Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand,
présentées le 14 décembre 1966
Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
Deux recours ont été formés respectivement sous les numéros 25-65 et 26-65 par deux entreprises sidérurgiques italiennes, Simet et Feram, contre les décisions individuelles de la Haute Autorité du 11 février 1965 fixant, au titre de contribution au mécanisme de péréquation des ferrailles, les obligations de la première de ces sociétés à 252974228 lires, et celles de la seconde à 105899634 lires. Ces deux recours sont dirigés également contre la décision générale 7-63 du 3 avril 1963 relative à
l'établissement des décomptes de péréquation de ferraille importée.
Vous les avez joints aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, bien que les problèmes posés par les deux affaires soient trés différents: Simet a fait l'objet d'une évaluation par la méthode inductive basée sur sa consommation d'électricité, et Feram a été imposée d'après ses déclarations. Cette jonction nous conduira à présenter des conclusions communes, et notre examen portera successivement sur la recevabilité des recours, puis sur les critiques qu'ils comportent tous deux contre la décision
générale 7-63, enfin sur les griefs dirigés contre chacune des décisions individuelles attaquées.
I — Recevabilité des recours
1. La Haute Autorité soutient d'abord que les deux recours sont tardifs. En effet, les sociétés requérantes ont respectivement reçu notification des décisions attaquées le 20 mars 1965 pour Simet, le 19 mars 1965 pour Feram. Leurs recours, expédiés de Turin le 21 avril par colis postal recommandé, sont parvenus en douane de Luxembourg le vendredi 30 avril à 17 h, mais, en raison des deux jours fériés qui ont suivi (samedi 1er mai et dimanche 2), la Cour n'en a été informée que le 3 mai et en a pris
livraison le 4, date à laquelle ils ont été enregistrés. La Haute Autorité relève que, compte tenu des délais de distance prévus pour l'Italie, ils auraient dû parvenir au greffe au plus tard le 30 avril pour Simet, le 29 avril pour Feram. C'est ce qu'elle a soutenu par deux demandes fondées sur l'article 91 du règlement de procédure, mais, vous vous en souvenez, des ordonnances du 13 juillet 1965 ont joint les incidents au fond.
Les règles dont vous avez à faire application sont les suivantes.
Aux termes de l'article 33, alinéa 3, du traité C.E.C.A., les recours doivent être formés dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'acte attaqué. L'article 81 du règlement de procédure précise que ce délai commence à courir le lendemain du jour où l'intéressé a reçu notification de l'acte. On notera que, contrairement à ce que dit la Haute Autorité, il ne s'agit pas d'un délai de 30 jours, mais d'un mois, qui peut donc légèrement varier suivant le nombre de jours que comportent
les divers mois de l'année. En d'autres termes, lorsqu'une entreprise a reçu notification d'une décision le 20 d'un mois quelconque, le délai commence à courir le 21 pour se terminer dans tous les cas le 20 du mois suivant au soir.
A cela s'ajoutent les délais de distance qu'établit votre règlement, ainsi que l'article 39 du protocole sur le statut de la Cour C.E.C.A. l'a chargé de le faire. D'après l'annexe II de ce règlement, sauf si les parties ont leur résidence au Grand-Duché, les délais de procédure sont augmentés, en raison de la distance, d'une durée qui varie suivant les pays et qui est de dix jours pour l'Italie. Ainsi que l'impliquent les termes employés, il ne s'agit pas d'un nouveau délai faisant suite au
précédent et qui pourrait avoir ses règles propres, mais d'une simple prolongation de celui-ci. Reprenant l'exemple donné plus haut, nous dirons que le délai qui expirerait normalement le 20 se trouve prolongé pour un requérant résidant en Italie jusqu'au 30 au soir.
D'autre part, lorsque ce délai — simple ou prolongé en raison de la distance — prend fin un dimanche ou un jour férié légal, l'expiration en est reportée à la fin du jour ouvrable suivant.
Il faut enfin rappeler que, d'après l'article 37, paragraphe 3, du règlement, «au regard des délais de procédure, seule la date du dépôt au greffe sera prise en considération». Sur cette disposition, dont vous avez déjà eu à faire application, nous aurons à revenir plus loin.
Que ces règles soient d'ordre public et doivent être respectées à peine de forclusion, comme il en est généralement dans les droits nationaux, c'est ce qui nous paraît certain. Contre cette thèse, l'avocat des requérantes a invoqué deux arguments lors de la procédure orale. D'abord l'article 39 du protocole C.E.C.A. selon lequel «aucune déchéance tirée de l'expiration des délais ne peut être opposée lorsque l'intéressé établit l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure». Mais cette
exception confirme la règle, et elle fait peser sur le requérant la charge de prouver la réalité du fait extérieur dont il entend se prévaloir. En second lieu, l'article 82 du règlement de procédure ainsi rédigé : «les délais fixés en vertu du présent règlement peuvent être prorogés par l'autorité qui les a arrêtés». Il faut bien voir la portée très limitée de cet article. Les délais de procédure peuvent être fixés de deux façons. Ou bien, par une disposition générale et abstraite, s'appliquant à
toutes les affaires ou à toute une catégorie d'affaires: il en est ainsi du délai de recours et du délai de distance fixés par le traité, par le protocole et par le règlement. Ou bien par une décision individuelle, prise chaque fois en fonc tion des circonstances de l'espèce: c'est le cas de la réplique et de la duplique, pour lesquelles l'article 41 du règlement de procédure attribue compétence au président de la Cour ou, éventuellement, au président de la chambre. Ainsi qu'il résulte du
rapprochement de cet article avec l'article 40, c'est dans des cas de ce genre seulement, les seuls où il a été fixé en vertu du règlement, que le président qui a arrêté le délai peut également le proroger. Mais rien de tel n'existe pour le délai de recours ou de distance impérativement fixé par les textes.
Appliquons ces données aux présentes affaires.
Les recours, partis de Turin le 21 avril par colis postal, ont été enregistrés au greffe de la Cour le mardi 4 mai; ils avaient été précédés par une lettre recommandée, expédiée le même jour et annonçant leur envoi. Cette communication était parvenue au greffe le 23 avril, mais, ne comportant aucune conclusion, elle ne peut être considérée comme un recours.
Il est notoire, disent les requérantes, que le courrier met normalement de 3 à 4 jours, ou 5 au maximum pour parvenir d'Italie à Luxembourg. Le retard anormal constaté en l'espèce ne pourrait donc être imputé qu'au mauvais fonctionnement des services postaux, sans qu'on puisse savoir exactement s'il s'agit des services italiens ou luxembourgeois, mais il constituerait en toute hypothèse un cas fortuit ou de force majeure, tel que le prévoit l'article 39 du protocole.
A cela on peut faire plusieurs objections. La premiere est que la durée d'acheminement du courrier dépend du mode d'expédition choisi. Lorsque les requérantes parlent d'un délai normal de 3 à 5 jours, elles ont sans doute raison pour les lettres ordinaires ou recommandées (la preuve en est la lettre recommandée adressée au greffe que nous venons de mentionner). Mais, de même qu'il est des procédés d'acheminement plus rapides (télégrammes, télex, lettres express), il en est d'autres, moins coûteux
et notoirement plus lents, tels que le colis postal, qu'ont utilisé Simet et Feram, et pour lesquels une durée de 10 jours de Turin à Luxembourg ne paraît pas hors des prévisions que l'on peut faire raisonnablement. Le délai de recours étant forfaitaire, il incombe aux requérants de faire partir leur courrier à une date telle qu'il puisse parvenir à temps, compte tenu du mode d'expédition librement choisi par eux.
Seconde objection: Sans entrer dans l'étude des différents systèmes juridiques des États membres, on peut définir grosso modo le cas fortuit et la force majeure comme des événements extérieurs, indépendants de la volonté du débiteur de l'obligation, tels que celui-ci ne pouvait ni les prévoir, ni en conjurer les conséquences. Ce n'est certainement pas le cas d'un décalage de quelques jours dans l'acheminement du courrier, qu'il est toujours prudent d'envisager et auquel on peut parer en prévoyant
une marge suffisamment large. Comme l'a fait remarquer à la barre la Haute Autorité, la situation n'est pas du tout la même que celle qu'entraîneraient des grèves prolongées ou des catastrophes naturelles du type de celles qui se sont récemment abattues sur l'Italie. Il ne suffit pas que les requérantes, auxquelles il incombe en vertu de l'article 39 du prptocole C.E.C.A. d'établir l'existence du cas fortuit ou de la force majeure, allèguent simplement un mauvais fonctionnement des services
postaux, sans même rechercher s'il s'agit des services italiens ou luxembourgeois.
Nous n'avons donc aucune hésitation à écarter ici toute idée de force majeure ou de cas fortuit. Il reste cependant un problème délicat. Les services de la Cour n'ont reçu l'avis de dépôt en douane des deux colis postaux contenant les recours que le 3 mai; ils en ont pris livraison le 4, date à laquelle a eu lieu l'enregistrement au greffe. Mais il résulte des précisions données par l'administration des douanes que les colis sont parvenus à Luxembourg-Gare le vendredi 30 avril à 17 heures —
c'est-à-dire le dernier jour du délai pour Simet, qui avait reçu notification de la décision attaquée le 20 mars, et le lendemain de ce dernier jour pour Feram, à qui la décision la concernant était parvenue le 19 mars.
De ces deux dates: 30 avril ou 4 mai — arrivée à Luxembourg ou enregistrement au greffe — laquelle doit être retenue? La seconde en principe, d'après l'article 37 du règlement de procédure qui prévoit qu'au regard des délais seule la date du dépôt au greffe sera prise en considération. C'est ce que rappelle votre arrêt du 17 juillet 1959 sur les affaires jointes 36 à 41-58 (Recueil, Y, p. 351) pour écarter la prétention de requérants italiens selon lesquels il fallait tenir compte de la date de
remise à la poste par l'expéditeur. La règle ne présente pas en général de difficulté, puisque le recours est normalement acheminé, soit par le requérant lui-même, soit par les services postaux, jusqu'au greffe qui n'a qu'à le recevoir et à l'enregistrer. Mais faut-il l'appliquer avec la même rigueur lorsque, comme au cas de l'espèce, il incombe aux services de la Cour d'aller eux-mêmes chercher le pli au lieu où il se trouve déposé en vertu des réglementations douanières ou postale? Il est de
fait que les recours étaient parvenus le 30 avril à Luxembourg et que, théoriquement au moins, les services auraient pu en prendre livraison et les enregistrer le même jour. Sans doute, cela est-il assez théorique, puisque cela suppose que ces services aient été aussitôt informés, ce qui, vous le savez, ne fut pas le cas, mais cette simple possibilité nous paraît suffisante pour permettre d'écarter une application trop rigoureuse des dispositions de l'article 37. Aussi sommes-nous disposé pour
notre part à admettre que la date d'arrivée à Luxembourg valait en l'espèce dépôt, des recours.
Cette interprétation dont nous reconnaissons le caractère bienveillant conduit à considérer comme recevable le recours de la société Simet, mais non, pour la raison que nous avons indiquée, celui de Feram. Elle ne nous dispensera pas cependant d'examiner au fond l'argumentation de cette société comme celle de l'autre requérante.
2. Nous ne nous attarderons pas longtemps sur deux autres exceptions opposées par la Haute Autorité.
La première ne concerne que le recours 25-65 de Simet. La défenderesse relève que ce recours est formellement dirigé contre la décision individuelle du 11 février 1965 faisant obligation à l'entreprise de payer la somme de 252974228 lires alors que toute l'argumentation les moyens invoqués ont trait à l'autre décision du même jour fixant le tonnage d'assiette de ses contributions au mécanisme de péréquation. Le fait est exact, mais on ne peut méconnaître que les deux décisions sont intimement
liées, que la fixation de la somme due dépend notamment de la détermination du tonnage imposable, ainsi que le rappelle la décision attaquée qui vise la décision du même jour relative au tonnage. Cela nous paraît justifier — ou au moins expliquer — la méthode employée par la requérante.
La Haute Autorité constate d'autre part que les deux entreprises demandent l'annulation de la décision générale 7-63 en invoquant tous les moyens énumérés à l'article 33, paragraphe 1, du traité, alors qu'elles ne pouvaient se fonder à cette fin que sur le détournement de pouvoir. L'objet indiqué en tête des deux recours comprend bien en effet l'annulation de la décision générale, mais les conclusions qui les terminent, tout en vous demandant de dire qu'elle est entachée de violation des formes
substantielles, de violation du traité et de détournement de pouvoir, ne sollicitent pas son annulation. Il n'y a donc pas un grand effort à faire pour considérer que ces conclusions tendent en réalité à la voir déclarer inapplicable aux deux requérantes et peuvent par suite se fonder selon votre jurisprudence sur l'ensemble des moyens énumérés à l'article 33, paragraphe 1.
II — La décision générale 7-63
C'est sous cet angle que nous examinerons maintenant l'argumentation développée par les deux recours contre la décision générale 7-63, à partir de laquelle ont été établis les décomptes contestés. Les griefs invoqués sont nombreux, mais pour la plupart vous avez déjà eu l'occasion de les rencontrer et de les écarter. Encore les requérantes ne sont-elles recevables à les invoquer que dans la mesure où il existe un lien juridique direct entre l'acte attaqué et la décision générale (21-64,
Macchiorlatti, arrêt du 31 mars 1965, Recueil, XI-6, p. 245).
Premier grief. C'est la violation des formes substantielles, du fait que la Haute Autorité n'a pas, avant son adoption, obtenu l'avis conforme exigé par l'article 53, alinéa b, du traité. L'accord unanime du Conseil est en effet nécessaire pour l'institution des mécanismes financiers répondant aux fins indiquées à ce même article 53, alinéa a. Mais vous avez jugé que cette exigence ne jouait que lorsque se trouvait affectée ou modifiée la base même du mécanisme financier de la péréquation et que tel
n'était pas le cas notamment d'une décision établissant un système d'intérêts créditeurs (arrêts Lemmerz-Werke et Mannesmann du 13 juillet 1965, Recueil, XI-9, p. 860 et 914). La même solution vaut évidemment ici.
Après ce grief dont la nature juridique est claire, les requérantes en développent une série d'autres de tous ordres, qu'elles tentent dans la réplique de caractériser, souvent de façon arbitraire, comme constitutifs de détournement de pouvoir. En fait il s'agit, comme on le verra, d'une critique générale de la politique suivie par la Haute Autorité depuis l'institution du mécanisme de péréquation et de ses résultats. Sur ces points, qui ont donné lieu à de longs développements tant dans la
procédure écrite qu'à la barre, nous nous efforcerons d'être complet mais aussi bref que possible.
On reproche d'abord à la Haute Autorité d'avoir méconnu les recommandations dont le Conseil avait assorti son avis conforme sur la décision 14-55. Alors qu'il avait recommandé de ne relever les prélèvements de péréquation que pour des motifs très graves et d'éviter un développement inconsidéré des consommations de ferraille, taux de prélèvements et consommation n'auraient fait qu'augmenter. A supposer que ces recommandations puissent avoir une force contraignante quelconque, la décision 7-63 — seule
critiquée — ne paraît pas les avoir méconnues. Les diverses charges d'intérêts que relèvent les recours découlent non de celle-ci, mais de décisions générales antérieures, en particulier de la décision 7-61 donc votre arrêt Lemmerz-Werke déjà cité a admis la régularité. Quant à l'accroissement de la consommation de ferraille, il est de toute évidence étranger à la décision générale contestée.
De même, les fraudes graves qui auraient été commises et qui auraient causé aux entreprises communautaires un préjudice que les réquérantes évaluent à plusieurs dizaines de milliards pourront peut-être motiver un jour une action en responsabilité (voir votre arrêt Feram et autres du 2 juin 1965, Recueil, XI-7, p. 402). Mais on n'aperçoit pas, pour le présent, le vice dont elles entacheraient la décision 7-63.
Plus claire est en revanche la portée du reproche fait à la Haute Autorité de ne pas avoir fait connaître les critères sur la base desquels ont été obtenues les données figurant aux annexes de la décision critiquée, et de ne pas avoir énoncé de manière adéquate dans celle-ci les données de calcul prises comme base de ses opérations. Les tableaux annexés à la décision ne contiennent que les résultats globaux et non les éléments constitutifs; d'où une violation prétendue de l'article 47 du traité qui
impose à la Haute Autorité de publier les données qui sont susceptibles d'être utiles aux gouvernements et aux intéressés. Mais votre arrêt Macchiorlati du 22 mars 1966 (Recueil, XII, p. 82) a refusé de reconnaître cette portée à l'article 47, s'agissant du mécanisme de péréquation.
Sur un point les requérantes ont spécialement insisté à l'audience. Elles avaient soutenu d'abord que le calcul des éléments nécessaires pour déterminer la péréquation aboutissait à faire payer la plus lourde charge aux consommateurs de ferraille interne, en abaissant le prix de revient pondéré de celle-ci pour élever le prix de la ferraille importée. A ce qui pouvait apparaître alors comme un grief de discrimination au détriment des consommateurs de ferraille interne, la Haute Autorité avait
répondu que toutes les entreprises opérant dans le cadre de la Communauté pouvaient bénéficier de la ferraille d'importation et que, le problème restant circonscrit du choix que pouvait librement faire chacune d'entre elles, on ne pouvait parler de discrimination. Mais à l'aide d'un tableau produit par la société Feram alors que la procédure écrite était terminée en ce qui la concerne, tableau qui a été longuement commenté à l'audience par son avocat, les requérantes ont entendu contester
l'exactitude même des données retenues pour le calcul du taux de péréquation, ce qui entacherait d'illégalité la décision 7-63. Vous avez au dossier ce document. Partant des prix moyens pondérés de la ferraille interne pour cinq des pays de la Communauté, tels que ces prix avaient été indiqués dans une lettre de la Haute Autorité du 5 février 1965, les requérantes en dégagent ce qu'elles appellent une «moyenne communautaire» par une opération purement arithmétique, et la moyenne ainsi dégagée ne
correspond pas à celle qui est retenue aux différentes annexes de la décision 7-63 sous le nom de «moyenne pondérée». En réalité les deux parties ne raisonnent pas de la même façon. La «moyenne communautaire» que retiennent les sociétés est purement arithmétique et ne tient pas compte, à l'inverse de ce qu'a fait la Haute Autorité, de la quantité de ferraille achetée par chaque pays de la Communauté; il n'est donc pas étonnant que les chiffres obtenus ne concordent pas. La méthode appliquée par la
Haute Autorité découle directement de la décision générale 18-60 qui n'est pas attaquée, et les requérantes n'apportent aucun élément de nature à établir qu'elle soit contraire au traité.
La réplique allègue également la violation de deux autres articles du traité: l'article 17, du fait que la Haute Autorité n'a pas publié de rapport général sur l'activité des organes chargés du mécanisme de péréquation — l'article 78 parce qu'elle n'a pas publié de rapport sur le bilan comptable et financier de l'opération ni soumis un tel rapport au commissaire aux comptes. Mais, à supposer que ces moyens n'aient pas été présentés tardivement, les articles visés n'imposent en tout cas à la Haute
Autorité aucune obligation en la matière, et il n'existe aucun lien entre ces obligations prétendues et la décision 7-63.
Enfin, toujours à propos de la décision générale 7-63, les requérantes relèvent que, de l'aveu de la Haute Autorité, cette décision ne crée pas d'obligation de paiement à la charge des entreprises; elles se demandent comment, dans ces conditions, les décisions individuelles attaquées, fondées sur cette même décision générale, peuvent entraîner de telles obligations. La critique ne porte donc pas sur la légalité de la décision 7-63, mais sur ses effets. S'il faut cependant y répondre, on dira avec la
défenderesse que la décision générale fixe les critères déterminant les obligations des entreprises, et que l'obligation de paiement de chacune de ces dernières ne naît qu'avec la décision, individuelle qui la concerne.
Aucun des nombreux griefs soulevés contre la décision générale 7-63 ne nous paraît donc pouvoir être retenu.
III — La décision individuelle Simet
Pour critiquer la décision individuelle qu'elle attaque, la société Simet, à l'argumentation de laquelle nous venons maintenant, se place successivement sur deux terrains. Elle soutient que la Haute Autorité ne pouvait, en l'espèce, procéder à une évaluation d'office par la méthode inductive. Elle ajoute qu'à supposer même qu'elle ait été fondée à recourir à cette méthode, elle l'a fait de façon arbitraire et défectueuse, les chiffres retenus étant inexacts. Ce sont les deux points qu'il convient
d'examiner.
1. Le pouvoir dont il a été fait application en l'espèce trouve son fondement dans l'article 2 de la décision 13-58 qui prévoit qu'à défaut de déclaration par les entreprises des éléments de calcul des contributions, la Haute Autorité est habilitée à procéder par voie d'évaluation d'office. Elle peut également rectifier d'office les déclarations à l'appui desquelles une justification valable ne peut être apportée. Ces principes sont réaffirmés par l'article 15 de la décision 16-58. Il s'agit donc
d'une méthode subsidiaire, exceptionnelle, qui n'est applicable que lorsque certaines conditions sont remplies.
La décision attaquée — plus exactement la décision du même jour fixant le tonnage de ferraille d'achat retenu — l'a bien compris. Elle commence par relever qu'au cours des contrôles effectués ont été demandés entre autres à l'entreprise cinq documents comptables sur lesquels nous reviendrons, et c'est parce que ces documents n'auraient pas été présentés que la Haute Autorité évalue d'office la consommation de ferraille par référence à la consommation d'énergie électrique utilisée au four.
Dès l'origine de la procédure, la société Simet a contesté très vivement ces affirmations. Elle a soutenu que si trois des documents mentionnés par la décision du 11 février 1965 n'avaient pas été produits, c'est parce qu'aucune disposition n'imposait aux entreprises de les posséder (il s'agit des états récapitulatifs mensuels des achats et mouvements de ferraille, des bulletins attestant le poids de la ferraille reçue, et du livre de caisse). En revanche, elle déclare avoir toujours communiqué
aux inspecteurs de la C.E.C.A. les livres obligatoires, tels que le registre des factures et le livre journal, qu'elle est toujours disposée, sous certaines conditions de forme, à présenter à la Haute Autorité. Elle en conclut que l'inexactitude qui entacherait ainsi la décision du 11 février 1965 prive de toute base légale le recours à la procédure d'évaluation d'office. La défenderesse a non moins fermement affirmé que Simet n'avait présenté aucun des documents demandés, en particulier le livre
journal qui, d'après la Haute Autorité, aurait à lui seul permis de déterminer la réalité, à condition que ce livre reflète la vérité.
En présence de positions aussi contradictoires, vous avez à deux reprises, soit avant l'audience du 8 novembre dernier, soit au cours de celle-ci, demandé à la Haute Autorité de produire certaines pièces de nature à établir quels documents avaient été exactement réclamés, à quelle occasion et sous quelle forme. La Haute Autorité vous a abondamment répondu, mais sans dissiper complètement les obscurités et les incertitudes de cette affaire.
Sans entrer dans le détail des pièces qui figurent à votre dossier, nous retiendrons simplement l'impression qui s'en dégage. Il y a eu sans aucun doute à l'origine des réticences de la part de Simet, voire des refus de fournir à la Société anonyme fiduciaire suisse des documents qui étaient demandés verbalement. Mais, après la décision individuelle du 22 juillet 1959 lui enjoignant de fournir certains documents nominativement énumérés (parmi lesquels — chose curieuse — ne figurait pas le livre
journal), la requérante paraît s'être inclinée. Le rapport de la Société fiduciaire suisse du 15 juin 1960 ne mentionne aucun refus de communication; il considère simplement que les vérifications faites à l'aide des pièces présentées ont confirmé les résultats d'un précédent contrôle. De même, M. Chaudat, de la direction de l'inspection de la Haute Autorité, dans son rapport du 15 mars 1962, indique les documents qui lui ont été communiqués à sa demande, mais ne relève aucun refus.
Dans ces conditions, les affirmations sur lesquelles est fondée la décision attaquée paraissent assez hasardeuses, car il est difficile de dire que l'entreprise n'a pas présenté les documents comptables qui lui étaient demandés. Sans doute le refus ou le défaut de production de pièces ne sont-ils pas les seules raisons qui peuvent justifier le recours à l'évaluation d'office. La Haute Autorité a également la faculté d'écarter les déclarations, lorsque celles-ci ne sont pas assorties de
justifications valables, et peut-être aurait-elle pu discuter ici la valeur, la force probante de certaines pièces produites par Simet, telles que factures ou livre d'inventaire. Mais ce n'est pas sur ce terrain qu'elle s'est placée, et il ne nous appartient pas de nous substituer sur ce point à l'auteur de l'acte attaqué. Il surfit de constater que le motif retenu pour recourir à une procédure dérogatoire au droit commun n'est pas confirmé par le dossier pour que la décision perde tout fondement
valable et doive être annulée. C'est la conclusion à laquelle nous arrivons pour notre part, mais elle ne nous dispense pas, restant dans le cadre du système adopté par la Haute Autorité, d'examiner les critiques dirigées contre les évaluations qui ont servi à déterminer le tonnage imposable.
2. Le calcul a été fait dans des conditions que vous avez souvent rencontrées. La consommation d'énergie électrique utilisée au four, déterminée d'après les factures, est évaluée à 31543620 kWh pour la période du 1er juin 1956 au 30 novembre 1958. Puis, conformément aux conclusions de la commission d'experts pour un four d'une capacité de 6 à 7 tonnes, on retient une consommation de 850 kWh par tonne d'acier produit, ce qui donne une production de 37.111 tonnes d'acier. Enfin, on évalue à 1015 kg,
compte tenu de la ferraille de recyclage, le rapport entre charge spécifique de ferraille et acier produit, et l'on obtient ainsi un chiffre de 37668 tonnes de ferraille d'achat, qui constitue la base d'imposition.
Cette évaluation est contestée par Simet sur les quatre points suivants.
a) Premier point en litige: la capacité du four. A l'appui de sa réplique, l'entreprise a produit une copie de la facture de son fournisseur, la société Tagliaferri, en date du 21 février 1956, selon laquelle le four n'aurait qu'une capacité de 4 à 5 tonnes, et non de 6 à 7, comme le porte la décision du 11 février 1965.
Dans sa duplique, la défenderesse admet la pertinence de cette pièce et elle substitue en conséquence au coefficient de 850 kWh par tonne celui de 900 kWh/t retenu par la commission d'experts pour les fours de 4 à 5 tonnes. Le mode de calcul spécifié dans la décision conduit sur ces bases à ramener le tonnage imposable à 35574 tonnes et la dette de l'entreprise à 238631270 lires. La Haute Autorité vous demande, sans toutefois annuler les décisions critiquées, de lui donner acte de ces
modifications motivées par le retard apporté par la requérante à fournir les données nécessaires au calcul des contributions. A la vérité, la situation n'est pas absolument la même que dans l'arrêt Ilfo qu'invoque la Haute Autorité (28 avril 1966, Recueil, XII-2, p. 13S), car cette dernière aurait pu, semble-t-il, avoir une idée exacte de la contenance du four, sans attendre qu'on lui présente une facture. Toutefois, la solution proposée est simple et expédiente, ce qui nous conduit à vous
proposer de prendre acte de la satisfaction partielle donnée à la requérante, et de statuer sur le surplus des prétentions de Simet.
b) Deuxième point contesté. La Haute Autorité a fixé le début de la période d'imposition au 1er juin 1956, en se fondant notamment sur le fait qu'à partir de cette date il a été relevé d'importantes consommations d'électricté (au moins 800000 kWh par mois). Simet soutient au contraire n'avoir commencé son activité de production qu'en janvier 1957, et en donne pour preuve la facture dont nous avons déjà parlé, au dos de laquelle figure le visa d'un agent d'une administration fiscale en date du
27 novembre 1956. Elle interprète les termes de ce visa comme signifiant que le four n'est parvenu à l'entreprise qu'à cette date, d'où il est facile de conclure que, compte tenu des travaux d'installation et des essais, il n'a pu commencer à fonctionner qu'en janvier 1957.
Cette interpretation est manifestement abusive. Il suffit de se reporter à la pièce en question pour voir que la date du 27 novembre concerne le contrôle opéré par l'administration fiscale et non l'arrivée du matériel. La facture du 21 février précédent qui porte que le four est à la disposition dc l'entreprise incline au contraire à penser qu'il est effectivement parvenu chez le destinataire, sinon ce jour, du moins à une date très voisine. On a, il est vrai, longuement évoqué les
dispositions légales prises en faveur des entreprises du sud de l'Italie pour soutenir que l'envoi à Ja date indiquée de la facture avait pour seul objet de permettre à Simet d'obtenir certaines facilités; on sous-entendait ainsi — sans jamais le dire expressément — que cette facture était en quelque sorte anticipée, sinon fictive. Il ne nous appartient pas de discuter la législation dont de longs extraits ont été lus à la barre; ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut qu'accepter ou rejeter en
bloc la pièce invoquée par la requérante. Si on retient, comme elle le demande et comme l'admet la Haute Autorité, les indications que contient cette pièce sur la capacité du four, il faut admettre aussi la date qu'elle porte et la précision qu'à cette date le four était à la disposition de l'entreprise.
Quant à dire, comme le fait Simet, qu'une consommation mensuelle d'au moins 800000 kWh (soit plus de la moitié de la plus forte consommation enregistrée au cours de la période d'imposition) pouvait concerner les seuls services auxiliaires, sans aucune production de l'aciérie, cela ne peut être raisonnablement soutenu. On ajoutera que, d'après les documents produits et les contrôles effectués, il existait au 1er janvier 1957 des stocks de demi-produits, de produits finis et de ferraille, et que
le compte d'exploitation de 1956 mentionne une consommation de matières premières de l'ordre de 230 millions de lires.
L'ensemble de ces constatations conduit à écarter la prétention de Simet quant au début de la période d'imposition.
c) Le troisième grief porte sur le chiffre retenu par la défenderesse pour évaluer le tonnage d'acier produit par le critère de la consommation d'énergie électrique. Bien que le rapport de 850 kWh à la tonne ait été en définitive remplacé par celui de 900, les critiques de la requérante conservent leur portée, car ces deux chiffres sont les maxima qui avaient été adoptés par la commission d'experts réunie par la Haute Autorité, respectivement pour les fours de 6 à 7 tonnes ou de 4 à 5 tonnes. Or,
ce sont d'abord les conclusions de cette commission que conteste Simet en invoquant les avis, divergents sur certains points, qu'auraient émis ses membres et en versant au dossier le «rapport d'experts» produit pour la Dame Barge dans l'affaire 18-62. Ce contre-rapport ne vous avait pas convaincus à l'époque; aucun élément nouveau n'est apporté qui puisse vous conduire à modifier une jurisprudence déjà bien assise.
Simet, s'appuyant sur une remarque d'un des experts réunis par la Haute Autorité, mentionne ensuite dans sa réplique, sans autrement s'y arrêter, que la consommation de courant d'un four peut atteindre des chiffres plus élevés lorsque ce four est utilisé également pour la production d'aciers alliés, ce qui serait précisément son cas. C'est contester implicitement le paramètre retenu. Mais la remarque est sans portée, car l'entreprise ne produit pas d'aciers alliés, ou en tout cas n'a jamais
déclaré de production de cet ordre.
Dernier motif invoqué pour réclamer le relèvement à 1000 kWh par tonne au moins du paramètre, c'est la vétusté du transformateur et du four de l'entreprise. Deux réponses peuvent être faites pour écarter cet argument. D'abord qu'il ne s'agit que d'allégations que ne vient appuyer aucun essai de justification. Mais aussi qu'il est au moins curieux de voir mettre en avant la vétusté d'un four entré en service en 1956, grâce au concours, nous dit l'entreprise, de la Caisse du Midi.
d) Enfin, Simet conteste le rapport entre charge spécifique de ferraille et acier produit que la décision attaquée fixe à 1015 kg «compte tenu de la ferraille de recyclage»; elle voudrait le voir ramener à 950 kg au plus. En effet, dit l'entreprise, elle exécute certains travaux de transformation et, partant, récupère une grande quantité de ferrailles de chute et il est injuste de ne pas l'avoir créditée à ce titre. Elle ajoute que le rapport entre les chutes de l'aciérie et la production aurait
dû être calculé à raison au moins de 6 % de la production totale d'acier liquide, compte tenu également de la fréquence des coulées non réussies et de toutes les autres récupérations normales à l'intérieur tant de l'aciérie que du laminoir.
Certains de ces facteurs, comme la fréquence des coulées non réussies, sont trop imprécis pour pouvoir être pris en considération tant qu'ils ne sont pas appuyés par un début de justification. Par ailleurs, il est évident que le calcul de la charge de ferraille doit nécessairement tenir compte des chutes aux différents stades de la production. La Haute Autorité ne l'ignore pas; aussi indique-t-elle dans la duplique que le chiffre de 950 kg serait démenti par le calcul de la mise au mille de
ferraille effectué par la requérante elle-même. Partant de la mise au mille moyenne par tonne d'acier, telle qu'elle résulte des états de la période février 1957-novembre 1958, et déduction faite successivement de 60 kg à la tonne pour les récupérations dans l'aciérie, puis de 65 kg par tonne de lingots chargés pour les chutes de laminage, elle aboutit à 1016 kg, soit exactement le chiffre de la décision attaquée, et qui n'est pas en lui-même invraisemblable.
Répondant à Simet qui se plaignait d'être victime d'une discrimination, la défenderesse a précisé à l'audience que dans le chiffre qui figure à la décision de taxation il y a tout le calcul par le moyen duquel on tient compte de tous les aspects, de toutes les récupérations au cours du processus de fabrication. C'est un résultat, un chiffre net, ainsi que l'indiquerait le membre de phrase qui l'accompagne « compte tenu de la ferraille de recyclage.
Mais c'est justement cette méthode que vous avez condamnée par votre arrêt Preo du 30 juin dernier (Recueil, XII-4, p. 326). La décision alors attaquée était bâtie selon le même schéma et comportait la même indication elliptique sur la ferraille de recyclage. Vous avez estimé qu'elle ne pouvait constituer une motivation suffisante en droit des opérations d'évaluation, et que celles-ci devaient indiquer, voire motiver le chiffre moyen de chutes retenu pour permettre la défense des intéressés et
le contrôle du juge.
L'identité de situation ne permet pas d'adopter ici une solution différente; nous ne pouvons donc sur ce plan encore, et conformément à votre jurisprudence, que conclure à l'illégalité de la décision fixant les obligations de Simet au titre du mécanisme de péréquation.
IV — La décision individuelle Feram
Le recours 26-65 de la société Feram nous retiendra moins longtemps. La décision du 11 février 1965 attaquée relève d'abord que les montants des contributions dus doivent être calculés, compte tenu de l'exonération pour la production de moulages d'acier, sur la base du tonnage d'assiette de 32805 tonnes communiqué à l'entreprise. A la suite de l'envoi le 8 avril 1963 d'un décompte établi conformément à la décision 7-63, Feram, bien qu'elle n'ait pas relevé d'erreurs matérielles dans ce décompte, a,
par lettre du 29 mai 1963, critiqué le fonctionnement des mécanismes de péréquation ainsi que les décisions générales 7-61 et 7-63. Les premières de ces critiques, dit la décision attaquée, font l'objet du recours 9-64 de la même société, alors pendant devant vous et que vous avez rejeté par votre arrêt du 2 juin 1965, et n'ont donc pas à être réfutées ici; il en est de même dans le cadre d'une décision individuelle des critiques concernant les principes posés par les décisions générales. En
conséquence, la Haute Autorité fixe la somme à payer par Feram, déduction faite des versements déjà effectués et des intérêts créditeurs correspondants, à 105899634 lires.
La société Feram ne consacre que quelques lignes de son recours à la décision du 11 février 1965. Vous vous souvenez d'autre part que vous avez refusé de proroger une fois de plus le délai qui lui avait été imparti pour produire une réplique et qu'elle avait laissé s'écouler.
Elle se borne à soutenir que les declarations adressées par elle à Campsider s'élèvent à 31394 tonnes dont elle donne le détail par période de décompte, d'où une différence à son préjudice de 1411 tonnes qui devraient être déduites du calcul fait par la Haute Autorité. Elle reproche en conséquence à la décision du 11 février 1965, prétendument fondée sur la base de ses déclarations, d'être entachée d'un défaut de motifs manifeste.
Cette argumentation ne peut être retenue. Que les déclarations adressées mensuellement par la société soient telles qu'elle l'indique, c'est possible; mais ce qu'il faut ajouter c'est qu'à la suite des contrôles effectués chez elle, elle a admis l'exactitude des chiffres retenus par la décision attaquée, ainsi qu'il ressort des documents joints par la Haute Autorité à sa défense. Nous nous référerons notamment à une lettre de la C.P.F.I. du 4 avril 1960, faisant suite à une discussion antérieure et
communiquant à Feram un tableau qui fixe le tonnage de base rectifié à 35279 tonnes, l'exonération pour moulage d'acier à 2774 tonnes et le tonnage soumis à contribution à 32805 tonnes, soit celui qui figure à la décision attaquée. L'accord demandé sur ces chiffres à Feram est donné par lettre du 20 avril suivant pour les périodes allant du 1er avril 1954 au 30 novembre 1958, c'est-à-dire pour toute la durée du mécanisme de péréquation. Il est donc normal que la décision de taxation ait été établie
sur ces bases.
Mais, alors que la date des débats oraux était déjà fixée, la requérante a produit à l'appui de ses prétentions un certain nombre de documents, dont deux seulement peuvent concerner la décision individuelle attaquée.
Le premier est une lettre de Campsider du 4 septembre 1956 transmettant une « situation définitive » établie par la C.P.F.I., de laquelle il résulterait que, pour la période du 1er avril 1954 au 31 mars 1955 et pour un tonnage imposable de 10588 tonnes, il ne restait dû alors qu'une somme de 948018 lires, laquelle aurait été payée immédiatement. La requérante en conclut que cette période doit être entièrement rayée du décompte litigieux. Mais, ainsi que le dit votre arrêt Merlini (108-63, 21 janvier
1965, Recueil, XI-1, p. 15), « il ressort de la nature du mécanisme de péréquation que la fixation des contributions reste essentiellement provisoire jusqu'à la clôture définitive des comptes ». Cette solution est reprise par votre arrêt Macchiorlati (30-65, 15 mars 1966, Recueil, XII-1, p. 78). Tant que les comptes ne sont pas arrêtés, il ne peut y avoir de situation définitive, même pour une période donnée, et l'entreprise peut voir réviser sa situation pour tenir compte de l'évolution du
mécanisme. La société Feram le savait si bien qu'elle a donné en 1960 son accord au tableau communiqué par la C.P.F.I. qui reprenait en compte cette période du 1er avril 1954 au 31 mars 1965.
Quant à l'autre document, il se présente comme un « décompte final » arrêtant la dette de Feram à 80847708 lires; il faut préciser que cette pièce, qui suit immédiatement des lettres émanant de Campsider et de la C.P.F.I. mais ne porte aucune indication d'origine, a été établie par la requérante elle-même. On ajoutera qu'elle fait totalement abstraction de la dette de Feram pour la période du 1er avril 1954 au 31 mars 1955, et que les tonnages notifiés mensuellement qu'elle comporte ne concordent
pas avec ceux qui figurent dans le recours. Ce document ne mérite donc pas qu'on s'y arrête.
Au terme de ces observations, nous arrivons aux conclusions suivantes :
— Le recours 25-65 de Simet est à la fois recevable et fondé. La décision du 11 février 1965 fixant les obligations de cette société au titre du mécanisme de péréquation doit être annulée. La part des dépens afférents à ce recours doit être supportée par la Haute Autorité.
— Le recours 26-65 de la société Feram, à la fois irrecevable et mal fondé, doit être rejeté, et la part des dépens afférents à ce recours doit être mise à la charge de la requérante.