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02/12/1965 | CJUE | N°5-65

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 2 décembre 1965., André Saudray contre Commission de la CEE., 02/12/1965, 5-65


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND

DU 2 DÉCEMBRE 1965

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Le recours dont vous êtes saisis par M. André Saudray est dirigé contre le refus opposé le 29 octobre 1964 par le président de la Commission de la C.E.E. à sa réclamation du 3 août précédent qui tendait à son reclassement à compter du 1er janvier 1962 dans la carrière d'administrateur au grade A 6. Il présente de ce fait beaucoup d'analogies avec d'autres recours sur lesquels vous vous êtes prononcés ces derniers mois.

Le r

equérant, entré le 16 juin 1958 au service de la Commission, a été titularisé par décision du ...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JOSEPH GAND

DU 2 DÉCEMBRE 1965

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Le recours dont vous êtes saisis par M. André Saudray est dirigé contre le refus opposé le 29 octobre 1964 par le président de la Commission de la C.E.E. à sa réclamation du 3 août précédent qui tendait à son reclassement à compter du 1er janvier 1962 dans la carrière d'administrateur au grade A 6. Il présente de ce fait beaucoup d'analogies avec d'autres recours sur lesquels vous vous êtes prononcés ces derniers mois.

Le requérant, entré le 16 juin 1958 au service de la Commission, a été titularisé par décision du 12 décembre 1962 au grade B 1, échelon 5, qu'il détenait dans l'ancien système. Il exerce depuis 1959 les fonctions de chef de la section «Cas particuliers» de la division «Administration du personnel».

A la suite de l'avis de vacance no 872 portant sur un poste qui lui paraissait comporter les mêmes caractéristiques que celui qu'il occupait, mais dont il fut indiqué ensuite qu'il serait pourvu au moyen de concours de réserve no 165 A, M. Saudray se présenta à ce concours. N'ayant pas été admis à concourir par le jury, il a été un des auteurs du recours 18-64 qui vous a conduits, par arrêt du 14 juillet 1965, à annuler les opérations du concours. Il a été alors informé le 6 août que le jury, ayant
repris ses travaux, l'avait inscrit sur la liste d'aptitude.

Parallèlement à ces démarches pour accéder à la catégorie A, par la voie du concours, M. Saudray en poursuivait d'autres tendant aux mêmes fins, mais par la voie du reclassement. Il adressait le 3 août 1964 au président de la Commission un recours administratif fondé sur l'article 90 du statut et dans lequel, invoquant tant la description des emplois arrêtée le 27 juillet 1963 que votre jurisprudence (en particulier les arrêts Maudet, Erba et Reynier), il demandait à être reclassé dans le grade A 6
avec effet du 1er janvier 1962. C'est le refus opposé le 29 octobre à sa demande qui a motivé le recours 5-65.

Ce recours est-il recevable? La Commission le conteste en s'appuyant, elle aussi, sur votre jurisprudence. Elle expose que le refus explicite du 29 octobre 1964 est purement confirmatif de la décision du 12 décembre 1962 dont résulte le classement contesté. M. Saudray n'ayant pas à l'époque contesté cette décision, sa réclamation du 3 août 1964 — la première qui ait eu pour objet son classement dans les conditions prévues par l'article 102 du statut — ne pouvait prolonger le délai du recours
contentieux, faute d'avoir été introduite dans le délai prévu pour ce dernier. Elle ne l'aurait pu que si le requérant avait été en mesure d'invoquer un fait nouveau substantiel entraînant une modification dans les circonstances de fait et de droit relatives à sa situation (affaires 109-63 et 13-64, Charles Muller contre Commission de la C.E.E., Recueil, X, p. 1299). Ce fait nouveau ne pouvait se trouver dans les arrêts Maudet (affaires 20 et 21-63, Recueil, X, p. 219) ou Erba et Reynier (affaires
79 et 82-63, Recueil, X, p. 513) qu'il invoque, car la force de chose jugée qui s'attache à ces arrêts se limite aux seuls rapports de droit dont la Cour a eu à connaître, et seule la situation juridique des parties au litige pourrait s'en trouver affectée. Il pouvait être constitué en revanche par la publication, le 2 octobre 1963, de la décision de la Commission du 29 juillet précédent relative à la description des emplois-types; mais une réclamation contre la décision primitive de classement
n'était susceptible de faire renaître le délai de recours qu'à condition d'être introduite dans les trois mois de la publication de l'acte constituant le fait nouveau. La réclamation du 3 août 1964 est en toute hypothèse tardive et le recours dirigé contre le refus qui lui a été opposé n'est pas recevable.

Pour écarter la fin de non-recevoir ainsi soulevée, M. Saudray a fait valoir, lors de la procédure orale, divers arguments :

Le premier est tiré de la distinction faite par l'arrêt Maudet entre la titularisation de l'agent au grade antérieur et le reclassement auquel il peut éventuellement prétendre. Si nous l'avons bien compris, il en conclut que, ces deux mesures étant distinctes, alors que la première ne peut pas être attaquée au motif que, pour déterminer le grade de titularisation, il n'a pas été tenu compte des fonctions effectivement remplies, le reclassement pourrait au contraire être demandé à tout moment. Une
telle interprétation ne découle pas de l'arrêt invoqué, alors qu'en l'espèce la réclamation administrative formulée par M. Maudet contre son classement avait été présentée dans le délai du recours contentieux ouvert contre la décision qui l'avait intégré et classé au grade contesté. Contrairement à ce que soutient M. Saudray, il n'y a donc pas contradiction entre la solution de cet arrêt et celle de l'arrêt Charles Muller invoqué par la Commission.

Le requérant souligne en second lieu que, si la décision du 29 juillet 1963 pouvait avoir pour lui le caractère d'un fait nouveau, elle ne constituait aucunement un acte faisant grief, de sorte qu'il n'était pas recevable à en demander l'annulation — ce qui est évident — et que cet acte ne pouvait être le point de départ d'un nouveau délai de recours. Seule une nouvelle décision prise à son égard aurait pu faire commencer à courir le nouveau délai; or, il est indéniable que la décision refusant son
reclassement ne lui a été notifiée que le 29 octobre 1964, soit moins de trois mois avant l'introduction de son recours. Cette argumentation laisse de côté une jurisprudence pourtant bien assise au moment où elle est développée. Vous considérez en effet que la connaissance du fait nouveau, si elle permet un nouveau recours contre une décision en principe définitive, est en même temps le point de départ du délai de réclamation ou du recours contentieux contre cette décision (voir notamment affaire
45-64, Schoffer contre Commission de la C.E.E. 14 juillet 1965).

Enfin, M. Saudray évoque votre arrêt Marcillat (affaire 69-63, 9 juin 1964, Recueil, X, p. 477) : une procédure administrative préalable est hautement souhaitable en matière de litiges de fonctionnaires afin de permettre à l'administration de procéder à un examen interne des demandes avant que l'affaire ne vienne devant le juge, et c'est un devoir de loyauté de la part d'un fonctionnaire de tenter d'obtenir d'abord une solution amiable de son litige. Nous en sommes bien d'accord, mais, en l'espèce,
Mme Marcillat, ainsi que le rappelle l'arrêt, avait agi «avec diligence et discernement» en formant, dès le 22 février 1963, une réclamation administrative, alors que les délais de déchéance de l'article 91 avaient commencé à courir le 6 février précédent. On ne peut en dire autant de M. Saudray dont la thèse ne nous paraît pouvoir trouver aucun appui dans l'arrêt qu'il invoque. Car, il faut le souligner ici, sa réclamation du 3 août 1964 est la première et la seule qui tende à son reclassement
rétroactif au titre de l'intégration. Elle doit être distinguée des démarches qu'il a pu faire précédemment, des réclamations qu'il a pu présenter pour bénéficier du grade A 6 par voie de promotion ou de concours. Ni le fondement de ces demandes ni leur effet possible ne peuvent se confondre avec ceux de la réclamation du 3 août 1964, dont le rejet a motivé le présent recours.

En définitive, vous vous retrouvez devant une hypothèse que vous avez plusieurs fois rencontrée, celle du fonctionnaire qui n'a contesté son classement originaire, ni au moment où celui-ci a été fixé par la décision d'intégration, ni dans les trois mois après la publication de la décision de la Commission portant description des emplois types. La réclamation tardive ne peut ouvrir un nouveau délai (Schoffer déjà cité, — affaire 50-64, Loebisch, 14 juillet 1965). Nous ne pensons pas dans ces
conditions qu'il y ait lieu d'examiner le fond de l'affaire, et nous concluons :

— au rejet du recours 5-65 comme irrecevable,

— et à ce que les dépens soient supportés par chacune des parties dans les conditions fixées par l'article 70 du règlement de procédure.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5-65
Date de la décision : 02/12/1965
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : André Saudray
Défendeurs : Commission de la CEE.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gand
Rapporteur ?: Strauss

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1965:119

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