevées.

II

Reste alors à déterminer quel était ce «minimum communautaire» que devaient respecter les États membres pour distinguer l'orge perlé de l'orge mondé.

Ce minimum communautaire nous paraît consister, et consister uniquement, pour la période considéréé, par la distinction entre orge mondé et orge perlé résultant des notes explicatives de la Nomenclature de Bruxelles.

Cette solution nous paraît résulter de la combinaison des textes applicables.

1. Pendant toute cette période, le montant maximum de la restitution est déterminé en fonction de l'élément mobile du prélèvement et c'est le système que reprend l'article 1 du règlement 60/66 de la Commission, seul texte applicable à la date où a été effectuée l'exportation considérée.

Cet élément mobile est calculé pour les céréales dont s'agit conformément aux règles posées par le règlement no 141/64 du Conseil en date du 21 octobre 1964 et particulièrement par son article 5 qui vise entre autres les produits de la position 11.02 du tarif douanier commun.

Or, à cette époque, il n'existait pas de note explicative de cette position douanière propre au tarif douanier commun. Mais cette position du tarif douanier commun reprenait exactement une position de la Nomenclature de Bruxelles et il est de jurisprudence constante qu'en l'absence de note explicative propre au tarif douanier commun ce sont les notes explicatives de cette Nomenclature qui servent à distinguer les produits visés par les différentes positions douanières.

Le critère minimum qu'étaient donc tenus de respecter les États membres pour la distinction entre orge mondé et orge perlé était donc le critère, essentiellement optique, défini par la note explicative de la position 11.02 de la Nomenclature de Bruxelles et notamment par ses paragraphes 3 et 4.

2. Nous nous étions demandé si ce «minimum communautaire» ne comportait pas, de plus, un critère tiré de la teneur en cendres du produit, qui était apparu dans un règlement no 164/64 de la Commission du 29 octobre 1964 et auquel un règlement no 11/66 de la Commission faisait également référence. Mais l'étude des textes nous a conduit à penser qu'il n'en était rien pour l'époque considérée.

En effet, le règlement no 164/64 a été expressément abrogé par le règlement no 60/66, seul applicable à la date de l'exportation.

Le règlement no 11/66 ne faisait que modifier les pourcentages fixés par le règlement no 164/64. Ce dernier règlement et le système qu'il instaurait ayant été expressément abrogés par le règlement no 60/66, il en résulte, à notre avis, que le règlement no 11/66 a été, du même coup, implicitement mais nécessairement abrogé.

Entre la date d'entrée en vigueur du règlement no 60/66 et celle d'entrée en vigueur du règlement no 120/67, le seul critère communautaire que les États membres étaient tenus de respecter était donc celui résultant des notes explicatives de la Nomenclature de Bruxelles.

Dans ces conditions, nous concluons à ce que vous disiez pour droit que jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement no 120/67, les États membres «étaient libres de déterminer les conditions d'attribution des restitutions qu'ils avaient la faculté d'instituer, dans la mesure toutefois où lesdites conditions étaient compatibles avec les règles posées par les autorités communautaires.

En ce qui concerne les restitutions qui pouvaient être attribuées pour l'exportation vers des pays tiers d'orge mondé ou d'orge perlé, les État membres, pendant la période d'application du règlement no 60/66, étaient tenus, pour respecter les maxima fixés pour les restitutions par les autorités communautaires, de ne considérer comme orge perlé que les produits répondant au moins aux conditions posées par les notes explicatives de la position 11.02 dans le document dit “Nomenclature de Bruxelles”

Pendant cette même période, les autorités nationales pouvaient ajouter à ces conditions minima toute autre condition plus restrictive».


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21-71
Date de la décision : 09/12/1971
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Hessisches Finanzgericht - Allemagne.

Orge perlé.

Agriculture et Pêche

Céréales

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Tarif douanier commun


Parties
Demandeurs : Heinrich P. Brodersen Nachf., GmbH & Co. KG,
Défendeurs : Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel.

Composition du Tribunal
Avocat général : Dutheillet de Lamothe
Rapporteur ?: Trabucchi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1971:120

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