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13/03/1965 | CJUE | N°28-64

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gand présentées le 13 mars 1965., Richard Müller contre Conseil de la CEE et Conseil de la CEEA., 13/03/1965, 28-64


Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand

du 17 mars 1965

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

M. Richard Millier a été engagé le 31 août 1959 en qualité de fonctionnaire contractuel du secrétariat des Conseils des Communautés européennes à Bruxelles. Par décision du 17 janvier 1963, il a été titularisé à compter du 1er janvier 1962 dans le grade B 2. A la suite de réclamations de sa part, il a été promu au grade B 1 à compter du 1er octobre 1962 par décision du 28 mars 1963, et l'effet de cette promotion a été reporté en

suite au 1er janvier 1962 par une seconde décision du 21 juin 1963.

Se fondant sur la descri...

Conclusions de l'avocat général M. Joseph Gand

du 17 mars 1965

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

M. Richard Millier a été engagé le 31 août 1959 en qualité de fonctionnaire contractuel du secrétariat des Conseils des Communautés européennes à Bruxelles. Par décision du 17 janvier 1963, il a été titularisé à compter du 1er janvier 1962 dans le grade B 2. A la suite de réclamations de sa part, il a été promu au grade B 1 à compter du 1er octobre 1962 par décision du 28 mars 1963, et l'effet de cette promotion a été reporté ensuite au 1er janvier 1962 par une seconde décision du 21 juin 1963.

Se fondant sur la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi, arrêtée en ce qui concerne le secrétariat général des Conseils par décision du 7 octobre 1963 et portée à la connaissance des intéressés le 15 octobre suivant, il a adressé le 9 avril 1964 au secrétaire général une demande en vue d'être classé, à compter du 1er janvier 1962, dans un des grades de la carrière A 4 -A 5. Il faisait valoir que, depuis une date antérieure à l'entrée en vigueur du statut, il était
chargé du contrôle de l'engagement et de l'ordonnancement des dépenses dans les conditions définies au règlement financier relatif à l'exécution des parties séparées des budgets afférentes aux Conseils; qu'il n'était soumis à aucune instruction émanant de supérieurs hiérarchiques dans l'exercice de ses attributions; et que l'emploi occupé par lui correspondait, non à des fonctions d'application et d'encadrement, mais à des fonctions de direction, de conception et d'études, relevant de la catégorie
A, et plus précisément de la carrière A 4-A 5. Aucune réponse ne lui étant parvenue, il vous a saisis d'un recours enregistré le 2 juillet 1964 dirigé contre le refus implicite qui était opposé à sa demande. Cette dernière a d'ailleurs été explicitement rejetée par une décision du même jour du secrétaire général des Conseils.

Dans sa réplique, M. Müller a modifié ses conclusions primitives. Il a demandé à titre principal à être classé au grade A 3 à partir du 1er janvier 1962, et à titre subsidiaire, au grade A 4-A 5, ainsi que le comportait sa requête.

Trois questions doivent être examinées successivement :

— la personne du défendeur;

— la recevabilité du recours, et éventuellement de la modification des conclusions primitives;

— le bien-fondé des prétentions de M. Müller.

I

Le recours, qui fait suite à une réclamation adressée au secrétaire général des Conseils, autorité investie du pouvoir de nomination, a été dirigé contre cette même autorité. Le défendeur objecte qu'en décidant de titulariser le requérant, il a agi pour le compte des Conseils, et que seules peuvent être parties défenderesses devant la Cour les institutions et non les services dont se composent celles-ci ou les fonctionnaires qui dirigent ces services. M. Müller aurait donc dû diriger son recours
contre les Conseils de la C.E.E. et de la C.E.E.A.

Les parties invoquent respectivement à l'appui de leur thèse vos arrêts Reynier et Erba (affaires 79 et 82-63 du 9 juin 1964, Recueil, X, p. 513) et Huber (affaire 78-63 du 1er juillet 1964, Recueil, X, p. 723). D'après ce dernier arrêt, qui nuance la solution des précédents pour l'adapter au cas de l'espèce, lorsqu'une décision résiliant un contrat est prise par la réunion des présidents, laquelle exerce au sein de la Commission de la C.E.E. les pouvoirs dévolus à l'autorité investie du pouvoir de
nomination, le recours doit être dirigé contre la Commission. Quelle que soit la nature de cet organisme que constitue le secrétariat des Conseils — dont tout ce que l'on peut dire est qu'il n'a pas le caractère d'une institution commune au sens des traités — l'arrêt Huber nous paraît fournir la solution. Il convient, corrigeant sur ce point les énonciations de la requête, de la considérer comme dirigée contre les Conseils.

II

Si la partie défenderesse est bien d'accord pour admettre que cette erreur sur la qualité est sans influence sur la régularité du recours, elle soutient que celui-ci est cependant irrecevable. Les conclusions primitives sont tardives, de quelque point qu'on se place pour apprécier la situation de M. Müller. Les conclusions modificatives contenues dans la réplique sont contraires à l'article 38 du règlement de procédure.

Reprenons ces deux affirmations :

1) Le défendeur rappelle d'abord que la situation du requérant a été fixée en 1963 par plusieurs décisions: du 17 janvier, intégration dans le statut au grade B 2, puis, parce qu'il se plaignait de ne pas avoir été classé immédiatement au grade B 1, décisions du 28 mars et du 21 juin 1963 rectifiant en ce sens sa situation. Or, contre cette dernière décision qui lui dénie implicitement le droit au grade A 4 ou A 5, et qui lui fait donc nécessairement grief en matière de classement, M. Müller n'a ni
formé de recours, ni introduit de réclamation administrative. A quoi le requérant répond avec raison que tout cela se place à une époque où la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi n'était pas encore connue; la conformité de son classement par rapport à l'article 5 du statut et à l'annexe I se trouvait ainsi réservée, et l'on ne peut invoquer contre lui l'absence de réclamation contre des décisions qui faisaient droit à ses prétentions telles qu'il pouvait les faire
valoir à l'époque.

Mais — c'est le second terrain sur lequel se place le défendeur — admettons que M. Müller n'ait pu se rendre compte du grief qu'impliquait pour lui la décision du 21 juin 1963 qu'après la décision des Conseils portant description des fonctions et attributions au sens de l'article 5, paragraphe 4, cette dernière décision a été portée à la connaissance du personnel le 15 octobre 1963, et le requérant ne conteste pas cette date. La réclamation par lui adressée le 9 avril 1964 l'a été après
l'expiration du délai de recours et le refus implicite qui lui a été opposé n'a pu faire renaître ce délai de recours (affaire 34-59, Elz, 4 avril 1960, Recueil, VI, première partie, p. 217).

D'après l'arrêt Maudet (affaires 20 et 21-63 du 19 mars 1964, Recueil, X, p. 219), l'intégration comprend deux phases: d'abord la titularisation aux mêmes grade et échelon que l'intéressé avait implicitement obtenus avant l'entrée en vigueur du statut, sans qu'il soit nécessaire de tenir compte pour cette opération des divergences éventuelles entre ce grade et celui qui, selon l'annexe I et la description visée à l'article 5, devrait correspondre à l'emploi en considération des fonctions y
afférentes; puis la régularisation, le cas échéant, de sa position, conformément au principe de la correspondance entre fonctions et grade établie à l'annexe I, lorsqu'il est maintenu dans un emploi préexistant pour lequel le nouveau statut prévoit un grade supérieur.

Le plus souvent, l'intégration est prononcée avant que la description des fonctions ait été arrêtée, et même cette description n'intervient qu'après que se trouve expiré le délai de recours contre la décision d'intégration. Vous admettez que la publication du tableau décrivant les fonctions constitue un fait nouveau qui permet au fonctionnaire de solliciter de la Commission son reclassement en conformité des dispositions nouvelles ainsi intervenues (affaires 109-63 et 13-64, Charles Müller,
16 décembre 1964, et implicitement 10-64, Jullien, 24 février 1965).

Mais, dans ces deux affaires, l'intéressé avait présenté une réclamation administrative moins de trois mois après la publication du tableau; il a ici attendu six mois; sa réclamation, dit la défenderesse, serait tardive.

Contre cette fin de non recevoir, M. Müller fait valoir une double argumentation. Sans doute savait-il, à compter de la publication du tableau descriptif, que son classement n'était pas conforme au statut, mais cette publication ne pouvait faire courir le délai de recours, car il n'y avait encore aucun acte lui faisant grief au sens de l'article 91. On ne peut reconnaître ce caractère à la description des fonctions, et le caractère irrégulier de son classement découlait non pas d'une décision
prise par le secrétaire général mais tout au contraire de l'absence de décision procédant à son reclassement. Il appartenait à l'autorité investie du pouvoir de nomination d'examiner d'office quelle carrière devait lui être attribuée selon l'annexe I du statut et ce n'est qu'en raison de la carence de cette autorité qu'il a, le 9 avril 1964, introduit une réclamation.

Dire que la description des fonctions n'est pas un acte faisant grief est un peu jouer sur les mots. Si elle constitue un fait nouveau — comme vous l'avez jugé — elle permet à l'intéressé de demander la révision de la situation née de la décision antérieure, en principe inattaquable, mais elle constitue en même temps le point de départ du délai de recours sans qu'il y ait lieu en principe d'attendre que l'autorité administrative ait pris l'initiative de procéder elle-même à cette révision. Sans
vouloir confondre décision administrative et décision de justice, on rappellera à titre d'analogie la disposition qui enferme le recours en révision de vos arrêts dans un délai qui court du jour où le demandeur a eu connaissance du fait sur lequel il fonde sa demande en révision.

M. Müller soutient en second lieu qu'aucune disposition du statut n'enferme la faculté de réclamation dans un délai de trois mois. L'autorité investie du pouvoir de nomination, appelée à se prononcer sur une réclamation présentée au titre de l'article 90 du statut, ne pourrait en aucun cas la rejeter pour tardiveté. Tout au plus pourrait-elle refuser de reconnaître le droit réclamé pour une période qui serait atteinte par la prescription; mais, en l'espèce, aucun droit n'est prescrit.

La prescription n'a rien à voir dans l'affaire. Et si une réclamation peut en effet être introduite à n'importe quel moment, elle ne peut prolonger le délai du recours contentieux que si elle est, elle-même, introduite dans le délai prévu pour ce recours. C'est ce qui nous paraît résulter de l'arrêt Capitaine-Marcillat du 9 juin 1964 (affaire 69-63, Recueil, X, p. 477). Cette restriction est sage, car sans cela un fonctionnaire pourrait à tout moment faire revivre la recevabilité d'un recours en
adressant de nouvelles demandes à l'autorité investie du pouvoir de nomination. Le libéralisme dont vous avez fait preuve en admettant qu'un fait nouveau puisse conduire à revenir sur une décision inattaquable a pour contrepartie nécessaire que cette faculté soit enfermée dans un délai strict. Nous vous proposerions certainement de dire que la réclamation présentée le 9 mars 1964 par M. Richard Müller, alors que la description des emplois avait été publiée le 15 octobre précédent, était tardive
et n'a pu conserver le délai de recours, si le requérant ne pouvait se prévaloir d'un fait de l'administration pour appuyer la recevabilité de son recours.

Il s'est vu notifier, le 8 octobre 1964, une décision du secrétaire général des Conseils en date du 18 juillet 1964 le classant, ainsi que d'autres agents, dans l'emploi d'assistant principal, grade B 1, carrière B 1, avec date d'affectation au 1er janvier 1962. Cet acte est d'après lui la mesure qui met fin définitivement à la procédure d'intégration, qui fixe sa situation administrative et dont il aurait pu attendre la notification pour se pourvoir. Pour l'administration au contraire, cette
décision se borne à reproduire la situation antérieure, telle qu'elle résultait des décisions précédentes, et est donc purement confirmative.

Cela ne paraît pas tout à fait exact. En effet, une lettre non datée, communiquée au requérant le 26 juin 1963, établissait le calcul de ses nouveaux émoluments — lequel ne constitue pas en principe une décision fixant la carrière — au grade B 2, échelon 1, et annonçait dans une note une communication ultérieure concernant la «nouvelle carrière» qui lui serait reconnue «conformément à la correspondance entre les emplois-types et les carrières». M. Mûller était donc fondé à attendre pour se
pourvoir cette communication, laquelle fut constituée en l'espèce par la décision notifiée le 8 octobre 1964. Cette décision vise d'ailleurs la décision des Conseils du 7 octobre 1963 portant description des fonctions. Nous ne croyons pas dans ces conditions qu'on puisse opposer à M. Müller la tardiveté de son recours.

2) Dans sa réplique, le requérant a modifié ses conclusions primitives, demandant à titre principal à être classé en A 3, carrière réservée à celui qui «effectue des études spécialisées ou des contrôles sous l'autorité d'un directeur général ou d'un directeur». Ce n'est en effet qu'après l'introduction de sa requête qu'il a appris par une «note au personnel» qu'il relevait directement d'un directeur général qui était à la fois son supérieur hiérarchique et son notateur.

Le défendeur oppose à ces conclusions nouvelles les dispositions de l'article 38 du règlement de procédure qui exige que les conclusions soient contenues dans la requête, la faculté ouverte par l'article 42 du même règlement de présenter, sous certaines conditions, des moyens nouveaux en cours d'instance ne pouvant être étendue à des conclusions nouvelles. Pour notre part, nous serions assez porté à considérer qu'elles sont implicitement contenues dans la requête, qu'elles se bornent à développer
les conclusions précédentes; ce que l'intéressé demande en effet, dès l'origine, c'est son reclassement en fonction des dispositions réglementaires.

Nous vous proposerons donc de considérer comme recevables tant les conclusions de la requête que celles de la réplique.

III

Le bien-fondé des prétentions de M. Müller pose une question assez délicate. Le requérant a été. chargé par décision du secrétaire général du 1er novembre 1961 du contrôle de l'engagement et de l'ordonnancement des dépenses, puis confirmé dans cette fonction après l'entrée en vigueur au 1er janvier 1963 du règlement financier relatif à l'établissement et à l'exécution de la partie séparée des budgets concernant les Conseils des Communautés européennes, lequel se borne à renvoyer au règlement relatif
à l'établissement et à l'exécution des parties séparées des budgets afférentes aux institutions communes. Pour le secrétariat général des Conseils, il s'agit de fonctions qui doivent être classées en B1; le requérant estime au contraire qu'elles relèvent de la catégorie A, et plus précisément de la carrière A3 ou, à défaut, A4 - A5.

D'après le statut, le classement doit se faire sur la base de l'article 5 qui définit de façon assez grossière les catégories A et B, de l'annexe I qui établit la correspondance entre les emplois-types et les carrières, enfin de la décision de l'institution qui arrête la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi. En fait, l'application de ce système se heurte à deux difficultés. Si précise que soit la description, elle ne peut éviter certains chevauchements tels que les
mêmes fonctions ou des fonctions très voisines peuvent se retrouver pour des emplois classés à des niveaux différents. D'autre part, elle est faite en considération des cas les plus courants, d'où une certaine incertitude quand il s'agit de classer des fonctions plus particulières, voire exercées par un seul agent, ce qui est la situation du contrôleur financier du secrétariat général des Conseils.

La seule méthode est donc de mettre en regard, d'une part la description des fonctions arrêtée par la décision des Conseils, et d'autre part les fonctions et attributions du contrôleur financier telles qu'elles sont définies au règlement financier, sans se dissimuler que le rapprochement ne dégagera pas nécessairement une solution certaine.

On notera tout de suite que si, à la différence de la catégorie B qui correspond aux fonctions «d'application et d'encadrement», la catégorie A recouvre les fonctions «de direction, de conception et d'études», l'article 5 ne parle pas de fonctions de contrôle, dont il n'est pas exclu par conséquent qu'elles puissent, suivant les cas, relever de l'une ou l'autre catégorie. Le critère du statut est essentiellement celui du niveau des connaissances ou de l'expérience professionnelle nécessitées par
l'exercice des fonctions: niveau universitaire ou de l'enseignement secondaire, suivant qu'il s'agit de la catégorie A ou B.

La description des fonctions arrêtée par les Conseils comporte pour la carrière B 1 et l'emploi-type d'assistant principal les deux mentions suivantes : «responsable d'une unité administrative» et «chargé d'assurer la mise en œuvre ou le contrôle d'un ensemble d'opérations comportant, le cas échéant, l'interprétation de règlements et d'instructions générales».

Quant aux carrières de la catégorie A, elles impliquent, soit la direction d'unités administratives variables suivant leur importance et le rang du fonctionnaire qui a autorité sur le chef de ces unités, soit l'accomplissement de tâches d'études ou de conception. L'idée de contrôle y réapparaît sous des formes diverses :

— pour la carrière A 6-A 7 d'administrateur «accomplit des tâches de conception, d'étude ou de contrôle sur la base de directives générales».

— pour la carrière A 4-A 5 d'administrateur principal «effectue des études ou des contrôles sous l'autorité d'un directeur ou d'un chef de division».

— pour la carrière A 3 de chef de division «effectue des études spécialisées ou des contrôles sous l'autorité d'un directeur général ou d'un directeur».

On nous excusera du caractère aride de cette énumération dont le seul intérêt est de montrer la subtilité, sinon l'arbitraire, des distinctions qu'elle établit; la difficulté d'en dégager une solution qui ne prête pas à critique apparaîtra mieux encore à l'examen des attributions confiées au requérant par le règlement financier.

L'article 25 de ce texte prévoit que le secrétaire général des Conseils nomme un agent chargé du contrôle de l'engagement et de l'ordonnancement des dépenses. Afin d'assurer l'indépendance de ce fonctionnaire, toutes les mesures relatives à sa nomination, à son avancement et plus généralement à sa carrière font l'objet de décisions motivées qui sont communiquées pour information aux Conseils.

Conformément aux règles généralement suivies dans les États membres, son contrôle s'exerce par le visa préalable des engagements de dépenses et des titres de paiement émis par les ordonnateurs.

Dans le premier cas, son visa a pour objet de constater l'exactitude de l'imputation budgétaire, la disponibilité des crédits, la régularité et la conformité de la dépense au regard des dispositions applicables, et notamment des budgets et des règlements, ainsi que de tous actes pris en exécution des traités et des règlements. S'il refuse son visa, le dernier mot appartient à l'autorité supérieure de l'institution-qui peut, par décision motivée, passer outre, sauf lorsqu'est en cause la
disponibilité des crédits.

Les mêmes règles sont applicables, mutatis mutandis, à l'ordonnancement des dépenses.

Écartons tout de suite certains arguments invoqués par M. Müller pour établir que les fonctions ci-dessus définies relèvent de la catégorie A. L'indépendance dont il jouit et qui fait qu'il n'a d'instruction à recevoir d'aucun supérieur dans l'exercice de ses fonctions nous paraît, en elle-même, sans conséquence sur son classement. De même le fait que son contrôle s'exerce sur les actes d'ordonnateurs appartenant eux-mêmes à la catégorie A.

D'autre part, si le requérant se donne beaucoup de mal pour faire cadrer ses fonctions avec la définition d'une de celles prévues pour les emplois-types, son analyse n'est jamais absolument convaincante en raison même du caractère très particulier de sa tâche; c'est ainsi qu'il est conduit tour à tour à souligner qu'il n'est soumis à aucun supérieur dans l'exercice de son activité, puisqu'il est placé sous l'autorité directe d'un directeur général. Sans doute faut-il prendre le problème d'un peu
plus haut.

Le défendeur, relevant le silence de l'article 5, souligne que les fonctions de contrôle peuvent, suivant les cas, relever de la catégorie A ou B, et que la description arrêtée par les Conseils ne permet pas de ranger a priori les postes correspondant à des activités de cette nature dans une catégorie déterminée. On peut cependant se demander — sans entrer dans la discussion soulevée par le requérant sur la correspondance en langue allemande des termes employés dans la version française de la
description — si le terme de contrôle a le même sens suivant qu'il est employé dans cettè description à propos de la catégorie A ou B. Pour la carrière B 1, la formule «chargé d'assurer la mise en œuvre ou le contrôle d'un ensemble d'opérations comportant, le cas échéant, l'interprétation de règlements et d'instructions générales» peut être rapprochée de celle employée pour la carrière B 4-B 5 : «chargé d'effectuer, sous contrôle, des travaux de bureau courants». Le rapprochement pourrait donner à
penser qu'il s'agit plutôt d'une surveillance matérielle de la bonne exécution des tâches que d'un véritable contrôle de caractère juridique. Nous pensons cependant en définitive qu'il est impossible de donner un sens très différent au même terme dans deux parties du tableau; il faut donc admettre qu'il y a entre les cas où ce terme est employé à propos de la catégorie A ou B une différence de degré plus que de nature. C'est la plus ou moins grande difficulté des opérations, ou leur importance, ou
les aptitudes exigées qui justifieront que l'on classe un emploi de contrôle dans l'une ou l'autre catégorie.

Le défendeur a raison à ce sujet de rappeler que ce qui différencie les catégories, sinon les carrières et les grades, c'est essentiellement le niveau, universitaire ou secondaire, des connaissances exigées, et de dire qu'il faut examiner de ce point de vue les caractéristiques particulières de l'emploi de contrôleur financier. Il relève que les fonctions de celui-ci comportent la plupart du temps un contrôle purement formel (pour l'exactitude de l'imputation budgétaire et la disponibilité des
crédits par exemple) qui relève d'une pure technique financière. Cet agent a sans doute à vérifier la régularité et la conformité de la dépense au regard des dispositions qui lui sont applicables, mais la constatation de la régularité ne nécessite pas en principe des connaissances de niveau universitaire; quant à la conformité de la dépense avec les règles qui la régissent, la vérification s'exercerait dans un domaine clairement délimité tant du point de vue des opérations visées que des règles à
appliquer. Cela ne nécessiterait pas la faculté générale de jugement que comporte une formation universitaire. En outre, le contrôleur financier, à la différence de la commission de contrôle, n'a à apprécier ni la bonne gestion financière, ni l'opportunité de la dépense.

Ce dernier point, en dépit de ce que soutient le requérant, nous paraît certain. Si l'article 2 du règlement financier pose le principe que les crédits budgétaires ne peuvent être utilisés que conformément à des principes d'économie et de bonne gestion financière, il s'agit là d'un vœu, et le contrôleur financier est hors d'état d'en assurer le respect; il ne peut par exemple refuser définitivement de viser l'engagement d'une dépense qu'il considère comme inutile, inopportune, si les crédits sont
disponibles.

En revanche, le requérant n'a pas tout à fait tort lorsqu'il donne une vue moins restreinte que le secrétariat général des Conseils de l'étendue et de la variété des règles qu'a à appliquer le contrôleur financier, notamment dans le cadre des décisions qui intéressent le personnel; c'est toute l'application du statut qui entre en jeu, et s'il est excessif de dire avec lui que le domaine du contrôle financier n'a de commun avec les finances que le nom, il reste que c'est un contrôle de droit qui
s'exerce en matière financière

Quelles conséquences en tirer? Nous sommes dans un de ces cas, malheureusement nombreux en matière de classement, où aucune solution ne s'impose vraiment, où deux décisions différentes de l'administration peuvent être également justifiées; il nous paraît impossible de dire que les fonctions de contrôleur financier au secrétariat général des Conseils exigent nécessairement un niveau universitaire, mais il en serait autrement, dans une institution plus étoffée où il y aurait un véritable service du
contrôle financier, pour un ou plusieurs de ceux qui seraient à la tête de ce service. La marge d'incertitude qui existe toujours dans ce domaine ne permet pas de dire qu'en classant le requérant dans la catégorie B à la seule carrière qui est prévue pour une fonction de contrôle, l'administration ait méconnu le statut. Si vous en jugez ainsi, vous n'aurez pas nécessairement à répondre à l'argumentation par laquelle le requérant prétend établir qu'il doit être classé en A 3 et subsidiairement en A
4-A 5.

Si vous estimiez au contraire que l'emploi de contrôle est par nature de la catégorie A, il serait fort délicat de dire à quel niveau de cette catégorie il faut situer l'emploi de M. Müller. Celui-ci vous demande le grade A 3 parce qu'il est placé directement sous l'autorité d'un directeur général qui est à la fois son notateur et son supérieur hiérarchique; mais cela ne nous paraît pas pouvoir être déterminant, alors que le propre du contrôleur financier est de ne pas être soumis à des instructions
dans l'exercice des attributions confiées par le règlement; le rattachement est donc pour ordre, et le classement ne peut être opéré uniquement sur un critère de cette nature. Quant aux carrières A 4-A 5 et A6-A7, elles diffèrent en ce que, dans le premier cas, il s'agit d'effectuer des contrôles sous l'autorité d'un directeur et, dans le second, d'accomplir des tâches de contrôle sur la base de directives générales, sans qu'il soit fait mention de l'autorité d'un supérieur. C'est cette dernière
carrière qui nous paraîtrait correspondre le mieux aux fonctions du requérant, les «tâches de contrôle» nous paraissant évoquer le caractère permanent, général et sédentaire de son intervention, par opposition aux «contrôles» qui s'apparentent plus aux missions d'inspection à propos de cas déterminés; mais il s'agit là de pures impressions, car, encore une fois, il est pratiquement impossible de trouver une rubrique qui cadre avec la situation du requérant.

Quoi qu'il en soit, il ne nous paraît pas qu'en le rangeant au grade B 1 le secrétariat des Conseils ait méconnu le statut.

Nous concluons :

— au rejet du recours de M. Richard Müller,

— et a ce que les dépens soient supportés par chacune des parties, conformément à l'article 70 du règlement de procédure.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28-64
Date de la décision : 13/03/1965
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Richard Müller
Défendeurs : Conseil de la CEE et Conseil de la CEEA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gand
Rapporteur ?: Monaco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1965:22

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