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10/12/1969 | CJUE | N°38-69

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 10 décembre 1969., Commission des Communautés européennes contre République italienne., 10/12/1969, 38-69


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND,

PRÉSENTÉES LE 10 DÉCEMBRE 1969

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Par le recours qu'elle a introduit devant vous sur la base de l'article 169 du traité, la Commission des Communautés européennes vous demande de dire que les droits de douane appliqués depuis le 1er janvier 1968 par la République italienne à l'importation du plomb brut (position tarifaire 78.01 A), du zinc brut (position 79.01 A), et dans certains cas à l'importation des déchets et débris de plomb (position 78.01

B) et des déchets de zinc (position 79.01 B) constituent un manquement aux obligations
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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND,

PRÉSENTÉES LE 10 DÉCEMBRE 1969

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Par le recours qu'elle a introduit devant vous sur la base de l'article 169 du traité, la Commission des Communautés européennes vous demande de dire que les droits de douane appliqués depuis le 1er janvier 1968 par la République italienne à l'importation du plomb brut (position tarifaire 78.01 A), du zinc brut (position 79.01 A), et dans certains cas à l'importation des déchets et débris de plomb (position 78.01 B) et des déchets de zinc (position 79.01 B) constituent un manquement aux obligations
incombant à cet État en vertu tant de la décision d'accélération du Conseil du 26 juillet 1966 que de l'article 23, paragraphe 1. c, du traité.

Il n'y a pas de discussion sur les droits effectivement appliqués au cours de la période litigieuse, et que nous préciserons tout à l'heure. En revanche, pour les raisons qu'elle a développées dans sa défense et lors de la procédure orale, la République italienne a toujours fermement contesté qu'elle fût tenue d'une obligation quelconque en vertu de cette décision du Conseil. Aussi, avant d'examiner l'argumentation respective des parties, convient-il de rappeler les textes qui se sont successivement
appliqués à la matière et qui sont à l'origine du litige.

I

1. Le plomb et le zinc, produits éminemment sensibles pour la République italienne et qui tiennent une place importante dans l'économie des zones les plus déshéritées de la Sardaigne, figurent sur la liste G annexée au traité de Rome. De ce fait, les droits du tarif douanier commun devaient en ce qui les concerne être fixés par voie de négociations entre les États membres, et l'ont été effectivement par l'accord du 2 mars 1960. Mais, en même temps, le protocole no XV relatif à ces deux produits
prévoit des dispositions destinées à répondre aux intérêts divergents des États membres. D'une part, à compter du premier alignement sur le tarif douanier commun, la Commission autorise sur leur demande la république fédérale d'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas à introduire des contingents tarifaires à droit nul d'un volume donné. D'autre part, les États membres expriment un «préjugé favorable» pour une application de l'article 226 du traité comportant un isolement pendant une période de six
ans à compter de la signature du protocole — c'est-à-dire jusqu'au 2 mars 1966 — du marché italien du plomb et du zinc, tant à l'égard des autres États membres que des pays tiers.

Pour nous en tenir a ce second aspect du problème, des décisions de la Commission des 27 juillet 1961 et 28 février 1962 ont autorisé respectivement l'Italie à maintenir jusqu'au 7 août 1962 les droits spécifiques minima en vigueur le 2 mars 1960, d'une part pour le plomb et le zinc bruts, d'autre part pour les déchets et débris de ces deux produits. Elles ont été successivement reconduites et aménagées par d'autres décisions qui tenaient compte du programme d'assainissement et de restructuration
de l'industrie minière et métallurgique engagé par le gouvernement italien pour ce secteur.

C'est ainsi qu en définitive une décision de la Commission du 6 juillet 1966, modifiée par des décisions des 22 mars et 1er août 1967, a autorisé la République italienne à frapper les importations en provenance des États membres et des pays tiers de droits supérieurs à ceux qu'aurait comporté l'application tant des dispositions du traité que des décisions d'accélération déjà intervenues. Cette décision avait effet jusqu'au 31 décembre 1967. Elle ne faisait droit que partiellement à la requête
présentée le 23 février précédent par le gouvernement italien, laquelle demandait d'une part le maintien jusqu'au 30 juin 1968 des mesures de sauvegarde autorisées par la décision du 20 décembre 1963, et d'autre part la fixation pour la période postérieure au 30 juin 1968 des échéances et modalités de la réalisation graduelle de l'abaissement des droits de douane intracommunautaires et de l'application intégrale du tarif douanier commun.

Par la suite, le gouvernement italien sollicita, le 7 décembre 1967, une nouvelle mesure de sauvegarde comportant le maintien jusqu'au 30 juin 1968 des droits autorisés par la décision du 6 juillet 1966 et l'application de droits réduits jusqu'au 31 décembre 1969, date à laquelle la fin de la période transitoire rendait impossible le recours à l'article 226. Sa demande fut rejetée par la Commission le 20 mars 1968. Une nouvelle demande présentée le 24 juin 1969 fut l'objet le 24 juillet 1969 d'un
nouveau refus.

2. Mais entre temps était intervenue la décision du Conseil du 26 juillet 1966 (JO no 165 du 21 septembre 1966, p. 2971/66) d'où provient tout le litige. Considérant que le développement économique au sein de la Communauté permet d'en venir plus tôt que prévu à la suppression totale des droits de douane à l'importation entre les États membres et à l'application intégrale du tarif douanier commun, le Conseil décide les mesures suivantes qui concernent tous les produits — à la seule exception des
produits agricoles figurant à l'annexe II du traité :

— pour les droits de douane intracommunautaires: abaissement du droit à 15 % du droit de base le 1er juillet 1967 et suppression du droit le 1er juillet 1968;

— pour le tarif douanier commun à l'importation en provenance des pays tiers: application de ce tarif à partir du 1er juillet 1968.

3. La thèse de la Commission est, dès lors, la suivante :

a) L'Italie ne bénéficiant plus d'aucune mesure de sauvegarde après le 31 décembre 1967 aurait dû appliquer à compter du 1er janvier 1968 la décision d'accélération du 26 juillet 1966dans les rapports intracommunautaires.

— Les droits de base étant au 1er janvier 1957 de 35 lires par kg pour le plomb et de 25 lires par kg pour le zinc, elle aurait dû percevoir respectivement 5 lires 25 et 3 lires 75 par kg jusqu'au 30 juin 1968, et supprimer toute perception après cette date. Or, il n'est pas contesté qu'elle a appliqué au cours du premier semestre 1968 des droits de 17 lires 5 pour le plomb et de 12 lires 5 pour le zinc, qui ont été ramenés par elle à compter du 1er juillet 1968 à 7 et 5 lires par kg.

En d'autres termes, elle a pratiqué du 1er janvier au 30 juin 1968 une réduction de 50 % du droit de base au lieu de la réduction de 85 % prévue par la décision d'accélération; elle a limité à partir du 1er juillet 1968 la réduction du droit à 80 % au lieu de le supprimer complètement.

— Pour les déchets et débris, sa poli-tique a été un peu différente.

Elle aurait dû au cours du 1er semestre 1968 appliquer des droits ad valorem de 1,5 % pour les déchets et débris de plomb, et de 1,65 % pour les déchets et débris de zinc. Elle a appliqué respectivement des droits de 5 et 5,5 %.

— A compter du 1er juillet 1968, elle ne pouvait plus percevoir aucun droit, et si elle n'en a effectivement plus perçu sur les déchets et débris de zinc, elle a au contraire maintenu pour les déchets et débris de plomb des droits variant de 3 lires 8 au kg à 6 lires 9, suivant la qualité de ces sous-produits.

b) Des manquements analogues lui ont été reprochés par la Commission, s'agis-sant des importations en provenance des pays tiers.

Pour la période allant du 1er janvier au 30 juin 1968, les obligations imposées à la République italienne découlaient, non de la décision d'accélération, mais directement de l'article 23, paragraphe 1, c, du traité. N'étant plus couverte par aucune mesure de sauvegarde, elle aurait dû, comme le prévoit cet article, appliquer la seconde réduction de 30 % de l'écart entre le taux effectivement appliqué au 1er janvier 1957 et celui du tarif douanier commun. D'autre part, à compter du 1er juillet
1968, elle aurait dû, en vertu cette fois de la décision d'accélération, appliquer intégralement le tarif douanier commun.

Or, il n'est pas conteste — sur ce point nous pouvons nous borner à renvoyer aux chiffres figurant au rapport d'audience — qu'au cours du premier semestre 1968 la République italienne a perçu des droits supérieurs à ceux qui auraient résulté de l'application de l'article 23, paragraphe 1, c, du traité, tant en ce qui concerne le plomb et le zinc que les déchets et débris de ces deux produits. Il est de même constant qu'à partir du 1er juillet 1968 elle n'a appliqué le tarif douanier commun qu'aux
déchets et débris, et a continué à percevoir des droits supérieurs à ce tarif pour les importations de plomb et de zinc.

C'est sur la base de ces constatations que la Commission a, par lettre du 13 septembre 1968, invité la République italienne à lui soumettre ses observations. Celles-ci ne lui ayant pas paru suffisantes, elle a émis le 2 avril 1969 un avis motivé sur les manquements qu'aurait commis la République italienne aux obligations qui lui auraient incombé en vertu tant de l'article 23, paragraphe 1, c, du traité que de la décision du Conseil du 26 juillet 1966, et c'est sur le fondement de ces deux textes
qu'elle vous a saisis.

II

Toute la discussion tourne autour de la portée qui doit être reconnue à la décision du Conseil du 26 juillet 1966. Lors de la séance au cours de laquelle elle a été adoptée, la République italienne a fait une déclaration selon laquelle la décision d'accélération ne pouvait entraîner renonciation de sa part aux mesures de protection dans le secteur du plomb et du zinc. Elle estime aujourd'hui que cette déclaration, acceptée sans objection par les autres États membres, doit être interprétée comme un
refus de se conformer à l'accélération de l'union douanière pour ces deux produits. Tant en droit international qu'en droit communautaire, a-t-il été soutenu lors de la procédure orale, lorsque les hautes parties contractantes engagent une négociation pour parvenir à un accord déterminé, les déclarations des parties, jointes à cet accord, ont la même valeur que l'instrument diplomatique lui-même.

Cette thèse appelle deux remarques.

1. La première est que, comme on le sait, les parties ne sont pas d'accord sur les termes de la déclaration faite en séance par le gouvernement italien. Vous avez au dossier les positions prises successivement par la délégation de ce pays lors des délibérations préparatoires des représentants permanents; elles se bornent tantôt à réserver la question, tantôt à appeler l'attention sur le problème posé par le protocole no XV, la délégation souhaitant que la décision d'accélération ne puisse constituer
un élément qui ferait obstacle à une application éventuelle de l'article 226 du traité. Sur ces textes il n'y a pas de discussion.

Mais il n'en est pas de même pour la séance du Conseil; vous vous trouvez en présence de deux versions.

L'une figure au projet de procès-verbal de la 191e session du Conseil de juillet 1966, document daté du 7 mai 1968. Le Conseil y marque son accord sur un certain nombre de déclarations :

— la première reconnaît que les clauses de sauvegarde ainsi que les autres dispositions du traité s'appliquent, s'agissant de l'exécution de la décision du Conseil;

— par la seconde, la délégation italienne appelle l'attention sur le problème posé par le protocole no XV, et sur l'application éventuelle de l'article 226, dans des termes très voisins de ceux que nous venons de dire. Le représentant de la Commission déclare alors que la décision du Conseil ne préjuge pas les critères d'application des mesures de sauvegarde nécessaires pour remédier à des difficultés graves et susceptibles de persister dans un secteur de l'activité économique ou à des
difficultés pouvant se traduire par l'altération grave d'une situation économique régionale au sens de l'article 226.

Mais il ne s'agit que d'un projet de procès-verbal qui n'a jamais, semble-t-il été approuvé, ni même fait l'objet d'une demande de rectification. Toutefois, lors de la procédure orale, l'agent du gouvernement italien a refusé d'y reconnaître la traduction exacte de la pensée de son gouvernement; le texte correct, tel qu'il vous en a donné lecture, devrait être le suivant : «La délégation italienne attire l'attention sur le problème posé par le protocole XV concernant le plomb et le zinc annexé à
l'accord relatif à la liste C. Cette délégation désire que la décision d'accélération ne constitue pas un élément à même de faire obstacle à une nécessité éventuelle de proroger le traitement douanier de soutien de l'industrie du plomb et du zinc, même par l'intermédiaire de l'article 226 du traité».

A la vérité, cette nouvelle rédaction ne nous paraît pas avoir une portée très différente de celle qui figure au projet de procès-verbal. Il y est question d'une application éventuelle de l'article 226; c'est un souhait qu'exprime la délégation italienne, mais il n'emporte pas de la part du Conseil, surtout si l'on rapproche la déclaration en question de celle de la Commission, la reconnaissance d'un droit inconditionnel pour la République italienne à bénéficier de nouvelles mesures de sauvegarde
dans les termes de l'article 226. Comme le dit la Commission, l'Italie a voulu avoir la confirmation — qui n'était pas nécessaire — que jusqu'au 31 décembre 1969 l'article 226 pourrait éventuellement être appliqué; il n'a jamais été dit qu'il le serait automatiquement.

2. Au surplus — c'est la seconde remarque qu'appelle la thèse du gouvernement italien — pour savoir quelle est la portée de la décision litigieuse, et si elle est susceptible de s'accommoder de réserves qui en atténueraient la portée, il faut considérer la nature juridique de cette décision, sa place dans le système du traité.

Or, sur ce point, il ne peut y avoir de doute. C'est une décision prise en vertu de l'article 235 du traité qui, une fois intervenue, emporte tous les effets que l'article 189 attribue à la décision.

Il n'est pas besoin de rappeler qu en vertu de l'article 235, si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du Marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation de l'Assemblée, prend les «dispositions appropriées».

C'est ce qui s'est produit en l'espèce. Si l'on se reporte aux motifs de la décision litigieuse, on y voit que l'un des objets de la Communauté consiste à réaliser dans les délais les plus courts le Marché commun, qu'une action de la Communauté est nécessaire à cette fin, et que le traité n'ayant pas prévu dans des dispositions spécifiques tous les pouvoirs d'action requis à cet effet, il convient de recourir à l'article 235 du traité. Il est fait mention de la proposition de la Commission et de
l'avis de l'Assemblée. C'est sur ces bases que le Conseil arrête sa décision, dont il est dit à l'article 4 que les destinataires sont les États membres.

Sans doute la forme que prend l'action du Conseil dans le cadre de l'article 235 peut-elle varier suivant les cas, puisqu'il est question dans cet article de «dispositions appropriées». Ce peut être un règlement (voir par ex. règlement 167/ 64 CEE du Conseil du 30 octobre 1964 relatif au prélèvement applicable à certains mélanges de produits laitiers et à certains préparations contenant du beurre, JO no 173 du 31 octobre 1964, p. 2752/64). Mais ce peut être, comme en l'espèce, une décision au
sens que l'article 189 donne à ce terme, et donc «obligatoire en tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne». Sans doute est-elle assujettie à des procédures particulières et nécessite-t-elle l'accord unanime du Conseil, mais ces conditions une fois remplies — et elles l'ont été au cas qui nous occupe — elle rentre dans le droit commun de l'article 189. Aussi ne pouvons-nous partager l'opinion exprimée à la barre par l'agent de la République italienne lorsqu'il parlait de «cet
accord qui est appelé décision, mais qui est en fait un accord international». C'est vouloir vous entraîner sur le terrain mouvant des décisions des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, telles que les deux précédentes décisions d'accélération des 12 mai 1960 et 15 mai 1962. Or, à la différence de ce qui s'était passé alors, nous nous trouvons ici en présence d'un acte d'une institution pleinement et uniquement communautaire, qui, une fois intervenu,
s'impose aux destinataires qu'il désigne — c'est-à-dire aux États membres, — sans pouvoir faire l'objet de la part de ceux-ci d'un refus d'application ou d'une réserve, et contre lequel n'existe que le recours à l'article 173.

Si l'on voulait une preuve supplémentaire de ce que l'acte pris par le Conseil est bien une décision au sens précis donné à ce terme par l'article 189, il suffirait de relever la terminologie employée dans les diverses versions linguistiques du texte. Cet acte est intitulé en allemand «Entscheidung» et en néerlandais «Beschikking», qui sont les vocables utilisés à l'article 189, alors que, par exemple, pour les décisions d'accélération émanant des représentants des gouvernements des États membres
réunis au sein du Conseil, on s'est servi des vocables plus larges et moins précis de «Beschluss» et «Besluit».

Quoi qu'il en soit, le texte de la décision litigieuse est parfaitement clair. Mis à part les produits agricoles de l'annexe II, elle s'applique à tout ce qui fait l'objet du tarif douanier; elle ne comporte aucune exception, ni restriction, ni tempérament, ni délai pour quelque produit que ce soit, et notamment pour le plomb et le zinc. Conformément à votre doctrine constante, il n'y a donc pas lieu de se référer aux travaux préparatoires; il suffît d'appliquer le texte tel qu'il est.

III

Au surplus, la critique de la République italienne, telle que nous l'avons rappelée, est exclusivement dirigée contre la décision du Conseil du 26 juillet 1966.

Même si, comme elle le demande, on écartait l'application de cette décision, elle resterait tenue, pour les importations en provenance des pays tiers, par l'article 23, paragraphe 1, c, du traité qui l'obligeait à pratiquer une seconde réduction de 30 % de l'écart entre le taux effectivement appliqué au 1er janvier 1957 et le tarif douanier commun. De ce texte, elle ne parle pas. Elle ne peut cependant l'écarter implicitement qu'en invoquant une sorte de droit à bénéficier de mesures de sauvegarde
pour l'industrie du plomb et du zinc.

Mais on ne voit pas sur quelle base ce droit pourrait lui être reconnu.

Ce n'est pas en tout cas sur le fondement du protocole no XV. Lors de la signature de celui-ci, les États membres avaient bien exprimé un «préjugé favorable» pour l'application de l'article 226 pendant une durée de 6 ans. Dans une espèce analogue, s'agissant du protocole no VIII sur la soie, vous avez considéré qu'un tel préjugé constituait une orientation dont la Commission devait tenir compte, sans cependant être tenue d'une obligation juridique précise, car elle conservait son entier pouvoir
d'appréciation (aff. 32-64, République italienne c/Com-mission de la CEE, 17 juin 1965, Recueil, XI-1965, p. 485). A plus forte raison en est-il ainsi lorsque, comme au cas présent, le délai de 6 ans prévu par le protocole est expiré.

Sans doute la République italienne avait-elle toujours le droit, lorsque la dernière mesure de sauvegarde a cessé d'avoir effet au 31 décembre 1967, de solliciter son renouvellement, et elle n'a pas manqué de le faire, mais il appartenait à la Commission d'apprécier s'il y avait lieu ou non de donner suite à ses demandes. Les fins de non recevoir qui lui ont été opposées pouvaient justifier de sa part un recours contentieux dans les conditions prévues à l'article 173, mais non un refus de se
conformer aux obligations qui découlaient pour elle de la décision du Conseil du 26 juillet 1966 et de l'article 23, paragraphe 1, c, du traité. Et, contrairement à ce que paraît croire la République italienne, il n'y a aucune contradiction de la part de la Commission à soutenir en même temps que les manquements qui lui sont reprochés portent sur la violation de la décision du Conseil et de l'article 23 du traité, et qu'elle aurait dû attaquer le refus opposé à ses demandes de mesures de sauvegarde.
Sur ce dernier terrain seulement, elle aurait pu invoquer utilement les considérations qu'elle a longuement développées sur la situation particulière de l'extraction du plomb et du zinc en Sardaigne, et qui, si intéressantes qu'elles soient, échappent entièrement à votre appréciation dans le cadre du présent litige.

Sous le bénéfice de ces observations, nos conclusions sont les suivantes :

1. Au cours du premier semestre de 1968, la République italienne a appliqué, aux importations en provenance des autres États membres de plomb brut, de zinc brut, de déchets et débris de ces produits des droits de douane supérieurs à 15 % des droits de douane appliqués au 1er janvier 1967. Elle a sur ce point manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 1 de la décision du Conseil du 26 juillet 1966.

Au cours de la même période, elle a appliqué aux importations des mêmes produits en provenance des pays tiers des droits de douane supérieurs aux droits effectivement appliqués au 1er janvier 1957 diminués de la différence entre ces derniers droits et ceux du tarif douanier. Elle a sur ce point méconnu les dispositions de l'article 23, paragraphe 1, c, du traité.

2. Le 1er juillet 1968, elle n'a pas supprimé les droits de douane sur les importations en provenance des autres États membres de plomb brut, de zinc brut et de déchets et débris de plomb; elle n'a pas, à la même date, appliqué les droits du tarif douanier commun au plomb brut et au zinc brut importés des pays tiers. Ce faisant, elle a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des articles 1 et 2 de la décision du Conseil.

Nous concluons enfin à ce que les dépens soient mis à la charge de la République italienne.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38-69
Date de la décision : 10/12/1969
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Mesures de sauvegarde

Tarif douanier commun


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République italienne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gand
Rapporteur ?: Pescatore

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1969:72

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