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18/05/1966 | CJUE | N°54-65

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 18 mai 1966., Compagnie des forges de Châtillon, Commentry & Neuves-Maisons contre Haute Autorité de la CECA., 18/05/1966, 54-65


Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand,

présentées le 18 mai 1966

Monsieur le Président, Messieurs les juges,

Le recours sur lequel vous avez aujourd'hui à statuer est l'aboutissement d'une discussion déjà ancienne, se rapportant à des faits plus anciens encore.

Il a donné heu à une procédure écrite très complète comportant notamment la production d'assez nombreux documents auxquels nous aurons à nous référer. Vous avez encore présentes à l'esprit d'autre part les utiles précisions d'ordre technique qui vous ont, sur votre d

emande, été données à l'audience.

La Compagnie des forges de Châtillon, Commentry et Neuv...

Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand,

présentées le 18 mai 1966

Monsieur le Président, Messieurs les juges,

Le recours sur lequel vous avez aujourd'hui à statuer est l'aboutissement d'une discussion déjà ancienne, se rapportant à des faits plus anciens encore.

Il a donné heu à une procédure écrite très complète comportant notamment la production d'assez nombreux documents auxquels nous aurons à nous référer. Vous avez encore présentes à l'esprit d'autre part les utiles précisions d'ordre technique qui vous ont, sur votre demande, été données à l'audience.

La Compagnie des forges de Châtillon, Commentry et Neuves-Maisons fabrique des produits de fer pur dit Armco, lequel se caractérise par une pureté particulière d'analyse. Elle paraît être la seule en France avec sa société sœur (les Aciéries et tréfileries de Neuves-Maisons, Châtillon), à se livrer à cette activité. Au cours du fonctionnement du mécanisme de péréquation, elle a considéré les déchets issus de cette fabrication comme des ferrailles visées par les décisions de base de la Haute
Autorité, et en a déduit en conséquence le tonnage de l'assiette de ses contributions de péréquation.

Cette interprétation des textes n'a pas toujours été admise par les organismes compétents. Après avoir refusé le 12 juin 1958 la déduction en ce qui concerne les matériaux qualifiés par la société de chutes de billettes, la Caisse de péréquation des ferrailles importées a admis le 12 août suivant le point de vue de la requérante.

Quant aux services de la Haute Autorité qui avaient repris en mains le mécanisme de péréquation, ils ont en 1961 informé la société d'un «nouvel examen» du problème du fer pur Armco, puis fait connaître en 1962 leur intention d'incorporer ce matériau dans l'assiette de la contribution. Vous vous souvenez que par arrêt du 5 décembre 1963 vous avez rejeté comme irrecevable le recours formé par la Compagnie contre le décompte qui lui avait été adressé et auquel vous n'avez pas reconnu le caractère de
décision.

C'est dans ces conditions que la Haute Autorité a pris, le 11 juillet 1965, une décision déniant à la Compagnie des forges de Châtillon le droit de déduire de l'assiette de la contribution les 13.831 tonnes de déchets de fer pur Armco qu'elle a vendues. En effet, dit l'exposé des motifs, ce fer répond à des critères d'analyse extrêmement stricts qui le différencient complètement dés aciers ordinaires; de ce fait, ces déchets sont utilisés essentiellement par un petit nombre de consommateurs pour
obtenir une grande précision d'analyse dans la fabrication de produits spéciaux. Ces deux circonstances contribuent à former un prix de marché trois fois plus élevé que celui de la ferraille ordinaire, qui évolue indépendamment du prix de cette dernière, et est même supérieur au prix de certains produits métallurgiques. Par ailleurs, l'étroitesse de son marché l'empêche d'exercer une influence sur celui des ferrailles ordinaires; or, c'est pour régulariser l'approvisionnement de ces dernières qu'ont
été institués les mécanismes de péréquation. Il n'y a enfin aucune raison de faire supporter aux acheteurs de ces déchets une contribution destinée à diminuer le prix de ferrailles importées qui ont toujours coûté moins cher que les produits litigieux. De tout cela la Haute Autorité tire la conclusion que l'assimilation dés déchets de fer pur Armco aux ferrailles visées par le mécanisme serait complètement étrangère au but recherché par la péréquation.

La Compagnie des forges de Châtillon vous défère cette décision. Elle vous demande de l'annuler, et, subsidiairement, de condamner la Haute Autorité pour faute de service au paiement de 465.635,04 francs français à titre de dommages-intérêts.

I — Légalité de la décision attaquée

Pour contester la légalité de la décision de la Haute Autorité, la requérante se place successivement sur des terrains très différents.

1. Le premier est à la fois juridique et technique. La société s'attache à établir que les chutes de fer pur Armco constituent des ferrailles entrant dans le mécanisme de péréquation. La décision 2-57 n'excluant que les ferrailles alliées, lesquelles répondent à une définition bien précise, la ferraille Armco qui ne remplit pas les conditions de ce critère est nécessairement assujettie au mécanisme. La chute de produits Armco rentrerait d'autre part dans la définition de la ferraille donnée sous le
numéro 73-03 par la Nomenclature douanière européenne de Bruxelles, puisqu'elle provient de déchets obtenus au cours de l'ouvraison et qu'elle est destinée à la refonte. Cette Nomenclature est fondée sur des données de caractère technique, concernant la provenance ou l'utilisation; elle fait abstraction de toute considération de pureté ou de prix de vente du produit en cause.

Mais la société sait qu'à cette argumentation, qui tend à rapprocher le fer pur Armco de la ferraille ordinaire, on opposera l'importante différence de prix qui sépare ces deux matériaux. Elle l'explique par le fait que le produit Armco, en raison de sa très grande pureté, permet d'éviter l'opération de pré-affinage que nécessite au contraire la ferraille ordinaire si l'on veut obtenir un produit de qualité. La ferraille pré-affinée, sans égaler toujours les déchets Armco, est suffisamment pure
pour être utilisée comme eux à la fabrication d'aciers de qualité; il est logique dans ces conditions que le prix du fer Armco soit tel que l'écart entre lui et la ferraille ordinaire soit du même ordre de grandeur que le coût du pré-affinage. Et la société produit divers graphiques pour établir que l'écart entre les prix respectifs du fer pur Armco et des ferrailles ordinaires s'est maintenu de janvier 1955 à fin 1957 autour de 255 francs, et que les oscillations de cet écart n'ont pas dépassé
4 % à trois exceptions près.

A cette argumentation, qui colle le plus étroitement possible au texte de la décision 2-57, qu'oppose la Haute Autorité?

D'abord l'idée que les produits en fer pur Armco et les déchets issus de leur fabrication sont caractérisés par une pureté d'analyse exceptionnelle; leur valeur tient ainsi dans leur composition même et non dans la forme ou les dimensions du produit qui les incorpore.

C'est ensuite et surtout l'idée que si la dénomination de ferraille englobe une extrême variété de matériaux d'origine ou de types très divers, elle est par excellence un produit de récupération; la Haute Autorité conteste formellement — c'est un point essentiel de débat — que les produits Armco présentent ce caractère, car ils seraient fabriqués sur commande, rempliraient toujours des conditions d'analyse déterminées et auraient parfois des dimensions précises.

Nous ne reviendrons pas sur les renseignements technologiques fort intéressants que l'avocat de la requérante a donnés à l'audience sur le processus de fabrication du produit litigieux; malgré leur intérêt, ils ne nous ont pas paru pleinement convaincants, ni de nature à détruire l'effet produit par certaines correspondances versées au dossier et qui viennent à l'appui de la thèse de la Haute Autorité. Nous pensons par exemple à cette lettre de la société des Aciéries du Forez annexée à la
défense. On y conteste l'appellation de «chutes de billettes» employée par le fournisseur, car il s'agit en fait de billettes coupées en lopins pour faciliter leur enfournement au four électrique et payées au prix de la billette majoré d'un supplément pour la coupe en lopins.

En dépit de l'ingéniosité apportée par la société pour les expliquer, nous trouvons plus significatives encore deux lettres adressées par Armco aux Établissements Bedel et produites le 6 avril dernier par la Haute Autorité. Dans la première, on annonce au client un retard dans la livraison des billettes de refonte réclamées, des incidents techniques n'ayant pas permis «de réussir les coulées à teneur spéciale qui vous sont destinées». Dans la seconde, on prend note des besoins en billettes de ce
même client, et on l'informe qu'on engagera les quantités nécessaires dans les programmes de fabrication. Tout cela donne l'impression que les billettes de refonte ne constituaient pas, à la différence de la ferraille de ressource propre, un sous-produit indésirable, un mal nécessaire à l'obtention d'un autre produit qui est le but essentiel de l'activité de production, mais au contraire l'objet même de l'activité de la société. Tout se passe comme si l'on se trouvait en présence, non de déchets
de récupération, mais de véritables demi-produits sidérurgiques.

La Haute Autorité souligne que la requérante s'est comportée elle-même pendant le fonctionnement du mécanisme de péréquation comme si elle voyait dans le matériau litigieux un demi-produit. Elle a déposé jusqu'au milieu de 1957 deux séries de barèmes, respectivement «Barème des demi-produits en fer pur Armco pour relaminage», et «Barème des demi-produits en fer pur Armco pour la refonte», ce à quoi elle n'était pas tenue si ces derniers produits avaient effectivement le caractère de ferraille.
Sans doute explique-t-elle ce fait par la méconnaissance de la part de certains de ses services de dispositions communautaires encore mal assimilées. Sans doute fait-elle valoir que les déchets litigieux ont été vendus exclusivement suivant le deuxième barème, à un prix qui était inférieur de 5 % à celui du barème relaminage, mais la Haute Autorité n'a pas tort de considérer qu'un tel écart est particulièrement faible si l'on tient compte de ce que, normalement, les ferrailles neuves sont vendues
à un prix représentant 30 à 40 % du prix des produits sidérurgiques.

La défenderesse conteste aussi formellement la thèse de la société suivant laquelle le prix du matériau litigieux serait fonction directe de celui de la ferraille ordinaire, la différence correspondant grosso modo au coût du pré-affinage. Le graphique produit fait apparaître que le parallélisme allégué est assez vague; c'est ainsi par exemple que le prix de vente du matériau Armco a subi deux hausses brutales en octobre 1955 et mars 1956 et est resté stable entre ces deux dates, alors que le prix
de la ferraille ordinaire a monté de façon constante au cours de cette période. Puisque, par ailleurs, la requérante admet elle-même que, tant qu'il y a eu deux barèmes, l'écart entre le prix des produits litigieux et celui des billettes pour relaminage est resté constant, sa thèse perd toute vraisemblance, car on ne peut raisonnablement soutenir que le prix des billettes pour relaminage était fonction de celui de la ferraille pré-affinée ou de la ferraille ordinaire, ces billettes n'étant pas
utilisées en substitution de la ferraille. Il apparaît plutôt que le prix des billettes pour la refonte était commandé par le prix des billettes pour relaminage, mais se situait légèrement plus bas, le produit nécessitant moins de soins du fait de sa destination.

Si la Compagnie des forges de Châtillon invoque un parallélisme des prix entre fer pur Armco et ferraille ordinaire pour faire reconnaître à ce produit le caractère de ferraille, elle n'en soutient pas moins, on l'a vu, que la Nomenclature douanière de Bruxelles, comme plus généralement les textes qui définissent la classification des ferrailles et des demi-produits, ne tient compte que de données de caractère technique, ce qui conduirait à faire abstraction de toute considération de prix de
vente du produit en cause. Ici encore, le désaccord est total entre elle et la Haute Autorité. Cette dernière rappelle que la décision 28-53 du 13 mars 1953 relative à la fixation des prix maxima pour l'achat des ferrailles établissait pour toutes les catégories de ferraille les écarts de prix applicables par rapport à la catégorie de base. Comme aucun écart spécial n'y était prévu pour les chutes de fer Armco, celles-ci, si on les considérait comme ferraille, auraient dû, pendant toute la
période où ont été fixés des prix maxima, être vendues au prix de la ferraille ordinaire. La requérante n'a pas adopté une telle attitude, ce qui tendrait à prouver qu'elle ne considérait pas elle-même ses produits comme de la ferraille.

La Compagnie des forges de Châtillon répond à cela que, la réglementation des prix maxima concernant un domaine qui n'a aucun lien avec le régime de péréquation, on ne peut en tirer aucun argument dans le litige actuel. Une telle assertion est très discutable. Il apparut en effet, dès la création du marché commun du charbon et de l'acier, que l'ouverture subite des frontières ne manquerait pas de provoquer une hausse excessive des prix de la ferraille dans la plupart des marchés nationaux. C'est
cette considération qui conduisit à envisager, dès l'origine, tant la fixation de prix maxima pour les ferrailles au moment de l'ouverture du marché commun que l'institution d'un mécanisme de péréquation des ferrailles importées. Ces deux mesures tendaient aux mêmes fins et leur champ d'application était identique. Rien ne permet d'affirmer que la ferraille visée par la décision 28-53 est différente de celles auxquelles s'appliquent les décisions 22-54, 2-57 et 16-58. Bien au contraire, plusieurs
décisions relatives à la péréquation des ferrailles se réfèrent explicitement aux écarts de prix de l'annexe I de la décision 28-53. Si les chutes de fer Armco — comme la requérante l'a considéré avec raison à l'époque — n'étaient pas visées par la réglementation des prix maxima, c'est arbitrairement qu'on prétendrait leur appliquer aujourd'hui le régime de péréquation des ferrailles.

S'il faut maintenant opter entre ces deux thèses opposées, nous n'hésitons pas à choisir celle soutenue par la Haute Autorité, et cela pour des raisons de droit, d'économie, et nous dirions volontiers de bon sens.

Les déchets de fer pur Armco ne nous paraissent pas pouvoir être considérés comme de la ferraille. Ceux d'entre eux qui constituent des demi-produits (chutes de billettes) rentrent dans la catégorie des chutes de laminoirs, et celles-ci, d'après le questionnaire 2-50, ne doivent pas être comptées dans la ferraille dans la mesure où elles sont utilisées comme demi-produits. Quant aux déchets effectivement destinés à la refonte, s'ils ont en commun avec la ferraille le caractère de chute, ils s'en
distinguent sur d'autres points. Parfois par les dimensions différentes de celles retenues comme critères par la décision 28-53 (une des dernières productions de la Haute Autorité mentionne des billettes de 2200 mm), mais surtout, comme nous l'avons vu, par le prix, par les conditions de production et par la qualité.

La décision attaquée a montré d'autre part très clairement comment l'étroitesse du marché de ces déchets en France lui interdisait d'exercer une influence sur le marché des ferrailles ordinaires que les mécanismes de péréquation ont pour objet de régulariser, combien aussi il serait absurde de faire supporter aux acheteurs de ces déchets une contribution destinée à diminuer le prix des ferrailles importées qui sont déjà moins chères que les produits litigieux. L'assimilation des déchets de fer
pur Armco serait ainsi étrangère au but poursuivi par le mécanisme.

Si, comme nous vous le proposons, vous rejetez ce premier moyen tiré de la violation de l'article 53, b, du traité et des décisions générales régissant la péréquation, vous considérerez nécessairement que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée n'est ni fondée sur des motifs erronés, ni dépourvue de motifs.

Vous ne retiendrez pas non plus l'argument suivant lequel les acheteurs des déchets litigieux seraient indûment favorisés par rapport aux acheteurs de ferraille ordinaire, s'ils échappaient à la contribution de péréquation, ce qui constituerait une violation de l'article 4, b, du traité interdisant les discriminations. On peut penser avec la Haute Autorité que la discrimination naîtrait au contraire de la thèse de la Compagnie des forges de Châtillon; elle aurait en effet pour résultat, d'une
part, de faire supporter aux acheteurs de déchets le prix d'un demi-produit sidérurgique majoré de la contribution et, d'autre part, d'assurer à la fois à la requérante les avantages de ce prix et de la déduction des ventes litigieuses de son assiette de contribution.

2. Nous devons au contraire nous arrêter plus longuement sur l'autre moyen invoqué à l'appui des conclusions en annulation. La requérante soutient que la décision attaquée viole les règles applicables en matière de retrait d'actes administratifs et porte atteinte aux droits qu'elle tient des accords de la C.P.F.I. en date du 12 juin et du 12 août 1958. A la première de ces dates, la Caisse avait admis les déductions opérées, à l'exclusion de celles concernant les chutes de billettes, et sa décision
avait été portée à la connaissance de la Haute Autorité. Deux mois plus tard, elle avait donné un accord total. Ces deux actes conformes à la décision 2-57 ne pouvaient être retirés rétroactivement.

Si même il fallait admettre que ces accords étaient irréguliers, leur retrait rétroactif prononcé sept ans après serait entaché d'irrégularité comme intervenu au delà du délai raisonnable dans lequel les actes administratifs illégaux peuvent être retirés.

Sur cette dernière hypothèse — la seule que vous puissiez envisager si vous nous suivez —, la Haute Autorité se montre très laconique. Elle se borne à invoquer sa décision générale 13-58 par laquelle, au moment où elle reprenait en mains le mécanisme, elle se réservait le droit d'annuler les décisions antérieures en matière de péréquation, ainsi que ses lettres de 1961 et 1962 dont la première annonçait un nouvel examen de la question du fer pur Armco, et la seconde faisait connaître son
intention de l'incorporer dans l'assiette de la contribution.

Nous ne croyons pas que, dans l'état actuel de votre jurisprudence, le moyen ainsi invoqué puisse être retenu. Dans l'affaire 111-63, Lemmerz-Werke, du 13 juillet 1965 (Recueil, XI, p. 835) qui était relative au retrait d'une exonération de la contribution de péréquation, vous avez jugé que la Haute Autorité pouvait rapporter, même avec effet rétroactif, des décisions illégales, sous réserve de l'appréciation pouvant être faite en certains cas exceptionnels de la sécurité juridique. Le retrait
est possible si son auteur ne commet pas d'erreur substantielle dans l'appréciation de la situation de confiance de l'intéressé et fait preuve dans son comportement à l'égard de celui-ci d'une diligence et d'une précision suffisantes. Votre arrêt procède à un examen approfondi du comportement des deux parties depuis l'intervention, en 1957,. de la décision rapportée jusqu'à celle de la décision de retrait, en 1963, pour conclure que ce retrait était légal. Il relève notamment que Lemmerz-Werke
n'a pu être certain de la légalité de l'exonération litigieuse et n'a pu se fier que pendant un court délai au maintien de cette exonération en raison de la décision 13-58, et il ajoute que, compte tenu de l'ampleur de la tâche, les intéressés ne pouvaient s'attendre à ce qu'une décision définitive soit prise dans un bref délai.

La situation de la Compagnie des forges de Châtillon ressemble de très près à celle de Lemmerz-Werke. Une décision prise le 12 août 1958 par la C.P.F.I., alors en liquidation, était évidemment entachée de précarité, et si la décision de retrait n'est intervenue qu'en 1965, c'est en 1961 que la Haute Autorité avait annoncé un nouvel examen de la question du fer pur Armco. Nous ne pouvons dès lors que vous proposer d'écarter le moyen tiré de l'illégalité du retrait et donc de rejeter les
conclusions à fin d'annulation.

II — Le recours en indemnité

Pour le cas où vous maintiendriez la décision attaquée, la requérante estime que le fait par la C.P.F.I. de lui avoir accordé une autorisation illégale constitue une faute de service de nature à engager la responsabilité de la Haute Autorité. Si elle avait été clairement informée que les déchets litigieux n'étaient pas déductibles, elle les aurait vendus à un prix plus élevé; elle aurait pu obtenir de ses acheteurs un prix supérieur, car ceux-ci n'auraient supporté en réalité aucun sacrifice
supplémentaire. A l'aide de calculs basés sur le taux des contributions de péréquation dues pour une quantité analogue de ferraille imposable, elle évalue la différence entre les prix qu'elle aurait obtenus et ceux qui ont été effectivement pratiqués à 465.635,04 francs, chiffre qui constitue le dommage subi par elle.

Qu'il y ait eu une faute, nous voulons bien l'admettre, mais qu'il y ait un dommage, c'est ce qui n'est aucunement établi. Il ne pourrait en toute hypothèse porter que sur la période comprise entre la lettre du 12 août 1958 et la fin, trois mois plus tard, du mécanisme de péréquation. Surtout il n'est pas du tout prouvé que la requérante aurait pu faire supporter par ses acheteurs la charge de la péréquation. La construction à laquelle elle se livre en partant du taux extrêmement fluctuant des
contributions de péréquation, alors que ses prix, pendant presque toute la durée du mécanisme, étaient fixés par des barèmes beaucoup moins variables, est purement hypothétique.

Les conclusions à fin d'indemnité doivent donc être rejetées.

Nous concluons:

— au rejet du recours,

— et à ce que les dépens soient supportes par la requérante.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 54-65
Date de la décision : 18/05/1966
Type de recours : Recours en annulation - non fondé, Recours en responsabilité - non fondé

Analyses

Sidérurgie - acier au sens large

Dispositions financières CECA

Péréquation de ferrailles

Matières CECA


Parties
Demandeurs : Compagnie des forges de Châtillon, Commentry & Neuves-Maisons
Défendeurs : Haute Autorité de la CECA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gand
Rapporteur ?: Strauss

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1966:28

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