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12/06/1968 | CJUE | N°4-68

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 12 juin 1968., Firma Schwarzwaldmilch GmbH contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Fette., 12/06/1968, 4-68


Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand,

présentées le 12 juin 1968

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

L'article 11 du règlement du Conseil 13/64 portant établissement graduel d'une organisation commune des marchés dans le secteur du lait subordonne la délivrance par l'État membre du certificat nécessaire pour toute importation à la constitution d'une caution garantissant l'engagement d'importer pendant la durée de validité du certificat. Ce système que l'on retrouve généralement dans les organisations communes de marchés vise Ã

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Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand,

présentées le 12 juin 1968

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

L'article 11 du règlement du Conseil 13/64 portant établissement graduel d'une organisation commune des marchés dans le secteur du lait subordonne la délivrance par l'État membre du certificat nécessaire pour toute importation à la constitution d'une caution garantissant l'engagement d'importer pendant la durée de validité du certificat. Ce système que l'on retrouve généralement dans les organisations communes de marchés vise à obtenir une vue aussi précise que possible des importations à prévoir au
cours d'une période déterminée ainsi que de l'évolution probable du marché; il doit permettre de prendre à temps les mesures de sauvegarde habituelles au cas où des perturbations graves se produiraient. Mais il faut, pour qu'il soit efficace, que les quantités indiquées dans les certificats soient effectivement importées, et la caution a pour objet d'assurer le sérieux de l'opération. Elle reste acquise au cas où l'importation n'est pas réalisée dans le délai, sauf cas de force majeure qui doivent
être arrêtés par un règlement de la Commission.

Tel est l'objet de l'article 6 du règlement 136/64 dont le schéma est le suivant:

— Par dérogation au principe posé au paragraphe 1, le paragraphe 2 dispose que si l'importation ne peut être effectuée par suite d'un cas de force majeure, l'État membre décide que l'obligation d'importer est annulée et que la caution n'est pas acquise; cet État a par ailleurs la faculté de prolonger, sur demande de l'intéressé, la durée de validité du certificat pour le délai qu'il estime nécessaire en raison de la circonstance invoquée.

— Le paragraphe 3 ajoute que les cas de force majeure au sens du paragraphe 2 peuvent résulter des circonstances qu'il énumère et qui vont de la guerre et des troubles à la grève, en passant par la panne de machine, les avaries du navire ou les avaries de la cargaison.

— Enfin, le paragraphe 4 prévoit la possibilité pour les États membres d'admettre comme cas de force majeure au sens du paragraphe 2 des cas autres que ceux résultant des circonstances visées au paragraphe 3, à charge pour eux d'en aviser immédiatement la Commission.

Ce sont ces différentes dispositions que le Verwaltungsgericht de Francfort vous demande d'interpréter à l'occasion d'un litige qui oppose devant lui un importateur à l'Einfuhr- und Vorratsstelle für Fette (office d'importation et de stockage des graisses) et qui est né dans les conditions suivantes: la Firme Schwarzwaldmilch s'est vu retenir la caution qu'elle avait déposée pour la délivrance d'un certificat d'importation de 100000 kg de poudre de lait écrémé en provenance de France, au motif que
cette importation n'avait pas été réalisée avant l'expiration de la durée de validité du certificat, soit le 28 février 1967. Elle a fait valoir qu'elle avait commandé la marchandise en temps voulu à la Laiterie centrale de Strasbourg qui ne l'avait informée que le 20 février 1967 qu'elle ne serait pas en mesure d'effectuer la livraison en raison d'une grave panne de machine dans ses installations de production; il n'était plus possible à cette date à l'acheteur de se procurer en France le produit à
des conditions acceptables. L'inexécution de son obligation n'étant pas imputable à une faute de sa part devait selon elle être considérée comme due à un cas de force majeure au sens de l'article 6, paragraphe 2. Cette thèse a été contestée par l'Einfuhr- und Vorratsstelle qui s'est refusée à admettre l'existence d'un rapport de cause à effet entre les faits allégués et le défaut d'importation.

La juridiction administrative allemande a estime ne pas pouvoir choisir, en l'état, entre ces deux positions. Aussi vous saisit-elle, sur le sens de l'article 6 du règlement 136/64, de cinq questions dont certaines peuvent apparaître comme fort délicates.

A — La première question peut être résolue, semble-t-il, sans difficulté. Nous avons dit que, dans la thèse de la requérante au principal, l'importation n'avait pu être réalisée en raison de pannes de machines de l'entreprise strasbourgeoise. Or, le paragraphe 3 de l'article 6 prévoit, parmi les circonstances d'où peuvent résulter des cas de force majeure, la panne de machine. Le juge allemand se demande si cette notion vise uniquement les pannes survenant aux machines de navires, ou si elle
comprend également celles qui peuvent atteindre d'autres machines, en particulier celles d'une laiterie. Il note que le contexte incline vers la première interprétation alors que la lettre du texte permet la seconde.

Il faut certainement retenir la première interprétation. Les cas évoqués au paragraphe litigieux peuvent en effet être classés en deux catégories: l'une se réfère aux obstacles généraux au commerce tels que guerre et troubles, interdiction d'exportation ou d'importation édictée par les États, et grève (art. 6, paragraphe: 3, a, b, f), l'autre prend en considération des circonstances qui se rapportent toutes au transport, et plus précisément même au transport maritime: entraves mises à la
navigation par des actes de souveraineté — naufrage — interruption de la navigation en période de gel ou de basses eaux (art. 6, paragraphe 3, c, d, g). Enfin — c'est la disposition à interpréter — sous la lettre e figure la mention «panne de machine, avaries du navire ou avaries de la cargaison». L'expression «panne de machine» se trouve ainsi suivre directement l'entrave à la navigation et le naufrage; elle est d'autre part accolée à des circonstances qui sont propres à la navigation; il faut
donc considérer qu'elle ne vise pas n'importe quelle difficulté mécanique survenant au cours du processus de fabrication, mais seulement la panne au cours du transport. On sait que l'article 6 est largement inspiré du règlement 87 sur les céréales, lequel s'inspirait lui-même des clauses figurant dans les contrats-type du commerce international. C'est en fonction des modalités habituelles de transport des céréales que le texte mentionne des hypothèses qui touchent la navigation maritime; ces
hypothèses peuvent raisonnablement être adaptées et étendues à d'autres modes de transport, fluvial ou ferroviaire, mais il n'est pas possible d'aller plus loin: la panne de machine de l'entreprise de production n'entre certainement pas dans les prévisions de l'article 6, paragraphe 3.

B — Évoquant ensuite le paragraphe 4 du même article, le Verwaltungsgericht vous demande s'il habilite les tribunaux des États membres à admettre comme cas de force majeure des circonstances autres que celles mentionnées au paragraphe 3.

La disposition litigieuse se lit comme suit:

«Si les États membres admettent comme cas de force majeure au sens du paragraphe 2 des cas autres que ceux résultant des circonstances visées au paragraphe 3, ils en avisent immédiatement la Commission.»

Ce texte, qu'éclairent d'ailleurs les considérants qui précèdent le règlement, autorise sans aucun doute les États membres à compléter une liste qui ne peut être établie de façon exhaustive. Son libellé et le rapprochement avec le paragraphe précédent, inciteraient d'abord à le faire interpréter comme une habilitation donnée à l'État législateur de prendre des mesures normatives définissant les circonstances susceptibles de constituer un cas de force majeure, mesures dont il appartiendrait
ensuite au service national compétent — ici l'Einfuhr- und Vorratsstelle — de faire application à chaque cas particulier. Mais il n'est pas plus possible à l'État qu'à la Commission de donner à l'avance une liste exhaustive de ces circonstances, et si l'on en croit les indications données dans la procédure écrite, aucun État membre ne s'y est jamais essayé.

La pratique suivie jusqu'à présent — qui paraît la seule réaliste — consiste en ceci que l'autorité administrative compétente pour prononcer la retenue de la caution examine à propos de chaque cas d'espèce si la circonstance invoquée peut ou non être admise comme cas de force majeure. Dans l'affirmative, elle informe la Commission. Celle-ci, qui est sans pouvoir pour annuler la décision de l'organisme national, peut ainsi s'assurer que la politique suivie dans les différents États membres est
suffisamment cohérente, faute de quoi il lui appartiendrait d'agir par voie de règlement ou de directive.

Cela étant posé, les juridictions des États membres exercent sur les décisions individuelles prises par le service administratif compétent le contrôle que reconnaît la législation nationale. C'est bien ainsi que les choses se sont passées en l'espèce: le refus de l'Einfuhr- und Vorratsstelle de rembourser la caution a été déféré par l'entreprise Schwarzwaldmilch au Verwaltungsgericht; il appartient à celui-ci, le cas échéant après interprétation par vous de l'article 6 du règlement, de dire si
la circonstance invoquée était ou non constitutive de force majeure et aurait dû de ce fait conduire l'office à décider le remboursement de la caution.

C — Les trois autres questions appellent, comme on le verra, un examen commun. Le juge allemand vous demande d'abord comment il faut interpréter la notion de «force majeure» figurant à l'article 6, paragraphes 2 à 4, du règlement 136, puis si cet article exige un lien direct de cause à effet entre la circonstance invoquée comme cas de force majeure et l'inexécution de l'importation, enfin si le fait que, compte tenu de cette circonstance, l'exécution de l'opération entraîne pour l'importateur des
difficultés économiques considérables et ne peut avoir lieu qu'au prix de sacrifices excessifs suffit pour que l'article 6, paragraphe 2, soit applicable.

Ces trois questions sont donc étroitement liées. La première a une portée générale, elle tend à obtenir une définition «communautaire» de la notion de force majeure, cela en raison des divergences que le juge allemand croit déceler entre la conception qu'en a son droit national et celle qu'admet le droit français, compte tenu aussi de la thèse soutenue par le requérant et selon laquelle la perte de la caution revêtant un caractère pénal ne pourrait, selon les principes du droit constitutionnel
allemand, être prononcée que si l'inexécution de l'obligation d'importer était imputable à une faute de l'importateur. Les deux autres questions ne visent qu'à préciser sur certains points, eu égard aux circonstances de l'affaire, les conditions auxquelles devrait être subordonnée la reconnaissance d'un cas de force majeure.

1. La Commission fait remarquer avec raison que les questions posées ne relèvent de votre compétence que si la notion de force majeure telle qu'elle est prévue dans le règlement constitue un concept autonome, de droit communautaire, qui doit être interprété et appliqué de façon uniforme dans les six États membres; ce n'est que dans ce cas en effet que l'article 177 du traité vous attribue compétence pour en donner véritablement l'interprétation. Plus exactement, dans le cas contraire, votre rôle se
bornerait à affirmer, sans aller plus avant, que la notion relève du seul droit national, et à laisser le juge résoudre les questions posées selon son propre système juridique.

A l'appui de cette dernière solution, on pourrait retenir que l'organisation des marchés du lait telle qu'elle résulte du règlement 13/64 ne supprime pas les marchés nationaux mais laisse aux États membres d'importantes attributions: ce sont eux qui délivrent les certificats d'importation, surveillent l'évolution de leur marché, ont qualité pour déclencher l'application des clauses de sauvegarde. Par ailleurs, l'habilitation que leur confère l'article 6, paragraphe 4, pour reconnaître des cas de
force majeure autres que ceux énoncés par le règlement ne devrait-elle pas conduire à admettre qu'ils peuvent se déterminer selon les critères de leur droit national? Mais ce serait méconnaître que le règlement, directement applicable dans tous les États membres, fixe un système uniforme de certificats d'importation, pose le principe que la caution est retenue en cas de défaut de réalisation de l'opération, et énumère un certain nombre de circonstances qui, partout dans la Communauté, constituent
des cas de force majeure. L'uniformité d'application doit donc logiquement s'étendre aux hypothèses pour lesquelles la décision est laissée aux États membres; c'est d'ailleurs la raison d'être de la disposition du paragraphe 4 qui prévoit que ces États informent immédiatement la Commission: il faut que celle-ci puisse veiller à une application suffisamment cohérente du système dans l'ensemble de la Communauté. Il n'en peut être ainsi que si l'on reconnaît à la notion de force majeure dont parle
le règlement le caractère d'une disposition autonome de droit communautaire dont il vous appartient de définir le sens et la portée.

2. Selon quels critères doit se faire cette définition?

Dans ses observations, la Commission part de l'idée que cette notion, empruntée aux droits des États membres, ne saurait avoir dans le domaine communautaire une signification autre que dans ces droits. La définition à en donner doit donc partir des principes susceptibles d'être empruntés, «au titre de principes communs», à ces divers systèmes juridiques, étant précisé que seul le champ d'application de la force majeure est généralement fixé par le législateur national, alors que les règles
d'interprétation et d'application de la notion émanent des praticiens.

Sur ces bases la Commission croit pouvoir affirmer que les droits nationaux concordent en ce qu'ils n'admettent généralement comme force majeure que les cas où l'impossibilité d'exécuter découle d'un événement extraordinaire, imprévu, étranger au débiteur de l'obligation, c'est-à-dire que celui-ci n'a pas provoqué par sa faute, et qu'il ne pouvait ni prévoir, ni éviter. Tout en admettant que ces principes ont fait l'objet d'interprétations spécifiques selon les conceptions particulières aux
différents systèmes juridiques, la Commission estime qu'il faut partir de ces points communs pour tracer le cadre de l'article 6, en fonction de l'objectif auquel répond le règlement 136/64. On précisera ici qu'à l'appui de sa thèse sur le caractère identique de la notion de force majeure dans le droit des États membres, elle donne des références empruntées soit à la doctrine, soit à la jurisprudence des six États.

Cette thèse nous paraît cependant appeler de sérieuses réserves.

En premier lieu, vous n'êtes pas ici dans un cas où le texte vous fait obligation — comme l'article 215 du traité — de vous référer aux «principes généraux communs aux droits des États membres». D'autre part, et tout en reconnaissant que nous n'avons pas procédé à une étude exhaustive de droit comparé sur la force majeure dans les six États de la Communauté, il nous paraît dès à présent impossible de dégager une idée véritablement commune de cette notion dont, sinon le principe de base, du moins les
modalités pratiques d'application peuvent différer d'un État à l'autre, et à l'intérieur d'un même pays suivant qu'elle s'applique à l'une ou l'autre branche du droit.

Pour ne prendre que quelques exemples, le juge qui vous a saisis relevait déjà que les définitions étaient différentes dans les ordres juridiques allemand et français. Dans le premier de ces États, le plus souvent la notion de force majeure reçoit une interprétation objective et il n'y a force majeure que si l'action ou l'événement qui a causé le préjudice se situe en dehors de la sphère d'activité de l'entrepreneur; dans d'autres domaines au contraire, on adopte un critère subjectif qui tient
compte de la personnalité de l'intéressé, des circonstances concrètes dans lesquelles il se trouvait, sans qu'il soit nécessaire de savoir si l'événement se situait ou non dans sa sphère d'activité (Coing, dans: Staudingers Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, vol. I, p. 1134 à 1137). Quant au droit français, pour nous en tenir à la matière des contrats, si les mêmes notions sont valables en droit administratif comme en droit civil, si la force majeure résulte toujours d'événements extérieurs à
l'activité du débiteur, ayant un caractère insurmontable et imprévisible, dans l'application la juridiction administrative se montre généralement plus sévère pour admettre que ces conditions sont réunies (Répertoire de droit administratif, V. Force majeure — de Laubadère — Traité des contrats administratifs).

Enfin, sans entrer ici dans le détail des développements par lesquels la Commission répond aux divers points évoqués par le juge allemand, ses observations paraissent parfois apprécier avec une certaine souplesse, dans le cadre des faits de la cause, la notion de force majeure. Sans doute parce que, comme elle le dit, l'application des principes généraux dont elle se réclame doit se faire «en fonction de l'objectif poursuivi par les certificats d'importations en général et par la caution en
particulier». Mais n'est-ce pas enlever ainsi une grande partie de sa portée à une notion qui devrait logiquement être valable pour l'ensemble du droit communautaire?

3. Il nous semble en effet que, pour interpréter la notion de force majeure inscrite à l'article 6, paragraphe 2, du règlement 136/64, il faut s'attacher moins à des principes généraux qu'à l'esprit de ce règlement, aux raisons qui justifient l'exigence de certificats d'importation et de cautions, à la balance qu'il faut faire de ces intérêts publics et de ceux des importateurs. Peut-être arrivera-t-on ainsi en fait à des solutions très voisines de celles de la Commission, mais qui n'auront qu'un
caractère pragmatique et limité au règlement litigieux.

Le système des certificats, nous l'avons dit, a pour objet de donner une vue aussi exacte que possible du volume des importations qui se réaliseront au cours d'une période et de permettre de prévoir l'évolution probable du marché du point de vue des quantités ou des prix; comme on l'a indiqué à l'audience, les statistiques douanières qui portent sur des importations déjà réalisées ne peuvent rendre le même service. Pour que l'objectif recherché soit atteint, il est nécessaire que les quantités
indiquées dans les certificats accordés soient effectivement importées dans le délai de validité de ceux-ci. La constitution d'une caution qui reste acquise en cas de défaillance de l'importateur non justifiée par un cas de force majeure garantit le sérieux des demandes et évite d'éventuelles manœuvres spéculatives. Mais c'est essentiellement une arme de dissuasion; à partir du moment où fonctionne régulièrement un régime qui subordonne toute demande de certificat au versement d'une caution, il y
a peu de chance pour que les importateurs s'engagent à la légère et risquent de s'exposer par leur faute à se voir retenir le versement qu'ils ont dû effectuer. La simple existence du mécanisme suffit sans doute à éviter toute tentative d'abus, dont il ne faut pas exagérer l'importance pratique. Cela conduit à penser que la finalité de la disposition litigieuse n'impose pas impérieusement une interprétation rigoureuse, mais permet une appréciation raisonnable des cas où la caution pourra être
restituée, malgré le défaut de réalisation de l'importation. A quelles conditions, c'est ce qu'il nous reste à examiner.

4. Il faut d'abord, bien entendu, que le fait qui a empêché l'exécution de l'importation ne soit pas imputable à l'importateur lui-même. La requérante a soutenu, on le sait, que la restitution de la caution ne pouvait être subordonnée qu'à l'absence de faute et elle a fondé sa thèse sur les dispositions constitutionnelles allemandes relatives à l'infliction des peines, mais son argumentation est inopérante, car les règles invoquées ne concernent en droit allemand que les peines et sanctions frappant
les infractions à la loi pénale.

Il y a cependant une raison d'exiger de l'importateur plus qu'une absence de faute. Le certificat ne constitue pas seulement une autorisation, mais aussi une obligation d'importer; on est donc en droit de demander à son titulaire de veiller à la réalisation de celle-ci, même dans la mesure où elle met en jeu d'autres que lui-même, en d'autres termes d'écarter l'entrave à l'importation dans la mesure où il pourrait le faire. Quelle est sur ce point la limite de son obligation?

— Il faut qu'il n'ait pu prévoir l'obstacle, et ici on peut se montrer plus ou moins large suivant les cas d'espèce pour reconnaître ou non l'imprévisibilité. La Commission estime que c'est seulement en cas de circonstances exceptionnelles que l'on peut admettre une certaine présomption d'imprévisibilité et qu'il faut toujours compter avec des retards dans la fabrication ou le transport de la marchandise. Cette formule demanderait sans doute à être nuancée, car on peut en effet toujours envisager
l'éventualité de tels retards, mais pas nécessairement leur durée exacte qui peut rendre l'importation impossible dans le délai du certificat.

— Il faut aussi qu'il n'ait pu être paré aux conséquences du fait qui s'opposait à l'importation. On retrouve ici la dernière question posée par le juge allemand sur le point de savoir si le fait que l'exécution de l'importation entraîne pour l'importateur des difficultés économiques considérables et ne pourrait avoir lieu qu'au prix de sacrifices économiques excessifs est suffisant pour rendre applicable l'article 6, paragraphe 2, du règlement. La réponse nous paraît devoir être affirmative.
L'intérêt public que présente le régime de la caution n'est pas tel qu'on puisse exiger de l'importateur qu'il engage des frais supplémentaires considérables pour respecter l'obligation à lui imposée. Mais ce sera une question de fait qui pourra avoir d'importantes conséquences que de savoir à partir de quand l'importateur, ayant eu connaissance de l'obstacle, pourra tenter de le tourner.

— Enfin, le Verwaltungsgericht vous demande s'il faut exiger un lien direct de cause à effet entre la circonstance invoquée comme cas de force majeure et l'inexécution de l'importation.

Certes plusieurs causes peuvent jouer simultanément ou concurremment; on doit donc apprécier quelle a été en fait la cause déterminante de l'absence d'importation, et il faut pour qu'il y ait force majeure qu'il y ait un rapport nécessaire entre la circonstance alléguée et le défaut de réalisation de l'opération, mais cela n'implique pas que l'on ne tienne compte que de la circonstance la plus récente pour écarter des événements plus anciens qui peuvent aussi être déterminants.

Les conclusions auxquelles nous arrivons ainsi sont donc très voisines de celles que vous a proposées la Commission. Elles en diffèrent surtout dans la mesure où, se limitant au cas du règlement litigieux, elles ne prétendent aucunement préjuger, ou même esquisser, une notion de la force majeure en droit communautaire.

En définitive, il pourrait être répondu au juge allemand sur la base des propositions suivantes:

1. La notion de panne de machine n'englobe pas les pannes survenant à des machines de laiterie.

2. Les tribunaux des États membres sont habilités à admettre comme cas de force majeure des circonstances autres que celles visées au paragraphe 3 de l'article 6 du règlement.

3. Au sens de ce règlement, il y a force majeure lorsque, du fait de circonstances étrangères à l'importateur et qu'il ne pouvait prévoir, l'exécution de l'importation se trouve rendue matériellement impossible ou soumise à des difficultés telles que sa réalisation nécessiterait de la part du titulaire de la licence l'engagement de dépenses qui ne peuvent être raisonnablement exigées de lui.

Nous concluons enfin à ce qu'il soit statué sur les dépens de la présente affaire par le Verwaltungsgericht de Francfort.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4-68
Date de la décision : 12/06/1968
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne.

Agriculture et Pêche

Produits laitiers


Parties
Demandeurs : Firma Schwarzwaldmilch GmbH
Défendeurs : Einfuhr- und Vorratsstelle für Fette.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gand
Rapporteur ?: Trabucchi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1968:33

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