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04/03/1970 | CJUE | N°28-69

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 4 mars 1970., Commission des Communautés européennes contre République italienne., 04/03/1970, 28-69


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND,

PRÉSENTÉES LE 4 MARS 1970

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le différend qui oppose la Commission des Communautés européennes au gouvernement de la République italienne porte sur la régularité au regard de l'article 95 du traité CEE de la législation italienne en matière d'impôt de consommation sur les produits issus de la transformation du cacao en fèves.

I

Afin de comprendre les textes litigieux et d'apprécier l'argumentation des parties, il convient de fai

re deux remarques préliminaires.

En premier lieu, les produits en cause peuvent se trouver en Ital...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND,

PRÉSENTÉES LE 4 MARS 1970

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le différend qui oppose la Commission des Communautés européennes au gouvernement de la République italienne porte sur la régularité au regard de l'article 95 du traité CEE de la législation italienne en matière d'impôt de consommation sur les produits issus de la transformation du cacao en fèves.

I

Afin de comprendre les textes litigieux et d'apprécier l'argumentation des parties, il convient de faire deux remarques préliminaires.

En premier lieu, les produits en cause peuvent se trouver en Italie, soit par suite d'une importation en l'état, soit par suite de la transformation de la matière première: le cacao en fèves.

Comme ce dernier est toujours d'origine extérieure, l'importation constitue un passage obligatoire auquel est reliée par la loi la perception de l'impôt de consommation; les comparaisons auxquelles nous aurons à nous livrer porteront sur l'incidence respective de l'impôt suivant qu'il est perçu lors de l'importation des produits transformés ou au contraire de la matière première.

Il n'est pas inutile d'autre part de donner quelques indications sur les opérations successives de transformation auxquelles est soumis le cacao en fèves pour pouvoir être utilisé. Nous nous référerons pour cela aux notes explicatives de la nomenclature de Bruxelles (art. 1801 et s.).

Les fèves de cacao — qu'il serait plus exact d'appeler graines — sont renfermées dans le fruit du cacaoyer, chaque fruit en comportant de 25 à 80. Elles se composent d'une membrane externe, la coque, et d'une pellicule interne, très mince, qui enveloppe l'amande, cette dernière constituant la partie exploitable. Les fèves sont torréfiées, afin de rendre les coques plus faciles à détacher et les amandes plus friables, et de dégager l'arôme. Puis elles passent entre des cylindres qui brisent les fèves
et détachent les germes, elles sont décortiquées afin de séparer des amandes brisées les coques, les pelures et les germes, déchets qui jouent un rôle important dans le présent litige. Du broyage de l'amande on obtient la pâte de cacao qui peut être vendue directement aux confiseurs ou aux pâtissiers mais qui est surtout utilisée pour la préparation du beurre et de la poudre de cacao et qui constitue ainsi le semi-produit de l'industrie du chocolat.

Sous le nom de beurre de cacao on désigne la matière grasse contenue dans la fève, que l'on obtient généralement par pression de la pâte, ou encore à partir de fèves en coques. Quant à la poudre de cacao, elle provient de la pulvérisation de la pâte, plus ou moins complètement dégraissée au préalable: la dernière loi italienne par exemple fixe un taux d'imposition différent suivant que la poudre a ou non une teneur en matière grasse inférieure à 1 %.

Cela étant, les procédés techniques de pressage permettent à l'industrie transformatrice de faire un choix entre les différents produits qui peuvent être obtenus à partir des fèves de cacao, et d'établir un plan de répartition faisant varier les quantités de beurre et de poudre ainsi que leur teneur en matière grasse. Sur le plan juridique, elle pourra, soit importer la matière première de façon définitive, soit recourir au système de l'importation temporaire. Son choix dépendra de son programme
d'exportation de produits transformés, mais aussi du régime fiscal plus ou moins favorable qui lui sera consenti par le législateur.

II

C'est le système adopté par le législateur italien et que nous devons maintenant retracer qui est à l'origine du litige.

1. L'impôt de consommation a été institué par un décret législatif du chef provisoire de l'État du. 14 octobre 1946. Il frappe selon un taux unique le cacao naturel ou façonné de quelque façon que ce soit, les pelures et pellicules, et le beurre de cacao. Sont toutefois exemptées de l'impôt les pelures et pellicules destinées à l'extraction de la théobromine, laquelle est un alcaloïde employé en médecine comme diurétique et tonicardiaque.

2. Le taux de l'impôt a été ensuite différencié par le décret législatif du 3 mai 1948, puis par l'article 13 du décret-loi du 11 mars 1950, converti en loi par la loi no 202 du 9 mars 1950. Il est fixé en vertu de ces deux derniers textes par quintal de poids net à :

a) 25000 lires pour le cacao en fèves non torréfié, les pelures et pellicules de cacao;

b) 27500 lires pour le cacao en fèves, torréfié, non décortiqué ;

c) 31250 lires pour le cacao torréfié, décortiqué, brisé, en pâte ou en poudre, et pour le beurre de cacao.

Par ailleurs, l'article 2 du décret législatif du 3 mai 1948 étend l'exemption de l'impôt aux pelures et pellicules destinées à la fabrication des succédanés de café.

3. Autre texte fort important, c'est la loi no 291 du 25 mai 1954 qui autorise l'importation temporaire du cacao en fèves non torréfié.

L'apurement des documents douaniers établis à l'occasion de l'admission temporaire se fait, pour cent kilos de cacao en fèves non torréfié, sur les bases suivantes :

— 40 kg de beurre de cacao;

— 40 kg de poudre de cacao d'une teneur en beurre inférieure à 1 %, assujettis, en cas de non-réexportation, à l'impôt de consommation correspondant à 32 kg de cacao en fèves;

— 13 kg de pelures et pellicules;

— 7 kg au titre de pertes, poussières, fèves gâtées et perte de poids consécutive à la torréfaction.

4. La Commission a estimé que l'application combinée de ces textes donnait naissance à une situation incompatible sur différents points que nous préciserons plus loin avec l'article 95 du traité. Aussi ses services adressèrent-ils à la représentation permanente de la République italienne entre avril 1965 et mars 1966 quatre demandes successives d'éclaircissements dont aucune ne fut honorée d'une réponse. Il en fut de même de la lettre du 19 juillet suivant par laquelle la Commission, se plaçant sur
le terrain de l'article 169 du traité, priait le gouvernement italien de présenter ses observations dans le délai de deux mois. Un avis motivé fut donc émis .le 17 janvier 1967, demandant qu'il fût mis fin dans les 30 jours aux manquements reprochés. Ce n'est que plus tard que les autorités italiennes, après avoir fait parvenir une note des administrations intéressées, se déclarèrent disposées à appuyer une proposition d'abrogation de la loi du 25 mai 1954 déposée par un parlementaire; encore
dans un premier temps posaient-elles comme condition que cette abrogation ne fût appliquée que progressivement. La proposition de loi n'étant pas arrivée à son terme, la Commission vous a saisis le 18 juin 1969 d'un recours qui reproduit les conclusions de son avis motivé du 17 janvier 1969.

5. Mais vous vous souvenez que, depuis lors, la loi no 684 du 1er octobre 1969 a transformé sur plusieurs points le régime fiscal du cacao.

D'une part, elle abroge l'article 13 du décret-loi du 11 mars 1950, modifie les différents taux de l'impôt de consommation, et crée un taux spécial — plus bas — pour la poudre de cacao d'une teneur en beurre de cacao inférieure à 1 % (17000 lires le quintal de poids net au lieu de 22500 pour la poudre d'une teneur supérieure).

D'autre part, elle modifie la loi du 25 mai 1954 sur l'importation temporaire de la façon suivante: les 40 kg de poudre de cacao obtenus par broyage de fèves de cacao importées sous le régime d'admission temporaire sont soumis, en cas de non-réexportation, à l'impôt de consommation frappant une même quantité de poudre d'une teneur en beurre inférieure à 1 %. Enfin, nous ne l'indiquons que pour mémoire, dans un autre domaine, la loi nouvelle prévoit un taux de 10 % pour la taxe sur le chiffre
d'affaires à liquider sur la base de la valeur d'importation du produit, taux qui couvre la taxe due pour les produits qui seraient par la suite obtenus à partir du produit importé.

Ces modifications de la législation rendaient-elles le recours sans objet? C'était l'avis de la défenderesse, mais ce ne fut pas celui de la Commission demanderesse qui, tant dans ses observations écrites que lors de la procédure orale, a maintenu une partie au moins de ses conclusions primitives. Elle a souligné à cette occasion que certaines dispositions nouvelles de la loi du 1er octobre 1969 consolidaient un manquement antérieurement reproché ou — c'était le cas de la taxe sur le chiffre
d'affaire — étaient de nature à l'aggraver. Il est évident que vous ne pouvez — la Commission ne l'a d'ailleurs pas formellement demandé — vous prononcer sur le manquement dont serait entachée la législation intervenue en cours d'instance. L'article 169 subordonne en effet la régularité de votre saisine à une procédure préalable, dont les contours sont définis de façon précise, qui comporte l'invitation adressée à l'État membre de fournir ses explications et l'émission d'un avis motivé assorti
d'un délai pour régulariser sa position conformément aux prescriptions du traité. En revanche, le fait qu'une législation nouvelle vienne modifier la situation en cours d'instance et fasse cesser le manquement à compter de son entrée en vigueur ne prive certainement pas la Commission de la faculté de vous demander de vous prononcer sur le manquement qui existait dans l'état de droit antérieur. C'est ce que dit très nettement votre arrêt 7-61 (19 décembre 1961, Commission de la CEE contre
gouvernement de la République italienne, VII-1961, p. 653).

C'est sous le bénéfice de ces observations que nous examinerons maintenant les divers griefs contenus dans le recours de la Commission en tant qu'ils visent la législation antérieure à la loi du 1er octobre 1969.

III

1. La Commission voit une première violation de l'article 95 du traité dans le fait que l'impôt frappe plus lourdement la poudre de cacao directement importée des autres États membres que la poudre, mise à la consommation en Italie, après avoir été obtenue sur le territoire national par broyage de fèves importées sous le régime de l'admission temporaire.

Dans le premier cas en effet, conformément au décret-loi du 11 mars 1950, la poudre de cacao importée est soumise au taux de 31250 lires le quintal, ou 312,50 lires le kilo. En revanche, en vertu des dispositions combinées du décret-loi et de la loi du 25 mai 1954, le kilo de poudre obtenu en Italie à partir de fèves importées sous le régime de l'admission temporaire acquitte, lorsqu'il est ensuite écoulé sur le marché national, un impôt de 200 lires (40 kg de poudre sont assujettis à l'impôt
afférent à 32 kg de cacao en fèves, dont le taux est de 250 lires au kg). Cette double réduction de l'assiette imposable et du taux dont bénéficient les produits fabriqués en Italie pour la consommation intérieure, à l'exclusion des produits importés, apparaît contraire à l'article 95 du traité. Aussi bien, comme l'admet la Commission, a-t-elle été corrigée par la loi du 1er octobre 1969 qui, dans le cas de l'espèce, frappe la poudre de cacao «nationale» selon son poids réel et au taux prévu pour
la poudre de cacao dont la teneur en beurre est inférieure à 1 % et met fin ainsi à l'infraction reprochée, mais la Commission ne vous demande pas moins de constater qu'il y a eu manquement jusqu'à cette date.

Elle est, pensons-nous, recevable à le faire, car, contrairement à ce que soutient la République italienne, elle n'a jamais renoncé, ni explicitement, ni implicitement, aux conclusions contenues dans son recours.

Elle y est également fondée, car le système critiqué aboutissait de toute évidence à frapper le produit importé plus lourdement que le produit national similaire. La similarité est en effet la condition nécessaire pour que la règle posée par l'article 95 trouve son application, mais elle existe en l'espèce. Lors de la procédure orale, l'agent du gouvernement italien l'a contesté en disant que l'on ne pouvait comparer les fèves de cacao, produits bruts importés, et les produits semi-finis, tels
que la poudre de cacao, dont la vocation économique est différente. Mais là n'est pas la question: il s'agit de régler le cas de la poudre de cacao qui présente les mêmes caractéristiques et a les mêmes utilisations, qu'elle soit directement importée ou qu'elle résulte de la transformation en Italie des fèves de cacao, et doit de ce fait être soumise dans les deux cas au même régime fiscal. On comprend d'autant moins la position du gouvernement italien que celui-ci soulignait dans sa duplique que
le système primitif d'imposition, en appliquant un taux unique d'imposition aux divers produits obtenus à partir du cacao en fèves, quelle que fût leur teneur en matière grasse, désavantageait l'industrie de transformation italienne, ce qui est en effet soutenable. A l'inverse, le régime critiqué par la Commission favorisait cette industrie transformatrice dans des conditions qui ne sont pas conformes à l'article 95. Enfin, le fait que le produit litigieux rentre dans le cadre du trafic de
perfectionnement ne peut s'opposer à ce qu'il soit fait application de l'article 95, dès lors que le produit importé et le produit «national» se trouvent au même stade de transformation. Sur ce premier point, la thèse de la Commission nous paraît donc fondée.

2. La Commission voit également une violation du même article du traité — c'est son second grief — dans le fait que l'incidence de l'impôt serait plus élevée sur la poudre, le beurre, les pelures et pellicules de cacao directement importés des autres États membres que sur les produits correspondants obtenus en Italie par broyage de fèves de cacao ayant fait, dès l'origine, l'objet d'une importation définitive.

Elle part de l'article 13 déjà cité du décret-loi du 11 mars 1950 et, transposant les rapports d'équivalence fixés par la loi du 25 mai 1954, elle aboutit aux constatations suivantes :

— 100 kg de cacao en fèves, non torréfié, importé définitivement (et desquels on doit tirer et vendre 40 kg de beurre, 40 kg de poudre et 13 kg de pelures et pellicules 7 kg étant déduits à titre de pertes) supportent un impôt de consommation de 25000 lires.

— Cet impôt est au contraire de 28250 lires au total pour l'importation des produits obtenus à l'étranger à partir de 100 kg de cacao en fèves sur la base du même rapport d'équivalence: soit une charge de 12500 lires pour 40 kg de beurre de cacao, de 12500 lires pour 40 kg de poudre et de 3250 lires pour 13 kg de pelures et pellicules.

La différence de 3250 lires qui résulte de cette comparaison et qui constituerait une discrimination contraire à l'article 95 du traité aurait ainsi son origine dans l'imposition frappant les 13 kg de pelures et pellicules importées à concurrence de ce même montant de 3250 lires.

C'est là que se trouve la difficulté, et l'agent du gouvernement italien n'avait pas tort de dire, dans ses observations orales, que toute la discussion tourne autour du régime fiscal, applicable aux pelures et pellicules. Il rappelait à ce sujet que ces déchets sont exonérés de l'impôt de consommation s'ils sont utilisés pour l'extraction de théobromine ou pour la fabrication de succédanés de café, cette exonératoin valant aussi bien pour les pelures et pellicules importées en tant que telles
des autres États membres que pour celles obtenues à l'intérieur à la suite du broyage de fèves de cacao importé (note 3 du chapitre XIII du régime douanier italien). D'autre part, ces déchets seraient exclusivement utilisés à ces deux usages: théobromine et succédanés de café, et la loi du 9 avril 1931 interdit d'ailleurs de les employer pour la production du cacao et du chocolat. Ce serait même pour renforcer cette interdiction et éviter toute falsification alimentaire possible que l'on a voulu
ultérieurement rendre antiéconomique leur utilisation en leur appliquant un impôt de 250 lires par kg, mais qui ne les frappe pas, comme on l'a dit, s'ils sont employés pour la fabrication de produits pharmaceutiques ou de succédanés de café. L'imposition des déchets est donc purement théorique, et le taux qui frappe l'importation de ceux-ci ne constitue qu'une arme de «dissuasion». Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'en tenir compte lorsque l'on compare l'impôt frappant globalement les
produits obtenus à l'étranger à partir de 100 kg de cacao en fèves et celui qui atteint le cacao en fèves importé définitivement. Il n'y a donc aucune discrimination.

La thèse du gouvernement italien qui a été longuement développée à la barre suppose que les pelures et pellicules ne peuvent être utilisées que pour les deux usages qu'il a indiqués ou du moins ne sont employées en fait qu'à cette fin. C'est donc sur ce terrain que s'est alors déplacée la discussion à la suite des questions que vous avez posées aux deux parties, et elle a pris un caractère à la fois technique et théorique qui permet difficilement de prendre parti.

Pour combattre la thèse de la défenderesse, la Commission, dans son télex no 3816 du 5 février, s'est référée à des ouvrages scientifiques (notamment Fincke - Handbuch fur Kakaoerzeugnisse). S'appuyant sur l'analyse chimique des coques et pellicules, elle considère que celles-ci peuvent recevoir des utilisations diverses, telles que la production ultérieure de beurre par extraction, des imitations de chocolat, des nourritures pour animaux, de matières colorantes et aromatiques. Confirmation de
cette idée se trouverait dans les notes explicatives de la nomenclature de Bruxelles qui ont reçu force légale en Italie. D'après les notes 1 et 3 de la position 18.02, on pourrait extraire du beurre de cacao des coques et pellicules qui se séparent des fèves au cours des opérations de torréfaction et de concassage parce qu'elles contiennent souvent des fragments d'amandes qui adhèrent aux pellicules et sont difficilement séparables; de même, les poussières qui proviennent du nettoyage des coques
dans les trieuses ont une teneur en graisse généralement suffisante pour en rendre l'extraction rentable. Dernier argument de la Commission: la loi italienne du 9 avril 1931 s'opposerait bien à l'emploi d'éléments d'écorce de la fève pour la fabrication de produits vendus sous la dénomination de cacao et de chocolat, mais non pour celle de succédanés de chocolat.

Ces indications sont certainement exactes sur le plan scientifique, mais on peut se demander si elles ne restent pas purement théoriques. Nous sommes ici dans le domaine de l'économie; aussi ne suffit-il pas qu'un produit puisse être tiré d'un autre produit en raison de sa composition chimique, encore faut-il, pour que l'opération soit tentée, qu'elle présente un minimum de rentabilité, du moins si l'on se trouve en dehors des périodes d'économie de guerre ou d'extrême pénurie.

Aux analyses de la Commission le gouvernement italien oppose que les matières grasses que l'on peut extraire des pelures et pellicules ne peuvent être classées ni comme beurre de cacao, ni comme graisse de cacao parce qu'elles contiennent en moyenne un pourcentage beaucoup trop élevé d'éléments insaponifiables; la quantité de ces matières grasses ne dépasserait pas d'ailleurs 325 grammes par 100 kg de fèves de cacao, ce qui rendrait cet élément négligeable. De même, l'utilisation des déchets
comme aliments du bétail serait non seulement antiéconomique, mais inadéquate, en raison de leur faible teneur en protéines et de leur taux élevé d'humidité; ils sont donc primés par des produits mieux adaptés. Quant à l'emploi pour la fabrication de matières colorantes et aromatiques, l'infériorité des qualités organoleptiques des déchets fait qu'il n'existe pas de demande sur le marché en ce qui les concerne. Enfin, la République italienne conteste que la loi du 9 avril 1931 permette
l'utilisation de succédanés de chocolat — et sur ce dernier point, la portée de l'article 4 de cette loi dont discutent les parties nous paraît douteuse.

Mais, sous cette réserve, nous sommes enclins à nous ranger à l'opinion du gouvernement italien qui nous paraît rester plus près des réalités économiques. Le professeur Fincke, dans différents endroits de son ouvrage, n'exclut pas que des déchets on puisse tirer tel ou tel produit, qui ne présente généralement que des qualités médiocres, mais il reconnaît aussi que cette opération est bien aléatoire, car «malgré les efforts, une utilisation quelque peu lucrative n'a pas encore été trouvée»
(Handbuch für Kakaoerzeugnisse, p. 367). Il semble donc bien en définitive que — mis à part leur emploi éventuel pour la fabrication du beurre ou de la poudre dans des conditions qu'interdit la législation de la plupart des pays — les pelures et pellicules ne peuvent servir que pour la théobromine ou les succédanés de café, ce qui entraîne l'exonération de l'impôt.

Il en résulte qu'à l'inverse du premier, le second manquement allégué par la Commission ne paraît pas établi et le recours sur ce point doit être rejeté.

3. Nous ne citerons que pour mémoire un troisième grief formulé par la Commission dans son recours: il était tiré de ce que la restitution de l'impôt de consommation à l'exportation des produits obtenus en Italie par broyage des fèves de cacao se faisait pour un montant supérieur à celui de l'impôt effectivement acquitté et était donc contraire à l'article 96 du traité.

Cette faculté de restitution était ouverte par l'article 4 du décret du chef provisoire de l'État du 14 octobre 1946, mais elle a été abrogée par l'article 3 du décret-loi du 3 mai 1948, et ainsi que l'agent du gouvernement italien l'a formellement déclaré à l'audience, elle n'existe plus sous aucune forme. La Commission a donc abandonné un grief sur lequel la défenderesse s'était expliquée pour la première fois dans la duplique qui n'avait soulevé de la part de la défenderesse aucune objection
au cours de la procédure précontentieuse et sur lequel elle s'est expliquée pour la première fois dans la duplique.

En définitive, nous concluons :

— à ce qu'il soit déclaré qu'en percevant, jusqu'à l'intervention de la loi du 1er octobre 1969, sur la poudre de cacao directement importée des États membres, un impôt de consommation supérieur à celui perçu sur la poudre obtenue en Italie par broyage de fèves de cacao importées sous le régime de l'admission temporaire, la République italienne a manqué aux obligations qui découlent pour elle de l'article 95 du traité;

— au rejet du surplus du recours de la Commission des Communautés européennes ;

— à ce que les dépens soient mis à la charge de la République italienne.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28-69
Date de la décision : 04/03/1970
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Impositions intérieures

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République italienne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gand
Rapporteur ?: Strauss

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1970:13

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